Page 1 sur 1

Re: Lettres de septembre 1915

Publié : dim. juin 28, 2015 4:36 pm
par lounet
Voici comment mon père raconte à ma mère, le 23 septembre 1915, la préparation d'artillerie qui précédait l'offensive de Champagne. Il est optimiste:

<<....Ma première veille dans le boyau de l'observatoire s'est très bien passée et je suis revenu ensuite me coucher dans notre abri.
J'ai assisté hier à des tirs comme téléphoniste à l'observatoire et c'est plein d'intérêt parce qu'on assiste à l'élaboration des ordres, on est auprès du cerveau et du coeur de l'attaque, on comprend le sens de la lutte. On suit la joute avec passion et tout le monde se réjouit lorsqu'un beau coup est réussi. L'autre jour une batterie voisine de nous en a démoli une boche, et cela arrive de temps en temps. Tu verras du nouveau un de ces jours, et peut-être pourrons-nous bientôt envisager le retour.
Nous sommes complètement équipés avec tout le matériel de masques respirateurs, qui nous a été donné comme à tout le monde. Je ne sais vraiment pas à quoi cela nous servirait à nous à la distance que nous sommes des boches...Enfin c'est sans doute une bonne précaution.
Il fait toujours un temps magnifique, c'est une cure idéale à la campagne et on finit par ne plus faire attention aux coups de canon...Il est vrai que nous entendons surtout les canons français ! Si tu étais là, (et que ce ne soit pas la guerre !) que de bonnes journées nous passerions ensemble...Mais il ne faut pas penser à cela ! Attendons, mon amour, avec patience, avec confiance, le prochain retour des bons jours.

Notre alimentation subit des à-coups, c'est inévitable...jusqu'à un certain point car enfin les troupes sont stables en ce moment !...
Quoi qu'il en soit, je serai content de recevoir tes colis de victuailles. ...>>

De son côté, ma mère est moins optimiste. Elle écrit depuis Angers le 26 septembre:
,
<<...Rien de toi encore ce matin ! Quel triste Dimanche ! Voilà la pluie, le vent, l'hiver dans toute son horreur. Et l'hiver sans nouvelles. Et la fin de la guerre, quand ? Le communiqué de ce matin était évidemment bon: Une offensive sur tout le front. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est ce qu'elle a coûté d'hommes ! Et je sais combien les attaques sont meurtrières ! Heureusement tu n'es pas dans l'infanterie. Je me le répète chaque jour pour me rassurer. Cependant, que de soirs cette semaine je me suis couchée en pleurant ! Où es-tu ? Qu'est-ce que tu fais ? Quand reviendras-tu ? Si seulement je savais que tu es content, et pas trop exposé, mais je ne sais plus rien ! Je suis même lasse de t'écrire, en me disant que, peut'être, les lettres ne t'arrivent pas, et que je perds mon temps.
...Jean [ son beau-frère capitaine] est reparti pour son dépôt d'où il rejoint le front mardi. Naturellement, pas plus de nouvelles de Papa [général] ni d'Albert [son frère sous-lieutenant] que de toi. C'est ce qui me rassure: Evidemment, arrêt voulu de toute la correspondance du front.
... La vie est triste ! Je ne puis croire que des jours heureux reviendront ! Si seulement j'avais tes lettres...
Recevras-tu celle-ci ? ...>>

Re: Lettres de septembre 1915

Publié : mar. juin 30, 2015 10:08 pm
par CD9362
Bonsoir
Quelle contraste ! Lui se passionnant pour ce qu'il découvre, pour le fonctionnement du poste d'observatoire, "le sens de la lutte" . visiblement il est à ce moment là un peu à l'abri du danger, pas trop exposé ...
et elle ... inquiète, sans nouvelles ... un peu désabusée, mais dans le même temps on sent du caractère, de la personnalité !

J'ai aimé lire cet échange épistolaire ....100 ans après.
Cordialement
ADline

Re: Lettres de septembre 1915

Publié : mer. juil. 01, 2015 9:43 am
par lounet
Bonjour
Je pense que mon père passait volontairement sous silence le danger auquel il était exposé, car les canons allemands ne restaient pas sans réagir ?
Avez-vous remarqué la petite phrase: << Tu verras du nouveau un de ces jours >>
Elle voulait dire: Une grand offensive se prépare...qui mettra peut-être fin à la guerre...
Je détiens beaucoup d'autres lettres de l'époque ainsi que de 1939-45