Re: Memoire de COTTAVE Alfred François, Cdt la 7ème batterie du 1er RAM
Publié : mar. janv. 29, 2013 10:09 pm
Un extrait de ses mémoires que je suis en train de saisir.
"J’ai quitté Grenoble avec ma batterie, la 7ème du 1er RAM. le 9 juillet pur faire comme chaque année les manœuvres alpines en coopération avec le 28ème BCA et une escouade du Génie, ce qui constitue le Groupe d’Alpin.
Nous étions installés à Névache après des tirs dans le Queyras quand je pris une permission de 4 jours pour Grenoble, le 26 juillet. Les bruits de guerre faisaient l’objet de toutes les conversations, au point que j’écourtais ma permission et rentrais à Névache le 29. La guerre est imminente, mais les italiens affirment qu’ils ne se joindront pas à l’Allemagne : nous voilà donc tranquille de ce côté, alors que nous avions déjà renforcé tous les postes frontières.
Le 1er aout, à 17h00, nous recevons le télégramme annonçant la mobilisation générale et mon lieutenant --- ----DANA, reçoit l’ordre d’aller chercher les réservistes de la batterie à Grenoble. Il part le jour même.
3 aout : les munitions de la batterie sur le pied de guerre sont touchées à Briançon.
4 aout : Je touche 23 mulets de réquisitions et à 21h00 DANA arrive de Grenoble avec les réservistes du 2ème échelon qui doivent me permettre de constituer la batterie sur le pied de guerre.
5 aout : Le Lieutenant de réserve ISAAC arrive de Lyon. Je constitue la batterie.
Le lendemain et le surlendemain j’achève cette formation et le 8 je peux faire une manœuvre de la batterie sur le pied de guerre.
- 4 officiers
- 193 hommes de troupes
- 110 animaux
9 aout : Arrivée du Lieutenant-colonel BRISSAUD, qui prend le commandement du 28ème BCA en remplacement du Lieutenant-colonel HOCHSTETTER retenu à Grenoble pour une sciatique.
10 aout : Départ pour le front du 28ème BCA. La batterie lui rend les honneurs au moment de son entrée à Briançon, d’où il embarque en chemin de fer.
16 aout : La batterie embarque en chemin de fer à Briançon par une pluie diluvienne et part à 12h44 pour le front. Destination inconnue.
Le train s’arrête à Grenoble de 3h30 à 4h00 : je vois ma femme et ses deux sœurs. J’embarque Marise avec la batterie. Adieux émouvants.
17 aout : Je laisse Marise à Ambèrieux à 10h30, de là elle rejoindra Lyon. Nous arrivons à Besançon à 18h00. Je trouve des cartes et l’ordre de continuer sur Belfort. En gare nous voyons pour la 1ère fois des blessés français et allemands, ainsi que des prisonniers. Nous repartons vers 19h00 et arrivons à Belfort vers minuit trente, débarquons et couchons dans un quartier vide de troupe.
18 aout : Lever à 5h30. Je reçois l’ordre de partir par la route pour Sennhein (Cernay), petite ville d’Alsace redevenue française. Nous partons à 11h00 sous un soleil de feu, mais avec quel enthousiasme. Au moment ou nous passons l’ancienne frontière, je rassemble tous mon personnel autour de moi et, après une petite allocution de circonstance, je leur fais jurer sur leurs canons de les défendre jusqu’à la mort. Un seul cri me répond : minute inoubliable.
Mais l’étape est dure : 35 kilomètres sous un soleil implacable ; cependant aucun trainard. Nus arrivons à Cernay à 20h00. Accueil délirant de toute la population venue au devant de la batterie. Je suis tenu de faire abattre un mulet vaincu par l’étape et la chaleur. On l’enterre sur une place. Malgré la chaleur de la réception, je me couche à 23h00 car je viens de recevoir l’ordre de partir demain à 4h40 pour Colmar.
19 aout : Nous partons de Cernay à 4h30, dans la direction de Colmar. Impossible de décrire l’enthousiasme des populations alsaciennes à la traversée des villages. A Berghotz, nous formons le parc nous prenons un repas bien gagné car il fait une chaleur étouffante, de 10h00 à 12h30. Photographie de femmes alsaciennes venues voir notre parc. Nous cantonnons à Werthalt ou nous arrivons à 15h00. A peine arrivés, nous sommes alertés et exécutons un tir sur une ferme de Pfaffenheim d’où l’on a tiré 99 coups de fusil sur une reconnaissance du 28ème. Au bout de 99 coups la maison flambe et la patrouille revient avec son lieutenant blessé et trois disparus.
20 aout : Alerte à 3h00 pour appuyé le détachement du 28ème qui va à Pfaffenheim rechercher les trois disparus ; on les retrouve : 2 morts et 1 blessé. Pas de tir, la batterie repart à 6h30, avec le 28ème Bataillon en direction de Sulzmatt*, Osenbach et Sulzbach*. La marche a lieu à travers les magnifiques sapins des Vosges. Nous passons un petit col, il fait une journée magnifique et le Boche nous laisse la paix. Grand’ halte dans une vaste prairie au milieu des sapins : c’est un merveilleux spectacle. Nous arrivons à Soultzbach à 16h30 et je couche chez la receveuse des Postes Impériales.
21 aout : lever à 2h00 et départ à 3h15.la route monte durement toujours à travers les beaux sapins, encore un col, au sommet duquel nous faisons la grand’ halte. Au moment de repartir, BRISSAUD fait sonner au dessus de la vallée les refrains des 30 bataillons de chasseurs. Nous rencontrons durant l’étape un assez grand nombre de cadavres bavarois et 99 français : triste impression.
Arrivée à Kaysersberg à 15h30 : vieux petit village très alsaciens qui nous fait un accueil particulièrement enthousiaste. Toute cette marche en pays ennemi a eu lieu sans le oindre combat, sans même la moindre inquiétude : cela ne peut pas durer. Nous dinons fort bien à l’Hôtel du Lion d’Or, ou je couche.
22 aout : Départ à 3h45 pour aller prendre position sur la croupe entre Kaysersberg et Ammerschweiler. Nous y arrivons après une bonne grimpette à 5 heures. Jusqu’à 17h30, pendant 12 heures, du haut de ce belvédère, nous assistons à un violent combat au nord de Colmar qui brûle en plusieurs endroits, incendié par les allemands. L’artillerie allemande fait rage depuis le matin, la notre répond. Tout cela se passe sous nos yeux, mais trop loin pour nous puissions y prendre part, à 5 ou 6 kilomètres. Cette longue attente est d’autant plus pénible qu’il pleut de temps à autre et qu’il fait presque froid. Nous quittons la position à 19 heures et allons cantonner à Ammerschweiler ou nous nous couchons après un vague repas, vers 22 heures.
23 aout : Temps magnifique, mais quel dimanche ! Départ à 3h30 pour aller prendre position près de la 6ème batterie, mais je reçois un contrordre et me rends sur une croupe au Sud de Katzenthal ; puis nouveau contrordre et je vais avec la batterie sur une autre croupe au sud de Niedermorschweiler. Nous restons là, en position d’attente, jusqu’au soir en admirant Colmar, qui est tout entière à nos pieds. Nous voyons une batterie allemande de 150 qui bombarde Logerbach. J’emploie les loisirs de mes hommes à enterrer 8 chasseurs du 30ème bataillon écrabouillés la veille par cette batterie. Ils sont déjà à moitié décomposés à cause de la chaleur : c’est une bien triste besogne et un horrible spectacle. Nous rentrons cantonner à Ammerschweiler vers 22h00.
24 aout : Départ à 4 heures. Nous reprenons la position de l’avant-veille et, avec une section, je surveille la Fecht et le col de Siglsheim, au nord de Kiengsheim. Nous sommes reliés au commandement par l’optique et attendons des ordres en faisant du nettoyage : tout en à tellement besoin ! Nous attendons toute une interminable journée, puis redescendons le soir à Ammerschweiler.
25 aout : Levés à 2 h nous partons à 3 heures pour être en position toujours même endroit, avant le jour et nous recommençons à attendre. Il parait que nous sommes très en avant des troupes françaises et qu’il faut attendre qu’elles soient à notre hauteur. A midi, au moment ou nous allions manger quelques choses, nous recevons l’ordre de partir. Quelques kilomètres, toujours dans les bois de sapin, et, la nuit, nous prenons position sur une hauteur au sud-est de la Poutroye, battant la route du col du Bonhomme, que les allemands ont repris à nos troupes. La nuit arrive, nous couchons sous les sapins au milieu d’un orage – charmante soirée !
26 aout : A 4 heures nous sommes prêts à tirer, mais rien ne se présente. A 8 heures je vais à Orbey prendre les ordres du colonel : j’y arrive au moment ou les ordres partent et suis retenu à déjeuner avec le patron. L’après-midi : nombreuses reconnaissances avec le colonel qui dort sur son cheval : il manque tellement de sommeil depuis 99 jours et le temps est lourd et orageux. Vers 18h, je rejoins la batterie, mange et me couche, toujours au coin de mon bois. Pendant mon absence DANA a tiré avec sa section sur une tranchée boche.
27 aout : La pluie, qui a commencé hier soir, n’a pas cessé de toute la nuit. Au matin il y a une petite accalmie puis, au moment où je pars pour Orbey, c’est un vrai déluge qui m’accompagne. La batterie vient me rejoindre vers midi et, le soir, une section s’installe au nord-est d’Orbey pour battre les tranchées boches qui gênent les chasseurs. A peine arrivés à cette position, je reçois l’ordre d’envoyer une pièce au col du Bonhomme. Mon autre lieutenant, Martin, part à 18h30 avec 2 compagnies du 28ème. Diner et coucher à Orbey.
28 aout : Nous nous levons à 3h30 pour aller prendre position à l’Est d’Orbey. Nous prenons successivement 4 positions de batterie : la dernière est au-dessus de l’église d’Orbey, nous y mangeons la soupe. A 16h30, nous filons sur Tanach et grimpons sur une crête qui nous amène à 19h au village de la chapelle, à l’ouest de la Baroche.
Reconnaissance d’une position, puis formation du parc. Après avoir vaguement diné, nous nous roulons dans nos manteaux et essayons de dormir. Le commandant nous a envoyé ici pour secourir le 126ème qui s’est fait battre dans la journée d’hier.
29 aout : Levés à 3h15, mes officiers et moi reconnaissons deux positions et, au petit jour, établissons les pièces sur l’une d’elle. A ce moment MARTIN rejoint avec sa pièce, il n’a pas tiré. Nous attendons de nouveau interminablement. Je déjeune avec le colonel, puis nous continuons à attendre les événements sur la place même du village. Une vive fusillade se fait entendre non loin de nous, dans un bois au nord, mais ce n’est rien de sérieux. Une pièce part de nouveau avec MARTIN pour l’Est d’Orbey. Le 28ème a fait 15 prisonniers et a tué pas mal de boches ; lui n’a eu que 2 morts et 99 blessés. Le soir vers 20h on entend une terrible canonnade. Je déplace mon parc, trop en vue et nous nous couchons dans un champ de Luzerne : heureusement que la nuit est belle."
Ses mémoires sont doubles : Un ensemble de petits agendas dans lesquels il ecrivait quotidiennement, et par la suite en 1933, il les a mis "au propre ". D'autre part, passionné de photos il a laissé environ 200 photos, toutes annotées sur la période 1913-1919.
"J’ai quitté Grenoble avec ma batterie, la 7ème du 1er RAM. le 9 juillet pur faire comme chaque année les manœuvres alpines en coopération avec le 28ème BCA et une escouade du Génie, ce qui constitue le Groupe d’Alpin.
Nous étions installés à Névache après des tirs dans le Queyras quand je pris une permission de 4 jours pour Grenoble, le 26 juillet. Les bruits de guerre faisaient l’objet de toutes les conversations, au point que j’écourtais ma permission et rentrais à Névache le 29. La guerre est imminente, mais les italiens affirment qu’ils ne se joindront pas à l’Allemagne : nous voilà donc tranquille de ce côté, alors que nous avions déjà renforcé tous les postes frontières.
Le 1er aout, à 17h00, nous recevons le télégramme annonçant la mobilisation générale et mon lieutenant --- ----DANA, reçoit l’ordre d’aller chercher les réservistes de la batterie à Grenoble. Il part le jour même.
3 aout : les munitions de la batterie sur le pied de guerre sont touchées à Briançon.
4 aout : Je touche 23 mulets de réquisitions et à 21h00 DANA arrive de Grenoble avec les réservistes du 2ème échelon qui doivent me permettre de constituer la batterie sur le pied de guerre.
5 aout : Le Lieutenant de réserve ISAAC arrive de Lyon. Je constitue la batterie.
Le lendemain et le surlendemain j’achève cette formation et le 8 je peux faire une manœuvre de la batterie sur le pied de guerre.
- 4 officiers
- 193 hommes de troupes
- 110 animaux
9 aout : Arrivée du Lieutenant-colonel BRISSAUD, qui prend le commandement du 28ème BCA en remplacement du Lieutenant-colonel HOCHSTETTER retenu à Grenoble pour une sciatique.
10 aout : Départ pour le front du 28ème BCA. La batterie lui rend les honneurs au moment de son entrée à Briançon, d’où il embarque en chemin de fer.
16 aout : La batterie embarque en chemin de fer à Briançon par une pluie diluvienne et part à 12h44 pour le front. Destination inconnue.
Le train s’arrête à Grenoble de 3h30 à 4h00 : je vois ma femme et ses deux sœurs. J’embarque Marise avec la batterie. Adieux émouvants.
17 aout : Je laisse Marise à Ambèrieux à 10h30, de là elle rejoindra Lyon. Nous arrivons à Besançon à 18h00. Je trouve des cartes et l’ordre de continuer sur Belfort. En gare nous voyons pour la 1ère fois des blessés français et allemands, ainsi que des prisonniers. Nous repartons vers 19h00 et arrivons à Belfort vers minuit trente, débarquons et couchons dans un quartier vide de troupe.
18 aout : Lever à 5h30. Je reçois l’ordre de partir par la route pour Sennhein (Cernay), petite ville d’Alsace redevenue française. Nous partons à 11h00 sous un soleil de feu, mais avec quel enthousiasme. Au moment ou nous passons l’ancienne frontière, je rassemble tous mon personnel autour de moi et, après une petite allocution de circonstance, je leur fais jurer sur leurs canons de les défendre jusqu’à la mort. Un seul cri me répond : minute inoubliable.
Mais l’étape est dure : 35 kilomètres sous un soleil implacable ; cependant aucun trainard. Nus arrivons à Cernay à 20h00. Accueil délirant de toute la population venue au devant de la batterie. Je suis tenu de faire abattre un mulet vaincu par l’étape et la chaleur. On l’enterre sur une place. Malgré la chaleur de la réception, je me couche à 23h00 car je viens de recevoir l’ordre de partir demain à 4h40 pour Colmar.
19 aout : Nous partons de Cernay à 4h30, dans la direction de Colmar. Impossible de décrire l’enthousiasme des populations alsaciennes à la traversée des villages. A Berghotz, nous formons le parc nous prenons un repas bien gagné car il fait une chaleur étouffante, de 10h00 à 12h30. Photographie de femmes alsaciennes venues voir notre parc. Nous cantonnons à Werthalt ou nous arrivons à 15h00. A peine arrivés, nous sommes alertés et exécutons un tir sur une ferme de Pfaffenheim d’où l’on a tiré 99 coups de fusil sur une reconnaissance du 28ème. Au bout de 99 coups la maison flambe et la patrouille revient avec son lieutenant blessé et trois disparus.
20 aout : Alerte à 3h00 pour appuyé le détachement du 28ème qui va à Pfaffenheim rechercher les trois disparus ; on les retrouve : 2 morts et 1 blessé. Pas de tir, la batterie repart à 6h30, avec le 28ème Bataillon en direction de Sulzmatt*, Osenbach et Sulzbach*. La marche a lieu à travers les magnifiques sapins des Vosges. Nous passons un petit col, il fait une journée magnifique et le Boche nous laisse la paix. Grand’ halte dans une vaste prairie au milieu des sapins : c’est un merveilleux spectacle. Nous arrivons à Soultzbach à 16h30 et je couche chez la receveuse des Postes Impériales.
21 aout : lever à 2h00 et départ à 3h15.la route monte durement toujours à travers les beaux sapins, encore un col, au sommet duquel nous faisons la grand’ halte. Au moment de repartir, BRISSAUD fait sonner au dessus de la vallée les refrains des 30 bataillons de chasseurs. Nous rencontrons durant l’étape un assez grand nombre de cadavres bavarois et 99 français : triste impression.
Arrivée à Kaysersberg à 15h30 : vieux petit village très alsaciens qui nous fait un accueil particulièrement enthousiaste. Toute cette marche en pays ennemi a eu lieu sans le oindre combat, sans même la moindre inquiétude : cela ne peut pas durer. Nous dinons fort bien à l’Hôtel du Lion d’Or, ou je couche.
22 aout : Départ à 3h45 pour aller prendre position sur la croupe entre Kaysersberg et Ammerschweiler. Nous y arrivons après une bonne grimpette à 5 heures. Jusqu’à 17h30, pendant 12 heures, du haut de ce belvédère, nous assistons à un violent combat au nord de Colmar qui brûle en plusieurs endroits, incendié par les allemands. L’artillerie allemande fait rage depuis le matin, la notre répond. Tout cela se passe sous nos yeux, mais trop loin pour nous puissions y prendre part, à 5 ou 6 kilomètres. Cette longue attente est d’autant plus pénible qu’il pleut de temps à autre et qu’il fait presque froid. Nous quittons la position à 19 heures et allons cantonner à Ammerschweiler ou nous nous couchons après un vague repas, vers 22 heures.
23 aout : Temps magnifique, mais quel dimanche ! Départ à 3h30 pour aller prendre position près de la 6ème batterie, mais je reçois un contrordre et me rends sur une croupe au Sud de Katzenthal ; puis nouveau contrordre et je vais avec la batterie sur une autre croupe au sud de Niedermorschweiler. Nous restons là, en position d’attente, jusqu’au soir en admirant Colmar, qui est tout entière à nos pieds. Nous voyons une batterie allemande de 150 qui bombarde Logerbach. J’emploie les loisirs de mes hommes à enterrer 8 chasseurs du 30ème bataillon écrabouillés la veille par cette batterie. Ils sont déjà à moitié décomposés à cause de la chaleur : c’est une bien triste besogne et un horrible spectacle. Nous rentrons cantonner à Ammerschweiler vers 22h00.
24 aout : Départ à 4 heures. Nous reprenons la position de l’avant-veille et, avec une section, je surveille la Fecht et le col de Siglsheim, au nord de Kiengsheim. Nous sommes reliés au commandement par l’optique et attendons des ordres en faisant du nettoyage : tout en à tellement besoin ! Nous attendons toute une interminable journée, puis redescendons le soir à Ammerschweiler.
25 aout : Levés à 2 h nous partons à 3 heures pour être en position toujours même endroit, avant le jour et nous recommençons à attendre. Il parait que nous sommes très en avant des troupes françaises et qu’il faut attendre qu’elles soient à notre hauteur. A midi, au moment ou nous allions manger quelques choses, nous recevons l’ordre de partir. Quelques kilomètres, toujours dans les bois de sapin, et, la nuit, nous prenons position sur une hauteur au sud-est de la Poutroye, battant la route du col du Bonhomme, que les allemands ont repris à nos troupes. La nuit arrive, nous couchons sous les sapins au milieu d’un orage – charmante soirée !
26 aout : A 4 heures nous sommes prêts à tirer, mais rien ne se présente. A 8 heures je vais à Orbey prendre les ordres du colonel : j’y arrive au moment ou les ordres partent et suis retenu à déjeuner avec le patron. L’après-midi : nombreuses reconnaissances avec le colonel qui dort sur son cheval : il manque tellement de sommeil depuis 99 jours et le temps est lourd et orageux. Vers 18h, je rejoins la batterie, mange et me couche, toujours au coin de mon bois. Pendant mon absence DANA a tiré avec sa section sur une tranchée boche.
27 aout : La pluie, qui a commencé hier soir, n’a pas cessé de toute la nuit. Au matin il y a une petite accalmie puis, au moment où je pars pour Orbey, c’est un vrai déluge qui m’accompagne. La batterie vient me rejoindre vers midi et, le soir, une section s’installe au nord-est d’Orbey pour battre les tranchées boches qui gênent les chasseurs. A peine arrivés à cette position, je reçois l’ordre d’envoyer une pièce au col du Bonhomme. Mon autre lieutenant, Martin, part à 18h30 avec 2 compagnies du 28ème. Diner et coucher à Orbey.
28 aout : Nous nous levons à 3h30 pour aller prendre position à l’Est d’Orbey. Nous prenons successivement 4 positions de batterie : la dernière est au-dessus de l’église d’Orbey, nous y mangeons la soupe. A 16h30, nous filons sur Tanach et grimpons sur une crête qui nous amène à 19h au village de la chapelle, à l’ouest de la Baroche.
Reconnaissance d’une position, puis formation du parc. Après avoir vaguement diné, nous nous roulons dans nos manteaux et essayons de dormir. Le commandant nous a envoyé ici pour secourir le 126ème qui s’est fait battre dans la journée d’hier.
29 aout : Levés à 3h15, mes officiers et moi reconnaissons deux positions et, au petit jour, établissons les pièces sur l’une d’elle. A ce moment MARTIN rejoint avec sa pièce, il n’a pas tiré. Nous attendons de nouveau interminablement. Je déjeune avec le colonel, puis nous continuons à attendre les événements sur la place même du village. Une vive fusillade se fait entendre non loin de nous, dans un bois au nord, mais ce n’est rien de sérieux. Une pièce part de nouveau avec MARTIN pour l’Est d’Orbey. Le 28ème a fait 15 prisonniers et a tué pas mal de boches ; lui n’a eu que 2 morts et 99 blessés. Le soir vers 20h on entend une terrible canonnade. Je déplace mon parc, trop en vue et nous nous couchons dans un champ de Luzerne : heureusement que la nuit est belle."
Ses mémoires sont doubles : Un ensemble de petits agendas dans lesquels il ecrivait quotidiennement, et par la suite en 1933, il les a mis "au propre ". D'autre part, passionné de photos il a laissé environ 200 photos, toutes annotées sur la période 1913-1919.