Re: Témoignage 131e Ri Bataille des Frontières à SIGNEULX, du 22 août 1914
Publié : mar. sept. 04, 2012 2:13 pm
Bonjour à Tous,
Mes recherches m'ont conduit à lire un article de la revue ‘Lecture Pour Tous’, 15 février, 1916
'Carnet d'un Prisonnier en Allemagne' par Hubert de Larmandie
Sur cet article, il n'est pas évoqué le Régiment, n'y le lieu exacte, juste quelques infos en passant, mais étant sur le sujet 113e Ri et 131e Ri, j'ai fait un rapprochement et je situe ce lieu comme étant la Bataille des Frontières à Signeux du 22 août 1914, la maison de la Douane, le ruisseau, la ligne de chemin de fer...
J'ai donc fait une recherche sur l'auteur et comme il était Sous-Lieutenant j'ai regardé le journal de marches et Opérations du 131e Ri, l'Etat Major du 113e je l'avais déjà analysé lors de ma précédente recherche.
Effectivement Hubert de Larmandie était bien du 131e Ri, donc son témoignage est pour moi d'une grande valeur, car ceux-ci sont rares sur Signeulx le 22 août 1914.
Je vous livre donc la partie du texte analysé ainsi que le lien internet pour le 'Carnet d'un Prisonnier en Allemagne' par Hubert de Larmandie.
Lien : http://www.greatwardifferent.com/Great_ ... ier_01.htm
Extrait du texte sur Signeulx :
J'ai passé la nuit du 22 août 1914 à la belle étoile. Des étoiles, à la vérité, il y en avait fort peu. Ma section était en petit poste à l'est du village de Ville-Houdlemond (près Longwy) dont nous couvrions le flanc droit. Le 21 août, à 17 heures, l'avant-garde de la division avait rencontré les Allemands. Le 1er bataillon de mon régiment avait donné: c'était la première affaire. Pour gagner l'emplacement que nous occupions, vers dix-huit heures, nous avions croisé une charrette de blessés: il s'y trouvait précisément un de mes camarades atteint de trois balles. C'étaient les premiers blessés que nous voyions: nous les regardions avec une sorte de curiosité émue. « Eh bien, comment ça va, mon vieux? dis-je à mon camarade. — Pas trop mal, me répondit-il d'une voix faible: j'ai une balle dans la poitrine, une dans la jambe gauche, une autre dans le bras droit.... »
Je n'oublierai jamais les impressions de cette nuit-là. L'engagement avait cessé avec le jour, et l'obscurité était tombée, nous apportant de loin les notes vibrantes de la charge, mêlées aux cris de nos camarades qui s'étaient hardiment lancés à la baïonnette contre les retranchements allemands. Ajoutez à cela le bruit ininterrompu de la canonnade.... A notre droite, nous apercevions un arc de cercle lumineux, comme un immense brasier sans cesse avivé par les obus incendiaires de l'artillerie ennemie: déjà Longwy flambait sous nos yeux....
Nous étions sur une crête, dominant toute la vallée au bas de laquelle nos camarades se trouvaient à quelques centaines de mètres des Allemands.
La frontière était entre nous et les Allemands.
Parfois on entendait une voix se détachant dans le silence de la vallée, qui criait « Halte-là... halte-là...» Puis un ou deux coups de fusil, dix, vingt, trente, et le silence se rétablissait.... Soudain, dix minutes après, une autre voix, celle-là plus rapprochée, criait encore: « Halte-là... halte-là, ou je fais feu... puis pan... pan... pan.... »
Et l'immense brasier flambait toujours.
Vers 3 heures du matin, un homme de la compagnie vint nous chercher mous devions rejoindre le bataillon qui partait lui-même pour prendre son emplacement de combat.
Il est 4 heures: le jour se lève à peine; il fait un brouillard à couper au couteau: on n'y voit goutte. Nous occupons une tranchée faite hier par le génie. Nous sommes en réserve; les troupes de première ligne occupent la vallée et les pentes du versant qui est en face de nous.
Vers 5 heures, un crépitement se fait entendre, comme si on abattait des arbres à 300 mètres en face de nous, à 600 mètres peut-être. Le brouillard est intense et nous cache même les objectifs que les ordres nous indiquent. Vers 6 heures et demie, un sifflement bien caractéristique nous signale les premières balles égarées qui passent au-dessus de nos têtes. « Cette fois, je crois que la guerre est déclarée, » dit un loustic.
Vers 9 heures seulement, le brouillard se dissipe. A 300 mètres de nous, la petite rivière; plus haut, un talus de chemin de fer: plus haut encore, une route bordée d'arbres, et enfin la crête que je repère à la jumelle: 700 mètres. J'aperçois les éléments du 1er bataillon déployés en tirailleurs qui occupent la crête.
En face de nous, à 800 mètres, des petits points gris à peine visibles se déplacent dans les avoines.
Un coup d'oeil à la jumelle: ce sont les Allemands. Le capitaine donne l'ordre d'ouvrir le feu: « Feu à volonté, à 700 mètres; point de repère: la maison de douane, un travers de main à gauche, dans les avoines.... Commencez le feu. »
Le crépitement de la fusillade se fait entendre et là-bas, de temps à autre, un petit point noir disparaît.
Une demi-heure se passe, puis le capitaine me crie: « Protégez la retraite des camarades. » Diable! cela ne veut pas dire de s'en aller tout de suite.
Depuis un moment, les événements se précipitent: les Allemands occupent la crête. Sur notre droite, sur une crête située à 1 800 mètres, j'aperçois des masses d'Allemands qui avancent. Ce sont.les renforts qui leur arrivent. Il semble en surgir de partout. Les objectifs ne manquent pas, on fait de la bonne besogne: une colonne par quatre s'est présentée à nous, de flanc, sur la route. Nous l'avons laissée se dérouler, puis nous l'avons fauchée: elle a vivement disparu.
Voici bientôt une heure que nous sommes seuls, il va falloir songer à nous retirer nous- aussi.
Je fais battre en retraite ma section par petits paquets. Je reste seul enfin avec le.-six derniers hommes. « Mon lieutenant, plus de munitions. » Ça, c'est radical, il faut partir. Je donne les indications sur l'itinéraire à suivre, et nous bondissons hors de la tranchée.
Du Champ de Bataille à l'Ambulance
Les balles pleuvent de tous côtés, nous sommes pris sous le feu de trois mitrailleuses.
Au premier bond, trois hommes par terre. Au deuxième, une balle dans mon sac: elle a l'heureuse inspiration d'y rester. J'arrive près d'un petit champ vert: le traverserai-je en rampant ou en courant? Il faut être prudent; je commence à ramper. J'ai à peine fait deux mètres, je sens une vive commotion dans le dos, des fourmillements dans les jambes; dix secondes, vingt secondes, la douleur cesse, mais je veux remuer les jambes: impossible, je suis paralysé.
Un de mes hommes tente de me saisir: il reçoit une balle dans le bras. Je leur donne l'ordre de filer et je les vois s'éloigner.
Sapristi! les Allemands sont-ils loin? Je tourne la tête, je ne vois rien. On nous tire dessus de tous côtés, impossible de rien distinguer.
Mais un de mes hommes, voyant ses camarades s'en aller, revient vers moi: il ne veut pas laisser son lieutenant aux mains des Allemands. Il se couche derrière une haie, à l'abri de laquelle il me tend son fusil comme une gaffe à un noyé. Je saisis cette planche de salut, et en trois temps il me hisse jusqu'à lui. Il se couche à côté de moi, je grimpe sur son dos et nous voilà partis vers le village qui est à 300 mètres, lui rampant et moi équilibrant tant bien que mal mon pauvre corps tout insensibilisé. A un moment, nous nous arrêtons, je n'en peux plus, et puis ça tombe trop fort.-sûrement, si nous continuons, nous allons trinquer. Nous faisons le mort; pendant ce temps, comme il ne faut pas perdre le nord, je tends à mon sauveur mon bidon de vin et je vide une petite gourde d'eau-de-vie.
« Courage, mon lieutenant, me dit ce brave garçon.
— Eh! lui dis-je, comme on donnerait cher pour être derrière cette petite grille! »
Elle était à cinq mètres.
Enfin nous repartons et nous réussissons à gagner le village. Mon homme me pose dans une grange vide et va chercher les brancardiers.
Votre avis sur ma conclusion sera le bienvenu.
Robert
Mes recherches m'ont conduit à lire un article de la revue ‘Lecture Pour Tous’, 15 février, 1916
'Carnet d'un Prisonnier en Allemagne' par Hubert de Larmandie
Sur cet article, il n'est pas évoqué le Régiment, n'y le lieu exacte, juste quelques infos en passant, mais étant sur le sujet 113e Ri et 131e Ri, j'ai fait un rapprochement et je situe ce lieu comme étant la Bataille des Frontières à Signeux du 22 août 1914, la maison de la Douane, le ruisseau, la ligne de chemin de fer...
J'ai donc fait une recherche sur l'auteur et comme il était Sous-Lieutenant j'ai regardé le journal de marches et Opérations du 131e Ri, l'Etat Major du 113e je l'avais déjà analysé lors de ma précédente recherche.
Effectivement Hubert de Larmandie était bien du 131e Ri, donc son témoignage est pour moi d'une grande valeur, car ceux-ci sont rares sur Signeulx le 22 août 1914.
Je vous livre donc la partie du texte analysé ainsi que le lien internet pour le 'Carnet d'un Prisonnier en Allemagne' par Hubert de Larmandie.
Lien : http://www.greatwardifferent.com/Great_ ... ier_01.htm
Extrait du texte sur Signeulx :
J'ai passé la nuit du 22 août 1914 à la belle étoile. Des étoiles, à la vérité, il y en avait fort peu. Ma section était en petit poste à l'est du village de Ville-Houdlemond (près Longwy) dont nous couvrions le flanc droit. Le 21 août, à 17 heures, l'avant-garde de la division avait rencontré les Allemands. Le 1er bataillon de mon régiment avait donné: c'était la première affaire. Pour gagner l'emplacement que nous occupions, vers dix-huit heures, nous avions croisé une charrette de blessés: il s'y trouvait précisément un de mes camarades atteint de trois balles. C'étaient les premiers blessés que nous voyions: nous les regardions avec une sorte de curiosité émue. « Eh bien, comment ça va, mon vieux? dis-je à mon camarade. — Pas trop mal, me répondit-il d'une voix faible: j'ai une balle dans la poitrine, une dans la jambe gauche, une autre dans le bras droit.... »
Je n'oublierai jamais les impressions de cette nuit-là. L'engagement avait cessé avec le jour, et l'obscurité était tombée, nous apportant de loin les notes vibrantes de la charge, mêlées aux cris de nos camarades qui s'étaient hardiment lancés à la baïonnette contre les retranchements allemands. Ajoutez à cela le bruit ininterrompu de la canonnade.... A notre droite, nous apercevions un arc de cercle lumineux, comme un immense brasier sans cesse avivé par les obus incendiaires de l'artillerie ennemie: déjà Longwy flambait sous nos yeux....
Nous étions sur une crête, dominant toute la vallée au bas de laquelle nos camarades se trouvaient à quelques centaines de mètres des Allemands.
La frontière était entre nous et les Allemands.
Parfois on entendait une voix se détachant dans le silence de la vallée, qui criait « Halte-là... halte-là...» Puis un ou deux coups de fusil, dix, vingt, trente, et le silence se rétablissait.... Soudain, dix minutes après, une autre voix, celle-là plus rapprochée, criait encore: « Halte-là... halte-là, ou je fais feu... puis pan... pan... pan.... »
Et l'immense brasier flambait toujours.
Vers 3 heures du matin, un homme de la compagnie vint nous chercher mous devions rejoindre le bataillon qui partait lui-même pour prendre son emplacement de combat.
Il est 4 heures: le jour se lève à peine; il fait un brouillard à couper au couteau: on n'y voit goutte. Nous occupons une tranchée faite hier par le génie. Nous sommes en réserve; les troupes de première ligne occupent la vallée et les pentes du versant qui est en face de nous.
Vers 5 heures, un crépitement se fait entendre, comme si on abattait des arbres à 300 mètres en face de nous, à 600 mètres peut-être. Le brouillard est intense et nous cache même les objectifs que les ordres nous indiquent. Vers 6 heures et demie, un sifflement bien caractéristique nous signale les premières balles égarées qui passent au-dessus de nos têtes. « Cette fois, je crois que la guerre est déclarée, » dit un loustic.
Vers 9 heures seulement, le brouillard se dissipe. A 300 mètres de nous, la petite rivière; plus haut, un talus de chemin de fer: plus haut encore, une route bordée d'arbres, et enfin la crête que je repère à la jumelle: 700 mètres. J'aperçois les éléments du 1er bataillon déployés en tirailleurs qui occupent la crête.
En face de nous, à 800 mètres, des petits points gris à peine visibles se déplacent dans les avoines.
Un coup d'oeil à la jumelle: ce sont les Allemands. Le capitaine donne l'ordre d'ouvrir le feu: « Feu à volonté, à 700 mètres; point de repère: la maison de douane, un travers de main à gauche, dans les avoines.... Commencez le feu. »
Le crépitement de la fusillade se fait entendre et là-bas, de temps à autre, un petit point noir disparaît.
Une demi-heure se passe, puis le capitaine me crie: « Protégez la retraite des camarades. » Diable! cela ne veut pas dire de s'en aller tout de suite.
Depuis un moment, les événements se précipitent: les Allemands occupent la crête. Sur notre droite, sur une crête située à 1 800 mètres, j'aperçois des masses d'Allemands qui avancent. Ce sont.les renforts qui leur arrivent. Il semble en surgir de partout. Les objectifs ne manquent pas, on fait de la bonne besogne: une colonne par quatre s'est présentée à nous, de flanc, sur la route. Nous l'avons laissée se dérouler, puis nous l'avons fauchée: elle a vivement disparu.
Voici bientôt une heure que nous sommes seuls, il va falloir songer à nous retirer nous- aussi.
Je fais battre en retraite ma section par petits paquets. Je reste seul enfin avec le.-six derniers hommes. « Mon lieutenant, plus de munitions. » Ça, c'est radical, il faut partir. Je donne les indications sur l'itinéraire à suivre, et nous bondissons hors de la tranchée.
Du Champ de Bataille à l'Ambulance
Les balles pleuvent de tous côtés, nous sommes pris sous le feu de trois mitrailleuses.
Au premier bond, trois hommes par terre. Au deuxième, une balle dans mon sac: elle a l'heureuse inspiration d'y rester. J'arrive près d'un petit champ vert: le traverserai-je en rampant ou en courant? Il faut être prudent; je commence à ramper. J'ai à peine fait deux mètres, je sens une vive commotion dans le dos, des fourmillements dans les jambes; dix secondes, vingt secondes, la douleur cesse, mais je veux remuer les jambes: impossible, je suis paralysé.
Un de mes hommes tente de me saisir: il reçoit une balle dans le bras. Je leur donne l'ordre de filer et je les vois s'éloigner.
Sapristi! les Allemands sont-ils loin? Je tourne la tête, je ne vois rien. On nous tire dessus de tous côtés, impossible de rien distinguer.
Mais un de mes hommes, voyant ses camarades s'en aller, revient vers moi: il ne veut pas laisser son lieutenant aux mains des Allemands. Il se couche derrière une haie, à l'abri de laquelle il me tend son fusil comme une gaffe à un noyé. Je saisis cette planche de salut, et en trois temps il me hisse jusqu'à lui. Il se couche à côté de moi, je grimpe sur son dos et nous voilà partis vers le village qui est à 300 mètres, lui rampant et moi équilibrant tant bien que mal mon pauvre corps tout insensibilisé. A un moment, nous nous arrêtons, je n'en peux plus, et puis ça tombe trop fort.-sûrement, si nous continuons, nous allons trinquer. Nous faisons le mort; pendant ce temps, comme il ne faut pas perdre le nord, je tends à mon sauveur mon bidon de vin et je vide une petite gourde d'eau-de-vie.
« Courage, mon lieutenant, me dit ce brave garçon.
— Eh! lui dis-je, comme on donnerait cher pour être derrière cette petite grille! »
Elle était à cinq mètres.
Enfin nous repartons et nous réussissons à gagner le village. Mon homme me pose dans une grange vide et va chercher les brancardiers.
Votre avis sur ma conclusion sera le bienvenu.
Robert