Re: Bois le Prêtre
Publié : ven. avr. 29, 2011 2:51 am
Bonjour à tous,
Etrange témoignage en deux pages. Il est de saison.
Il est extrait de l'Almanach du combattant de 1954 et il est signé "Abel Moreau"
Pour résumer, sa jeune femme découvre dans le salon un bouquet de muguet fâné qu'elle veut jeter. Sommée de ne pas le jeter , elle s'étonne de se précieux souvenir non sans marquer une certaine pointe de jalousie. Abel Moreau avoue que c'est un souvenir d'amour, le plus beau témoignage qu'il n'a jamais reçu. Mais ce n'est pas une femme qui lui a donné.
Je laisse la parole à l'auteur :
Ces brins de muguets viennent du Bois-Le-Prêtre où je commandais en 1915 une demi-batterie de crapouillots. J'avais sous mes ordres un petit Breton de dix-neuf ans, de vingt ans peut-être, blond et rosé comme une fille, délicat et dévoué, courageux avec cela... Il s'appelait Le Goaziou ... Un soir de printemps je me promenais dans la tranchée, causant avec l'un, avec l'autre, regardantsi tout était en ordre, si les torpilles étaient bien à l'abri et si les petits canon de 58 étaient prêts à tirer... Tout à coup, une vive fusillade éclate, nos mitrailleuses se mettent à tirer... Puis les 75 du barrage. Je me dresse sur le parapet pour voir ! Je craignais que ce fût un coup de main, et je vois mon petit Le Goaziou qui courait devant nos lignes avec ce bouquet à la main.
-Arrêtez ! Arrétez ! m'écriais-je. Vous allez le tuer. Ici, Le Goaziou ! Par ici !
Le Goaziou me vit lui faire signe et tomba dans la tranchée à bout de souffle en disant : "Ah ! mon lieutenant, j'y suis... Une balle dans le dos... ça fait mal !... ça me fait mal !...
- Mais que diable allais tu faire par là, bougre d'animal ? En plein jour! Tu es fou !
Alors me tendant son pauvre bouquet de muguet, il murmura :
- C'était pour vous, mon lieutenant je voulais vous faire une surprise. Vous aimez les fleurs. Tenez, prenez-les et ne me grondez pas... Le Goaziou n'ira plus jamais au muguet.
La fusillade s'était tue. Tous nous entourions le malheureux enfant qui paraissait beaucoup souffrir. Je pris les fleurs et l'embrassai, je lui dis :
- C'est gentil Le Goaziou, mais il ne fallait pas, voyons c'est bête.
- Oh ! non , murmura-t-il dans un souffle, ce n'est pas bête, puisque ça vous a fait plaisir... Vous les garderez, hein ? mon lieutenant, en souvenir de moi ?
"En souvenir, Lucille (Sa femme), ! Le Goaziou est mort le lendemain à l'ambulance. J'ai vu mourir beaucoup de soldats... Mais celui-là, quand nous sommes montés au petit cimetière de Montauville pour l'enterrer, sans cercueil dans sa capote bleue, je pleurais comme je n'ai peut-être jamais pleuré de ma vie.
Voilà ! C'est mon plus beau souvenir d'amour. Depuis ces fleurs sont dans ce vase où ma mère à qui je les avais envoyées, les avait mises précieusement.
J'ai fait quelques recherches par recoupement sur le sujet mais elles sont demeurées vaines. Vérité, roman ? Qu'en aurait pensé Norton Cru. Enfin, cela reste une belle image. Je penserai à Le Goaziou en ramassant du muguet.
Cordialement
Patrick
Etrange témoignage en deux pages. Il est de saison.
Il est extrait de l'Almanach du combattant de 1954 et il est signé "Abel Moreau"
Pour résumer, sa jeune femme découvre dans le salon un bouquet de muguet fâné qu'elle veut jeter. Sommée de ne pas le jeter , elle s'étonne de se précieux souvenir non sans marquer une certaine pointe de jalousie. Abel Moreau avoue que c'est un souvenir d'amour, le plus beau témoignage qu'il n'a jamais reçu. Mais ce n'est pas une femme qui lui a donné.
Je laisse la parole à l'auteur :
Ces brins de muguets viennent du Bois-Le-Prêtre où je commandais en 1915 une demi-batterie de crapouillots. J'avais sous mes ordres un petit Breton de dix-neuf ans, de vingt ans peut-être, blond et rosé comme une fille, délicat et dévoué, courageux avec cela... Il s'appelait Le Goaziou ... Un soir de printemps je me promenais dans la tranchée, causant avec l'un, avec l'autre, regardantsi tout était en ordre, si les torpilles étaient bien à l'abri et si les petits canon de 58 étaient prêts à tirer... Tout à coup, une vive fusillade éclate, nos mitrailleuses se mettent à tirer... Puis les 75 du barrage. Je me dresse sur le parapet pour voir ! Je craignais que ce fût un coup de main, et je vois mon petit Le Goaziou qui courait devant nos lignes avec ce bouquet à la main.
-Arrêtez ! Arrétez ! m'écriais-je. Vous allez le tuer. Ici, Le Goaziou ! Par ici !
Le Goaziou me vit lui faire signe et tomba dans la tranchée à bout de souffle en disant : "Ah ! mon lieutenant, j'y suis... Une balle dans le dos... ça fait mal !... ça me fait mal !...
- Mais que diable allais tu faire par là, bougre d'animal ? En plein jour! Tu es fou !
Alors me tendant son pauvre bouquet de muguet, il murmura :
- C'était pour vous, mon lieutenant je voulais vous faire une surprise. Vous aimez les fleurs. Tenez, prenez-les et ne me grondez pas... Le Goaziou n'ira plus jamais au muguet.
La fusillade s'était tue. Tous nous entourions le malheureux enfant qui paraissait beaucoup souffrir. Je pris les fleurs et l'embrassai, je lui dis :
- C'est gentil Le Goaziou, mais il ne fallait pas, voyons c'est bête.
- Oh ! non , murmura-t-il dans un souffle, ce n'est pas bête, puisque ça vous a fait plaisir... Vous les garderez, hein ? mon lieutenant, en souvenir de moi ?
"En souvenir, Lucille (Sa femme), ! Le Goaziou est mort le lendemain à l'ambulance. J'ai vu mourir beaucoup de soldats... Mais celui-là, quand nous sommes montés au petit cimetière de Montauville pour l'enterrer, sans cercueil dans sa capote bleue, je pleurais comme je n'ai peut-être jamais pleuré de ma vie.
Voilà ! C'est mon plus beau souvenir d'amour. Depuis ces fleurs sont dans ce vase où ma mère à qui je les avais envoyées, les avait mises précieusement.
J'ai fait quelques recherches par recoupement sur le sujet mais elles sont demeurées vaines. Vérité, roman ? Qu'en aurait pensé Norton Cru. Enfin, cela reste une belle image. Je penserai à Le Goaziou en ramassant du muguet.
Cordialement
Patrick