Re: Sapeur mineur à la Cie 14/15 du 4e Génie
Publié : mer. mai 26, 2010 10:50 pm
Bonsoir,
Une fois n'est pas coutume, voici un témoignage de la dureté de la vie pour les sapeurs-mineurs et tout particulièrement pour cette compagnie 14/15 du 4e Génie.
Ce sapeur est originaire de Saint-Gingolph que ne s'est-il installé dans son chalet du Frenay en Suisse.
Il signale justement que le pays est vide car les Suisses qui y demeuraient sont eux aussi mobilisées...
Voici donc cette lettre, authentique bien que mise autant que faire se peut aux normes orthographiques actuelles, mais les tournures sont d'origine :
Lettre datée du 28 mars 1915
Chers parents
Je viens faire réponse à votre lettre du 23 que j’ai reçue le 27 à Lacroix-sur-Meuse, que nous sommes maintenant depuis le 24, que nous sommes partis de Villers que l’on était depuis le 17 décembre. Nous en sommes maintenant à une vingtaine de kilomètres pour ainsi dire comme au repos. Mais l’on travaille tous les jours. Mais bien mieux que l’on était avant aux Eparges. On travaille que de jour.
Ruffin, le beau-fils à la Girarde est avec nous. Maintenant je travaille avec lui tous les jours, on fait des abris que nous sommes aux équipes d’une dizaine. On part le matin à six heures et l’on revient manger la soupe à onze heures au village qui est à moitié détruit et occupé que par la troupe. Tous les paysans sont évacués de ce village qui est encore assez conséquent. C’est nous qui occupons leurs cuisines qui restent encore avec tous leurs ustensiles. Ce n’est pas beau de voir quel saccage pour ces pauvres qu’il a fallu tout laisser pour se sauver devant l’ennemi.
Je ne peux vous dire ce que l’on restera ici à Lacroix-sur-Meuse, on voudrait bien y rester le restant de la campagne. C’est un coin encore assez calme pour le moment. Nous sommes à dix kilomètres de Saint-Mihiel que les boches occupent.
Ce n’est pas malheureux d’avoir quitté ce triste coin des Eparges qui est terrible tous les jours.
Nous sommes à quatre kilomètres des lignes, on fait du travail pour ainsi dire en seconde ligne mais il y a du changement. Il arrive encore bien quelques obus sur le village mais pas bien dangereux. Le bout du village que l’on occupe n’a pas beaucoup de mal mais de l’autre bout c’est tout rasé. Il y a déjà longtemps que ça était bombardé, nous sommes à côté du fort de Troyon qui a été aussi démoli par les boches mais qui ont eu beaucoup de pertes. C’est au début de la campagne que cela s’est passé.
Enfin pour moi la santé va bien pour le moment et je pense que toute la famille aussi. Nous voilà au mois d’avril et le moment des travaux de la campagne vont commencer et personne. Quelle triste saison encore pour cette année, et personne pour faire le travail, quelle misère va être pour l’hiver prochain. Voilà huit mois de passés et pas prêt à finir tout ce malheur. Est-ce que l’on verra la fin que l’on espère toujours.
Cela me fait bien plaisir que Ruffin soit revenu avec moi puisque nous avons changé d’endroit. Il était obligé de suivre la Cie. Je ferai bien saluer ses beaux-parents de ma part. Je n’ai pas eu l’idée de leur écrire et comme nous avons resté cinq jours aux Eparges sans pouvoir vous écrire à vous aussi, que vous aurez peut-être été en peine aussi, ce n’était pas malheureux de quitter ce triste coin, que l’on faisait que de marcher sur des cadavres et tous les jours des attaques et les obus qui y tombaient comme la pluie, c’est une Cie du 9e Génie qui nous a remplacés et nous, nous avons pris leur place.
Enfin pour le moment nous sommes bien, on travaille un peu mieux en sécurité après cinq mois de souffrances, toujours dans la boue, d’avoir un meilleur endroit on ne sait ce que l’on y restera.
Pour nourriture il y a assez à manger, mais on trouve rien à acheter, pas même du vin que ce qu’on nous donne, un quart par jour. Pourtant un litre de temps en temps ne nous fait pas de mal, c’est interdit de vendre du vin. Il y en a toujours quand ils ont bu une goutte ils ne savent pas ce qu’ils font et comme cela il faut tous en supporter les conséquences.
Cela va faire encore du vide au pays quand la classe à Marcel sera partie. Au pays il ne doit plus rester personne sauf les Suisses qui seront revenus quelques uns les plus vieux peut-être.
Vous saluerez bien William de ma part. J’attends toujours une carte de Agnès qui me fera bien plaisir et que je voudrai bien revoir aussi et toute la famille que j’espère toujours. François qui embrasse bien Agnès et toute la famille et bien le bonjour vers la Rive, à la Poste, chez Bertholet, à M. Christin, à Barman, à Léon à Jean et à tous de ma part de François qui pense bien à vous tous.
Au revoir à tous un jour, avec toujours l’espoir et courage.
Est-ce que vous avez reçu mes cartes vers la Rive, à la Poste, chez Bertholet et une du 27 de où nous sommes maintenant.
Mettez toujours la même adresse
Une fois n'est pas coutume, voici un témoignage de la dureté de la vie pour les sapeurs-mineurs et tout particulièrement pour cette compagnie 14/15 du 4e Génie.
Ce sapeur est originaire de Saint-Gingolph que ne s'est-il installé dans son chalet du Frenay en Suisse.
Il signale justement que le pays est vide car les Suisses qui y demeuraient sont eux aussi mobilisées...
Voici donc cette lettre, authentique bien que mise autant que faire se peut aux normes orthographiques actuelles, mais les tournures sont d'origine :
Lettre datée du 28 mars 1915
Chers parents
Je viens faire réponse à votre lettre du 23 que j’ai reçue le 27 à Lacroix-sur-Meuse, que nous sommes maintenant depuis le 24, que nous sommes partis de Villers que l’on était depuis le 17 décembre. Nous en sommes maintenant à une vingtaine de kilomètres pour ainsi dire comme au repos. Mais l’on travaille tous les jours. Mais bien mieux que l’on était avant aux Eparges. On travaille que de jour.
Ruffin, le beau-fils à la Girarde est avec nous. Maintenant je travaille avec lui tous les jours, on fait des abris que nous sommes aux équipes d’une dizaine. On part le matin à six heures et l’on revient manger la soupe à onze heures au village qui est à moitié détruit et occupé que par la troupe. Tous les paysans sont évacués de ce village qui est encore assez conséquent. C’est nous qui occupons leurs cuisines qui restent encore avec tous leurs ustensiles. Ce n’est pas beau de voir quel saccage pour ces pauvres qu’il a fallu tout laisser pour se sauver devant l’ennemi.
Je ne peux vous dire ce que l’on restera ici à Lacroix-sur-Meuse, on voudrait bien y rester le restant de la campagne. C’est un coin encore assez calme pour le moment. Nous sommes à dix kilomètres de Saint-Mihiel que les boches occupent.
Ce n’est pas malheureux d’avoir quitté ce triste coin des Eparges qui est terrible tous les jours.
Nous sommes à quatre kilomètres des lignes, on fait du travail pour ainsi dire en seconde ligne mais il y a du changement. Il arrive encore bien quelques obus sur le village mais pas bien dangereux. Le bout du village que l’on occupe n’a pas beaucoup de mal mais de l’autre bout c’est tout rasé. Il y a déjà longtemps que ça était bombardé, nous sommes à côté du fort de Troyon qui a été aussi démoli par les boches mais qui ont eu beaucoup de pertes. C’est au début de la campagne que cela s’est passé.
Enfin pour moi la santé va bien pour le moment et je pense que toute la famille aussi. Nous voilà au mois d’avril et le moment des travaux de la campagne vont commencer et personne. Quelle triste saison encore pour cette année, et personne pour faire le travail, quelle misère va être pour l’hiver prochain. Voilà huit mois de passés et pas prêt à finir tout ce malheur. Est-ce que l’on verra la fin que l’on espère toujours.
Cela me fait bien plaisir que Ruffin soit revenu avec moi puisque nous avons changé d’endroit. Il était obligé de suivre la Cie. Je ferai bien saluer ses beaux-parents de ma part. Je n’ai pas eu l’idée de leur écrire et comme nous avons resté cinq jours aux Eparges sans pouvoir vous écrire à vous aussi, que vous aurez peut-être été en peine aussi, ce n’était pas malheureux de quitter ce triste coin, que l’on faisait que de marcher sur des cadavres et tous les jours des attaques et les obus qui y tombaient comme la pluie, c’est une Cie du 9e Génie qui nous a remplacés et nous, nous avons pris leur place.
Enfin pour le moment nous sommes bien, on travaille un peu mieux en sécurité après cinq mois de souffrances, toujours dans la boue, d’avoir un meilleur endroit on ne sait ce que l’on y restera.
Pour nourriture il y a assez à manger, mais on trouve rien à acheter, pas même du vin que ce qu’on nous donne, un quart par jour. Pourtant un litre de temps en temps ne nous fait pas de mal, c’est interdit de vendre du vin. Il y en a toujours quand ils ont bu une goutte ils ne savent pas ce qu’ils font et comme cela il faut tous en supporter les conséquences.
Cela va faire encore du vide au pays quand la classe à Marcel sera partie. Au pays il ne doit plus rester personne sauf les Suisses qui seront revenus quelques uns les plus vieux peut-être.
Vous saluerez bien William de ma part. J’attends toujours une carte de Agnès qui me fera bien plaisir et que je voudrai bien revoir aussi et toute la famille que j’espère toujours. François qui embrasse bien Agnès et toute la famille et bien le bonjour vers la Rive, à la Poste, chez Bertholet, à M. Christin, à Barman, à Léon à Jean et à tous de ma part de François qui pense bien à vous tous.
Au revoir à tous un jour, avec toujours l’espoir et courage.
Est-ce que vous avez reçu mes cartes vers la Rive, à la Poste, chez Bertholet et une du 27 de où nous sommes maintenant.
Mettez toujours la même adresse