Re: Reprise du fort de Vaux par l'abbé Vatan
Publié : mer. sept. 30, 2009 5:18 pm
Bonjour,
Je poursuis la transcription des cahiers de l'abbé Vatan, caporal-brancardier au 107° (puis 116°) BCP, présent à Verdun.
Ci-après l'intégralité du texte qu'il a intitulé VAUX :
"Vu des lignes françaises, Vaux forme une position avancée ; sentinelle tournée vers la Woëvre et placée en contrebas de la ligne principale des forts de Verdun, le fort de Vaux est invisible.
Il est masqué par les crêtes boisées de Tavannes et de Souville, plus hautes que lui, et qui font écran entre lui et la place forte.
Plus moderne que Souville et Tavannes, moins vaste que Douaumont, le fort de Vaux enfonce puissamment dans le sol ses murs arasés.
Bâti en maçonnerie vers 1880, il fut, après l’invention de l’obus torpille en 1885, reconstruit en béton, puis en béton armé et achevé en 1911.
Deux villages bâtis en longueur dans le fond : Vaux devant Damloup au nord, et Damloup au sud, l’escortent comme des bateaux de commerce un haut navire de guerre.
Vaux devant Damloup commande l’entrée d’un vallon : c’est le ravin du Bazil qui longe un peu plus loin un étang précédé d’une digue, l’étang de Vaux.
La route de Verdun à Vaux et la voie ferrée de Fleury à Vaux lui empruntent le passage. Le ravin de Bazil reçoit, comme des affluents du plateau qui porte le fort, le ravin des Fontaines qui coupe le bois de Vaux Chapitre dans la direction de Souville et du massif de Douaumont, les ravins de la Caillette et de la Fausse Côte qui traversent les bois de la Caillette et de Hardaumont.
Derrière les lignes de tranchées naturelles favorables à une guerre de surprise, des coups de mains ou infiltrations ennemies peuvent se faire par les bois de la Caillette et d’Hardaumont. Le fort de Vaux, couvrant la grande route de Vaux à Metz par Etain, monte la garde devant la forteresse face à Thionville.
La prise de cette position, que les allemands ont évacuée sans combat, est la suite logique de la victoire du 24 octobre. Si le commandement avait fixé comme 1° objectif pour la bataille du 24 octobre la ligne qui, des carrières d’Haudremont, va au ravin de la Fausse Côte en englobant Thiaumont (ouvrage et ferme), Douaumont (fort et village) et tous les bois de la Caillette, il comptait bien, une fois ces objectifs atteints, s’étendre à l’est par la prise du fort de Vaux ; il a réalisé son but définitif.
Le 24 octobre, le fort de Vaux était à demi encerclé ; sa chute n’était plus qu’une question de jours. Nos dispositions avaient été prises pour réduire la poche dans laquelle se trouvait placé le fort. Les opérations de détail nous avaient permis de nous rapprocher de celui-ci à l’ouest et au sud à distance d’assaut. Nos batteries lourdes, les obusiers de 400 notamment, avaient commencé leur travail, martelé puissamment l’ouvrage. Réduit par la précision du tir de notre artillerie, et par la pression continue de notre infanterie, le fort de Vaux a été cueilli le 2 novembre au soir comme un fruit mûr.
L’opération a été conduite avec cette même précision dans la manœuvre, cette même méthode dans la progression qui avaient assuré notre succès dans la victoire de Douaumont.
Dès la journée du 24 octobre, la division de Lardemelle qui opérait à l’ouest sur le bois Fumin, avait rencontré une résistance opiniâtre aux ouvrages fortifiés de la sablière près du ravin des Fontaines, et du dépôt à droite de la route du fort de Vaux.
Elle en avait triomphé et avait pris ces 2 réduits dans les journées du 24 et du 25 tandis que le 30° régiment d’infanterie prenait la batterie de Damloup à l’ouest du fort.
Dépassant l’objectif fixé, nos troupes s’étaient avancées jusqu’aux fossés du fort ; une patrouille avait même réussi à monter sur la superstructure, mais les mitrailleuses ennemies, sur les tourelles intactes, avaient empêché de progresser.
Le Général Nivelle, et Mangin, firent retirer nos lignes à 200m au sud du fort afin de laisser libre la préparation d’artillerie, et d’assurer au moindre prix la chute de l’ouvrage.
Cependant, la division Andloer, qui avait relevé la division de Lardemelle, ne cessait pas de progresser à l’est sur la croupe qui sépare le ravin des Fontaines du ravin du bois Fumin, où elle opérait sa liaison avec la division Arlabosse qui avait relevé la division Passaga et qui, elle aussi, ne cessait pas d’avancer.
Il faut signaler les heureuses opérations locales du 305° et du 216° régiments au bois Fumin.
Cette progression permettait de porter le coup décisif : les allemands n’ont pas attendu l’attaque. Ils ont abandonné le fort pour la conquête duquel ils avaient versé des flots de sang.
Quand le commandement français envoya, dans la nuit du 2 novembre, des patrouilles reconnaître les effets de notre artillerie, les soldats pénétrant dans les fossés à demi comblés et dans le fort, le trouvèrent vide.
Vaux était à nous sans coup férir.
En 8 jours, grâce à notre matériel, à l’héroïsme de nos troupes, nous avons tout repris ; le 4 novembre, nos troupes accentuent leur progression autour de Vaux, sur les pentes descendant vers la Woëvre. Le 5, enlevons la partie est du village de Vaux. Reprenons Damloup.
Début décembre, lutte vive autour de la cote 304.
Le 7, l’attaque est déclenchée sous la direction de Mangin. Le terrain la rendait particulièrement difficile. Les Allemands, en se repliant, avaient laissé un sol défoncé et sans voies de communication, tandis qu’ils pouvaient eux-mêmes plus aisément se reconstituer en arrière, par leurs nombreuses lignes de chemin de fer. Il avait donc fallu transformer le terrain gagné le 24 octobre en un véritable chantier, construire de 25 à 30km de routes, dont une route carrossable en madriers pour le passage de l’artillerie, et de plus de 10km de voies de 60 et 40. Grâce à ces aménagements, l’artillerie était poussée près des lignes, et cette organisation épaulait l’attaque de l’infanterie.
L’artillerie devait régler le combat, l’infanterie la suivait.
L’ordre de bataille ennemi comportait, de la Meuse à Bezonvaux, 5 divisions : la 14° division de réserve, la 39° division ; la 10° ; la 14° division ; la 39° division bavaroise. De nouvelles tranchées avaient été creusées avec travaux de flanquement, à l’imitation de nos méthodes.
A la côte du Poivre, une organisation très ancienne comportait des réseaux de fils de fer, des galeries bétonnées, des réduits, des abris, des places d’armes, et faisait de la position, une forteresse.
Les troupes de Mangin chargées du secteur d’attaque comprenaient 4 divisions, dont 2 s’étaient déjà illustrées dans les derniers combats devant Verdun. C’étaient, de gauche à droite, la division Muteau, la division de Salins (Guyot d’Asnières de Salins ?), Garnier Duplessix et Passaga.
Le front d’attaque du Poivre à Hardaumont mesurait 10km. Préparation d’artillerie exécutée par batteries de tout calibre avait détruit Vacherauville, Louvemont, les ouvrages d’Hardaumont et Bezonvaux que l’on trouva à peu près vides.
La veille de l’attaque, 7 Allemands déserteurs de la tranchée Ratisbonne se présentaient dans nos lignes ; c’était ce qui restait d’une compagnie entière.
Le 15 décembre, après une nuit de pluie et de neige, le temps s’éclaircissait et la visibilité devenait excellente. L’artillerie ennemie, paralysée par la nôtre, était réduite au silence 1 heure avant l’attaque.
A 10 heures précises, les troupes d’assaut sortaient des tranchées ; attaque menée comme au chronomètre, avec rapidité, élan inouï, nos objectifs atteints à l’heure fixée. En 1 heure, maîtres d’une ligne Vacherauville, Louvemont, cote 378.
L’aviation accompagnait les troupes et portait le désordre en arrière des troupes ennemies. L’adjudant Violette (?)bombardait dans l’après-midi et dispersait vers St André et la ferme Jolicœur des rassemblements de 3 à 400 hommes qui arrivaient en renfort.
Une saucisse allemande qui s’était élevée fut incendiée.
A 11h30, toutes les crêtes de Louvemont étaient en nos mains, ainsi que les ouvrages de Hardaumont et Lorient.
Plus de difficultés dans le bois de la Vauche. Progression non arrêtée, et vers 15h la division Passaga atteignait Bezonvaux. Elle enlevait le lendemain Bezonvaux et la ferme des Chambrettes.
Nombreux prisonniers : 11 387 dont 284 officiers.
Matériel pris : 125 canons, 44 lance bombes, 107 mitrailleuses.
Après 45 semaines de lutte, nous revenions au point de départ de février 1916".
Peut-être nos amis, spécialistes de l'aviation, pourront-ils nous en apprendre un peu plus sur cet adjudant Violette dont parle l'abbé Vatan.
D'avance merci
Bernard.
Je poursuis la transcription des cahiers de l'abbé Vatan, caporal-brancardier au 107° (puis 116°) BCP, présent à Verdun.
Ci-après l'intégralité du texte qu'il a intitulé VAUX :
"Vu des lignes françaises, Vaux forme une position avancée ; sentinelle tournée vers la Woëvre et placée en contrebas de la ligne principale des forts de Verdun, le fort de Vaux est invisible.
Il est masqué par les crêtes boisées de Tavannes et de Souville, plus hautes que lui, et qui font écran entre lui et la place forte.
Plus moderne que Souville et Tavannes, moins vaste que Douaumont, le fort de Vaux enfonce puissamment dans le sol ses murs arasés.
Bâti en maçonnerie vers 1880, il fut, après l’invention de l’obus torpille en 1885, reconstruit en béton, puis en béton armé et achevé en 1911.
Deux villages bâtis en longueur dans le fond : Vaux devant Damloup au nord, et Damloup au sud, l’escortent comme des bateaux de commerce un haut navire de guerre.
Vaux devant Damloup commande l’entrée d’un vallon : c’est le ravin du Bazil qui longe un peu plus loin un étang précédé d’une digue, l’étang de Vaux.
La route de Verdun à Vaux et la voie ferrée de Fleury à Vaux lui empruntent le passage. Le ravin de Bazil reçoit, comme des affluents du plateau qui porte le fort, le ravin des Fontaines qui coupe le bois de Vaux Chapitre dans la direction de Souville et du massif de Douaumont, les ravins de la Caillette et de la Fausse Côte qui traversent les bois de la Caillette et de Hardaumont.
Derrière les lignes de tranchées naturelles favorables à une guerre de surprise, des coups de mains ou infiltrations ennemies peuvent se faire par les bois de la Caillette et d’Hardaumont. Le fort de Vaux, couvrant la grande route de Vaux à Metz par Etain, monte la garde devant la forteresse face à Thionville.
La prise de cette position, que les allemands ont évacuée sans combat, est la suite logique de la victoire du 24 octobre. Si le commandement avait fixé comme 1° objectif pour la bataille du 24 octobre la ligne qui, des carrières d’Haudremont, va au ravin de la Fausse Côte en englobant Thiaumont (ouvrage et ferme), Douaumont (fort et village) et tous les bois de la Caillette, il comptait bien, une fois ces objectifs atteints, s’étendre à l’est par la prise du fort de Vaux ; il a réalisé son but définitif.
Le 24 octobre, le fort de Vaux était à demi encerclé ; sa chute n’était plus qu’une question de jours. Nos dispositions avaient été prises pour réduire la poche dans laquelle se trouvait placé le fort. Les opérations de détail nous avaient permis de nous rapprocher de celui-ci à l’ouest et au sud à distance d’assaut. Nos batteries lourdes, les obusiers de 400 notamment, avaient commencé leur travail, martelé puissamment l’ouvrage. Réduit par la précision du tir de notre artillerie, et par la pression continue de notre infanterie, le fort de Vaux a été cueilli le 2 novembre au soir comme un fruit mûr.
L’opération a été conduite avec cette même précision dans la manœuvre, cette même méthode dans la progression qui avaient assuré notre succès dans la victoire de Douaumont.
Dès la journée du 24 octobre, la division de Lardemelle qui opérait à l’ouest sur le bois Fumin, avait rencontré une résistance opiniâtre aux ouvrages fortifiés de la sablière près du ravin des Fontaines, et du dépôt à droite de la route du fort de Vaux.
Elle en avait triomphé et avait pris ces 2 réduits dans les journées du 24 et du 25 tandis que le 30° régiment d’infanterie prenait la batterie de Damloup à l’ouest du fort.
Dépassant l’objectif fixé, nos troupes s’étaient avancées jusqu’aux fossés du fort ; une patrouille avait même réussi à monter sur la superstructure, mais les mitrailleuses ennemies, sur les tourelles intactes, avaient empêché de progresser.
Le Général Nivelle, et Mangin, firent retirer nos lignes à 200m au sud du fort afin de laisser libre la préparation d’artillerie, et d’assurer au moindre prix la chute de l’ouvrage.
Cependant, la division Andloer, qui avait relevé la division de Lardemelle, ne cessait pas de progresser à l’est sur la croupe qui sépare le ravin des Fontaines du ravin du bois Fumin, où elle opérait sa liaison avec la division Arlabosse qui avait relevé la division Passaga et qui, elle aussi, ne cessait pas d’avancer.
Il faut signaler les heureuses opérations locales du 305° et du 216° régiments au bois Fumin.
Cette progression permettait de porter le coup décisif : les allemands n’ont pas attendu l’attaque. Ils ont abandonné le fort pour la conquête duquel ils avaient versé des flots de sang.
Quand le commandement français envoya, dans la nuit du 2 novembre, des patrouilles reconnaître les effets de notre artillerie, les soldats pénétrant dans les fossés à demi comblés et dans le fort, le trouvèrent vide.
Vaux était à nous sans coup férir.
En 8 jours, grâce à notre matériel, à l’héroïsme de nos troupes, nous avons tout repris ; le 4 novembre, nos troupes accentuent leur progression autour de Vaux, sur les pentes descendant vers la Woëvre. Le 5, enlevons la partie est du village de Vaux. Reprenons Damloup.
Début décembre, lutte vive autour de la cote 304.
Le 7, l’attaque est déclenchée sous la direction de Mangin. Le terrain la rendait particulièrement difficile. Les Allemands, en se repliant, avaient laissé un sol défoncé et sans voies de communication, tandis qu’ils pouvaient eux-mêmes plus aisément se reconstituer en arrière, par leurs nombreuses lignes de chemin de fer. Il avait donc fallu transformer le terrain gagné le 24 octobre en un véritable chantier, construire de 25 à 30km de routes, dont une route carrossable en madriers pour le passage de l’artillerie, et de plus de 10km de voies de 60 et 40. Grâce à ces aménagements, l’artillerie était poussée près des lignes, et cette organisation épaulait l’attaque de l’infanterie.
L’artillerie devait régler le combat, l’infanterie la suivait.
L’ordre de bataille ennemi comportait, de la Meuse à Bezonvaux, 5 divisions : la 14° division de réserve, la 39° division ; la 10° ; la 14° division ; la 39° division bavaroise. De nouvelles tranchées avaient été creusées avec travaux de flanquement, à l’imitation de nos méthodes.
A la côte du Poivre, une organisation très ancienne comportait des réseaux de fils de fer, des galeries bétonnées, des réduits, des abris, des places d’armes, et faisait de la position, une forteresse.
Les troupes de Mangin chargées du secteur d’attaque comprenaient 4 divisions, dont 2 s’étaient déjà illustrées dans les derniers combats devant Verdun. C’étaient, de gauche à droite, la division Muteau, la division de Salins (Guyot d’Asnières de Salins ?), Garnier Duplessix et Passaga.
Le front d’attaque du Poivre à Hardaumont mesurait 10km. Préparation d’artillerie exécutée par batteries de tout calibre avait détruit Vacherauville, Louvemont, les ouvrages d’Hardaumont et Bezonvaux que l’on trouva à peu près vides.
La veille de l’attaque, 7 Allemands déserteurs de la tranchée Ratisbonne se présentaient dans nos lignes ; c’était ce qui restait d’une compagnie entière.
Le 15 décembre, après une nuit de pluie et de neige, le temps s’éclaircissait et la visibilité devenait excellente. L’artillerie ennemie, paralysée par la nôtre, était réduite au silence 1 heure avant l’attaque.
A 10 heures précises, les troupes d’assaut sortaient des tranchées ; attaque menée comme au chronomètre, avec rapidité, élan inouï, nos objectifs atteints à l’heure fixée. En 1 heure, maîtres d’une ligne Vacherauville, Louvemont, cote 378.
L’aviation accompagnait les troupes et portait le désordre en arrière des troupes ennemies. L’adjudant Violette (?)bombardait dans l’après-midi et dispersait vers St André et la ferme Jolicœur des rassemblements de 3 à 400 hommes qui arrivaient en renfort.
Une saucisse allemande qui s’était élevée fut incendiée.
A 11h30, toutes les crêtes de Louvemont étaient en nos mains, ainsi que les ouvrages de Hardaumont et Lorient.
Plus de difficultés dans le bois de la Vauche. Progression non arrêtée, et vers 15h la division Passaga atteignait Bezonvaux. Elle enlevait le lendemain Bezonvaux et la ferme des Chambrettes.
Nombreux prisonniers : 11 387 dont 284 officiers.
Matériel pris : 125 canons, 44 lance bombes, 107 mitrailleuses.
Après 45 semaines de lutte, nous revenions au point de départ de février 1916".
Peut-être nos amis, spécialistes de l'aviation, pourront-ils nous en apprendre un peu plus sur cet adjudant Violette dont parle l'abbé Vatan.
D'avance merci
Bernard.