Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : ven. mai 01, 2009 9:29 am
raison de l' édition :
pas très logique [:francine laude:6] mais je n'avais pas songé au départ à tout transcire
alors pour sa correspondance chronologique janvier 1916 date de son arrivée sur ce front
allez plus bas dans cette file, à partir de la réponse :
pages1418/Pagesvecuesrecitstemoignages/ ... .htm#t2850
----------------------------------------------------------------------------------------------
Bonjour à tous
Ces lettres terminent la correspondance de mon grand-oncle
tué le 21 mai 1916 à la reprise du fort de Douaumont
je n’ai rajouté qu’un peu de ponctuation et de renvois à la ligne
la forme tout autant que le fond montrant son état d’esprit ,
le plus émouvant étant son terrible pressentiment dans les dernières
il met Chère Petite Amie pour ma grand-tante
les baisers à toutes trois sont pour elle, leur fille de 2 ans,
et soit sa belle-sœur, soit sa marraine de guerre
sur les enveloppes :
Lucien ROUSSEAUX
Caporal 129ème d’Inf 12ème Comp 1ère section secteur 93
juste des variantes dans les abréviations
et les oblitérations sont en général du SP 93 ou selon quand il les faisait passer par les civils
------------------------------------------------------
en-tête
secteur 93 – ce Vendredi 5 mai 1916
Chère Petite Amie
j’ai reçu aujourd’hui ta petite lettre de lundi et j’ai eu quelque peu le sourire en voyant ta vigilance concernant mon arrivée
à l’impromptu auprès de toi, tu devrais si tu le pouvais allonger le cordon jusqu’à moi de cette manière je pourrais te prévenir
avec certitude quand mon départ s’effectuerait,
mais voilà une ombre nouvelle qui surgit à l’horizon, car il serait question de faire passer devant nous toute la classe16,
si cette question dont on parle ferme ici en cemoment, arrivait, je verrais ma pauvre permission reculer aux calendes grecques ,
c'est-à-dire à encore de nombreux mois,
ce que je ne veux pas compter à l’avance
enfin fais comme moi, prends patience et attendons les évènements
Ce matin j’ai bien failli gagner une permission plus vite que je ne l’aurais voulu,
car j’ai été touché d’un éclat de grenade à la tête, assez fort cette fois,
juste au-dessus de l’œil gauche, encore une fois c’est bénin, et cependant mes camarades et moi, je croyaient fort touché
car j’étais inondé de sang.
le major m’a retiré l’éclat, que j’ai dans mon porte monnaie, décidemment, je n’arriverais pas à être évacué
je me croyais donc près d’être évacué, pas du tout, cependant je constate avec plaisir que chaque fois mes avaries augmentent
et bientôt je tiendrais
je l’espère cette bonne petite blessure qui est notre pensée à tous en attendant l’heureuse libération.
Ne t’inquiète pas sur mon état de santé cela ne m’enlève pas mon appétit seulement
j’ai un superbe pansement à la tête et j’ai tout du glorieux blessé.
Je te joints une carte des Chamot . Amédée aussi prend quelque chose parait-il enfin nous sommes dans des régiments actifs,
alors cela n’a rien d’extraordinaire puisque nous sommes régiments d’attaque, c’est même à ce sujet une raison que,
Henri et Ferdinand [ses frères ] appartenant à des régiments de Territoriale
et de ce fait n’allant pas au Front directement, pourraient très bien retourner en permission avant moi si on nous fait passer la classe 16
devant le nez car nous ne recevons plus que cela et tous les quatre cinq jours en ce moment il en arrive,
quel sujet ces permissions, nous ne serons jamais surs de notre départ
Pauvre Mimi elle grandira sans jamais connaître son Papa si ce temps doit continuer,
et cependant je voudrais bien être auprès de vous maintenant car elle doit être intéressante , quoique bien diable probablement
enfin nous en verrons peut-être un jour la fin et je serais je l’espère de ceux qui en reviendront . Quoique cela sait-on jamais ici !!
je vois les jours passer et dans quelques jours elle va atteindre ses 2 ans, 2 ans mais
ce doit être un grand personnage !
Comme bien des fois je cherche à la voir par la pensée, trotter autour de vous, mais certainement que mon imagination doit être encore loin
de la réalité.
je n’ai rien à te demander aujourd’hui, j’espère recevoir ton colis demain et je me ferais un plaisir de t’en accuser réception
je terminerais en vous embrassant de tout cœur, en t’adressant d’une part les remerciements de mon s/Lieutenant heureux de ses cigarettes
puis en t’annonçant que probablement par ce même courrier j’envoie une carte à Mme [G r ??] pour la remercier
De bons baisers à toutes trois et bien affectueusement
votre Lucien
------------------------------------------------------
secteur 93 – ce 7 mai 1916
Chère Petite Amie
je reçois bien couramment tes lettres et crois bien que j’en suis bien heureux
j’ai sauté hier à t’écrire après la blessure que j’ai eu avant-hier à l’arcade sourcilière gauche et pour laquelle j’espérais être évacué
j’ai été hier piqué contre le tétanos cela m’avait abattu considérablement, je n’ai pas
pu manger et j’ai été courbaturé au possible, cela va mieux aujourd’hui et sous ce pli
je t’envoi un petit morceau d’éclat que le major m’a retiré – enfin quelques jours et j’espère que je n’aurais plus que des pansements simples-
C’est que c’est toujours ma tête qui récolte, j’en souffre cependant assez depuis la dernière attaque où j’avais été enseveli.
J’ai reçu hier de toi le numéro du Journal concernant la Division Mangin –
cela est parfaitement exact et comme dates et comme tout, mais ils oublient pas mal
de choses que nous ne pouvons dévoiler à cause de la censure –
peut-être arrivera-t-il un jour où je pourrais te les narrer de vive voix
à moins que nous n’ayons des projets moins tristes et moins pénibles à élaborer .
je suis inscrit sur la liste des permissionnaires, j’ai le numéro 50
(dans ce numéro la classe 16 n’est pas comprise et jusqu’à ce jour aucune solution
n’est venue annoncer officiellement qu’elle partirait avant nous ,
ce n’est toujours qu’un bruit qui circule)
j’en préfèrerais un autre !
Petite Amie tu me fais part que mes dernières lettres deviennent plus courtes, ne m’en veux pas, mais il me faudrait trop souvent te répèter
les mêmes horreurs, puis à force de les voir le style vous manque et l’on n’ose plus écrire ou alors il faudrait mentir ,
mais les communiqués sont trop clairs pour vous dire que nous sommes heureux et tranquilles .
Laisse moi petite chérie si pendant quelques jours à de certains moments je suis bref, c’est qu’alors ce que j’aurais à dire serait trop brutal
- aussi je préfère conclure que dès l’instant où je suis en bonne santé ce doit être pour toi le seul point essentiel.
Puisque nous sommes sur ce sujet je dois te préparer à te demander d’avoir encore
une fois beaucoup de courage et de patience car de par les informations qui sont arrivées au Commandant de Bataillon,
nous devons sous deux ou trois jours reprendre une grande offensive dans le but de reprendre le Fort de Douaumont –
aussi cela ne se fera-t-il pas sans casse certainement
et s’il arrivait que comme pour mon premier séjour à Douaumont
tu restes dix ou quinze jours sans nouvelles, il ne faudra pas te désespérer,
il te faut savoir être patiente petite amie, car à moi aussi il m’en faut –
j’ai reçu hier ton colis contenant les lunettes le tout en très bon état, pour les lunettes j’en suis satisfait et à titre de renseignements
je puis te dire que celles que j’avais précédemment et qui n’étaient pas périscopiques avaient couté 4 Frs au Havre ,
tu jugeras pas ce prix si la différence que tu as pu payer peut-être comparée au supplément des verres périscopiques
Je suis content des tiennes- j’ai donné les autres à réparer par les soins d’un cycliste,
je ne sais quand je les aurais ne sachant pas seulement où elles ont été portées.
Ne pouvant te dire si je vais pouvoir écrire beaucoup je compte sur ta bonne obligeance pour prévenir Juliette, Mère et Mme Hunault .
Je vais faire tout mon possible pour écrire le plus que je pourrais mais malgré tout ce n’est pas être peureux que de prévoir
Rappelle moi souvent au souvenir de notre Mimi qui bientôt va prendre ses deux ans
et je ne serais pas là pour l’embrasser, mais tu la dédommageras – embrasse bien aussi Rosette et que toujours vous ayez de bonnes nouvelles
de René aussi
J’ai reçu le paquet de Marcel de la rue du Bouloi le premier paquet et un de Mme Hunault bien abimé car il a été au 1er Baton
Allons au revoir ma petite amie, ma lettre est un peu plus plus longue aujourd’hui
et je termine en t’embrassant de tout mon cœur me rappellant toujours tout ce que
tu fais pour moi
Tout à toi
Lucien
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secteur 93 – ce 8 mai 1916
Chère Petite Amie
Ma santé continuant à aller mieux je n’ai pas besoin de t’en parler aujourd’hui depuis deux jours j’ai repris ma place avec mes camarades,
je ne suis resté que deux jours au poste de secours,
après ta lettre d’hier j’ai écrit à Juliette et à Mère un petit mot
toujours la même situation ici, je ne sais ce que les communiqués racontent à notre sujet ?
quelques fois je souris à la lecture des journaux que tu m’envoie – qu’est-ce qu’on se méprend sur ce qu’est le Front !
ne m’envoie pas de chaussettes, j’en ai suffisamment pour l’instant en ayant touché au régiment des pas mauvaises
Je t’écris en vitesse car je vais partir en reconnaissance dans quelques instants et
je veux que tu ai ce mot pour au cas où je rentrerais trop tard pour le courrier.
Les reconnaissances et patrouilles c’est toujours l’incertain mais grâce à ma boussole
et à on flair jamais je ne me suis trompé de route jusqu’alors
alors de préférence on m’y envoi puis en petit nombre il y a moins de risques
Au revoir Tout à toi et bons baisers à tous
votre Lucien
on m’attend je n’ai plus le temps d’écrire
-------------------------------------------------------------------------------------------------
secteur 93 – ce 9 mai 1916
Petite Amie, Petit Amour !
je te joints aujourd’hui une lettre de Régina et une de Marcel , tu pourras dans
cette dernère puiser des expressions et des intonations dignes de charmer une foule, mais ici ces mots restent sans effet ,
cependant j’en diminue l’intensité et j’en prends note comme s’il l’écrivait en langage plus clair et plus sobre
et certainement je le crois sincère, mais il ne pourra jamais écrire simplement ;
tu verras par sa lettre que je ne les oublie pas et chaque fois que je le peux
je leur envoi de mes nouvelles.
Je t’ai donné hier ou avant-hier une lettre , la raison pour laquelle je ne terminerais
pas dans chacune de mes lettres notre vie, et dans la tienne d’aujourd’hui tu devances
la réponse que je t’ai envoyée – accepte – cette situation et crois moi ne sois pas curieuse de détails toujours bien pénibles pour vous
– je t’ai envoyé dans une lettre un peu plus longue qu’aujourd’hui (10 pages je crois) suffisamment de détails
sur ce que pouvait être le secteur pour qu’à nouveau je te réitère une semblable missive
Toute ma pensée depuis peu se résume en toi et ma fille et tu peux au gré de tes désirs confectionner des lettres n’ayant
que vous comme sujet – car ici il manque tant de choses que l’affection que l’on perd vous est plus précieuse encore –
je n’ai plus de pansement à la tête depuis ce matin –
c’est te dire que ça va tout à fait bien .
Je termine en vous embrassant de tout cœur ne sachant si je puis vous dire à bientôt
Lucien
-------------------------------------------------------------------------------------------------
secteur 93 – ce 10 mai 1916
Chère Petite Amie
tes lettres m’arrivent couramment en ce moment, et j’ose espérer qu’il en est de même pour toi,
j’ai la chance de pouvoir les passer assez régulièrement et si comme je le souhaite
elles ne sont pas interceptées cela doit aller à peu près-
quant à moi je vais bien – par contre aussi je ne prive de rien car chaque fois
que je peux me faire ravitailler, je le fais , pense nous ne touchons que du singe
et du chocolat pour ainsi dire et presque le même ordinaire chaque jour aussi inutile
de t’ajouter de l’un ou de l’autre je ne peux plus les voir-
si les colis fonctionnaient mieux, je préfèrerais cela car cela couterait moins cher,
mais en ce moment je les reçois presque tous bien abimés, enfin nous allons tout
de même en voir la fin un jour ou l’autre - car sans cela jamais nous n’aurons
les moyens de continuer longtemps comme cela, et cela m’ennuie beaucoup car
je vois bien ce que je dépense même sans faire d’excès – ce que tous les colis peuvent couter –
mais si vous voyiez ce que nous font payer les civils quelques fois –
c’est à les prendre et mettre le feu à leur maison – aussi il y a des jours où je pense
que si j’ai la chance d’en recevoir , nous serons sans rien, après avoir eu quelques
sous d’avance et cet état de choses m’ennuie et m’inquiète car je souhaitais
tant vous savoir toutes deux tranquilles à l’abri du nécessaire –
rentrerons-nous d’abord ?
C’est inconcevable qu’on laisse faire une semblable boucherie, et pourquoi,
pour ne pas bouger d’un fil, si on perd un bout de tranchée il faut la reprendre .
Nous avons des alternatives de soleil et d’ondées – dans l’ensemble la température
est supportable car ce n’est plus le froid ni les grandes chaleurs, peut-être même
vais-je encore t’envoyer des choses qui m’embarrassent car avec la saison chaude
le sac a vite fait de vous peser sur les épaules
je viens de recevoir un autre colis de la rue du Bouloi où j’ai reçu en plus de différentes choses des bretelles
– à l’occasion dans un prochain colis envoies moi des boutons métalliques une douzaine pas plus j’en ai assez pour longtemps –
dans le colis de Marcel il y avait de la charcuterie qui était toute gâtée –
tout le colis sentait- dans le 2ème de la rue du Bouloi que je reçois
( le tien probablement il y a un morceau de saucisson, qui était entamé et
se trouvait abimé aussi – alors je te demanderais de ne pas mettre à exécution
ton désir de m’envoyer du jambon je crois qu’avec la chaleur tout ce qui est
denrée (entamée) arrive souvent immangeable
tu vas me dire qu’a cela tu ne sauras pas plus quoi envoyer
seul en ce moment je ne suis pas trop dégouté du beurre en boite de conserve et
des confitures ( d’elles, n’importe lesquelles jamais je ne les ai tant goutées
n’importe quelle sorte puis dans les boites de conservent elles arrivent en bon état,
du paté plutôt que des sardines car ce qui est huile en été ne charment guère .
J’ai eu ma deuxième paire de lunettes, m’en voici monté, allons au revoir me voici encore une fois sans nouvelles de madame Hunault
depuis quelque temps .
Je termine en vous embrasant bien affectueusement toutes trois
votre affectionné
Lucien
-------------------------------------------------------------------------------------------------
secteur 93 – ce 13 mai 1916
Chère Petite Amie
j’ai été quelque peu déçu aujourd’hui rien de toi, je m’attendais tant à tes nouvelles
et à celles de notre Mimi, c’est son anniversaire aujourd’hui, 2 ans et je ne suis pas
au milieu de vous, il s’en faut, car dans quel milieu suis-je ? je n’ose le dire ni y penser,
enfin j’espère toujours à la relève et au repos qui suit chaque séjour aux tranchées
puis après la pensée sera plus loin encore car au repos nous repensons aux permissions et à chaque départ
c’est un pas qui me rapproche de vous.
te dirais je que je croyais recevoir une petite carte photo de vous deux pour cet anniversire,
mais peut-être n’est-ce que retard de la poste et que le prochain courrier me l’apportera comme j’y ai songé depuis longtemps
à cette date il me semblait tout naturel que ayant cette idée en tête elle devait se réaliser mais j’aurais de la patience
– il nous en faut tant ici-
j’ai pu encore me défaire de certaines choses qui alourdissait mon sac et pour ne pas
les abandonner j’ai pensé à les envoyer quitte à te les redemander quand elles me seront nécessaires .
Dans un futur colis tu m’enverras une patte de bretelles car celle que j’ai reçue qui était en caoutchouc a cassé tout de suite
car il était cuit de n’avoir pas assez servi – ci inclus dans une autre enveloppe je t’envoi différentes lettres 2 de Ferdinand, 1 de Benjamin
1 ,de Mme Hunault 1 ,de Guyard que tu garderas pour son adresse ou si tu ne gardes pas la lettre prend l’adresse
ici rien de neuf ou toujours la même chose mais cela devient écœurant à raconter
aussi je le passe sous silence car tu te fais déjà assez de mauvais sang pour ma situation
je termine en vous assurant de toute mon affection et de mes plus affectueux baisers
votre tout affectionné
Lucien
.......
édition du titre pour supprimer "Mai 1916" et rajouter "129ème RI"
pas très logique [:francine laude:6] mais je n'avais pas songé au départ à tout transcire
alors pour sa correspondance chronologique janvier 1916 date de son arrivée sur ce front
allez plus bas dans cette file, à partir de la réponse :
pages1418/Pagesvecuesrecitstemoignages/ ... .htm#t2850
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Bonjour à tous
Ces lettres terminent la correspondance de mon grand-oncle
tué le 21 mai 1916 à la reprise du fort de Douaumont
je n’ai rajouté qu’un peu de ponctuation et de renvois à la ligne
la forme tout autant que le fond montrant son état d’esprit ,
le plus émouvant étant son terrible pressentiment dans les dernières
il met Chère Petite Amie pour ma grand-tante
les baisers à toutes trois sont pour elle, leur fille de 2 ans,
et soit sa belle-sœur, soit sa marraine de guerre
sur les enveloppes :
Lucien ROUSSEAUX
Caporal 129ème d’Inf 12ème Comp 1ère section secteur 93
juste des variantes dans les abréviations
et les oblitérations sont en général du SP 93 ou selon quand il les faisait passer par les civils
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en-tête
secteur 93 – ce Vendredi 5 mai 1916
Chère Petite Amie
j’ai reçu aujourd’hui ta petite lettre de lundi et j’ai eu quelque peu le sourire en voyant ta vigilance concernant mon arrivée
à l’impromptu auprès de toi, tu devrais si tu le pouvais allonger le cordon jusqu’à moi de cette manière je pourrais te prévenir
avec certitude quand mon départ s’effectuerait,
mais voilà une ombre nouvelle qui surgit à l’horizon, car il serait question de faire passer devant nous toute la classe16,
si cette question dont on parle ferme ici en cemoment, arrivait, je verrais ma pauvre permission reculer aux calendes grecques ,
c'est-à-dire à encore de nombreux mois,
ce que je ne veux pas compter à l’avance
enfin fais comme moi, prends patience et attendons les évènements
Ce matin j’ai bien failli gagner une permission plus vite que je ne l’aurais voulu,
car j’ai été touché d’un éclat de grenade à la tête, assez fort cette fois,
juste au-dessus de l’œil gauche, encore une fois c’est bénin, et cependant mes camarades et moi, je croyaient fort touché
car j’étais inondé de sang.
le major m’a retiré l’éclat, que j’ai dans mon porte monnaie, décidemment, je n’arriverais pas à être évacué
je me croyais donc près d’être évacué, pas du tout, cependant je constate avec plaisir que chaque fois mes avaries augmentent
et bientôt je tiendrais
je l’espère cette bonne petite blessure qui est notre pensée à tous en attendant l’heureuse libération.
Ne t’inquiète pas sur mon état de santé cela ne m’enlève pas mon appétit seulement
j’ai un superbe pansement à la tête et j’ai tout du glorieux blessé.
Je te joints une carte des Chamot . Amédée aussi prend quelque chose parait-il enfin nous sommes dans des régiments actifs,
alors cela n’a rien d’extraordinaire puisque nous sommes régiments d’attaque, c’est même à ce sujet une raison que,
Henri et Ferdinand [ses frères ] appartenant à des régiments de Territoriale
et de ce fait n’allant pas au Front directement, pourraient très bien retourner en permission avant moi si on nous fait passer la classe 16
devant le nez car nous ne recevons plus que cela et tous les quatre cinq jours en ce moment il en arrive,
quel sujet ces permissions, nous ne serons jamais surs de notre départ
Pauvre Mimi elle grandira sans jamais connaître son Papa si ce temps doit continuer,
et cependant je voudrais bien être auprès de vous maintenant car elle doit être intéressante , quoique bien diable probablement
enfin nous en verrons peut-être un jour la fin et je serais je l’espère de ceux qui en reviendront . Quoique cela sait-on jamais ici !!
je vois les jours passer et dans quelques jours elle va atteindre ses 2 ans, 2 ans mais
ce doit être un grand personnage !
Comme bien des fois je cherche à la voir par la pensée, trotter autour de vous, mais certainement que mon imagination doit être encore loin
de la réalité.
je n’ai rien à te demander aujourd’hui, j’espère recevoir ton colis demain et je me ferais un plaisir de t’en accuser réception
je terminerais en vous embrassant de tout cœur, en t’adressant d’une part les remerciements de mon s/Lieutenant heureux de ses cigarettes
puis en t’annonçant que probablement par ce même courrier j’envoie une carte à Mme [G r ??] pour la remercier
De bons baisers à toutes trois et bien affectueusement
votre Lucien
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secteur 93 – ce 7 mai 1916
Chère Petite Amie
je reçois bien couramment tes lettres et crois bien que j’en suis bien heureux
j’ai sauté hier à t’écrire après la blessure que j’ai eu avant-hier à l’arcade sourcilière gauche et pour laquelle j’espérais être évacué
j’ai été hier piqué contre le tétanos cela m’avait abattu considérablement, je n’ai pas
pu manger et j’ai été courbaturé au possible, cela va mieux aujourd’hui et sous ce pli
je t’envoi un petit morceau d’éclat que le major m’a retiré – enfin quelques jours et j’espère que je n’aurais plus que des pansements simples-
C’est que c’est toujours ma tête qui récolte, j’en souffre cependant assez depuis la dernière attaque où j’avais été enseveli.
J’ai reçu hier de toi le numéro du Journal concernant la Division Mangin –
cela est parfaitement exact et comme dates et comme tout, mais ils oublient pas mal
de choses que nous ne pouvons dévoiler à cause de la censure –
peut-être arrivera-t-il un jour où je pourrais te les narrer de vive voix
à moins que nous n’ayons des projets moins tristes et moins pénibles à élaborer .
je suis inscrit sur la liste des permissionnaires, j’ai le numéro 50
(dans ce numéro la classe 16 n’est pas comprise et jusqu’à ce jour aucune solution
n’est venue annoncer officiellement qu’elle partirait avant nous ,
ce n’est toujours qu’un bruit qui circule)
j’en préfèrerais un autre !
Petite Amie tu me fais part que mes dernières lettres deviennent plus courtes, ne m’en veux pas, mais il me faudrait trop souvent te répèter
les mêmes horreurs, puis à force de les voir le style vous manque et l’on n’ose plus écrire ou alors il faudrait mentir ,
mais les communiqués sont trop clairs pour vous dire que nous sommes heureux et tranquilles .
Laisse moi petite chérie si pendant quelques jours à de certains moments je suis bref, c’est qu’alors ce que j’aurais à dire serait trop brutal
- aussi je préfère conclure que dès l’instant où je suis en bonne santé ce doit être pour toi le seul point essentiel.
Puisque nous sommes sur ce sujet je dois te préparer à te demander d’avoir encore
une fois beaucoup de courage et de patience car de par les informations qui sont arrivées au Commandant de Bataillon,
nous devons sous deux ou trois jours reprendre une grande offensive dans le but de reprendre le Fort de Douaumont –
aussi cela ne se fera-t-il pas sans casse certainement
et s’il arrivait que comme pour mon premier séjour à Douaumont
tu restes dix ou quinze jours sans nouvelles, il ne faudra pas te désespérer,
il te faut savoir être patiente petite amie, car à moi aussi il m’en faut –
j’ai reçu hier ton colis contenant les lunettes le tout en très bon état, pour les lunettes j’en suis satisfait et à titre de renseignements
je puis te dire que celles que j’avais précédemment et qui n’étaient pas périscopiques avaient couté 4 Frs au Havre ,
tu jugeras pas ce prix si la différence que tu as pu payer peut-être comparée au supplément des verres périscopiques
Je suis content des tiennes- j’ai donné les autres à réparer par les soins d’un cycliste,
je ne sais quand je les aurais ne sachant pas seulement où elles ont été portées.
Ne pouvant te dire si je vais pouvoir écrire beaucoup je compte sur ta bonne obligeance pour prévenir Juliette, Mère et Mme Hunault .
Je vais faire tout mon possible pour écrire le plus que je pourrais mais malgré tout ce n’est pas être peureux que de prévoir
Rappelle moi souvent au souvenir de notre Mimi qui bientôt va prendre ses deux ans
et je ne serais pas là pour l’embrasser, mais tu la dédommageras – embrasse bien aussi Rosette et que toujours vous ayez de bonnes nouvelles
de René aussi
J’ai reçu le paquet de Marcel de la rue du Bouloi le premier paquet et un de Mme Hunault bien abimé car il a été au 1er Baton
Allons au revoir ma petite amie, ma lettre est un peu plus plus longue aujourd’hui
et je termine en t’embrassant de tout mon cœur me rappellant toujours tout ce que
tu fais pour moi
Tout à toi
Lucien
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secteur 93 – ce 8 mai 1916
Chère Petite Amie
Ma santé continuant à aller mieux je n’ai pas besoin de t’en parler aujourd’hui depuis deux jours j’ai repris ma place avec mes camarades,
je ne suis resté que deux jours au poste de secours,
après ta lettre d’hier j’ai écrit à Juliette et à Mère un petit mot
toujours la même situation ici, je ne sais ce que les communiqués racontent à notre sujet ?
quelques fois je souris à la lecture des journaux que tu m’envoie – qu’est-ce qu’on se méprend sur ce qu’est le Front !
ne m’envoie pas de chaussettes, j’en ai suffisamment pour l’instant en ayant touché au régiment des pas mauvaises
Je t’écris en vitesse car je vais partir en reconnaissance dans quelques instants et
je veux que tu ai ce mot pour au cas où je rentrerais trop tard pour le courrier.
Les reconnaissances et patrouilles c’est toujours l’incertain mais grâce à ma boussole
et à on flair jamais je ne me suis trompé de route jusqu’alors
alors de préférence on m’y envoi puis en petit nombre il y a moins de risques
Au revoir Tout à toi et bons baisers à tous
votre Lucien
on m’attend je n’ai plus le temps d’écrire
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secteur 93 – ce 9 mai 1916
Petite Amie, Petit Amour !
je te joints aujourd’hui une lettre de Régina et une de Marcel , tu pourras dans
cette dernère puiser des expressions et des intonations dignes de charmer une foule, mais ici ces mots restent sans effet ,
cependant j’en diminue l’intensité et j’en prends note comme s’il l’écrivait en langage plus clair et plus sobre
et certainement je le crois sincère, mais il ne pourra jamais écrire simplement ;
tu verras par sa lettre que je ne les oublie pas et chaque fois que je le peux
je leur envoi de mes nouvelles.
Je t’ai donné hier ou avant-hier une lettre , la raison pour laquelle je ne terminerais
pas dans chacune de mes lettres notre vie, et dans la tienne d’aujourd’hui tu devances
la réponse que je t’ai envoyée – accepte – cette situation et crois moi ne sois pas curieuse de détails toujours bien pénibles pour vous
– je t’ai envoyé dans une lettre un peu plus longue qu’aujourd’hui (10 pages je crois) suffisamment de détails
sur ce que pouvait être le secteur pour qu’à nouveau je te réitère une semblable missive
Toute ma pensée depuis peu se résume en toi et ma fille et tu peux au gré de tes désirs confectionner des lettres n’ayant
que vous comme sujet – car ici il manque tant de choses que l’affection que l’on perd vous est plus précieuse encore –
je n’ai plus de pansement à la tête depuis ce matin –
c’est te dire que ça va tout à fait bien .
Je termine en vous embrassant de tout cœur ne sachant si je puis vous dire à bientôt
Lucien
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secteur 93 – ce 10 mai 1916
Chère Petite Amie
tes lettres m’arrivent couramment en ce moment, et j’ose espérer qu’il en est de même pour toi,
j’ai la chance de pouvoir les passer assez régulièrement et si comme je le souhaite
elles ne sont pas interceptées cela doit aller à peu près-
quant à moi je vais bien – par contre aussi je ne prive de rien car chaque fois
que je peux me faire ravitailler, je le fais , pense nous ne touchons que du singe
et du chocolat pour ainsi dire et presque le même ordinaire chaque jour aussi inutile
de t’ajouter de l’un ou de l’autre je ne peux plus les voir-
si les colis fonctionnaient mieux, je préfèrerais cela car cela couterait moins cher,
mais en ce moment je les reçois presque tous bien abimés, enfin nous allons tout
de même en voir la fin un jour ou l’autre - car sans cela jamais nous n’aurons
les moyens de continuer longtemps comme cela, et cela m’ennuie beaucoup car
je vois bien ce que je dépense même sans faire d’excès – ce que tous les colis peuvent couter –
mais si vous voyiez ce que nous font payer les civils quelques fois –
c’est à les prendre et mettre le feu à leur maison – aussi il y a des jours où je pense
que si j’ai la chance d’en recevoir , nous serons sans rien, après avoir eu quelques
sous d’avance et cet état de choses m’ennuie et m’inquiète car je souhaitais
tant vous savoir toutes deux tranquilles à l’abri du nécessaire –
rentrerons-nous d’abord ?
C’est inconcevable qu’on laisse faire une semblable boucherie, et pourquoi,
pour ne pas bouger d’un fil, si on perd un bout de tranchée il faut la reprendre .
Nous avons des alternatives de soleil et d’ondées – dans l’ensemble la température
est supportable car ce n’est plus le froid ni les grandes chaleurs, peut-être même
vais-je encore t’envoyer des choses qui m’embarrassent car avec la saison chaude
le sac a vite fait de vous peser sur les épaules
je viens de recevoir un autre colis de la rue du Bouloi où j’ai reçu en plus de différentes choses des bretelles
– à l’occasion dans un prochain colis envoies moi des boutons métalliques une douzaine pas plus j’en ai assez pour longtemps –
dans le colis de Marcel il y avait de la charcuterie qui était toute gâtée –
tout le colis sentait- dans le 2ème de la rue du Bouloi que je reçois
( le tien probablement il y a un morceau de saucisson, qui était entamé et
se trouvait abimé aussi – alors je te demanderais de ne pas mettre à exécution
ton désir de m’envoyer du jambon je crois qu’avec la chaleur tout ce qui est
denrée (entamée) arrive souvent immangeable
tu vas me dire qu’a cela tu ne sauras pas plus quoi envoyer
seul en ce moment je ne suis pas trop dégouté du beurre en boite de conserve et
des confitures ( d’elles, n’importe lesquelles jamais je ne les ai tant goutées
n’importe quelle sorte puis dans les boites de conservent elles arrivent en bon état,
du paté plutôt que des sardines car ce qui est huile en été ne charment guère .
J’ai eu ma deuxième paire de lunettes, m’en voici monté, allons au revoir me voici encore une fois sans nouvelles de madame Hunault
depuis quelque temps .
Je termine en vous embrasant bien affectueusement toutes trois
votre affectionné
Lucien
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secteur 93 – ce 13 mai 1916
Chère Petite Amie
j’ai été quelque peu déçu aujourd’hui rien de toi, je m’attendais tant à tes nouvelles
et à celles de notre Mimi, c’est son anniversaire aujourd’hui, 2 ans et je ne suis pas
au milieu de vous, il s’en faut, car dans quel milieu suis-je ? je n’ose le dire ni y penser,
enfin j’espère toujours à la relève et au repos qui suit chaque séjour aux tranchées
puis après la pensée sera plus loin encore car au repos nous repensons aux permissions et à chaque départ
c’est un pas qui me rapproche de vous.
te dirais je que je croyais recevoir une petite carte photo de vous deux pour cet anniversire,
mais peut-être n’est-ce que retard de la poste et que le prochain courrier me l’apportera comme j’y ai songé depuis longtemps
à cette date il me semblait tout naturel que ayant cette idée en tête elle devait se réaliser mais j’aurais de la patience
– il nous en faut tant ici-
j’ai pu encore me défaire de certaines choses qui alourdissait mon sac et pour ne pas
les abandonner j’ai pensé à les envoyer quitte à te les redemander quand elles me seront nécessaires .
Dans un futur colis tu m’enverras une patte de bretelles car celle que j’ai reçue qui était en caoutchouc a cassé tout de suite
car il était cuit de n’avoir pas assez servi – ci inclus dans une autre enveloppe je t’envoi différentes lettres 2 de Ferdinand, 1 de Benjamin
1 ,de Mme Hunault 1 ,de Guyard que tu garderas pour son adresse ou si tu ne gardes pas la lettre prend l’adresse
ici rien de neuf ou toujours la même chose mais cela devient écœurant à raconter
aussi je le passe sous silence car tu te fais déjà assez de mauvais sang pour ma situation
je termine en vous assurant de toute mon affection et de mes plus affectueux baisers
votre tout affectionné
Lucien
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édition du titre pour supprimer "Mai 1916" et rajouter "129ème RI"