Re: A propos de la défense du Rembêtant
Publié : mer. déc. 31, 2008 10:45 am
Bonjour à toutes et à tous,
Après la parution de l'article de Maurice Barrès sur le Rembêtant, une nombreuse correspondance lui a été adressée de la part d'hommes du 9e C.A. pour lui rappeler que non seulement le 20e Corps veillait, mais qu'eux aussi contribuèrent largement à la défense de cette hauteur dominant Dombasle.
Jeudi 13 mai 1915. – J’ai éprouvé un peu de peine en lisant votre article d’avant-hier intitulé : le Rembêtant. J’y ai cherché en vain un mot sur le 9e corps, digne frère, en plusieurs combats, du glorieux 20e.
Au moment des grands combats sur la Meuse, vers le 17 août, une partie du 9e corps qui avait organisé la région N. et N.-E. du Grand-Couronné, face à Metz, s’embarqua pour la Belgique. Les autres éléments furent ramenés au sud-est et à l’est de Nancy pour soutenir la retraite de Morhange.
Le Rembêtant fut alors occupé par mon régiment le 290e . Nous y trouvâmes des tranchées dont un certain nombre avaient été faites dès les premiers jours de la concentration par les troupes du 9e corps. Mon régiment continua l’organisation de la croupe que les paysans appelaient le « fort ». Le 23 au matin, alors que les régiments du 20e corps se reformaient en arrière de nous, nous reçûmes le baptême du feu sur le Rembêtant. Le combat dura toute la journée. Les Allemands ne purent réussir à forcer la trouée du Sanon et du canal de la Marne au Rhin qui leur assurait la route de Nancy. Le lendemain, le beau 20e corps dont quelques détachements avaient, ainsi que des coloniaux, coopéré avec nous, reprenait sa brillante offensive après une retraite des plus rudes et vingt-quatre heures de repos !
Quant à nous, nous continuâmes d’occuper le « fort » et la trouée jusqu’au 2 septembre. A plusieurs reprises, nous fûmes bombardés par des pièces de gros calibres, tirant à longue portée. Le 2 septembre, nous devions quitter la Lorraine pour aller nous battre vers Fère Champenoise, laissant à d’autres, qui surent s’en acquitter, le souci de veiller sur la belle cité des ducs.
J’ai tenu à vous écrire, non pour diminuer la gloire du 20e, dont les deux divisions sont plus belles qu’on ne peut le dire, mais pour remplir un pieux devoir envers mon régiment et surtout nos morts, les premiers, les plus pleurés, hélas ! que nous enterrâmes près de Varangéville-La-Haute, au pied de ce Rembêtant qu’ils avaient victorieusement défendu contre les Prussiens et les Bavarois. – Sous-lieutenant Pluven.
18 mai 1915. - …Je comprends votre admiration pour le 20e corps, mais je voudrais vous voir l’étendre un peu sur ce 4e groupe du 49e d’artillerie du 9e corps, qui pour sa part a largement contribué à empêcher la prise de Nancy.
Ce groupe était en train de s’embarquer pour la Belgique à Pont-Saint-Vincent, quand, par une marche de nuit, il a été se porter sur le Grand-Couronné à la défense de Nancy, que l’échec de Morhange mettait en péril.
C’est sur le Rembêtant, face à Haraucourt et au bois de Crévic, que le 290e, le 268e et les batteries de ce groupe ont reçu l’ordre de tenir à tout prix, pendant que le 20e corps allait se reformer derrière la Meurthe. Leur première vision de guerre fut la retraite à travers leurs lignes du 20e corps décimé, mais non abattu, en particulier le transport sur le dos de son cheval, le bras tombant d’un côté et les jambes de l’autre, du corps de l’héroïque colonel, dont vous parlez dans votre article. Quand le dernier élément du 20e corps se fut écoulé, ils attendaient l’attaque ennemie avec la sensation un peu angoissante que le Rembêtant, dernier rempart de Nancy, n’était plus défendu que par deux régiments de réserve et les trois batteries d’artillerie.
Le lendemain, les Allemands débouchaient du bois de Crévic et parvenaient à se glisser jusqu’à 500 mètres d’une des batteries, placée en haut de Dombasle à l’extrémité du Rembêtant et la forçaient à se retirer.
La situation devenait critique ; heureusement une des batteries admirablement défilée derrière la ferme Saint-Louis restait en place, et lorsque l’infanterie allemande parut sur la crête à 1.500 mètres, le feu ouvert par cette batterie fut presque instantanément efficace.
L’effet en fut si foudroyant que les fantassins applaudirent dans leurs tranchées. On vit sauter en l’air des fantassins allemands et les autres disparurent derrière la crête.
Le Rembêtant était sauvé.
Le 20e corps repassait la ligne et la garde du Grand-Couronné, continuée encore pendant quelques jours par ce groupe du 49e d’artillerie, ne leur a plus causé les mêmes craintes. Cela se passait le 23 août.
J’espère, monsieur, que vous voudrez bien dans un de vos articles parler un peu de cette journée qui fut si héroïque et qui est un titre de gloire pour nos chers artilleurs de Poitiers…-
A.Choué
18 mai 1915. - …Vous retracez en justes termes la conduite du 20e corps dans cette défense inoubliable du Grand-Couronné. Je tiens toutefois à vous dire que le Rembêtant fut occupé immédiatement après la retraite de Morhange par une fraction du 9e corps.
Le premier combat livré sur cette position fut le baptême du feu du 290e d’infanterie de réserve de Châteauroux, soutenu par un groupe du 49e d’artillerie de Poitiers. Une seule batterie de ce groupe, par un tir fauché et progressif commencé à 800 mètres de l’ennemi,déblaya immédiatement le plateau et nous permit d’occuper le soir même la ferme Saint-Louis en arrière d’Haraucourt.
Je ne veux pas rentrer dans d’autres détails, mais je tenais à vous faire cette simple remarque pour deux raisons. D’une part, arrêt très net des Allemands dans leur marche sur Dombasle et Varangéville à la suite de ce premier contact. D’autre part, intimité constante des 9e et 20e corps. Ces deux grandes unités, en France comme en Belgique, toujours envoyées sur les parties du front les plus violemment attaquées, ont souffert côte à côte et ensemble ont été à la victoire.
Aucune critique n’a pu être faite à leur sujet et on doit être fier d’appartenir à l’une d’elle.
(Extrait de : Chronique de la Grande Guerre, vol.IV, de Maurice Barrès)
Cordialement.
J.DIDIER
Après la parution de l'article de Maurice Barrès sur le Rembêtant, une nombreuse correspondance lui a été adressée de la part d'hommes du 9e C.A. pour lui rappeler que non seulement le 20e Corps veillait, mais qu'eux aussi contribuèrent largement à la défense de cette hauteur dominant Dombasle.
Jeudi 13 mai 1915. – J’ai éprouvé un peu de peine en lisant votre article d’avant-hier intitulé : le Rembêtant. J’y ai cherché en vain un mot sur le 9e corps, digne frère, en plusieurs combats, du glorieux 20e.
Au moment des grands combats sur la Meuse, vers le 17 août, une partie du 9e corps qui avait organisé la région N. et N.-E. du Grand-Couronné, face à Metz, s’embarqua pour la Belgique. Les autres éléments furent ramenés au sud-est et à l’est de Nancy pour soutenir la retraite de Morhange.
Le Rembêtant fut alors occupé par mon régiment le 290e . Nous y trouvâmes des tranchées dont un certain nombre avaient été faites dès les premiers jours de la concentration par les troupes du 9e corps. Mon régiment continua l’organisation de la croupe que les paysans appelaient le « fort ». Le 23 au matin, alors que les régiments du 20e corps se reformaient en arrière de nous, nous reçûmes le baptême du feu sur le Rembêtant. Le combat dura toute la journée. Les Allemands ne purent réussir à forcer la trouée du Sanon et du canal de la Marne au Rhin qui leur assurait la route de Nancy. Le lendemain, le beau 20e corps dont quelques détachements avaient, ainsi que des coloniaux, coopéré avec nous, reprenait sa brillante offensive après une retraite des plus rudes et vingt-quatre heures de repos !
Quant à nous, nous continuâmes d’occuper le « fort » et la trouée jusqu’au 2 septembre. A plusieurs reprises, nous fûmes bombardés par des pièces de gros calibres, tirant à longue portée. Le 2 septembre, nous devions quitter la Lorraine pour aller nous battre vers Fère Champenoise, laissant à d’autres, qui surent s’en acquitter, le souci de veiller sur la belle cité des ducs.
J’ai tenu à vous écrire, non pour diminuer la gloire du 20e, dont les deux divisions sont plus belles qu’on ne peut le dire, mais pour remplir un pieux devoir envers mon régiment et surtout nos morts, les premiers, les plus pleurés, hélas ! que nous enterrâmes près de Varangéville-La-Haute, au pied de ce Rembêtant qu’ils avaient victorieusement défendu contre les Prussiens et les Bavarois. – Sous-lieutenant Pluven.
18 mai 1915. - …Je comprends votre admiration pour le 20e corps, mais je voudrais vous voir l’étendre un peu sur ce 4e groupe du 49e d’artillerie du 9e corps, qui pour sa part a largement contribué à empêcher la prise de Nancy.
Ce groupe était en train de s’embarquer pour la Belgique à Pont-Saint-Vincent, quand, par une marche de nuit, il a été se porter sur le Grand-Couronné à la défense de Nancy, que l’échec de Morhange mettait en péril.
C’est sur le Rembêtant, face à Haraucourt et au bois de Crévic, que le 290e, le 268e et les batteries de ce groupe ont reçu l’ordre de tenir à tout prix, pendant que le 20e corps allait se reformer derrière la Meurthe. Leur première vision de guerre fut la retraite à travers leurs lignes du 20e corps décimé, mais non abattu, en particulier le transport sur le dos de son cheval, le bras tombant d’un côté et les jambes de l’autre, du corps de l’héroïque colonel, dont vous parlez dans votre article. Quand le dernier élément du 20e corps se fut écoulé, ils attendaient l’attaque ennemie avec la sensation un peu angoissante que le Rembêtant, dernier rempart de Nancy, n’était plus défendu que par deux régiments de réserve et les trois batteries d’artillerie.
Le lendemain, les Allemands débouchaient du bois de Crévic et parvenaient à se glisser jusqu’à 500 mètres d’une des batteries, placée en haut de Dombasle à l’extrémité du Rembêtant et la forçaient à se retirer.
La situation devenait critique ; heureusement une des batteries admirablement défilée derrière la ferme Saint-Louis restait en place, et lorsque l’infanterie allemande parut sur la crête à 1.500 mètres, le feu ouvert par cette batterie fut presque instantanément efficace.
L’effet en fut si foudroyant que les fantassins applaudirent dans leurs tranchées. On vit sauter en l’air des fantassins allemands et les autres disparurent derrière la crête.
Le Rembêtant était sauvé.
Le 20e corps repassait la ligne et la garde du Grand-Couronné, continuée encore pendant quelques jours par ce groupe du 49e d’artillerie, ne leur a plus causé les mêmes craintes. Cela se passait le 23 août.
J’espère, monsieur, que vous voudrez bien dans un de vos articles parler un peu de cette journée qui fut si héroïque et qui est un titre de gloire pour nos chers artilleurs de Poitiers…-
A.Choué
18 mai 1915. - …Vous retracez en justes termes la conduite du 20e corps dans cette défense inoubliable du Grand-Couronné. Je tiens toutefois à vous dire que le Rembêtant fut occupé immédiatement après la retraite de Morhange par une fraction du 9e corps.
Le premier combat livré sur cette position fut le baptême du feu du 290e d’infanterie de réserve de Châteauroux, soutenu par un groupe du 49e d’artillerie de Poitiers. Une seule batterie de ce groupe, par un tir fauché et progressif commencé à 800 mètres de l’ennemi,déblaya immédiatement le plateau et nous permit d’occuper le soir même la ferme Saint-Louis en arrière d’Haraucourt.
Je ne veux pas rentrer dans d’autres détails, mais je tenais à vous faire cette simple remarque pour deux raisons. D’une part, arrêt très net des Allemands dans leur marche sur Dombasle et Varangéville à la suite de ce premier contact. D’autre part, intimité constante des 9e et 20e corps. Ces deux grandes unités, en France comme en Belgique, toujours envoyées sur les parties du front les plus violemment attaquées, ont souffert côte à côte et ensemble ont été à la victoire.
Aucune critique n’a pu être faite à leur sujet et on doit être fier d’appartenir à l’une d’elle.
(Extrait de : Chronique de la Grande Guerre, vol.IV, de Maurice Barrès)
Cordialement.
J.DIDIER