Re: Capitaine KLIPFFEL - 332e R.I. - Témoignage
Publié : ven. juin 13, 2008 10:46 am
Bonjour tout l'monde,
et plus particulièrement à celles et ceux qui se sont intéressés à cette histoire du capitaine Klipffel, évoqué par Guilhem dans ce fil.
Grand merci à Jean-Luc Arnould qui a eu la gentillesse de retranscrire le témoignage de ce capitaine qui relate sur plusieurs pages l'odyssée de son groupement isolé, composé d'une compagnie du 332e R.I. mais également rejoint par d'autres égarés de la Retraite.
Quant à l'origine exacte de ce texte, j'avoue ne pas la connaître ; et Jean-François Jagielski qui m'avait communiqué copie de ce document il y a quelques années n'en sait pas davantage !
Voici donc la première partie de ce texte. La suite viendra ultérieurement.
Bonne lecture !
Amicalement,
Stéphan
___________________________________
CAPITAINE KLIPFFEL
QUINZE JOURS DANS LES LIGNES ALLEMANDES EN SEPTEMBRE 1914
Le 332e régiment d’infanterie se mobilise à Reims à partir du 2 août 1914. Il quitte cette ville le 11 août 1914 et gagne, par étapes, le point de concentration de la 69e division de réserve. Le 332e fait partie de la 137e brigade.
Le 19 août, la division commence sa marche vers le Nord et le 23, elle entre en Belgique. Le lendemain, à la suite de la bataille de Charleroi, commence la retraite de l’armée française qui devait se terminer par la bataille de la Marne.
Le 31 août, le 332e quitte Bry en Laonnois à 18 heures avec la 69e division de réserve pour se porter sur Anizy-Pinon, par Fourdrain, Saint Nicolas aux Bois et Suzy. En arrivant à Suzy, vers 22 heures, la 20e compagnie qui marche en queue du régiment, reçoit l’ordre de s’arrêter et de s’établir autour du village pour couvrir le parc d’artillerie de la 69e division qui bivouaque à la sortie sud de Suzy.
La compagnie fournit aussitôt des postes pour couvrir les différents débouchés et les hommes disponibles s’installent en cantonnement d’alerte dans le village.
1er septembre
Le parc, escorté par la compagnie, quitte le cantonnement de Suzy à 6 heures du matin et se porte sur Laon par l’itinéraire : Cessières – Molinchart – faubourg de La Neuville (Laon).
Le parc devait recevoir à Laon de nouveaux ordres. A 17 heures, le chef d’escadron commandant le parc, n’ayant pas reçu les ordres attendus, prend le parti de passer la nuit à la sortie sud de Laon (faubourg d’Ardon).
La compagnie couvre le bivouac par des postes tenant les routes vers le sud pendant que le gros de la compagnie s’établit dans Ardon en barricadant les débouchés vers le nord. Le capitaine avait à Laon un officier pour y recueillir des renseignements sur la situation générale.
L’officier (lieutenant Rozet) trouva la ville évacuée par les autorités militaires et civiles et rassembla les isolés de toutes armes qui erraient dans les rues.
Les hommes qui appartiennent à une vingtaine de corps différents sont groupés sous les ordres des gradés de la compagnie. Un convoi de blessés et d’éclopés, appartenant pour la plupart au 287e régiment de réserve, est également recueilli ; vers une heure du matin, arrive à Ardon une compagnie du 205e R.I. de réserve qui, à la suite de combats dans la forêt de Coucy, a perdu le contact avec son régiment.
Des renseignements assez vagues signalent qu’une brigade de cavalerie allemande est arrivée dans la soirée à Liesse (12 km au nord-est de Laon). Ces renseignements sont apportés par les gendarmes de Liesse qui ont pu s’échapper à bicyclette un peu avant l’arrivée des Allemands. Le chef d’escadron commandant le parc décide, n’ayant toujours pas reçu l’ordre, de se replier le lendemain dans la direction de Reims par la route : Bruyères, Bourg et Comin, Fismes.
2 septembre
La colonne quitte Ardon à 6 heures, la compagnie du 205e forme l’avant-garde, la 20e compagnie du 332e est arrière-garde, les sections formées avec les isolés rassemblés pendant la nuit sont intercalées entre les sections de parc. Quelques cavaliers (un maréchal des logis des dragons, un brigadier et deux chasseurs d’Afrique) flanquent la colonne.
La colonne prend l’itinéraire : Bruyères et Montbérault – Mont en Ault – Chamouille – Troyon. Vers 9 heures, au moment où la compagnie d’arrière-garde vient de franchir la rivière l’Ailette, la colonne est violemment canonnée par une batterie de 77 postée aux environs du Chemin des Dames. Le convoi reflue aussitôt en désordre, ainsi que les sections formées avec les isolés. Il est poursuivi par des détachements d’infanterie.
La 20e compagnie du 332e dégage immédiatement la route pour éviter d’être entraînée par le reflux des voitures, se forme à droite et à gauche de la route et occupe les boqueteaux de la rive sud de l’Ailette de façon à faire barrage et à permettre le repli du convoi.
Le capitaine n’a aucune nouvelle de la compagnie du 205e qui formait l’avant-garde ni des quelques cavaliers lancés sur les flancs.
Les première et deuxième sections formées à l’est de la route ouvrent le feu sur les fractions d’infanterie allemandes descendant de Cerny en Laonnois et arrêtent leur mouvement.
La 4ème section, à la faveur des bois, est poussée à l’ouest de la route jusqu’au sommet d’un mouvement de terrain qui barre l’horizon (900 mètres environ au sud de l’Ailette).
La 2ème section (adjudant Degouy) qui était en pointe d’arrière-garde a été entraînée par le reflux et la capitaine n’en a plus de nouvelles. La progression de l’infanterie allemande cesse aussitôt que notre feu lui a causé quelques pertes.
Au bout d’une heure environ, le capitaine apercevant sur les hauteurs du Chemin des Dames des mouvements de troupe importants, et tous les isolés du convoi s’étant repliés, prend le parti de repasser l’Ailette pour éviter d’être entouré dans les bois qu’il ne peut surveiller efficacement en raison de la faiblesse de son effectif. Le mouvement s’exécute par échelons et la compagnie réduite à trois sections va occuper la croupe au nord de Chamouille, d’où l’on peut surveiller facilement tout le terrain en avant et tenir par le feu tous les débouchés de la rivière l’Ailette et du ruisseau de Bièvres.
De l’observatoire excellent que forme la croupe de Chamouille, le capitaine peut se rendre compte à peu près de la situation : une longue colonne d’infanterie, au moins une division, suit le Chemin des Dames de l’est vers l’ouest.
D’autres fractions moins importante sont aperçues vers Ailles – Neuville et Courtecon – Crandelain. Ne pouvant se rendre compte, en raison de la distance et du mauvais éclairage si ces troupes sont amies ou ennemies, le capitaine fait monter à bicyclette quelques volontaires pour aller reconnaître ces troupes de plus près. Les éclaireurs reviennent bientôt, toutes les colonnes aperçues sont allemandes. Tous les débouchés vers le sud sont fermés, la situation n’est pas brillante. Ne pouvant avec un effectif réduit (3 sections) tenir un mouvement de terrain aussi étendu que la croupe de Chamouille, le capitaine prend la résolution de se replier sur Monthenault, ce petit village grâce à la configuration du terrain, peut être facilement défendu par une troupe peu nombreuse.
Monthenault est, en effet, construit sur une sorte d’isthme très étranglé qui réunit la croupe de Chamouille au massif sur lequel est construit le fort de Monbérault. Les Allemands laissent exécuter le mouvement sans chercher à le contrarier. Aussitôt arrivée à Montbérault, la compagnie s’y barricade. Au cours du combat, la compagnie a eu 4 tués et 8 blessés. Ces derniers ont été recueillis et emmenés à Monthenault, les morts laissés sur le terrain, ainsi qu’un blessé (Mahut) que l’on avait cru mort. Le capitaine envoie deux cyclistes voir si la route de Laon est encore libre. Ils reviennent bientôt annonçant que Laon est occupée par les Allemands ; ils n’ont pas trouvé sur leur chemin les débris du parc divisionnaire (il avait, en effet, quitté la grande route pour gagner Presles où il fut capturé dans la soirée).
Vers 17 heures, cinq autos allemandes chargées de fantassins et arrivant de la direction de Laon, viennent se heurter à nos barricades, elles sont accueillies à coup de fusil ; trois voitures ont leur moteur mis hors de service et après quelques minutes de fusillade assez vive, les Allemands survivants s’entassent dans les voitures restantes et prennent la fuite. Les autos démolies contenaient le produit de pillage : vivres, champagne et même une boite de bijoux usagés volés les jours précédents. Les trois autos furent brûlées, les vivres et le vin distribués aux hommes de la compagnie.
Le capitaine décide alors de se replier sur Reims, à la faveur de la nuit, par Corbeny et Berry-au-Bac. Je ne possède malheureusement aucune carte de la région et personne ne connaît l’itinéraire. Quand, par hasard, arrive de Monthenault un habitant qui connaît assez bien la région. Le capitaine le prend pour guide. Plusieurs caissons du parc avaient été recueillis, mais la difficulté d’une marche de nuit, à travers un pays inconnu, oblige à les laisser et on se contente d’emmener les chevaux avec leur harnachement et deux voitures contenant les blessés.
Au cours du combat de Chamouille, outre les tués et les blessés, la compagnie a perdu un adjudant, 3 sergents, 8 caporaux et 82 soldats disparus. La plupart faisaient partie de la section d’arrière-garde qui n’a pas rejoint. En outre, les hommes étaient restés avec le régiment à Suzy.
A 20 heures, la compagnie quitte Monthenault emmenant les blessés et 19 chevaux d’artillerie, conduits par un maréchal des logis et 9 artilleurs de parc. La compagnie suit l’itinéraire : Montbérault – Festieux, par le chemin des crêtes pour essayer de gagner Corbeny et se jeter ensuite en plaine, de façon à gagner Reims par le nord de la ville, mais un peu avant de déboucher sur la grand-route de Laon à Reims, elle se heurte à une colonne allemande considérable et est obligée de se rejeter vers le sud par la Bôve, Bouconville, Vauclair.
En arrivant auprès de l’ancienne abbaye de Vauclair, au point du jour, nouvelle rencontre d’une colonne allemande qui oblige la compagnie à se jeter dans les bois. Les voitures de blessés ne pouvant suivre, le capitaine charge le soldat Aveline et un artilleur de conduire les blessés dans le premier village qu’ils rencontreront et de les confier aux soins de la municipalité.
[à suivre...]
et plus particulièrement à celles et ceux qui se sont intéressés à cette histoire du capitaine Klipffel, évoqué par Guilhem dans ce fil.
Grand merci à Jean-Luc Arnould qui a eu la gentillesse de retranscrire le témoignage de ce capitaine qui relate sur plusieurs pages l'odyssée de son groupement isolé, composé d'une compagnie du 332e R.I. mais également rejoint par d'autres égarés de la Retraite.
Quant à l'origine exacte de ce texte, j'avoue ne pas la connaître ; et Jean-François Jagielski qui m'avait communiqué copie de ce document il y a quelques années n'en sait pas davantage !
Voici donc la première partie de ce texte. La suite viendra ultérieurement.
Bonne lecture !
Amicalement,
Stéphan
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CAPITAINE KLIPFFEL
QUINZE JOURS DANS LES LIGNES ALLEMANDES EN SEPTEMBRE 1914
Le 332e régiment d’infanterie se mobilise à Reims à partir du 2 août 1914. Il quitte cette ville le 11 août 1914 et gagne, par étapes, le point de concentration de la 69e division de réserve. Le 332e fait partie de la 137e brigade.
Le 19 août, la division commence sa marche vers le Nord et le 23, elle entre en Belgique. Le lendemain, à la suite de la bataille de Charleroi, commence la retraite de l’armée française qui devait se terminer par la bataille de la Marne.
Le 31 août, le 332e quitte Bry en Laonnois à 18 heures avec la 69e division de réserve pour se porter sur Anizy-Pinon, par Fourdrain, Saint Nicolas aux Bois et Suzy. En arrivant à Suzy, vers 22 heures, la 20e compagnie qui marche en queue du régiment, reçoit l’ordre de s’arrêter et de s’établir autour du village pour couvrir le parc d’artillerie de la 69e division qui bivouaque à la sortie sud de Suzy.
La compagnie fournit aussitôt des postes pour couvrir les différents débouchés et les hommes disponibles s’installent en cantonnement d’alerte dans le village.
1er septembre
Le parc, escorté par la compagnie, quitte le cantonnement de Suzy à 6 heures du matin et se porte sur Laon par l’itinéraire : Cessières – Molinchart – faubourg de La Neuville (Laon).
Le parc devait recevoir à Laon de nouveaux ordres. A 17 heures, le chef d’escadron commandant le parc, n’ayant pas reçu les ordres attendus, prend le parti de passer la nuit à la sortie sud de Laon (faubourg d’Ardon).
La compagnie couvre le bivouac par des postes tenant les routes vers le sud pendant que le gros de la compagnie s’établit dans Ardon en barricadant les débouchés vers le nord. Le capitaine avait à Laon un officier pour y recueillir des renseignements sur la situation générale.
L’officier (lieutenant Rozet) trouva la ville évacuée par les autorités militaires et civiles et rassembla les isolés de toutes armes qui erraient dans les rues.
Les hommes qui appartiennent à une vingtaine de corps différents sont groupés sous les ordres des gradés de la compagnie. Un convoi de blessés et d’éclopés, appartenant pour la plupart au 287e régiment de réserve, est également recueilli ; vers une heure du matin, arrive à Ardon une compagnie du 205e R.I. de réserve qui, à la suite de combats dans la forêt de Coucy, a perdu le contact avec son régiment.
Des renseignements assez vagues signalent qu’une brigade de cavalerie allemande est arrivée dans la soirée à Liesse (12 km au nord-est de Laon). Ces renseignements sont apportés par les gendarmes de Liesse qui ont pu s’échapper à bicyclette un peu avant l’arrivée des Allemands. Le chef d’escadron commandant le parc décide, n’ayant toujours pas reçu l’ordre, de se replier le lendemain dans la direction de Reims par la route : Bruyères, Bourg et Comin, Fismes.
2 septembre
La colonne quitte Ardon à 6 heures, la compagnie du 205e forme l’avant-garde, la 20e compagnie du 332e est arrière-garde, les sections formées avec les isolés rassemblés pendant la nuit sont intercalées entre les sections de parc. Quelques cavaliers (un maréchal des logis des dragons, un brigadier et deux chasseurs d’Afrique) flanquent la colonne.
La colonne prend l’itinéraire : Bruyères et Montbérault – Mont en Ault – Chamouille – Troyon. Vers 9 heures, au moment où la compagnie d’arrière-garde vient de franchir la rivière l’Ailette, la colonne est violemment canonnée par une batterie de 77 postée aux environs du Chemin des Dames. Le convoi reflue aussitôt en désordre, ainsi que les sections formées avec les isolés. Il est poursuivi par des détachements d’infanterie.
La 20e compagnie du 332e dégage immédiatement la route pour éviter d’être entraînée par le reflux des voitures, se forme à droite et à gauche de la route et occupe les boqueteaux de la rive sud de l’Ailette de façon à faire barrage et à permettre le repli du convoi.
Le capitaine n’a aucune nouvelle de la compagnie du 205e qui formait l’avant-garde ni des quelques cavaliers lancés sur les flancs.
Les première et deuxième sections formées à l’est de la route ouvrent le feu sur les fractions d’infanterie allemandes descendant de Cerny en Laonnois et arrêtent leur mouvement.
La 4ème section, à la faveur des bois, est poussée à l’ouest de la route jusqu’au sommet d’un mouvement de terrain qui barre l’horizon (900 mètres environ au sud de l’Ailette).
La 2ème section (adjudant Degouy) qui était en pointe d’arrière-garde a été entraînée par le reflux et la capitaine n’en a plus de nouvelles. La progression de l’infanterie allemande cesse aussitôt que notre feu lui a causé quelques pertes.
Au bout d’une heure environ, le capitaine apercevant sur les hauteurs du Chemin des Dames des mouvements de troupe importants, et tous les isolés du convoi s’étant repliés, prend le parti de repasser l’Ailette pour éviter d’être entouré dans les bois qu’il ne peut surveiller efficacement en raison de la faiblesse de son effectif. Le mouvement s’exécute par échelons et la compagnie réduite à trois sections va occuper la croupe au nord de Chamouille, d’où l’on peut surveiller facilement tout le terrain en avant et tenir par le feu tous les débouchés de la rivière l’Ailette et du ruisseau de Bièvres.
De l’observatoire excellent que forme la croupe de Chamouille, le capitaine peut se rendre compte à peu près de la situation : une longue colonne d’infanterie, au moins une division, suit le Chemin des Dames de l’est vers l’ouest.
D’autres fractions moins importante sont aperçues vers Ailles – Neuville et Courtecon – Crandelain. Ne pouvant se rendre compte, en raison de la distance et du mauvais éclairage si ces troupes sont amies ou ennemies, le capitaine fait monter à bicyclette quelques volontaires pour aller reconnaître ces troupes de plus près. Les éclaireurs reviennent bientôt, toutes les colonnes aperçues sont allemandes. Tous les débouchés vers le sud sont fermés, la situation n’est pas brillante. Ne pouvant avec un effectif réduit (3 sections) tenir un mouvement de terrain aussi étendu que la croupe de Chamouille, le capitaine prend la résolution de se replier sur Monthenault, ce petit village grâce à la configuration du terrain, peut être facilement défendu par une troupe peu nombreuse.
Monthenault est, en effet, construit sur une sorte d’isthme très étranglé qui réunit la croupe de Chamouille au massif sur lequel est construit le fort de Monbérault. Les Allemands laissent exécuter le mouvement sans chercher à le contrarier. Aussitôt arrivée à Montbérault, la compagnie s’y barricade. Au cours du combat, la compagnie a eu 4 tués et 8 blessés. Ces derniers ont été recueillis et emmenés à Monthenault, les morts laissés sur le terrain, ainsi qu’un blessé (Mahut) que l’on avait cru mort. Le capitaine envoie deux cyclistes voir si la route de Laon est encore libre. Ils reviennent bientôt annonçant que Laon est occupée par les Allemands ; ils n’ont pas trouvé sur leur chemin les débris du parc divisionnaire (il avait, en effet, quitté la grande route pour gagner Presles où il fut capturé dans la soirée).
Vers 17 heures, cinq autos allemandes chargées de fantassins et arrivant de la direction de Laon, viennent se heurter à nos barricades, elles sont accueillies à coup de fusil ; trois voitures ont leur moteur mis hors de service et après quelques minutes de fusillade assez vive, les Allemands survivants s’entassent dans les voitures restantes et prennent la fuite. Les autos démolies contenaient le produit de pillage : vivres, champagne et même une boite de bijoux usagés volés les jours précédents. Les trois autos furent brûlées, les vivres et le vin distribués aux hommes de la compagnie.
Le capitaine décide alors de se replier sur Reims, à la faveur de la nuit, par Corbeny et Berry-au-Bac. Je ne possède malheureusement aucune carte de la région et personne ne connaît l’itinéraire. Quand, par hasard, arrive de Monthenault un habitant qui connaît assez bien la région. Le capitaine le prend pour guide. Plusieurs caissons du parc avaient été recueillis, mais la difficulté d’une marche de nuit, à travers un pays inconnu, oblige à les laisser et on se contente d’emmener les chevaux avec leur harnachement et deux voitures contenant les blessés.
Au cours du combat de Chamouille, outre les tués et les blessés, la compagnie a perdu un adjudant, 3 sergents, 8 caporaux et 82 soldats disparus. La plupart faisaient partie de la section d’arrière-garde qui n’a pas rejoint. En outre, les hommes étaient restés avec le régiment à Suzy.
A 20 heures, la compagnie quitte Monthenault emmenant les blessés et 19 chevaux d’artillerie, conduits par un maréchal des logis et 9 artilleurs de parc. La compagnie suit l’itinéraire : Montbérault – Festieux, par le chemin des crêtes pour essayer de gagner Corbeny et se jeter ensuite en plaine, de façon à gagner Reims par le nord de la ville, mais un peu avant de déboucher sur la grand-route de Laon à Reims, elle se heurte à une colonne allemande considérable et est obligée de se rejeter vers le sud par la Bôve, Bouconville, Vauclair.
En arrivant auprès de l’ancienne abbaye de Vauclair, au point du jour, nouvelle rencontre d’une colonne allemande qui oblige la compagnie à se jeter dans les bois. Les voitures de blessés ne pouvant suivre, le capitaine charge le soldat Aveline et un artilleur de conduire les blessés dans le premier village qu’ils rencontreront et de les confier aux soins de la municipalité.
[à suivre...]