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Re: Lettre de l'abbé BIROT, Aumônier de la 31e Division

Publié : mar. mai 27, 2008 4:18 pm
par jacques didier
Bonjour à toutes et à tous,

L'abbé BIROT aumônier de la 31e Division, prêtre anticonformiste et républicain, décrit ce qu'il observe en ce début de guerre, notamment dans cette lettre qu'il adresse au Préfet Mirman au sujet de cette institutrice de Minorville (54) lors des combats de Flirey, de Seicheprey et de Beaumont en septembre-octobre 1914.
C'est cet aumônier qui célèbrera la cérémonie d'inhumation du général SIBILLE, tué le 27 septembre 1914 dans le combat de Beaumont.
Dans cette lettre, l'aumônier exalte l'héroïsme non seulement des religieuses mais aussi l'héroïsme des laïques du corps enseignant.

3 octobre 1914

« Monsieur le préfet,


J’accomplis un ordre de ma conscience en prenant l’initiative de signaler à votre intention, à cette heure où le sens patriotique et le dévouement ont tant de prix, la conduite particulièrement remarquable de Mlle PATURLANNE, institutrice à Minorville.
Au cours de toute la campagne de l’armée de Lorraine, que j’ai suivie en qualité d’aumônier militaire de la…division de…, à Minorville, je n’ai pas trouvé d’autre meilleur exemple des services que l’action privée pourrait rendre à l’organisation militaire, jusque dans les plus petites localités, pour le soulagement et le soin des blessés.
De vastes hôpitaux ont été organisés par la Croix-Rouge Française, dans les grandes villes, à l’arrière des armées. Mais, à l’avant, les ambulances militaires ont dû se contenter partout, ou presque partout, d’installations de fortune…
Les Religieuses de Gerbéviller, grâce à leur petit hôpital, ont rendu à l’armée d’héroïques services justement appréciés. Mais leur installation n’était pas à faire. Mlle Paturlanne a tout créé par son seul zèle et son savoir-faire. Le…, arrivant à Minorville, l’ambulance de la …division a trouvé une salle d’école garnie de 15 à 20 couchettes, avec draps, matelas, couvertures, abondamment éclairée, chauffée ; un groupe de six ou sept jeunes filles du village, anciennes élèves de cette admirable maîtresse était prêt à la seconder, veillant les malades et les blessés de jour et de nuit, leur prodiguant ces soins délicats que la femme seule sait donner, les lavant, les pansant, les consolant de toute manière ; formées par leur chef, ces jeunes filles refusèrent de quitter le village au moment du bombardement, qui fit fuir la plus grande partie de la population, et elles gardèrent une tenue digne de toute éloge par leur courage et leur simplicité.
L’ambulance de la division trouva ainsi un organisme prêt à fonctionner, fonctionnant déjà, auquel elle fut heureuse, sous la surveillance d’un de ses médecins, de confier ses blessés les plus graves, qui réclamaient des soins spéciaux. J’ai vu plusieurs blessés au ventre, dont l’évacuation a pu ainsi être opportunément retardée, et qui doivent certainement leur vie aux soins qu’ils ont reçu dans cette maison.
Pendant tout le cours de notre séjour jusqu’au… j’ai constaté que cette salle aménagée par Mlle Paturlanne, institutrice à Minorville, souvent remplie de blessés, fut toujours abondamment pourvue de lait, café, thé, bouillon, par les soins de Mlle Paturlanne, et que les malades y ont été traités aussi bien qu’ils l’eussent été dans leur famille ou dans les hôpitaux les mieux montés.
Monsieur le Préfet, j’ai tenu à vous signaler ce fait à votre haut patriotisme. Mon témoignage en faveur d’une institutrice ne vous paraîtra pas suspect. J’ose espérer qu’il ne vous surprendra pas. Je cherche tout ce qui peut faire la France plus noble et plus belle. La conduite de Mlle l’institutrice de Minorville, outre son utilité pratique immédiate, constitue un exemple que l’on peut proposer à l’initiative privée partout où passent les armées françaises ; il a, en outre, une portée pédagogique que je n’ai pas besoin de faire remarquer plus longtemps à votre sagacité.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma haute et respectueuse considération. »

L. BIROT
Vicaire général d’Albi,
Aumônier des Armées en campagne.


Lettre extraite de : 1914 ! Pages de guerre écrites au jour le jour, volume 1.

Cordialement.
J.Didier