Re: Plateau de Californie... 22 juillet 1917
Publié : dim. juil. 22, 2007 5:40 pm
Bonjour à toutes et à tous,
Plateau de Californie - L'an 1917, le 22 juillet, un beau dimanche à 4 heures du matin.
Extrait du journal de guerre d'un chasseur du 41e B.C.P., écrit en partie au camp de Dülmen. Une pensée pour ce membre de notre famille.
<< Connaissant ce secteur,le bruit courut à midi que c'était pour le soir, et à 4 heures on touchait ce qu'il nous manquait, en nous ordonnant de faire le paquetage d'assaut. On quitta le camp à 10 heures, après avoir passé sous la bouche de nos canons qui crachaient en tirant et nous cassaient les oreiles. Nous traversâmes Craonelle tout en ruine, là on nous distribua des outils de parc, des munitions de réserve, bref avec ce que nous portions déjà on était chargé à tomber. Après avoir fait 12 km. par des chemins défoncés par les obus et des tranchées à peine tracées, toutes bouleversées, on a pu retrouver non sans peine son emplacement. Jamais je n'avais fait une relève aussi pénible. On arriva vers une heure du matin, dans une mauvaise tranchée sans abri, presque en première ligne, située à 30 mètres de l'ennemi. Pour ma part, je me suis trouvé avec deux camarades dans un trou d'obus qui servait de poste d'écoute. Je suis resté là sans dormir, sans être relevé jusqu'au moment où je fus fait prisonnier. Lorsque j'ai découvert le poste que j'occupais, je me suis considéré comme perdu. Si je n'avais pas été fait prisonnier, j'aurais été tué. Cela aurait été un miracle si j'avais pu réchapper cette fois-ci de ce mauvais passage.
La nuit de samedi à dimanche avait été assez tranquille. Le bruit courait que nous ferions une petite attaque dans la journée pour tenter d'occuper la ligne de tranchée qui se trouvait à peu près 30 mètres devant nous. Nous n'avons pas eu cette peine, au petit jour le ravitaillement venait juste d'arriver, j'avais bu un peu de café et mon eau-de-vie. Je regagnais mon poste en laissant tout le manger et le vin à la section qui occupait la tranchée à quelques mètres. A peine arrivé que l'ennemi nous envoya une rafale d'obus et de torpilles, je me couchais pour les éviter le plus possible et me protéger des projectiles. Mon trou n'était plus tenable, il en tombait tout autour et bien près, je me redressais un peu pour voir ce que je pouvais faire, rester ou rejoindre mes camarades. C'est à ce moment que je vis l'ennemi qui arrivait en nombre sur nos tranchées et au même instant je recevais une grenade en pleine côte. C'est grâce à ma musette, à mon équipement et la présence d'esprit qui m'est venu de me tourner de côté que je ne fus que légèrement blessé. Je courus rejoindre les camarades qui étaient tous couchés dans la tranchée, il y avait beaucoup de blessés. Je donnais l'alarme en criant "Les Voilà!" ce fut une panique, on ne savait plus où se mettre tant les projectiles de toutes sortes tombaient. J'étais un des premiers de l'autre tranchée qui était devenue muette, ils avaient du tous se faire tuer. Comme je voyais un Allemand me mettre en joue je criais "Camarade!" et je lui montrais que je perdais du sang. Au même moment, tous mes camarades criaient de même, quand je sentis une grenade faire explosion sur moi, la fumée, la détonation, la secousse, fit que je me suis senti perdu, ce qui ne dura que deux ou trois minutes.
Je respirais, je ne ressentais pas trop de douleurs, si ce n'est que mes oreilles bourdonnaient avec les bombardements. Je n'entendais plus rien, mais je me sentais capable de ne pas rester là. C'est d'un bond que je courus avec les camarades, sous nos obus destinés aux assaillants, pour aller au poste de secours allemand. Dans ma course je me suis ramassé plusieurs fois, tombant dans des trous ou m'acrochant aux fils de fer, plusieurs des nôtres furent tués ou blessés au cours de ce petit trajet. Je reçu un bon pansement par le major et les infirmiers ennemis qui se montraient très bon et doux pour nous. Nous avions été surpris par leur attaque.
D'habitude on subissait un bombardement plus ou moins prolongé avant l'attaque, mais il n'en fut pas de même cette fois. Il y avait à peine dix minutes qu'ils nous terrorisaient par leurs obus, quand ils vinrent nous surprendre, personne ne put sortir la tête de la tranchée pour voir ce qui se passait. Voilà pourquoi toute la section et notre lieutenant furent faits prisonniers. Malheureusement, près de la moitié n'ont pu nous suivre, une partie mort ou mourant. Le 77e régiment d'infanterie qui était en ligne avec nous, a subi des grosses pertes, principalement en prisonniers. Le 41e B.C.P. n'a pas trop souffert la journée du 22 juillet, seulement la moitié de la 1e compagnie dont je faisais partie qui avait reçu l'ordre de renforcer le 77e.......
Cordialement.
J.Didier
Plateau de Californie - L'an 1917, le 22 juillet, un beau dimanche à 4 heures du matin.
Extrait du journal de guerre d'un chasseur du 41e B.C.P., écrit en partie au camp de Dülmen. Une pensée pour ce membre de notre famille.
<< Connaissant ce secteur,le bruit courut à midi que c'était pour le soir, et à 4 heures on touchait ce qu'il nous manquait, en nous ordonnant de faire le paquetage d'assaut. On quitta le camp à 10 heures, après avoir passé sous la bouche de nos canons qui crachaient en tirant et nous cassaient les oreiles. Nous traversâmes Craonelle tout en ruine, là on nous distribua des outils de parc, des munitions de réserve, bref avec ce que nous portions déjà on était chargé à tomber. Après avoir fait 12 km. par des chemins défoncés par les obus et des tranchées à peine tracées, toutes bouleversées, on a pu retrouver non sans peine son emplacement. Jamais je n'avais fait une relève aussi pénible. On arriva vers une heure du matin, dans une mauvaise tranchée sans abri, presque en première ligne, située à 30 mètres de l'ennemi. Pour ma part, je me suis trouvé avec deux camarades dans un trou d'obus qui servait de poste d'écoute. Je suis resté là sans dormir, sans être relevé jusqu'au moment où je fus fait prisonnier. Lorsque j'ai découvert le poste que j'occupais, je me suis considéré comme perdu. Si je n'avais pas été fait prisonnier, j'aurais été tué. Cela aurait été un miracle si j'avais pu réchapper cette fois-ci de ce mauvais passage.
La nuit de samedi à dimanche avait été assez tranquille. Le bruit courait que nous ferions une petite attaque dans la journée pour tenter d'occuper la ligne de tranchée qui se trouvait à peu près 30 mètres devant nous. Nous n'avons pas eu cette peine, au petit jour le ravitaillement venait juste d'arriver, j'avais bu un peu de café et mon eau-de-vie. Je regagnais mon poste en laissant tout le manger et le vin à la section qui occupait la tranchée à quelques mètres. A peine arrivé que l'ennemi nous envoya une rafale d'obus et de torpilles, je me couchais pour les éviter le plus possible et me protéger des projectiles. Mon trou n'était plus tenable, il en tombait tout autour et bien près, je me redressais un peu pour voir ce que je pouvais faire, rester ou rejoindre mes camarades. C'est à ce moment que je vis l'ennemi qui arrivait en nombre sur nos tranchées et au même instant je recevais une grenade en pleine côte. C'est grâce à ma musette, à mon équipement et la présence d'esprit qui m'est venu de me tourner de côté que je ne fus que légèrement blessé. Je courus rejoindre les camarades qui étaient tous couchés dans la tranchée, il y avait beaucoup de blessés. Je donnais l'alarme en criant "Les Voilà!" ce fut une panique, on ne savait plus où se mettre tant les projectiles de toutes sortes tombaient. J'étais un des premiers de l'autre tranchée qui était devenue muette, ils avaient du tous se faire tuer. Comme je voyais un Allemand me mettre en joue je criais "Camarade!" et je lui montrais que je perdais du sang. Au même moment, tous mes camarades criaient de même, quand je sentis une grenade faire explosion sur moi, la fumée, la détonation, la secousse, fit que je me suis senti perdu, ce qui ne dura que deux ou trois minutes.
Je respirais, je ne ressentais pas trop de douleurs, si ce n'est que mes oreilles bourdonnaient avec les bombardements. Je n'entendais plus rien, mais je me sentais capable de ne pas rester là. C'est d'un bond que je courus avec les camarades, sous nos obus destinés aux assaillants, pour aller au poste de secours allemand. Dans ma course je me suis ramassé plusieurs fois, tombant dans des trous ou m'acrochant aux fils de fer, plusieurs des nôtres furent tués ou blessés au cours de ce petit trajet. Je reçu un bon pansement par le major et les infirmiers ennemis qui se montraient très bon et doux pour nous. Nous avions été surpris par leur attaque.
D'habitude on subissait un bombardement plus ou moins prolongé avant l'attaque, mais il n'en fut pas de même cette fois. Il y avait à peine dix minutes qu'ils nous terrorisaient par leurs obus, quand ils vinrent nous surprendre, personne ne put sortir la tête de la tranchée pour voir ce qui se passait. Voilà pourquoi toute la section et notre lieutenant furent faits prisonniers. Malheureusement, près de la moitié n'ont pu nous suivre, une partie mort ou mourant. Le 77e régiment d'infanterie qui était en ligne avec nous, a subi des grosses pertes, principalement en prisonniers. Le 41e B.C.P. n'a pas trop souffert la journée du 22 juillet, seulement la moitié de la 1e compagnie dont je faisais partie qui avait reçu l'ordre de renforcer le 77e.......
Cordialement.
J.Didier