Re: Colline de Lorette - Terre de souffrance pour le 3° BCP
Publié : mar. mars 21, 2006 5:57 pm
Bonjour
Je vous soumets un extrait d'un petit ouvrage intitulé:
"Avec les diables bleus" écrit par un aumonier au n°x Bataillon de chasseurs à pied, édité en 1916 chez Gabriel Beauchesne à Paris et dédié au Chef de Bataillon P.
Il s'agit très certainement du Chef de Bataillon Pineau, commandant le 3° BCP.
En Mai - Juin et Juillet 1915, le 3° BCP combattait dans les secteurs du Fond de Buval, de la Tranchées des Saules et du Bois Carré.
"Représentez vous un coin des petits vallonnements de l'Artois. Après le savant ravage des pelles et des pioches, les obus par centaines de mille sont tombés sur ce sol.
La terre est brûlée, calcinée, cuite et recuite, labourée par l'acier, ensemencée de plomb.
Les arbres, car il y avait pas mal de petits bois sur les pentes, quand ils restent debout, sont effroyablement déchiquetés, sortes d'allumettes géantes, demi-noircies, desquelles pendent de pitoyables lambeaux.
A cette époque de sève irrésistible et dans cette région si fertile, pas une feuille, pas un brin d'herbe. Il semble qu'une vague de feu a passé par là. Ce que le fer n'a pas brisé, l'explosion l'a tué, la flamme de l'obus l'a grillé. Indescriptible chaos !…
Un détail : tout près de nous, une route nationale traverse un bois, un vrai bois planté de hauts arbres. Eh bien, il est maintenant impossible de distinguer la route du bois !
Mais ce qui fait la suprême horreur de cette vision d'épouvante, c'est qu'on s'y trouve au royaume de la mort! Elle plane sur ce coin de terre, elle vous étreint, elle semble vous appeler de mille voix furieuses et vous dire que rien qu'à pénétrer dans ce domaine, vous allez, comme tous ceux-là, devenir sa proie. Partout des cadavres et des cadavres : dans toutes les positions, dans tous les coins, en tas, isolés, entiers ou mutilés; il y en a, dans les boyaux, dans les abris, sur le parapet, dans le parapet, devant, derrière… et de leur geste crispé, de ce regard convulsé qui vous poursuit longtemps, ils semblent vous arrêter et vous crier : "Retournez !.. Allez-vous-en, ou vous subirez le même sort.
Ici c'est le séjour des morts !! Et comme pour ponctuer cet avertissement d'outre tombe, de lugubres sifflements et de déchirantes explosions qui vous couvrent de terre et vous forcent à vous coucher, là, dans la poussière, tout contre eux….. La tuerie se poursuit sur ces tristes dépouilles et les obus les massacrent encore… Songez qu'il y a là, autour de nous, dans un rayon de 1.500 à 2.000 mètres environ, 100.000 cadavres français et allemands… des myriades de grosses mouches bleues passent indifféremment des morts aux vivants…Voilà l'existence de ces héros….."
Bien cordialement
Alain
Je vous soumets un extrait d'un petit ouvrage intitulé:
"Avec les diables bleus" écrit par un aumonier au n°x Bataillon de chasseurs à pied, édité en 1916 chez Gabriel Beauchesne à Paris et dédié au Chef de Bataillon P.
Il s'agit très certainement du Chef de Bataillon Pineau, commandant le 3° BCP.
En Mai - Juin et Juillet 1915, le 3° BCP combattait dans les secteurs du Fond de Buval, de la Tranchées des Saules et du Bois Carré.
"Représentez vous un coin des petits vallonnements de l'Artois. Après le savant ravage des pelles et des pioches, les obus par centaines de mille sont tombés sur ce sol.
La terre est brûlée, calcinée, cuite et recuite, labourée par l'acier, ensemencée de plomb.
Les arbres, car il y avait pas mal de petits bois sur les pentes, quand ils restent debout, sont effroyablement déchiquetés, sortes d'allumettes géantes, demi-noircies, desquelles pendent de pitoyables lambeaux.
A cette époque de sève irrésistible et dans cette région si fertile, pas une feuille, pas un brin d'herbe. Il semble qu'une vague de feu a passé par là. Ce que le fer n'a pas brisé, l'explosion l'a tué, la flamme de l'obus l'a grillé. Indescriptible chaos !…
Un détail : tout près de nous, une route nationale traverse un bois, un vrai bois planté de hauts arbres. Eh bien, il est maintenant impossible de distinguer la route du bois !
Mais ce qui fait la suprême horreur de cette vision d'épouvante, c'est qu'on s'y trouve au royaume de la mort! Elle plane sur ce coin de terre, elle vous étreint, elle semble vous appeler de mille voix furieuses et vous dire que rien qu'à pénétrer dans ce domaine, vous allez, comme tous ceux-là, devenir sa proie. Partout des cadavres et des cadavres : dans toutes les positions, dans tous les coins, en tas, isolés, entiers ou mutilés; il y en a, dans les boyaux, dans les abris, sur le parapet, dans le parapet, devant, derrière… et de leur geste crispé, de ce regard convulsé qui vous poursuit longtemps, ils semblent vous arrêter et vous crier : "Retournez !.. Allez-vous-en, ou vous subirez le même sort.
Ici c'est le séjour des morts !! Et comme pour ponctuer cet avertissement d'outre tombe, de lugubres sifflements et de déchirantes explosions qui vous couvrent de terre et vous forcent à vous coucher, là, dans la poussière, tout contre eux….. La tuerie se poursuit sur ces tristes dépouilles et les obus les massacrent encore… Songez qu'il y a là, autour de nous, dans un rayon de 1.500 à 2.000 mètres environ, 100.000 cadavres français et allemands… des myriades de grosses mouches bleues passent indifféremment des morts aux vivants…Voilà l'existence de ces héros….."
Bien cordialement
Alain