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Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 12:35 am
par Stephan @gosto
Bonsoir à tous,

Voici les deux premières lettres envoyées par Jean à ses parents. Il venait d'avoir 19 ans et n'en atteindra jamais 22.

De Faucogney. - Carte à son père :
27 août 1914.

De toutes parts ne me viennent que des conseils de lâcheté ; je viens d'écrire au Directeur pour lui demander de m'accorder un congé pour m'engager. S'il refuse, alors seulement je serai sûr de mon utilité et ma conscience sera tranquille. Ne dis rien à maman.

Ton A.

On dit ici que du côté de Nancy ça va très mal.


Même date. Envoyée plus tardivement que la précédente.
Ma maman chérie,

Tu sais combien je t'ai toujours aimée tendrement et je te confie qu'éloigné de toi, c'est à toi surtout et toujours que je pense - à toi presque uniquement. N'ayant jamais eu d'aventure sentimentale, c'est l'amour de ma mère qui est resté profondément ancré en mon coeur, c'est la seule passion qui l'emplit, c'est la pensée qui soutient mon isolement.

Je voudrais te persuader, en te disant combien je t'aime, que j'ai le droit de te dire les paroles dures que je vais prononcer.

En ces tristes jours que traverse la patrie, qui sombrera si elle ne trouve pas assez de dévouements et de poitrines au devant des balles, vous autres femmes, vous autres mères, embrassez ceux qui partent, mais vous n'avez pas le droit de donner un conseil, votre devoir est de vous taire.

Pour revenir à moi, lorsque j'avais, au début, décidé de m'engager, j'oubliais pour un moment les pleurs de ma mère ; comme quand j'ai décidé de rester à mon poste, ce ne sont ni, bien entendu, la pensée de ma sûreté, ni les conseils de ma mère aimée, ni ceux qui me sont venus de toute part ; j'ai raisonné en toute froideur d'esprit et j'ai demandé un ordre à l'homme de devoir qu'est mon père.

A moins de défaites, je crois que je ne partirai pas, mais ce ne sont pas tes lettres émouvantes, ce ne sont pas les conseils que tu m'as fait donner par G... - que j'ai grondé pour cela - qui me résolvent. Devoir d'abord. A cette seule condition, vous pourrez être fiers de votre fils.

Je voudrais que vous puissiez dire a M. L... que la guerre aussi est une folie et à mes amis qui ont dix-huit ans et qui sont solides que leur poste est sous les drapeaux, sinon je rougirai d'eux après la guerre - foi de « sans-patrie » !


Définitivement, autres temps...

Je lis et relis souvent ces lettres. Je les trouve terriblement belles, tristes, graves, dures, et rares. Le bouquin dont je les extrais étant également rare, je tenais à les faire lire à ceux que cela pourra intéresser. Je pourrai en poster quelques autres toutes aussi fortes si cela vous chante.

Amicalement,

Stéphan

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 12:50 am
par bernard berthion
Bonsoir Stephan,

je compte sur toi pour continuer à nous faire partager de telles émotions .
Merci .
Cordialement BB

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 12:51 am
par olivier gaget
Bonsoir à tous,

merci Stéphan, pour ces belles pages, décidément bien émouvantes !

Amicalement,
Olivier

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 12:54 am
par Annie
Bonsoir Stéphan, bonsoir à tous,

Autre lien trouvé grâce à Jérôme :
pages1418/annonces-pages-bibliophile/I- ... 3510-1.htm

Sur Gutenberg Project, la dernière lettre écrite par des soldats français :
http://www.gutenberg.org/etext/12401

Cordialement
Annie

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 8:47 am
par Eric Mansuy
Bonjour à tous,
Salut Stéphan,

Merci en effet pour ces deux belles lettres. "Le bouquin dont je les extrais étant également rare" : voilà une petite phrase bien alléchante... A suivre, j'espère...!
Amicalement,
Eric

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 9:35 am
par fauqueux michel
BONJOUR
Que ces lettres, bien écrites par l'auteur,sont touchantes elles reflètent bien l'état d'esprit de ces jeunes (et moins jeunes)qu'ils pouvaient avoir en ces instants dramatiques,et que devait être dur pour une mère de lire de telles missives.
Merci Stephan,tu peux,je crois, continuer à nous faire partager d'autres lettres de ce style.
cordialement
michel

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 9:47 am
par Daniel Roess
Bonjour à tous,

Merci Stephan, pour ces extraits, qui démontrent une fois de plus, que cet esprit patriotique, d'abnégation, de sacrifice, était vraiment très ancré dans une large part de la population, des deux cotés de la ligne bleue des Vosges, en réalité.

Ces "lettre à ma mère", écrites par milliers sur toute la ligne du front, des Flandres aux Vosges, démontrent une profonde préparation de ces jeunes Français, à cette guerre pressentie depuis quelques temps.

Elles sont vraiment un témoignage, à ne pas oublier.

Amicalement
Daniel

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 11:04 am
par KROLE
Bonjour,
et merci Stéphan

Emouvant témoignage... ça devait être bien difficile pour une mère de recevoir une telle lettre de son fils.

Si vous pouvez nous faire partager d'autres lettres.

Rien ne sera jamais plus fort, que les témoignages qu'ils ont laissés.

Amicalement
Carole

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 11:13 am
par alain chaupin
Bonjour à toutes et à tous
Tu vois Stéphan, j'ai souhaité, en vain!!! que ce type de témoignage soit isolé du "tout venant" et que l'on puisse ouvrir enfin une page exclusivement destinée aux témoignages et récits de nos chers poilus, car pour moi tout le reste ne setra que futilité.
C'est peut-être beaucoup demandé !
Bien cordialement
Alain

Re: Maman, tais-toi.

Publié : sam. mars 11, 2006 12:07 pm
par patrick corbon
Bonjour à tous et merci Stéphan,

Ces lettres sont pathétiques. La notion de devoir, si fortement ancrée dans les esprits de l'époque, l'emporte sur toute autre considération et c'est volontairement, en toute connaissance de cause, qu'il offre sa poitrine. Ne pas participer est ignominieux à ses yeux. C'est cette ignominie fortement colportée à l'arrière, d'autant qu'elle le fut par ceux qui ne risquaient pas d'y aller, qui a fait que toute une jeunesse a su montrer l'abnégation de vouer leur vie au sacrifice de la guerre.
Merci Stephan et encore ....

Cordialement
Patrick