Re: 7 août 1914, charge de Stockem
Publié : mar. août 07, 2007 3:08 am
Bonjour à tous,
Voici un extrait de l'ouvrage du lieutenant Henri de Versonnex " SABREZ" sur la première charge du 2ème houzards de Chamborant à Stockem en Belgique le 7 août 1914. La devise du régiment est: "Noblesse oblige, Chamborant autant" son ouvrage commence comme ceci:
Cinq régiments de houzards ont été créés avant 1789 :
Le 1er, Bercheny, en 1720 ;
Le 2ème, Chamborant, en 1735 ;
Le 3ème, Estérhazy, en 1764 ;
Le 4ème, Conflans, en 1776 ;
Le 5ème, Lauzun, en 1783.
Seuls ces régiments conservaient jalousement, avant la guerre, le nom de houzards... les autres n’étaient que des hussards, et il y a un monde entre les deux !
7 août 1914, la charge de Stockem.
Notre pointe nous signale une auto et des cavaliers allemands quittant la grand’ route d’Arlon. Ils se jettent dans le chemin passant à l’est de la cote 430, au sud de Stockem Le colonel se retourne vers mon peloton qui est en tête : -Versonnex... allez-y !
L’heure a sonné ! je serai le premier à recevoir le baptême du feu.
Déjà je suis au galop sur un chemin de terre, le brigadier Ruffier est en éclaireur, en avant vers ma droite, le brigadier Perjean en avant en avant vers ma gauche... Derrière moi j’entends des cris, des appels ; je me retourne et vois d’Orgeix à la tête des pelotons Billot et Lefebvre. Je suis furieux, me voici donc privé de l’honneur de conduire la première charge ! J’attends mes camarades, puis, rejoint par eux, je suis d’Orgeix et les trois pelotons continuent à monter au trot.
Tout à coup, nous apercevons nos éclaireurs qui, parvenus à la cote 415, nous font des grands gestes d’appel. Nous prenons le galop. Au moment où nous arrivons au sommet de la crête, nous voyons, au dessous de nous, une masse gris verdâtre, un escadron environ , en colonne de pelotons, nous offrant son flanc droit. On dirait un énorme reptile blotti contre la lisière des bois. Je me sens oppressé... Est-ce de la joie ? Est-ce de la peur ? Mais je ne dois pas être le seul à éprouver cette sensation, car tout l’escadron a stoppé.
D’Orgeix se retourne vers moi : -Ce sont bien des Prussiens ? – Aucun doute ! – Alors ... en avant ! J’ai saisi mon revolver et me sens comme emporté par un ouragan. Nous dévalons, au galop de charge. Je ne pense plus à rien, je ne vois plus rien ; et pourtant, pendant un instant, je regarde nos trois pelotons. Des cavaliers entraînés par leur chevaux nous dépassent, d’autres roulent dans l’herbe, avec ce bruit particulier du cheval qui s’effondre, de l’homme qui s’agite pour se dégager. Une arme automatique se révèle, les balles miaulent, sifflent, ricochent sur le sol. Je vois une auto, les hommes qui font face à droite, des hommes qui tirent... Nous sommes à cinquante mètres, nous sommes à dix mètres, nous sommes sur eux ! Alors, tout disparaît. L’escadron allemand se disperse, se volatilise, des cavaliers s’enfuient dans toutes les directions ; nos houzards , lances baissées, se jettent à leur poursuite. J’aperçois, comme dans un rêve, des ombres passant au galop, des cavaliers ennemis qui roulent à terre, d’autres traversés par des lances, qui s’agitent dans leur dos, comme des banderilles. Seuls les officiers allemands resté ; ils échangent avec nous, et sans résultat, des coups de pistolet automatique.
Nos hommes reviennent, galopent, cherchent, tournoient, comme une meute. C’est maintenant un énorme tourbillon après la tempête qui glissait, tout à l’heure, le long de la colline.
Je bondis sur l’auto, j’entends le tac tac de la mitrailleuse, vois le tireur ; des cavaliers m’entourent. Je décharge mon revolver sur eux... quelques-uns, tombent, les autres s’enfuient... je suis seul ! Je fais demi-tour au galop pour gagner un pli de terrain. – Ralliement ! – Ralliement ! Un cavalier allemand se jette à ma poursuite, quand Casanova, le prenant d’écharpe, le traverse de sa lance... c’est ma dernière vision. Les balles continuent à siffler, je les entends passer très près avec claquement caractéristique...
Et puis plus rien ! Je suis à l’abri, avec, derrière moi, les brigadiers Toureng, Perjean et deux ou trois cavalier ; par petits groupes, les hommes rejoignent ; d’Orgeix, Billot, Lefebvre arrivent à leur tour avec des bribes de pelotons. C’est pendant quelques minutes, une cohue, un enchevêtrement de cavaliers qui cherchent à se rallier derrière leur officier. Les hommes congestionnés, les yeux exorbités, sont couverts de sueur, sous leur grand manteaux qui ruissellent . Les chevaux , blanc d’écume, halètent, hennissent, s’ébrouent.
Maintenant, je ressens en moi quelque chose de nouveau : une surexcitation extrême, une rage, un besoin de galoper, de hurler, de frapper... mais tout est fini (...)
Voici un extrait de l'ouvrage du lieutenant Henri de Versonnex " SABREZ" sur la première charge du 2ème houzards de Chamborant à Stockem en Belgique le 7 août 1914. La devise du régiment est: "Noblesse oblige, Chamborant autant" son ouvrage commence comme ceci:
Cinq régiments de houzards ont été créés avant 1789 :
Le 1er, Bercheny, en 1720 ;
Le 2ème, Chamborant, en 1735 ;
Le 3ème, Estérhazy, en 1764 ;
Le 4ème, Conflans, en 1776 ;
Le 5ème, Lauzun, en 1783.
Seuls ces régiments conservaient jalousement, avant la guerre, le nom de houzards... les autres n’étaient que des hussards, et il y a un monde entre les deux !
7 août 1914, la charge de Stockem.
Notre pointe nous signale une auto et des cavaliers allemands quittant la grand’ route d’Arlon. Ils se jettent dans le chemin passant à l’est de la cote 430, au sud de Stockem Le colonel se retourne vers mon peloton qui est en tête : -Versonnex... allez-y !
L’heure a sonné ! je serai le premier à recevoir le baptême du feu.
Déjà je suis au galop sur un chemin de terre, le brigadier Ruffier est en éclaireur, en avant vers ma droite, le brigadier Perjean en avant en avant vers ma gauche... Derrière moi j’entends des cris, des appels ; je me retourne et vois d’Orgeix à la tête des pelotons Billot et Lefebvre. Je suis furieux, me voici donc privé de l’honneur de conduire la première charge ! J’attends mes camarades, puis, rejoint par eux, je suis d’Orgeix et les trois pelotons continuent à monter au trot.
Tout à coup, nous apercevons nos éclaireurs qui, parvenus à la cote 415, nous font des grands gestes d’appel. Nous prenons le galop. Au moment où nous arrivons au sommet de la crête, nous voyons, au dessous de nous, une masse gris verdâtre, un escadron environ , en colonne de pelotons, nous offrant son flanc droit. On dirait un énorme reptile blotti contre la lisière des bois. Je me sens oppressé... Est-ce de la joie ? Est-ce de la peur ? Mais je ne dois pas être le seul à éprouver cette sensation, car tout l’escadron a stoppé.
D’Orgeix se retourne vers moi : -Ce sont bien des Prussiens ? – Aucun doute ! – Alors ... en avant ! J’ai saisi mon revolver et me sens comme emporté par un ouragan. Nous dévalons, au galop de charge. Je ne pense plus à rien, je ne vois plus rien ; et pourtant, pendant un instant, je regarde nos trois pelotons. Des cavaliers entraînés par leur chevaux nous dépassent, d’autres roulent dans l’herbe, avec ce bruit particulier du cheval qui s’effondre, de l’homme qui s’agite pour se dégager. Une arme automatique se révèle, les balles miaulent, sifflent, ricochent sur le sol. Je vois une auto, les hommes qui font face à droite, des hommes qui tirent... Nous sommes à cinquante mètres, nous sommes à dix mètres, nous sommes sur eux ! Alors, tout disparaît. L’escadron allemand se disperse, se volatilise, des cavaliers s’enfuient dans toutes les directions ; nos houzards , lances baissées, se jettent à leur poursuite. J’aperçois, comme dans un rêve, des ombres passant au galop, des cavaliers ennemis qui roulent à terre, d’autres traversés par des lances, qui s’agitent dans leur dos, comme des banderilles. Seuls les officiers allemands resté ; ils échangent avec nous, et sans résultat, des coups de pistolet automatique.
Nos hommes reviennent, galopent, cherchent, tournoient, comme une meute. C’est maintenant un énorme tourbillon après la tempête qui glissait, tout à l’heure, le long de la colline.
Je bondis sur l’auto, j’entends le tac tac de la mitrailleuse, vois le tireur ; des cavaliers m’entourent. Je décharge mon revolver sur eux... quelques-uns, tombent, les autres s’enfuient... je suis seul ! Je fais demi-tour au galop pour gagner un pli de terrain. – Ralliement ! – Ralliement ! Un cavalier allemand se jette à ma poursuite, quand Casanova, le prenant d’écharpe, le traverse de sa lance... c’est ma dernière vision. Les balles continuent à siffler, je les entends passer très près avec claquement caractéristique...
Et puis plus rien ! Je suis à l’abri, avec, derrière moi, les brigadiers Toureng, Perjean et deux ou trois cavalier ; par petits groupes, les hommes rejoignent ; d’Orgeix, Billot, Lefebvre arrivent à leur tour avec des bribes de pelotons. C’est pendant quelques minutes, une cohue, un enchevêtrement de cavaliers qui cherchent à se rallier derrière leur officier. Les hommes congestionnés, les yeux exorbités, sont couverts de sueur, sous leur grand manteaux qui ruissellent . Les chevaux , blanc d’écume, halètent, hennissent, s’ébrouent.
Maintenant, je ressens en moi quelque chose de nouveau : une surexcitation extrême, une rage, un besoin de galoper, de hurler, de frapper... mais tout est fini (...)