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Bonjour à tous,

je pose une question, sachant d'avance qui donnera la réponse ! Quels ont été les matériels lourds ENTIEREMENT créés lors de la Grande Guerre. C'est à dire, affût, tube... A mes yeux, je n'en vois qu'un seul qui me vienne à l'esprit, le 370 Filloux. Pour les autres, si les affûts sont effectivement "inventés", les tubes proviennent quasiment tous de récupération, de côte ou de marine, parfois réalésés d'ailleurs. Mais n'ayant pas la science infuse, je me pose la question...

Merci d'avance pour vos réponses.

Michel

Bonsoir Michel,

La question est plus compliquée qu'il n'y paraît. En effet, il faut avoir en mémoire qu'un canon long moderne de très gros calibre du type Marine est très long à construire. La phase la plus longue est celle de l'usinage et notamment du rayage des bouches à feu de grande longueur. Depuis la coulée des lingots d'acier jusqu'à l'achèvement total d'un tube et de sa culasse, il faut compter au moins 18 mois incompressibles et ce aussi bien en France qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne.
Les obusiers et mortiers à canon court nécessitent moins de temps et peuvent être construits en 12 mois environ.

Dans ces conditions, il y a fort peu de matériels à grande puissance conçus et réalisés à 100% pendant la guerre.
-En Allemagne, il n'y en a aucun car même les "Paris Kanonen" ont employé des corps de pièces de Marine de 35 cm SKL/45 C/1913 en construction pour les croiseurs de bataille classe "Mackensen" (et non pas de 38 cm comme l'écrivent depuis des décennies des auteurs mal informés) et les "schwere Kartaune" de 30,5cm (obusiers longs) de 1918 ont employé les affûts des 42 cm "M Gerät". Les réalisations véritablement nouvelles à 100% en matière d'artillerie lourde à grande puissance sont restées inachevées à la date de l'armistice.
-En France, le mortier de 370 Filloux avait été étudié dès l'avant guerre par le commandant Filloux. La construction d'un prototype avait pris du retard lorsque le commandant quitta l'Armée pour l'industrie privée, toutefois ce prototype était achevé et avait effectué des tirs avant la date de déclaration de guerre. Les mortiers de série commandés fin 1914 utilisèrent des éléments de tubes neufs de 340 en construction pour accélérer leur achèvement ce qui permet leur arrivée sur le front pour les offensives d'Artois et de Champagne en septembre 1915. On ne peut donc considérer le 370 Filloux comme une réalisation entièrement nouvelle.
Il y a par contre 2 autres types de matériels d'ALGP entièrement nouveaux achevés en 1918 mais ils n'ont pu être employés sur le front avant le 11 novembre 1918:
-l'obusier de 520 modèle 1916 dont le tube et l'affût sont entièrement de conception nouvelle. Les deux matériels commandés en 1916 sont achevés au cours du premier semestre 1918 mais l'explosion d'un tube provoquée par un projectile défectueux empêche l'introduction du matériel sur le front en attendant la mise au point définitive d'un projectile fiable.
-le canon de 220 L modèle 1917 Schneider. Ces canons commandés et construits en série apparaissent à l'automne 1918. Le premier Groupe de ces canons est opérationnel en octobre 1918 et deux autres suivent en novembre mais ces unités n'auront pas l'occasion de participer aux opérations. Ces canons devaient participer à l'offensive franco-américaine de Lorraine qui devait se déclencher le 14 novembre 1918...
Cordialement,
Guy François.

Depuis la coulée des lingots d'acier jusqu'à l'achèvement total d'un tube et de sa culasse, il faut compter au moins 18 mois incompressibles
Guy François.

Bonjour,

Je n'y connais rien en artillerie lourde,mais pourquoi ces 18 mois "incompressibles" ?

Disponibilité des machines?
Durée d'une opération (aucune idée par exemple combien peut prendre un alésage d'un canon lourd) ...
Contingence technique ?


Merci pour tout renseignement .

PS: Un canon lourd,ça s'alèse à partir d'un canon "plein" ,ou d'un "semi plein" ,ou d'un "presque alésé" (et dans ces deux derniers cas, comment fait-on pour éviter les vibrations de la vrille lors de l'alésage ?

Bonjour,

et merci à Guy pour ces réponses toujours aussi pertinentes. Ce que j'ai bien compris, c'est que le retard étant tel par rapport à l'artillerie lourde allemande, il a vraiment fallu parer au plus pressé avec les moyens du bord. Et donc adapter les canons de tous bords existants avec des affûts de circonstances.

Michel

Bonsoir Michel,

Oui, c'est tout à fait cela!
En fait, pour résumer grossièrement:

L'Allemagne a fait des efforts gigantesques de 1900 à 1914 pour combler l'important retard technique qu'elle avait sur la France au plan de l'Artillerie en 1900. En 1914, son matériel était remarquablement moderne et, finalement, fort peu de nouveaux matériels sont sortis pendant la guerre, les plus notables étant les 7,7 cm et 10,5 cm de type 16 et le formidable canon de 15 cm K 16...mais aucun matériel entièrement nouveau d'Artillerie Lourde à Grande Puissance.

La France a fait des efforts très importants au regard de ses ressources entre 1880 et 1900 (le "75", les canons courts "Baquet", les nouveaux obus à forte capacité d'explosif, etc...). Après 1900, c'est le quasi néant jusqu'au "réveil brutal" de 1911 lorsque les politiciens les plus obtus ont pris conscience, après le "coup d'Agadir", de la menace à court terme d'une nouvelle guerre franco-allemande et de la nécessité de moderniser le matériel vieilli de l'Armée française dans tous les domaines. Pour l'ALGP, néant jusqu'à l'étude du 370 Filloux!

Il y a là d'utiles réflexions qui dépassent de loin le seul domaine de l'artillerie mais qu'il est très "incorrect" d'étudier car certaines certitudes seraient ébranlées!
Cordialement,
Guy François.