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Re: La doctrine Percin ?

Publié : mar. févr. 02, 2010 11:32 pm
par GdeJ
Bonsoir à tous,
Dans Pages d'histoire, Piou-Piou a lancé un sujet à propos du général Percin et de son livre "Le massacre de notre infanterie 1914-1918" paru en 1921.
Ce général est bien connu pour son rôle dans "l'affaire des fiches". Moins semble t'il pour son expertise en matière d'artillerie.
Mon GP a effectué son service militaire au 26e RA au Mans en 1905-1906 et voici ce qu'il en dit :
"La technique du canon de 75 est encore toute nouvelle. Notre Général de Division était, jusqu’il y a peu, le général Percin… qui a beaucoup développé cette technique du tir masqué en se servant naturellement, comme cobaye, de l’artillerie de sa Division. Nos régiments manceaux manoeuvrent selon ces principes : cela est vivant et varié. Mais les allocations de munitions sont rares. On ne fait qu’un à deux tirs réels à Auvours et il faut les écoles à feu d’été dans les grands camps (Mailly, Coëtquidan, Châlons). ..Nous faisons nos écoles à feu au Camp d’Auvours, champ de tir étroit, sans intérêt. Je n’apprendrai vraiment à tirer qu’à mes périodes d’instruction et même, sur le boche, au début de la guerre. Par contre, nous faisons des manœuvres intéressantes à la fin de mon année de service, aux Etapes, dans la région de Dreux, Berchères sur Vègre".

Le général Percin avait été professeur d'artillerie à l'Ecole spéciale militaire de Saint Cyr à partir de 1882.
Il publie en 1912 "L'Artillerie au combat. Réglement des manoeuvres", ouvrage qui doit résumer sa doctrine.

Savez vous en quoi consiste la doctrine Percin qui paraît avoir soulevé des polémiques (Dimitry Queloz, De la manoeuvre napoléonienne à l'offensive à outrance, Ch. IX) ?
Amitiés
Guillaume

Re: La doctrine Percin ?

Publié : mer. févr. 03, 2010 10:18 am
par ALVF
Bonjour,

Je crois qu'il est nécessaire de recadrer le problème du tir masqué du 75.
Il a été préconisé avant tout par le Capitaine Challéat (futur Général, remarquable théoricien et ingénieur, affecté longtemps dans les services techniques de l'artillerie:S.T.A, I.E.E.T.A, etc..., en fin de carrière, c'est lui qui a défini les remarquables matériels d'artillerie de la ligne Maginot).
Dès 1905, un article du Cne Challéat, rédigé avec l'approbation du Comité de l'artillerie, sur le tir masqué parait dans la Revue d'Artillerie, un autre suivra en 1907.C'est le tir masqué qui exigera l'affectation de lignes téléphoniques aux batteries d'artillerie de campagne (500 mètres seulement!allocation portée à 2000 m avant 1914, encore très insuffisante pour relier l'observatoire nécessaire et les pièces).
Le tir masqué prend toute son importance avec les enseignements de la guerre russo-japonaise, car toute batterie à découvert est promise à la destruction rapide.
Le rôle de nos alliés russes serait à étudier en ce qui concerne l'emploi de l'artillerie de campagne.De nombreux officiers d'artillerie russes purent faire part de leur expérience de la guerre lors des contacts entre officiers lors des manoeuvres, séjour en écoles et voyages divers.Un fait certain, ce sont les officiers russes qui ont convaincu la Cours pratique de tir de Mailly de développer le tir masqué et à grande distance du 75.En France, on ne tirait guère plus loin que 4000 m alors que les russes tiraient à plus de 6000 m dans tous leurs champs de tir.Heureusement, de nombreux officiers passaient par le Cours pratique de tir de Mailly et en tirèrent d'utiles leçons.
Pour en revenir au Général Percin, sa seule "doctrine", véritable idée fixe, est la liaison entre l'artillerie et l'infanterie.
La place manque pour développer tout ceci mais le témoignage de votre GP montre que le Général Percin suivait de près le problème du tir masqué puisque ses exercices suivent la parution de l'article du Cne Challéat, ce qui montre bien que l'idée était dans "l'air du temps".
Sur l'importance de la "doctrine Percin", je ne peux trouver meilleure appréciation que celle du Général Gascouin (ancien commandant des A.D 3, A.D 9 et A.D 17, puis de l'Artillerie du 1er C.A), dans son remarquable livre "L'évolution de l'artillerie pendant la guerre"-Flammarion-1920:

"Il eût mieux valu quelques harangues de moins sur la liaison, sur l'union des coeurs d'artilleurs et de fantassins, et quelques kilomètres de plus de fil téléphonique".

Nul doute que les oreilles du Général Percin ont dû siffler lorsque le Général Gascouin écrivit ces lignes!

Cordialement,
Guy François.

Re: La doctrine Percin ?

Publié : mer. févr. 03, 2010 7:40 pm
par GdeJ
Bonsoir,
Vous vous révélez une fois de plus comme un expert et un fin connaisseur !
Bravo et merci de cette réponse éclairante.
Amitiés
Guillaume

Re: La doctrine Percin ?

Publié : mer. févr. 03, 2010 7:53 pm
par RIO Jean-Yves
Bonsoir à tous

La "doctrine" PERCIN est en réalité "inspirée" (sinon copiée - supériorité de grade oblige) des principes qu'avaient préconisés en 1905 (sauf erreur) et à l'encontre des principes d'alors, le Capitaine Samuel BOURGUET, futur Lieutenant-colonel du 116e RI en 1915 et tombé le 25.09 sous Tahure. PERCIN l'a d'ailleurs reconnu dans l'ouvrage posthume de BOURGUET "L'Aube sanglante".

Bien cordialement.
Jean-Yves

Re: La doctrine Percin ?

Publié : mer. févr. 03, 2010 11:52 pm
par ALVF
Bonsoir,

Si un auteur était intéressé par "l'oeuvre" du Général Percin, je pense qu'il découvrirait vite que toute sa "doctrine" est une compilation imprécise d'idées pillées un peu partout.La phrase du Général Gascouin qui, lui, a fait ses preuves lors de la Grande Guerre, résume tout.
Tous les livres de Percin tournent autour de sa personne "je", "j'ai", etc...Il est vrai qu'il a beaucoup à se faire pardonner (l'affaire des fiches et l'abandon de Lille dans des conditions incroyables sont des exemples de ses capacités et de ses méthodes).
Son livre "Le massacre de notre Infanterie" devient pitoyable quand il évoque "le canon qu'il nous fallait", c'est à dire le canon Archer, bouche à feu en bronze sur un affût primitif, portant à moins de 1000 m, proposé en 1915 et commandé en 1918 à 2000 exemplaires à la demande de Clémenceau qui ne fit pas preuve en l'occurence d'une grande perspicacité.Ce canon Archer aurait déjà fait figure de matériel de fortune en 1915, que dire de sa commande en 1918!Il n'en parut pas plus d'une centaine sur le front à une époque où les mortiers Stokes et Jouhandeau-Deslandres avaient déjà montré leur valeur.La fin de la guerre interrompit la construction de ce canon inutile!
Toute la méthode Percin est là, beaucoup d'affirmations creuses, attaques stupides contre l'artillerie lourde, haine des artilleurs ayant mieux réussi que lui, exemples déformés, etc...On frémit à la pensée que, pendant plusieurs années, cet officier, zélé collaborateur du Général André, ministre de la Guerre, a récupéré avec soin les "fiches" rédigées sur les officiers des Armées françaises par des "informateurs" dont la variété défie l'entendement.
Pour être objectif, il resterait à étudier de près ce qui a été fait avant guerre pour améliorer réellement la "liaison d'infanterie", principale idée du général Percin.A ma connaissance, l'étude détaillée reste à faire au plan de l'instruction militaire des années 1910-1914 car ce ne sont pas les réflexions désagréables à l'issue d'une manoeuvre, les belles harangues et quelques articles de presse qui ont été les moyens les plus efficaces pour lutter contre les idées fausses dans les Armées.
Cordialement,
Guy François.