Bonjour,
La construction d'affûts-trucks pour l'artillerie lourde sur voie ferrée (A.L.V.F.) aux Chantiers de la Gironde fut importante mais la plupart des matériels d'A.L.V.F. avaient été commandés à la Société Schneider.
A la fin de l'année 1915 et encore plus dans les années suivantes, surtout en 1918, Schneider ne pouvait plus faire face à l'abondance des commandes de toutes sortes:artillerie lourde de campagne, A.L.G.P., A.L.V.F., chars d'assaut, caterpillars, etc...
Dans ce contexte, Schneider dut sous-traiter de nombreuses commandes surtout celles qui concernaient les poutres-affûts de pièces sur rail.
Les sociétés suivantes furent mises à contribution: Chantiers de la Gironde, Chantiers de la Loire à Penhoët, Baudet-Donon, S.F.C.M. à la Seyne, Daydé, etc...
Les Chantiers de la Gironde construisirent des affûts à glissement pour canons de 32cm Mle 70-84 en 1916 puis reçurent la commande de 4 affûts à glissement pour canons de 370mm Mle 1875-79 en 1917 et surtout celle de 14 affûts à glissement pour canons de 340mm Mle 1912, les deux derniers modèles d'affûts étaient complexes et leurs manoeuvres étaient effectuées électriquement.La complexité de la construction et surtout la crise de production des tôles d'acier en 1918 expliquent la livraison tardive des derniers affûts:novembre 1918 pour les 370mm et 1919 pour les 340mm Glissement,ces matériels étaient les plus lourds de l'A.L.V.F, plus de 270 tonnes!
Votre document évoque-t-il les difficultés de production de 1918?
Cordialement, Guy.
L'origine de l'ALVF vient dans l'absence d'artillerie lourde à grande puissance (ALGP) de siège en 1914. Joffre y songe depuis 1911, mais il a déjà dépensé beaucoup d'énergie à constituer un peu d'artillerie lourde de campagne en 1913, en ponctionnant le personnel des régiments d'artillerie à pied. Des canons capables de faire de l'ALGP avec une portée suffisante, il y en a déjà, mais seulement dans la marine et sur les côtes, c'est à dire des pièces éminemment statiques. Celles de la marine, de calibre moyen (14 et 16 cm) sont modérément lourdes et peuvent, décomposées en fardeaux, être déplacées et installées sur des plates-formes semi-mobiles en tôle. Ce seront les armes habituelles du régiment de canonniers-marins.
Par contre, toutes les autres sont beaucoup trop lourdes pour un tel expédient. On pense dès 1914 à faire ce que les Britanniques font depuis longtemps sur leurs côtes: monter des pièces très lourdes sur des wagons de charge ou "trucks" (Cf le Littré...) de chemin de fer. Les pièces sont massivement retirées des fronts de mer côtiers et leurs affûts adaptés ou remplacés pour pouvoir tirer à un site de +30°, le tout monté sur ce qui devient des "affûts-trucks". A l'été 1915 se pose un problème accru de portée: les Allemands ont fait la même chose avec des pièces lourdes de cuirassés, et il faut essayer de les contrebattre. Dans un premier temps, ce sont les pièces de 34 cm Mle 1912 du cuirassé "Lorraine" (alors le nec plus ultra de l'artillerie très lourde en France) qui vont être pressenties, et le portage sur wagon effectué au profit de la Guerre par l'artillerie navale et les Ets Schneider; mais il faut aussi rapidement du nombre...
Ce sont donc 50 pièces de 32 cm Mle 70-84 qui vont être ciblées en juillet 1915 sur les côtes (forts de la rade de Cherbourg et forts du goulet de Brest; batteries de rupture de Brest, Cherbourg et Toulon), pour lesquelles 50 affûts-trucks sont confectionnés. La marine s'étant opposée au désarmement total des forts de Cherbourg, l'armée devra transiger avec aussi d'autres types de pièces de marine fournies en remplacement.
C'est ainsi qu'on trouve le chef d'escadron Lucas Gérardville, déjà président de la commission des affûts-trucks, en mission (prédatrice...) à Cherbourg en août 1915.