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Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : jeu. août 23, 2012 7:10 pm
par CTP
Dans le livre
"Guerre et industrie. Clermont-Ferrand 1912-1922: la victoire du pneu"
le pilote Raymond Yence est présenté comme "représentant des frères Michelin" dans le projet des Breguet-Michelin de 1914.
1) quelqu'un aurait-il des infos sur cette "représentation"?
2) Si cette collaboration est avérée, de quand date-t-elle?
3) Yence a-t-il joué un rôle dans les "actions patriotiques" des Michelin avant-guerre (Concours Aéro-cible, etc..)? Sinon y-a-t-il un un autre aviateur militaire ayant joué un rôle de conseiller dans ces initiatives?
Merci d'avance
Cordialement
Claude
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : jeu. août 23, 2012 8:27 pm
par amboise37
Bonjour Claude,
je vais essayer de répondre à tes questions :
1) Michelin avait proposé d'offrir 100 avions de bombardement en août 1914. Offre rejetée, parce la guerre ne devait pas durer longtemps ; mais aussi parce que le bombardement ne semblait pas intéresser le responsables de l'aéronautique ; enfin parce que Michelin était un fabricant de pneus, pas d'avions... André Michelin a trouvé des oreilles plus attentives en novembre, celles de Millerand, en proposant de travailler avec Breguet et Renault. Une commission a été créée et le représentant de Michelin était en effet le capitaine Yence.
2) Elle date de là, je crois. Reste à savoir comment ils se sont rencontrée.
3) A priori non. La famille Michelin s'est très tôt et complètement convertie à l'aviation. Jules Hauvette-Michelin s'est d'ailleurs tué en aéroplane en 1910. Leurs actions sont à la rencontre de leur intérêt pour l'aviation et de leur patriotisme (aéro-cible, prix Michelin, coupe Michelin, les cents avions offerts, le millions, la prime pour les avions allemands abattus).
L'aviateur qui a beaucoup oeuvré pour Michelin, c'est André de Bailliancourt (dit Courcol) qui est passé par l'escadrille du Camp retranché de Paris.
Sur Michelin et l'aviation, je recommande le livre d'Antoine Champeaux, chez Lavauzelle, "Michelin et l'aviation". Antoine Champeaux est docteur en histoire et était lieutenant-colonel d'infanterie de marine lorsque je l'ai rencontré à Tours.
Didier
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : jeu. août 23, 2012 10:39 pm
par CTP
Bonsoir Didier, bonsoir à tous.
Merci pour ta réponse, mais...
Je m'interroge sur plusieurs points qui soulèvent des questions comme:
1) Comment se fait-il qu'un
officier militaire représente une
société privée dans une
commission militaire sur un dossier dont les tenants et aboutissants militaro-industriels sont évidents ( le coût total de l'opération dépasse largement les montants investis par Michelin dans l'opération Breguet-Michelin et l'on est loin des
cent avions offerts. Et la question du bombardement est vite sensible au début de la guerre).
Le dossier des relations entreprises privées/aviation militaire, dans lequel Yence est un exemple, mais il y en a d'autres, reste à ouvrir , sans idée préconçues ni parti-pris. J'ai juste entre-ouvert la porte avec le débat de fin 1913-début 1914 autour du budget de l'aviation
(
Comité national pour l'aéronautique militaire ).
Un exemple pendant le conflit: le biplan Salmson-Moineau, avec Moineau lui aussi pilote militaire d'avant-guerre.
2) Pourquoi Yence? Est-il volontaire? Détaché auprès de Michelin? Payé par Michelin? Par Breguet? Par l'armée?
3) Bien sur l'engagement patriotique des Michelin. Mais il n'explique peut-être pas tout.
Complémentairement je n'ai pas encore rencontré d'aviateur ayant touché de l'argent du "Million" ou des "primes pour avion allemand abattu".
Appel à tous!!!!!!!
4) Avant-guerre et pendant le guerre on assiste à un intense "lobbying " autour de l'aviation militaire naissante, et les enjeux ne sont pas minces.
5) Je vais me mettre à la recherche du livre d'Antoine Champeaux.
Bien cordialement
Claude
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : ven. août 24, 2012 1:56 am
par amboise37
Bonsoir Claude,
C'est la lettre d'André de Bailliencourt qui peut paraître ambiguë. Je cite ce que rapporte Antoine Champeaux : "il s'ensuivit la création d'une commission qui est chargée d'étudier les conditions mises à cette offre, comme aussi de rechercher le type d'avion pouvant les remplir. A sa tête était nommé le capitaine Yence-Held, qui représentait les frères Michelin. Et aussitôt la commission commença ses enquêtes auprès de divers constructeurs d'avions".
Un peu plus loin, Antoine Champeaux cite Louis Breguet, dans une lettre à son frère; "T'ai-je dit que Yence avait été désigné pour assister M. Michelin mais avec comme mission de le dissuader de s'occuper de Breguet et le pousser à offrir trois groupes d'escadrilles Voisin. Yence lui-même me l'a avoué et il est un véritable ami". Selon, Breguet, la commission a fixé des objectifs que seul le Breguet a atteint. D'où ce choix. Yence était le représentant de la commission Michelin, pas le représentant de Michelin, c'est ainsi que je comprends le texte.
Je peux encore te citer le passage sur le million : "La répartition de cette somme est faite en 1916. Une première liste de lauréats est établie pour la période du début de la guerre au 15 juillet 1916." (BNF papiers Flandin 8, note sur la commission du Million) " Par la suite il est établi des listes mensuelles". (Antoine Champeaux précise qu'il n'a pas retrouvé d'archives concernant la remise des récompenses à l'exception d'un formulaire établi en 1916 pour la remise des primes) "Le 11 août 1916 se tient une autre réunion de la commission. La commission est dissoute en 1917".
Le livre de Champeaux va beaucoup t'intéresser.
Didier
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : ven. août 24, 2012 1:57 am
par Flamel
Peut être que le capitaine Yence s'était mis en congés de l'armée... il y a des exemples... le commandant Félix, le lt de vaisseau Beaumont.... le capitaine Ferber. ...
sans doute que la consultation de son dossier militaire vous permettrait d'y voir plus clair...
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : ven. août 24, 2012 2:08 am
par amboise37
Bonsoir,
votre réponse a sans doute été écrite quand j'envoyais la mienne. Yence était chargé de sélectionner l'avion que Michelin allait payer. C'est en ce sens qu'il représentait Michelin.
Didier
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : ven. août 24, 2012 2:11 am
par Rutilius
Bonsoir à tous,
V. ici son « État des services » (Base Léonore) —>
http://www.culture.gouv.fr/LH/LH105/PG/ ... 091527.htm
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Re: Raymond Yence, Michelin et l'aviation
Publié : ven. août 24, 2012 8:16 pm
par Vieux Charles
Bonjour tout le monde, Bonjour Claude.
Concernant les "primes pour avions allemands abattus", un seul auteur a, à ma connaissance, évoqué cette question. Mais il y en a peut-être d'autres. Il s'agit de Marcel Jullian dans son livre "La grande bataille dans les airs", écrit en 1967. Voici le passage en question:
"Femmes, libéralités diverses, menue monnaie de la gloire ne suffisant pas à tout expliquer, on a parlé, sans jamais l'approfondir - du moins à ma connaissance - de primes que les constructeurs auraient versées aux champions de leur marque pour tout avion ennemi abattu. Cette récompense financière aurait correspondu, en temps de guerre, aux avantages pécuniaires que les constructeurs d'automobiles accordent, en temps de paix, à leurs pilotes de course victorieux. L'on voit ce qu'un tel système, basé sur la mort d'autrui (l'ennemi demeurant un homme comme vous et moi) peut avoir d'odieux. Il n'en est pas moins vrai, que deux entreprises rivales, comme Nieuport et Spad par exemple, auraient eu tout à gagner à ce que les virtuoses montant leurs machines précèdent au palmarès ceux combattant à bord des appareils concurrents. Les commandes du ministère de la Guerre risquaient de s’en ressentir, et pour l’une et pour l’autre. Rien ne prouve qu’un tel système ait réellement fonctionné. On cite, mais sans jamais vous en montrer une, des lettres que des pilotes auraient écrites à un camarade, rentrant de permission à Paris, pour leur réclamer le montant de primes abusivement encaissées en leur nom auprès du constructeur. Et comme ces avantages n’auraient été accordés qu’en fonction des appareils homologués, on mesure combien lors d’attaques en groupe, où plusieurs avions tirent ensemble, il serait devenu délicat d’attribuer la victoire à tel pilote plutôt qu’à tel autre. »
Bien cordialement,
Eric