Re: La plume d'un écrivain, Kérillis évoque Guynemer
Publié : jeu. oct. 08, 2009 12:55 am
bonsoir, je vous recopie un extrait tiré de "Henri de Kérillis, l'absolu patriote" de Jean-Yves Boulic.
fin 1916, l'escadrille les Eperviers est sur la Somme; un soir d'octobre 1916, Kérillis et Guynemer cheminent sur une route, du côté de Villers-Bretonneux, non loin d'un champ d'atterrissage, quand leur parvient la rumeur connue de voix confuses et d'un frottement de semelles raclant la chaussée.
Récit de Kérillis :
"Une colonne d'infanterie avançait, Guynemer s'effaça, grimpant sur un talus. Ces soldats venaient des tranchées. De tous temps, quand les soldats passent, l'on s'arrête. Et ceux-ci, que surmontait la forêt de leurs fusils, ceux-ci, tassés par la fatigue et la misère, trainaient la gloire avec eux. Guynemer regardait.
Soudain, un homme cria "Guynemer ! c'est lui !" La troupe, houleuse répéta "Guynemer...Guynemer...". Un grand mouvement se fit dans les rangs. Des têtes penchées sur le sol, des têtes ravagées d'obscures souffrances, se levèrent et le reconnurent. Les chants nostalgiques et les murmures cessèrent. Quelque chose d'indéfinissable passa. "Guynemer...Guynemer...".
A l'ordinaire, les fantassins lançaient au passage d'inoffensifs sarcasmes quand ils rencontraient les aviateurs, à cause des bottes à lacets et des autos grises. Mais Guynemer y échappait. Il n'était ni aviateur...ni rien. Il était l'héroïsme. Il était Guynemer..."
Ces hommes venaient de la boue et de l'enfer. Ils avaient échappé à l'agonie de l'enlisement, aux horribles blessures ou à la mort, sans savoir pourquoi. Ils allaient au repos pour ensuite recommencer indéfiniment.
D'hallucinantes et affreuses visions les suivaient et les précédaient. Rien n'eût du les distraire ou les surprendre. Pourtant ils fixaient Guynemer comme fascinés. Et je le vois encore, soutenant tous ces regards qui l'enveloppaient de partout; car les têtes casquées restaient retournées aussi longtemps qu'elles pouvaient voir. Fièrement campé sur son socle de terre, il était comme un demi-dieu, et ce défilé paraissait pour lui. Ce défilé sans cadence, sans commandements, sans fanfares, ce défilé muet où l'émotion planait, pas un général, pas un roi, pas un empereur n'en a eu de pareil !"
cordialement, Garance.
fin 1916, l'escadrille les Eperviers est sur la Somme; un soir d'octobre 1916, Kérillis et Guynemer cheminent sur une route, du côté de Villers-Bretonneux, non loin d'un champ d'atterrissage, quand leur parvient la rumeur connue de voix confuses et d'un frottement de semelles raclant la chaussée.
Récit de Kérillis :
"Une colonne d'infanterie avançait, Guynemer s'effaça, grimpant sur un talus. Ces soldats venaient des tranchées. De tous temps, quand les soldats passent, l'on s'arrête. Et ceux-ci, que surmontait la forêt de leurs fusils, ceux-ci, tassés par la fatigue et la misère, trainaient la gloire avec eux. Guynemer regardait.
Soudain, un homme cria "Guynemer ! c'est lui !" La troupe, houleuse répéta "Guynemer...Guynemer...". Un grand mouvement se fit dans les rangs. Des têtes penchées sur le sol, des têtes ravagées d'obscures souffrances, se levèrent et le reconnurent. Les chants nostalgiques et les murmures cessèrent. Quelque chose d'indéfinissable passa. "Guynemer...Guynemer...".
A l'ordinaire, les fantassins lançaient au passage d'inoffensifs sarcasmes quand ils rencontraient les aviateurs, à cause des bottes à lacets et des autos grises. Mais Guynemer y échappait. Il n'était ni aviateur...ni rien. Il était l'héroïsme. Il était Guynemer..."
Ces hommes venaient de la boue et de l'enfer. Ils avaient échappé à l'agonie de l'enlisement, aux horribles blessures ou à la mort, sans savoir pourquoi. Ils allaient au repos pour ensuite recommencer indéfiniment.
D'hallucinantes et affreuses visions les suivaient et les précédaient. Rien n'eût du les distraire ou les surprendre. Pourtant ils fixaient Guynemer comme fascinés. Et je le vois encore, soutenant tous ces regards qui l'enveloppaient de partout; car les têtes casquées restaient retournées aussi longtemps qu'elles pouvaient voir. Fièrement campé sur son socle de terre, il était comme un demi-dieu, et ce défilé paraissait pour lui. Ce défilé sans cadence, sans commandements, sans fanfares, ce défilé muet où l'émotion planait, pas un général, pas un roi, pas un empereur n'en a eu de pareil !"
cordialement, Garance.