U 52
Voici un récit intéressant sur le sous-marin U 52 et son commandant de Juillet 1916 à Septembre 1917, le Kptlt Hans WALTHER.
Rappelons qu’U 52 a coulé 32 Navires dont 4 français, le cuirassé SUFFREN, le vapeur ESTEREL et les grands voiliers cap-horniers EMMA LAURANS (dont il garda tout l’équipage à son bord pendant 2 jours) et TARAPACA, le 1er Septembre 1917. (Voir les fiches de ces navires)
Il s’agit donc du récit fait par le capitaine anglais du vapeur WENTWORTH, coulé le 2 Septembre 1917, soit le lendemain du naufrage du TARAPACA. Ce capitaine se nommait Andrew MACKEND. Il fut gardé prisonnier sur U 52 en compagnie de deux de ses canonniers et d’un autre de ses collègues, le capitaine Arthur NEWMAN du S.S. PEERLESS, coulé le 4 septembre. Ils demeurèrent sur le sous-marin jusqu’à son retour à sa base le 15 Septembre 1917.
Voici le WENTWORTH dont tous les officiers étaient anglais et l'équipage chinois. Les embarcations de ce navire furent aperçues le 3 Septembre au soir par une vedette de Belle Ile qui ramena les naufragés au Palais, puis à Saint Nazaire le 4 Septembre. Seul un chauffeur chinois avait disparu lors du naufrage.

et le PEERLESS (source uboat.net)

Et une vue de l’U 52 arraisonnant le voilier ANSGAR le 11 Avril 1917 (source uboat.net)

Le récit du capitaine Newman, du PEERLESS, se trouve en anglais sur le site uboat.net. Je ne le reprendrai donc pas.
Récit du capitaine MACKEND du WENTWORTH
Je vous envoie le rapport suivant concernant mon expérience à bord du sous-marin allemand U 52.
Au moment de ma capture, U 52 avait été commissionné depuis 23 mois et la plupart de ses patrouilles étaient effectuées en Méditerranée. Tous les marins de son équipage avaient reçu la Croix de Fer pour avoir coulé un cuirassé français au large du Portugal en 1916. (Nota : le SUFFREN)
Lors de la patrouille au cours de laquelle mon navire a été coulé et où j’ai été fait prisonnier, il n’avait alors coulé qu’un seul navire. C’était un voilier français (nota : le TARAPACA) et je pense que les Allemands avaient été à son bord car ils avaient du vin français et on m’a dit qu’il provenait de ce navire.
Après avoir coulé le WENTWORTH, le sous-marin a fait route vers l’Ouest les jours suivant, en plongée, dans le but d’attaquer un vapeur français. Quatre heures après avoir plongé, il a lancé une torpille qui a manqué son but, et il en a tiré une deuxième, qui a aussi manqué l’objectif. Il a alors laissé au navire le temps de gagner un peu de distance puis a fait surface et à ouvert le feu avec ses canons de 4 pouces. Ils ont tiré 5 coups de canon en tout, puis l’équipage est redescendu dans le sous-marin et celui-ci a plongé. J’ai compris que les marins français canonnés avaient répondu chaudement et plus tard l’un des marins allemand est revenu à son poste avec le bras en écharpe, entouré d’un bandage.
Je n'ai pas identifié ce navire avec certitude, mais il s'agit très probablement du MANOUBA, de la Mixte, qui reçut un Témoignage Officiel de Satisfaction après une rencontre avec un sous-marin le 4 Septembre 1917. En tous cas, ce navire aura eu beaucoup de chance, échappant à 2 torpilles successives.
A 22h00, la même nuit, par un beau clair de lune, le sous-marin a à nouveau plongé et l’équipage a été mis au poste de torpillage. Après quatre heures en plongée, une torpille a été lancée, et une forte explosion entendue. Peu après, le sous-marin a fait surface. Le navire coulé était le PEERLESS dont le commandant et deux canonniers ont été faits prisonniers. L’affaire s’est déroulée dans les parages des îles Scilly et le lendemain matin le sous-marin a récupéré des balles de liège provenant de la cargaison du PEERLESS et les a hissées sur le pont.
Le sous-marin a croisé dans les parages de l’entrée de la Manche pendant deux ou trois jours au cours desquels il plongeait une fois par jours afin que l’équipage mérite sa prime de plongée, et une fois afin d’attaquer un navire. Mais le commandant m’a ensuite dit qu’il s’agissait d’un navire hôpital et qu’il ne se permettrait pas de l’importuner.
Le Dimanche 9 Septembre, un grand convoi a été signalé et le sous-marin s’est placé en position d’attaque. A 05h00, il a lancé une torpille qui a atteint son but. J’ai pleinement entendu l’explosion. L’officier a signalé qu’ils avaient coulé un tanker (nota : le tanker ECHUNGA que voici. Mais on constate que le capitaine Mackend n’a pas bien conservé la mémoire des dates car ce torpillage a eu lieu le 5 Septembre).

Après avoir manœuvré, une autre torpille a été lancée d’un tube arrière et on m’a dit qu’elle avait frappé un autre navire (nota : le SAN DUSTANO que voici, également coulé le 5 Septembre).

J’ai quelques doutes sur ce second torpillage car l’explosion que j’ai entendue était trop longtemps après le lancement de la torpille et je pense que c’était plutôt l’explosion d’une charge de grenadage à quelque distance. Le son était différent de la première explosion, ou de celle du PEERLESS. Peu après le lancement de la deuxième torpille, les destroyers ont commencé à lancer des grenades et cinq charges ont explosé très près, l’une d’elle juste au dessus de ma tête. Le sous-marin roulait sous l’effet des explosions. Mais il était descendu à 50 m de profondeur et les charges explosaient trop tôt pour avoir le moindre effet.
Lorsque qu’il a refait surface plus tard, plusieurs de ses équipements de pont ont été trouvés tordus et vrillés, et les balles de liège avaient disparu.
Après cela, le sous-marin a pris le chemin du retour le long de la côte irlandaise puis au large des îles Orkney, naviguant en permanence en surface, à l’exception d’une demi-heure par jour.
Le 13 Septembre, en mer du Nord, un convoi a été aperçu dans l’après midi et le sous-marin a plongé. A 19h00, un torpille a été lancée qui a touché l’un des navires (nota : le russe TOBOL, mais la date est le 11 Septembre). Aucune attaque n’a été effectuée en réponse par l’escorte et je pense qu’ils ont cru à l’explosion d’une mine.
Deux jours plus tard, le sous-marin est entré dans la rivière Ems où il a mouillé et le lendemain matin il a continué sur Heligoland où j’ai été débarqué. C’était le 15 Septembre 1917.
Le sous-marin était sous le commandement d’un officier nommé WALTHER. Il commençait à perdre ses nerfs, mis à rude épreuve, et c’est pourquoi il a quitté le sous-marin à la fin de cette patrouille.
Le bilan de cette campagne de 28 jours était donc d’un voilier et de 4 vapeurs (peut-être 5) en incluant mon navire. 7 torpilles avaient été utilisées et il en restait 1. Le sous-marin était parti avec 12 torpilles et je pense que 4 avaient manqué leur but car on ne m’a pas parlé d’autre navire coulé avant le voilier français.
(nota : U 52 avait coulé 6 navires en tout, dont TARAPACA par bombes et les 5 autres par torpilles. Comme il restait une torpille à bord, 6 avaient donc manqué leur cible.)
Les seules communications avec les autres sous-marins avaient lieu par TSF. Il n’y avait pas de mines à bord et il n’y avait pas non plus d’équipement de largage pour les mines. J’ai pu voir plusieurs sous-marins poseurs de mines à Heligoland.
J’ai appris qu’U 52 avait été parmi les sous-marins livrés aux alliés après l’armistice et qu’il a été vendu pour être démoli.
Nous n’avons jamais été autorisés à connaître les positions du sous-marin pendant sa navigation et c’est tout à fait par chance que j’ai pu suivre ses mouvements et connaître sa position approximative.
U 52 fut effectivement démoli à Swansea en 1922.
Cdlt