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Re: CERES Goélette de Brest

Publié : mar. nov. 01, 2016 3:43 pm
par olivier 12
CERES

Goélette de 296 tx JB
Construite en 1901 au chantier de construction navale de Saint Malo
Armateurs COSTE et Cie Saint Malo, puis CHATEL Brest
Effectue une traversée Lisbonne – Brest avec des sardines et du vin.
Stoppée et coulée par UC 72 de l’Oblt z/s Ernst VOIGT le 9 Juillet 1917 par 47°00 N et 10°36 W (130 milles Ouest de Penmarch)

Télégramme chiffré (secret) du consul de France à Gibraltar à Marine Paris. 14 Juillet 1917

9 hommes de la goélette CERES coulée par un sous-marin allemand près de Brest sont arrivés aujourd’hui sur le torpilleur anglais PARTHIAN. Je les rapatrierai sur Hendaye Lundi matin.

Rapport du capitaine

Trois-mâts goélette CERES du port de Brest, jaugeant 231 tx JN armé par 9 hommes d’équipage.

Quitté Lisbonne pour Brest avec un chargement de vin et de caisses de sardines, muni de tous les rechanges exigés, et les panneaux de cale soigneusement condamnés. 54 futs sur les ponts, le tout bien coincé et saisi. Pris le pilote à 06h00 le 25 au matin et quitté la rade de Lisbonne à 06h20. Débarqué le pilote en rade de Cossés et fait route pour le large avec belle brise de Nord jusqu’au 28 à midi.
Navigué jusqu’à hauteur de Finisterre en se maintenant au large de la côte. Vents de nord à NE. Le 5 vers 15h00 les vents passent au NNW. Fait route par jolie brise pour venir à la hauteur de Brest avant de faire route sur le port le 6 Juillet. Toutes voiles hautes le 7 Juillet et le 8 avec belle brise. Gouverné à l’ENE du compas.

Le 8 la brise mollit et rencontré un convoi de 4 transports escortés par plusieurs navires de guerre. Le vent tombe vers midi.

A 04h30 le 9, un homme me signale la présence d’un autre voilier qui n’est autre qu’un sous-marin ennemi qui nous tire 6 coups de canon devant et derrière. Nous hissons les couleurs. Le mât de flèche est abattu au 4e coup, le perroquet au 5e et le grand mât de flèche tombe au 6e. Dès le 1er coup, mis la barre dessous et mis en travers, l’équipage aux embarcations. Le maître d’équipage est blessé au bras par les éclats d’obus, ainsi que deux matelots.

Réussi à mettre les embarcations à l’eau sans palans et embarqué dedans pour nous éloigner du navire. Dix minutes après, le sous-marin sort de l’eau et nous commande d’accoster, ce que nous faisons. Il demande provenance et destination et donne l’ordre d’embarquer, deux hommes et moi, avec les papiers et deux hommes et un officier du sous-marin embarquent dans le canot et se font conduire à bord de CERES. Ils s’approvisionnent de tout, prennent chronomètre, jumelles, sextant, posent leurs bombes et un quart d’heure après l’explosion CERES sombre avec les couleurs.
Après avoir embarqué les provisions prises à bord, le commandant nous donne l’ordre de remonter dans l’embarcation et nous dit de partir. Le point de la rencontre est 47°05 N et 10°36 W. Il était environ 07h00. Nous mettons à la voile pour nous écarter du lieu du sinistre et continuer la route à l’ENE. Vers 08h00, apercevons la lueur d’un navire en feu. (Nota : il devait s’agir soit de l’Anglais MARY BOWEN, soit de l’Américain M I MANDAL, attaqués la veille par le même sous-marin, l’UC 72).

Temps calme toute la nuit. Au jour pris les avirons. Mer belle. Navigué ainsi jusqu’ 15h00 le 10 Juillet quand nous sommes aperçus par un torpilleur anglais qui nous recueille et nous fait abandonner les embarcations. Aussitôt embarqués, sommes très bien soignés et les hommes blessés sont aussi soignés.

Le capitaine du torpilleur me demande où se trouvait le navire en feu. Je lui indique et il fait route dessus. Effectivement, lorsque nous approchons, nous trouvons un navire qui brûle et transporte un chargement d’huile. Ne trouvant pas d’embarcations, le torpilleur continue sa route. Le capitaine du PARTHIAN, qui convoie deux transports veut bien nous déposer à Lisbonne si c’est possible, mais finalement il nous conduit à Gibraltar, lieu de sa destination où nous arrivons le 14 Juillet à 16h30.

Pendant notre séjour à bord du PARTHIAN nous n’avons eu qu’à nous louer des soins que nous avons eus et de l’amabilité des officiers et des matelots.
Tel est mon rapport que j’affirme sincère et véritable.

Voici la signature du capitaine USEREAU

Image

Interrogatoire par l’officier enquêteur, CF Dupourqué

Cet interrogatoire reprend les principaux renseignements fournis par le capitaine Abel USEREAU.

Il précise que le sous-marin a été aperçu à 3 quarts sur bâbord avant, courant sur CERES, sous voile comme les sloops de Douarnenez. Le tir a été très précis. Les Allemands ont utilisé deux bombes qui ont coulé CERES en 15 minutes, sous les yeux de l’équipage.

Trois hommes ont été blessés par les éclats d’obus :

- DAGORNE Albert, maître d’équipage, Brest 2591, a reçu un éclat d’obus dans le biceps du bras droit
- VIDAMENT Frédéric, matelot, Binic 8131, éclat d’obus à l’épaule droite
- GUEZOU François, Matelot, éclat dans la figure et contusion au coude gauche.
Tous ont été soignés par le médecin du PARTHIAN jusqu’au 14 Juillet, jour où ils ont débarqué à Gibraltar.

Questions posées par le commandant du sous-marin :

- Avez-vous vu un convoi dans la journée ?
- Oui
- A qui appartient CERES ?
- Chatel, de Brest
- Etes-vous Breton ?
- Oui
Toutes ces questions ont été posées en excellent français.

Description du sous-marin

35 m de longueur pour 5 à 6 de large
Un canon fixé sur l’avant du kiosque
Deux mâts rabattus sur l’avant et l’arrière
Gris sur le dessus et noir sur le dessous de la coque
Vu 3 officiers vêtus de cuir et 4 matelots en bleu de mécanicien, tous avec ds bottes montant jusqu’aux genoux
Le sous-marin manœuvrait facilement et a plongé en 2 minutes.
En forme de cigare aplati sur l’arrière

Conclusions de l’officier enquêteur

Le capitaine n’avait aucun moyen de sauver son navire et n’a donc encouru aucune responsabilité du fait de sa manœuvre. Mais quand il a été interrogé par le commandant du sous-marin, il n’aurait pas dû parler du convoi qu’il avait rencontré dans la journée du 9. Ce convoi comportait 4 transports escortés par 2 croiseurs et 6 torpilleurs. De ce fait, il mérite d’être sévèrement blâmé.

Le maître d’équipage Bernard Dagorne, blessé par un éclat d’obus, est déjà un rescapé du trois-mâts barque CONDOR coulé le 21 Octobre 1916 à hauteur des Casquets.

Le mousse de CERES, Félix Toupin, 15 ans, Paimpol 22971, est un rescapé du vapeur HENRI ELISA de la compagnie Leroux et Heuzey de Rouen, coulé entre Harfleur et Rouen le 9 Août 1916.

Je demande un témoignage de satisfaction pour ces braves gens.

Récompenses

Témoignage de satisfaction du Ministre (demandée)

DAGORNE Albert 22591 Brest Maître d’équipage blessé par un éclat d’obus
TOUPIN Félix 22971 Paimpol Mousse

Tous deux déjà embarqués sur des bâtiments précédemment torpillés ont eu une bonne attitude au feu et un excellent moral.

Le sous-marin attaquant

C’était l’UC 72 de l’Oblt z/s Ernst VOIGT

Cdlt

Re: CERES Goélette de Brest

Publié : mar. nov. 01, 2016 4:27 pm
par Memgam
Bonjour,

Céres, trois-mâts goélette, construite à Saint-Malo en 1901.
296 tjb, 232 tjn, 36,05 x 8,14 x 3,66 m.

En 1912, indicatif HQGV, immatriculée à Saint-Malo, armateur Costes & Cie de Saint-Pierre et Miquelon, capitaine Beliot.

Au moment de sa perte, appartenait à Auguste Chatal de Brest.

Source : Registre n° 84, Bureau Veritas 1912.
René Richard et Jacques Roignant, Les navires des ports de la Bretagne provinciale coulés par faits de guerre 1914-1918, Association Bretagne 14-18, 2010.

Cordialement.

Re: CERES Goélette de Brest

Publié : mar. nov. 01, 2016 6:13 pm
par olivier 12
Bonjour à tous,

L'UC 72 disparaîtra le 25 Août suivant, ayant probablement sauté sur une mine dans le Pas de Calais. Son épave a été identifiée en 2013.

Voir ce lien : http://www.uboat.net/wwi/men/commanders/377.html

Cdlt