Re: BRETAGNE-et-VENDÉE – Dundee – Armement Armand Draillard.
Publié : mer. janv. 04, 2012 12:17 am
Bonsoir à tous,
Bretagne-et-Vendée – Dundee de 79 t. dont la construction fut initialement entreprise en 1898 par le chantier Pitra des Sables-d’Olonne (Vendée). Après le dépôt de bilan de ce chantier, coque acquise par acte sous seing privé en date du 21 novembre 1898 par Armand Draillard, pour le prix de 10.500 francs. Achevé en 1899 pour le compte de ce dernier par un chantier local indéterminé.
Le 6 janvier 1899, le sieur Pitra obtint néanmoins du Tribunal civil des Sables-d’Olonne que lui fut versée, en proportion des travaux par lui faits, la prime d’encouragement à la construction maritime instituée par la loi du 30 janvier 1893.
● Revue internationale du droit maritime, 1898, Jurisprudence française, p. 660 à 663.
TRIBUNAL CIVIL DES SABLES-D'OLONNE
Navire. Prime à la construction. Vente en cours de construction. Droit à la prime. Acheteur. Vendeur. Partage proportionnel aux travaux faits par chacun.
Navire : « Bretagne-et-Vendée ».
En cas de vente par le constructeur d'un navire en cours de construction à un tiers qui l'achève, la prime à la construction doit, en l'absence de toute convention à cet égard dans l’acte, être partagée entre le vendeur et l'acheteur en proportion des travaux faits par chacun d'eux.
LIQUIDATEUR PITRA c/ DRAILLARD.
JUGEMENT
LE TRIBUNAL,
Attendu que Pitra, constructeur de navires aux Sables-d'Olonne, a déposé son bilan le 20 octobre 1898 a été déclaré le même jour en état de liquidation judiciaire ;
Attendu que par acte sous seing privé en date du 21 novembre 1898, Pitra a vendu à Draillard, avec l’assentiment de son liquidateur, et l’autorisation de M. le juge-commissaire, le dundée Bretagne-et-Vendée, non encore achevé, moyennant le prix de 10.500 francs payé comptant ; que Draillard l’a fait achever ;
Attendu que Pitra, aujourd’hui dessaisi du bâtiment dont Draillard est devenu l'unique propriétaire, se dit créancier de la prime à la construction qui se monte à 2.400 francs, tout au moins pour une part proportionnelle au prix de vente ;
Attendu que l'acte de vente est muet quant à la prime ; qu'aucune des parties ne paraît y avoir songé ; que Pitra lui-même a omis de faire figurer cette importante créance à l'actif de son bilan ; que, dans la pensée commune des contractants, le seul objet de la vente était la coque inachevée du bâtiment, ces expressions « tel au surplus ledit bateau qu'il se trouve actuellement, sans exception ni réserve » et celles-ci « M. Draillard entrera en jouissance immédiatement du bateau présentement vendu et le fera terminer à ses risques et périls » ne pouvant s'appliquer qu'à la chose vendue ; que cette solution est d'ailleurs conforme à la règle de l'article 1163 C. civ. « quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter » ;
Attendu que le dundée a été estimé 9.000 francs au bilan, tandis qu'il a été acquis pour 10.500 francs par Draillard ; mais que cette différence de prix n'implique point que Draillard ait entendu payer la prime en même temps que le bâtiment, les évaluations portées sur un bilan n'étant jamais rigoureusement exactes ;
Attendu que la question à résoudre est donc de savoir si, de deux constructeurs successifs, le premier doit recueillir seul la prime, si, au contraire, le second exclut le premier, ou si, enfin, chacun d'eux y a droit dans la proportion du travail par lui exécuté ;
Attendu que la loi du 30 janvier 1893 a eu pour but essentiel d'encourager par des primes la construction maritime qui déclinait ; que la prospérité de cette industrie intéresse le pays ; que la construction du bâtiment de mer exige, d'autre part, un outillage considérable, une grande habileté manuelle et des connaissances techniques ;
Attendu que l'article 2 alloue une prime aux constructeurs des bâtiments de mer, mais à eux seuls ; que, dès lors, tout constructeur qui met ou fait mettre un navire en chantier et se conforme ainsi au vœu de la loi, peut compter sur le bénéfice de la prime dont la perspective l'a incité à construire ; qu'il naît à son profit, au début même de l'entreprise, un droit éventuel attaché à sa personne, dont l'abandon ne saurait être présumé en l'absence d'une convention expresse ;
Attendu que la loi elle-même suppose l'existence d'un droit à la prime antérieure à la francisation, sans quoi ces mots de l'article 4 « les primes déterminées par les articles 2 et 3 ne sont définitivement acquises que lorsqu'il est justifié de la francisation du navire » seraient dépourvus de signification ;
Attendu que la qualité de constructeur appartient à Pitra plus encore qu'à Draillard ; que si Draillard a terminé le dundée, l'œuvre la plus importante a été accomplie par Pitra, qui a dressé le plan, établi les gabarits et construit le bâtiment aux deux tiers environ ; que Pitra n'a pu, il est vrai, mener le travail à sa fin par suite de circonstances fortuites, et toucher la prime qui n'est définitivement acquise qu'après l'achèvement, la visite et la francisation du bâtiment ; mais qu'il serait contraire à l'équité, comme à la lettre et à l'esprit de la loi, d'en attribuer la totalité à Draillard, constructeur seulement pour partie et qui ne se prévaut pour en toucher la totalité que de son titre de propriétaire actuel ;
Attendu que Draillard a obéi surtout à une pensée de spéculation en achetant le dundée, qu'il a fait une opération commerciale plutôt qu'industrielle, tandis que Pitra demeure le principal constructeur, et a droit, en conséquence, à une part de prime proportionnelle ; que si l'on admettait le système de Draillard, on pourrait arriver à un résultat manifestement inique ; qu'en effet, si l'on envisage un constructeur ayant mené à bien son œuvre, achevé son bateau, s'il vient à décéder et que ses héritiers vendent le bateau désormais complet, en oubliant de réserver la prime, celle-ci serait tout entière recueillie par l'acquéreur, les héritiers de celui-ci qui aurait tout fait, en un mot le véritable et seul constructeur, ne toucheraient rien de la prime à la construction ; qu’un semblable résultat est inadmissible aux yeux du Tribunal comme étant contraire à l'esprit de la loi et à une bonne justice ;
Par ces motifs,
Dit que la prime à la construction du dundée Bretagne-et-Vendée est due à Pitra pour une part proportionnelle au prix de vente, eu égard au montant total des frais de construction jusqu'au moment de la mise à l'eau ;
Condamne Draillard, pour le cas où la prime lui serait directement versée, à en payer une part proportionnelle aux demandeurs ;
Le condamne à tous les frais et dépens de l'instance.
Du 5 janvier 1899. — Présid. : M. Pineau ; plaid. : Mes Renaud et Odin, avocats.
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Le dundee Bretagne-et-Vendée sera coulé le 26 avril 1917 par l’UC-65 (Kapitänleutnant Otto Steinbrinck) au large de l’île d’Alderney, par 49° 51’ N. et 2° 4’ W. (uboat.net). Ce sous-marin détruira le même jour dans les mêmes eaux l’Agnes-Cairns, voilier anglais de 146 t., armé par Joseph Penaliggon, de Newquay (Cornouaille, Royaume-Uni).
uboat.net —> http://uboat.net/wwi/ships_hit/116.html
Les équipages des deux voiliers, soit en tout 14 hommes ayant pris place dans deux embarcations, furent recueillis par le torpilleur Escopette vers 19 h 30 le même jour, à 4,5 milles dans le Nord de l’île d’Aurigny.
● Torpilleur d’escadre Escopette – alors commandé par le capitaine de frégate Jean Guéguen – Journal de navigation n° 4 / 1917 – 29 mars / 26 avr. 1917 – : Service historique de la Défense, S.G.A. « Mémoire des hommes », Cote SS Y 2000, p. num. 485.
« Journée du 26 avril [1917].
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17 h 30 – Patrouille au large de Guernesey.
Quart de 18 h à 20 h.
19 h 30 – 4 milles 5 au Nord d’Aurigny.
19 h 30 – Aperçu embarcations. Mis au poste d’alerte.
19 h 35 – Recueilli les équipages des voiliers anglais Agnès-Cairns et français Bretagne-et-Vendée, en tout 14 hommes. Pris les embarcations à la remorque et fait route sur le port d’Aurigny.
Quart de 18 h à 20 h.
20 h 00 – Échangé signaux reconnaissance avec Aurigny.
20 h 30 – Largué à l’entrée du port d’Aurigny l’embarcation anglaise avec ses hommes. »
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L’équipage du voilier français Bretagne-et-Vendée fut débarqué à Cherbourg par l’Escopette, le 27 avril 1917, vers 2 h 30. Entre temps, le torpilleur avait dû, en effet, prendre en remorque et conduire dans ce port le voilier français Éclair, allant des Sables-d’Olonne au Tréport avec un chargement de macadam.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.