Re: MADELEINE 1 - NORD Navires de Boulogne
Publié : dim. déc. 12, 2010 7:00 pm
Bonjour à tous,
MADELEINE 1 – NORD
MADELEINE 1
Lougre harenguier gréé en dundee, construit en 1903 à Boulogne pour les armateurs A et G Vidor Fils.
158 tx JB
Affréteur Mory et Cie. Boulogne.
Armé au cabotage international le 11 Février 1918. Désarmé le 10 Février 1919.
Equipé d'une pièce de 47 mm montée sur affût japonais.
Transporte 174 tonnes de charbon.
Equipage
DESRIVIERES Auguste Patron Boulogne Tué à bord
DANGER François Second Boulogne Tué dans le canot
BIGOT Pierre Mécanicien Boulogne Tué dans le canot
COULY Léopold Fusilier 4e dépôt Tué dans le canot
BOURQUIN Paul Canonnier 1er dépôt Blessé à bord puis dans le canot
DUCHESNE Louis Matelot Boulogne Tué dans le canot
LAMOUR Pierre Matelot Boulogne Tué dans le canot
LEDET Louis Matelot Calais Tué dans le canot
RAMEZ Jules Matelot Boulogne Blessé dans le canot
Récit du canonnier Paul Bourquin
Quitté South Shield dur la Tyne le 1er Juillet 1918 à 08h00. Fait route au sud, précédé du chaland à trois mâts NORD, à la traîne du remorqueur à aubes anglais ADMIRAL. Longé la côte de très près.
20h00
Marée contre nous. Le remorqueur tire avec peine et on étale tout juste le courant de marée. Encore heureux que nous ne dérivions pas.
01h00 le 2 Juillet
Léger brouillard. Entendu un bruit de moteur sur l'arrière.
01h20
Le bruit se rapproche. Perçu des éclats de voix, des commandements à consonance étrangère. Très peu portés sur le son des idiomes à distance, ne pouvons distinguer la nationalité et s'il s'agit d'amis ou d'ennemis.
01h25
Une masse gris sombre approche avec rapidité. Ne pouvons croire à l'audace d'un ennemi si près des côtes anglaises. Je gagne quand même la pièce de 47 accompagné du capitaine.
01h30
Identifié un gros sous-marin allemand qui ouvre aussitôt le feu. Le premier obus frappe de plein fouet ma pièce. Atteint par les éclats, le capitaine tombe à la renverse en râlant. Blessé à la jambe et ne pouvant plus tenir debout, je tombe sur lui. Nous baignons dans une mare de sang tandis que le sous-marin nous arrose d'obus.
Le second prend le commandement, fait mettre la baleinière à la mer et évacuer le navire dans l'ordre, en emportant le corps du capitaine. La position étant intenable, je me traîne jusqu'au canot et me laisse tomber dedans, les jambes pendant à l'extérieur. Deux hommes se mettent aux avirons et nous faisons route vers la côte.
Le sous-marin, qui nous a vu quitter le bateau, contourne le convoi et vient nous couper la route à 50 m. Il nous envoie un obus par le travers, qui explose dans un bruit infernal et broie le canot et son équipage. Sur les huit hommes à bord, six sont tués. Le sang gicle de partout et j'entends des cris de douleur sauvages. Puis plus rien; je disparais sous l'eau.
Revenant à la surface, j'essaie d'agripper un morceau d'épave du canot. J'ai à nouveau été blessé au bras. Je m'aperçois que je m'agrippe en fait au cadavre du capitaine, maintenu à flot par un morceau de quille du canot. Le sous-marin continue son tir sur le convoi et je vois le remorqueur qui explose tout à coup, se cabre et disparaît en quelques secondes, tandis que le NORD prend feu. Cet immense brûlot sur la mer est un spectacle d'une beauté tragique.
Le sous-marin repasse près de moi et je me laisse couler car j'ai la crainte d'être achevé par ces Allemands qui voudront sans doute faire disparaître les témoins gênants de leur infamie. Il passe si près de moi que je dois me repousser à hauteur du gouvernail de plongée arrière pour ne pas être entraîné dans le remous de l'hélice. Puis le feu cesse et il s'éloigne.
MADELEINE est resté en surface et NORD flambe. Nous ne sommes plus que deux, accrochés à une épave. Au bout d'une demi-heure, nous apercevons un torpilleur de haute mer qui arrive sur nous et fouille la mer avec son projecteur. C'est le THRUSTER. Il nous recueille, épuisés, dans l'un de ses canots. Mon camarade a des brûlures au visage et aux mains. Je suis blessé à la jambe gauche et au bras gauche.
A 10h00 du matin, nous sommes débarqués à Immingham et envoyés à l'hôpital de la Royal Navy. On retire de ma jambe un gros éclat d'obus et un morceau d'os. Mais l'os n'est pas à moi. C'est en réalité un morceau de mâchoire, appartenant sans doute au capitaine tué à mes côtés.
Nous fûmes ensuite transportés à l'hôpital de Hull, puis envoyés en convalescence dans une propriété du Yorkshire appartenant à la comtesse Nelburnhem, à North Ferriby.
Rentré à Boulogne, j'ai rembarqué en Octobre sur MADELEINE qui avait pu être sauvé par des matelots anglais et réparé.
Déposition du matelot Jules RAMEZ
Un sous-marin a ouvert le feu sur nous, tuant le capitaine et blessant grièvement le canonnier BOURQUIN. Nous avons évacué sur l'ordre du second DANGER, sans désordre, et en emportant le corps du capitaine. Alors que nous faisions route sur la terre, le sous-marin est venu à quelques mètres de nous et a tiré à bout portant un obus qui a explosé au dessus du canot. Six hommes sur les huit survivants du canot ont été tués et je suis resté cramponné à une épave avec le canonnier blessé. Nous avons été recueillis une demi-heure plus tard par le destroyer anglais THRUSTER. J'ai reçu des blessures multiples, mais relativement légères.
NORD
Chaland à trois mâts appartenant à l'armateur MORY et Cie, de Boulogne.
409 tx JB 550 tpl
Transporte 550 tonnes de charbon.
Equipage
EZANNO Alexandre Capitaine Auray
MOREL Firmin Second Nantes
DECOSTER Julien Matelot Dunkerque
VEROVE Eugène Matelot Gravelines
MELLIET Auguste Matelot Gravelines
FOURNY Pierre Matelot Boulogne
ROC François Matelot Boulogne
LIBERT Pierre Matelot Boulogne
LORRETE Joseph Matelot Boulogne
Rapport du capitaine
Appareillé de Tyne dock le 1er Juillet à 08h00 pour Boulogne avec 550 tonnes de charbon à la remorque du remorqueur à roues ADMIRAL. A 08h45, pris en remorque le dundee MADELEINE.
A midi, le vent tombant, fait rentrer les voiles.
A 00h45 le 2 Juillet, aperçu un sous-marin. Réveillé le second et toutes les bordées. Le sous-marin ouvre le feu sur MADELEINE, tuant le capitaine et blessant le canonnier comme j'ai pu le constater plus tard par la mare de sang située près de la pièce arrière à tribord. Puis il tire six obus explosifs sur NORD, qui font de grands dégâts. Un incendie se déclare et la situation n'étant plus tenable, je décide l'évacuation, cherchant à éviter de faire massacrer tout mon équipage qui ne pouvait se défendre puisque nous n'étions pas armés.
Etant dans la baleinière à une centaine de mètres du NORD, le sous-marin vient sur nous et tire un obus qui tombe à trois mètres du canot. Puis il s'acharne sur le remorqueur qui explose. Il revient ensuite sur nous et nous ordonne de monter à son bord. Le commandant allemand, qui porte un casque, nous interroge dans un excellent français, sans accent, posant les questions habituelles : nom, provenance, destination, cargaison, qui est le capitaine... A cette dernière question, nous répondons que le capitaine est resté à bord et a sans doute été tué.
Il nous fait alors remonter dans la baleinière et la prend en remorque. Mais il remet en route à une telle vitesse que, craignant de chavirer, nous coupons la bosse. S'en apercevant, le sous-marin nous donne l'ordre de rester sur place. Il s'éloigne et tire sur une embarcation que nous voyons atteinte de plein fouet, sans savoir à quel navire elle appartient. Ce que voyant, j'ordonne à mes hommes de nager fort car nous n'étions qu'à 1,5 mille de la terre.
Un quart d'heure plus tard le feu cesse et nous voyons approcher deux destroyers. Je vois aussi une vedette armée que je hèle et je reviens sur les lieux. MADELEINE flottait toujours, tandis que NORD et ADMIRAL avaient coulé.
A 02h45, je prends le commandement de MADELEINE et fait hisser le pavillon national. Le motor-boat se tient toujours à distance, craignant que les Allemands n'aient placé une bombe à bord. Deux hommes embarquent toutefois, et le destroyer nous prend en remorque et nous conduit à Bridlington. Il y avait une large brèche provoquée par un obus à 10 cm au dessus de la flottaison. C'est pourquoi j'ai donné de la gite sur tribord en faisant passer chaînes, drome et tout le matériel sur ce bord. J'ai obtenu 10° de gite.
Je suis heureux d'avoir pu, avec mon équipage, sauver ce dundee et ses 174 tonnes de charbon. Je l'ai ramené à Boulogne le 18 Juillet.
Déposition du matelot François ROC
Les débris du canot de MADELEINE ont été rejetés à la côte de Flamborough. Je suis allé les reconnaître avec le capitaine Ezanno. Il était brisé en mille morceaux et contenait le corps du capitaine Desrivières. De nombreux débris de chair humaine indiquaient qu'un obus avait été tiré sur le canot.
Conclusions de la commission d'enquête
MADELEINE et NORD ont été attaqués au canon par un sous-marin allemand. Le dundee était armé d'un 47. Le capitaine a été tué et le chef de pièce blessé.
L'équipage a alors évacué, bien qu'il eut été plus brillant de lutter encore, car le 47 n'était pas hors d'usage. Toutefois, on ne peut en faire grief au personnel de ce petit navire, le chef de pièce ayant été mis hors de combat.
NORD, gravement touché et incendié, a du être abandonné. Mais le patron de ce chaland a pris l'initiative, ayant croisé une vedette armée, de se faire reconduire sur les lieux. Il a pris le commandement de MADELEINE qui flottait toujours et l'a fait remorquer dans un port anglais.
Ce patron, le capitaine au cabotage Ezanno, était suspendu de la faculté de commander pendant la durée des hostilités suite à l'affaire du MARNE. (nota : voir fiche de ce navire à MARNE 5)
Nous proposons pour lui une citation à l'ordre du régiment :
« Suite à la destruction de son chaland par un sous-marin, a fait preuve d'une courageuse initiative qui a grandement contribué au sauvetage d'un autre navire du convoi qu'il a pu faire remorquer dans un port anglais. »
Un témoignage de satisfaction du Ministre sera aussi décerné à tout l'équipage du NORD pour son courage pendant le déroulement de l'affaire.
Epilogue
En 1920, le canonnier Paul Bourquin, qui était déjà un rescapé du torpillage du cuirassé Danton avant de survivre au naufrage de MADELEINE et qui demeurait 53 rue Pascal à Paris 13e, écrira une lettre fort digne aux hautes Autorités de la Marine, dans laquelle il s'étonne que lui et ses camarades de MADELEINE n'aient jamais été cités :
« ...Je viens de retrouver ma famille après six années de mobilisation et elle s'étonne, à juste titre, que je n'aie rien à leur montrer comme récompense prouvant que j'ai fait mon devoir envers la Patrie... »
Sa lettre sera classée sans suite, barrée sur la première page d'une énorme mention :
« A classer. L'examen du dossier a conduit à n'accorder de récompenses qu'au NORD qui remorquait MADELEINE »
Le malheureux Bourquin, pourtant rescapé de deux naufrages et grièvement blessé à deux reprises, ainsi que ses camarades tués sur MADELEINE ou dans le canot n'auront droit à aucune citation; ils avaient abandonné trop vite leur dundee....
Le sous-marin attaquant
C'était l'UB 40 de l'OL Hans Joachim EMSMANN.
Aucun renseignement sur ce commandant qui trouvera la mort avec tout son équipage, à bord de l'UB 116, le 28 Octobre 1918 en essayant d'atteindre le mouillage de Scapa Flow.
L'UB 40, lui, avait été sabordé lors de l'évacuation de la Belgique en Octobre 1918. Emsmann avait alors pris l'UB 116.
Cdlt
MADELEINE 1 – NORD
MADELEINE 1
Lougre harenguier gréé en dundee, construit en 1903 à Boulogne pour les armateurs A et G Vidor Fils.
158 tx JB
Affréteur Mory et Cie. Boulogne.
Armé au cabotage international le 11 Février 1918. Désarmé le 10 Février 1919.
Equipé d'une pièce de 47 mm montée sur affût japonais.
Transporte 174 tonnes de charbon.
Equipage
DESRIVIERES Auguste Patron Boulogne Tué à bord
DANGER François Second Boulogne Tué dans le canot
BIGOT Pierre Mécanicien Boulogne Tué dans le canot
COULY Léopold Fusilier 4e dépôt Tué dans le canot
BOURQUIN Paul Canonnier 1er dépôt Blessé à bord puis dans le canot
DUCHESNE Louis Matelot Boulogne Tué dans le canot
LAMOUR Pierre Matelot Boulogne Tué dans le canot
LEDET Louis Matelot Calais Tué dans le canot
RAMEZ Jules Matelot Boulogne Blessé dans le canot
Récit du canonnier Paul Bourquin
Quitté South Shield dur la Tyne le 1er Juillet 1918 à 08h00. Fait route au sud, précédé du chaland à trois mâts NORD, à la traîne du remorqueur à aubes anglais ADMIRAL. Longé la côte de très près.
20h00
Marée contre nous. Le remorqueur tire avec peine et on étale tout juste le courant de marée. Encore heureux que nous ne dérivions pas.
01h00 le 2 Juillet
Léger brouillard. Entendu un bruit de moteur sur l'arrière.
01h20
Le bruit se rapproche. Perçu des éclats de voix, des commandements à consonance étrangère. Très peu portés sur le son des idiomes à distance, ne pouvons distinguer la nationalité et s'il s'agit d'amis ou d'ennemis.
01h25
Une masse gris sombre approche avec rapidité. Ne pouvons croire à l'audace d'un ennemi si près des côtes anglaises. Je gagne quand même la pièce de 47 accompagné du capitaine.
01h30
Identifié un gros sous-marin allemand qui ouvre aussitôt le feu. Le premier obus frappe de plein fouet ma pièce. Atteint par les éclats, le capitaine tombe à la renverse en râlant. Blessé à la jambe et ne pouvant plus tenir debout, je tombe sur lui. Nous baignons dans une mare de sang tandis que le sous-marin nous arrose d'obus.
Le second prend le commandement, fait mettre la baleinière à la mer et évacuer le navire dans l'ordre, en emportant le corps du capitaine. La position étant intenable, je me traîne jusqu'au canot et me laisse tomber dedans, les jambes pendant à l'extérieur. Deux hommes se mettent aux avirons et nous faisons route vers la côte.
Le sous-marin, qui nous a vu quitter le bateau, contourne le convoi et vient nous couper la route à 50 m. Il nous envoie un obus par le travers, qui explose dans un bruit infernal et broie le canot et son équipage. Sur les huit hommes à bord, six sont tués. Le sang gicle de partout et j'entends des cris de douleur sauvages. Puis plus rien; je disparais sous l'eau.
Revenant à la surface, j'essaie d'agripper un morceau d'épave du canot. J'ai à nouveau été blessé au bras. Je m'aperçois que je m'agrippe en fait au cadavre du capitaine, maintenu à flot par un morceau de quille du canot. Le sous-marin continue son tir sur le convoi et je vois le remorqueur qui explose tout à coup, se cabre et disparaît en quelques secondes, tandis que le NORD prend feu. Cet immense brûlot sur la mer est un spectacle d'une beauté tragique.
Le sous-marin repasse près de moi et je me laisse couler car j'ai la crainte d'être achevé par ces Allemands qui voudront sans doute faire disparaître les témoins gênants de leur infamie. Il passe si près de moi que je dois me repousser à hauteur du gouvernail de plongée arrière pour ne pas être entraîné dans le remous de l'hélice. Puis le feu cesse et il s'éloigne.
MADELEINE est resté en surface et NORD flambe. Nous ne sommes plus que deux, accrochés à une épave. Au bout d'une demi-heure, nous apercevons un torpilleur de haute mer qui arrive sur nous et fouille la mer avec son projecteur. C'est le THRUSTER. Il nous recueille, épuisés, dans l'un de ses canots. Mon camarade a des brûlures au visage et aux mains. Je suis blessé à la jambe gauche et au bras gauche.
A 10h00 du matin, nous sommes débarqués à Immingham et envoyés à l'hôpital de la Royal Navy. On retire de ma jambe un gros éclat d'obus et un morceau d'os. Mais l'os n'est pas à moi. C'est en réalité un morceau de mâchoire, appartenant sans doute au capitaine tué à mes côtés.
Nous fûmes ensuite transportés à l'hôpital de Hull, puis envoyés en convalescence dans une propriété du Yorkshire appartenant à la comtesse Nelburnhem, à North Ferriby.
Rentré à Boulogne, j'ai rembarqué en Octobre sur MADELEINE qui avait pu être sauvé par des matelots anglais et réparé.
Déposition du matelot Jules RAMEZ
Un sous-marin a ouvert le feu sur nous, tuant le capitaine et blessant grièvement le canonnier BOURQUIN. Nous avons évacué sur l'ordre du second DANGER, sans désordre, et en emportant le corps du capitaine. Alors que nous faisions route sur la terre, le sous-marin est venu à quelques mètres de nous et a tiré à bout portant un obus qui a explosé au dessus du canot. Six hommes sur les huit survivants du canot ont été tués et je suis resté cramponné à une épave avec le canonnier blessé. Nous avons été recueillis une demi-heure plus tard par le destroyer anglais THRUSTER. J'ai reçu des blessures multiples, mais relativement légères.
NORD
Chaland à trois mâts appartenant à l'armateur MORY et Cie, de Boulogne.
409 tx JB 550 tpl
Transporte 550 tonnes de charbon.
Equipage
EZANNO Alexandre Capitaine Auray
MOREL Firmin Second Nantes
DECOSTER Julien Matelot Dunkerque
VEROVE Eugène Matelot Gravelines
MELLIET Auguste Matelot Gravelines
FOURNY Pierre Matelot Boulogne
ROC François Matelot Boulogne
LIBERT Pierre Matelot Boulogne
LORRETE Joseph Matelot Boulogne
Rapport du capitaine
Appareillé de Tyne dock le 1er Juillet à 08h00 pour Boulogne avec 550 tonnes de charbon à la remorque du remorqueur à roues ADMIRAL. A 08h45, pris en remorque le dundee MADELEINE.
A midi, le vent tombant, fait rentrer les voiles.
A 00h45 le 2 Juillet, aperçu un sous-marin. Réveillé le second et toutes les bordées. Le sous-marin ouvre le feu sur MADELEINE, tuant le capitaine et blessant le canonnier comme j'ai pu le constater plus tard par la mare de sang située près de la pièce arrière à tribord. Puis il tire six obus explosifs sur NORD, qui font de grands dégâts. Un incendie se déclare et la situation n'étant plus tenable, je décide l'évacuation, cherchant à éviter de faire massacrer tout mon équipage qui ne pouvait se défendre puisque nous n'étions pas armés.
Etant dans la baleinière à une centaine de mètres du NORD, le sous-marin vient sur nous et tire un obus qui tombe à trois mètres du canot. Puis il s'acharne sur le remorqueur qui explose. Il revient ensuite sur nous et nous ordonne de monter à son bord. Le commandant allemand, qui porte un casque, nous interroge dans un excellent français, sans accent, posant les questions habituelles : nom, provenance, destination, cargaison, qui est le capitaine... A cette dernière question, nous répondons que le capitaine est resté à bord et a sans doute été tué.
Il nous fait alors remonter dans la baleinière et la prend en remorque. Mais il remet en route à une telle vitesse que, craignant de chavirer, nous coupons la bosse. S'en apercevant, le sous-marin nous donne l'ordre de rester sur place. Il s'éloigne et tire sur une embarcation que nous voyons atteinte de plein fouet, sans savoir à quel navire elle appartient. Ce que voyant, j'ordonne à mes hommes de nager fort car nous n'étions qu'à 1,5 mille de la terre.
Un quart d'heure plus tard le feu cesse et nous voyons approcher deux destroyers. Je vois aussi une vedette armée que je hèle et je reviens sur les lieux. MADELEINE flottait toujours, tandis que NORD et ADMIRAL avaient coulé.
A 02h45, je prends le commandement de MADELEINE et fait hisser le pavillon national. Le motor-boat se tient toujours à distance, craignant que les Allemands n'aient placé une bombe à bord. Deux hommes embarquent toutefois, et le destroyer nous prend en remorque et nous conduit à Bridlington. Il y avait une large brèche provoquée par un obus à 10 cm au dessus de la flottaison. C'est pourquoi j'ai donné de la gite sur tribord en faisant passer chaînes, drome et tout le matériel sur ce bord. J'ai obtenu 10° de gite.
Je suis heureux d'avoir pu, avec mon équipage, sauver ce dundee et ses 174 tonnes de charbon. Je l'ai ramené à Boulogne le 18 Juillet.
Déposition du matelot François ROC
Les débris du canot de MADELEINE ont été rejetés à la côte de Flamborough. Je suis allé les reconnaître avec le capitaine Ezanno. Il était brisé en mille morceaux et contenait le corps du capitaine Desrivières. De nombreux débris de chair humaine indiquaient qu'un obus avait été tiré sur le canot.
Conclusions de la commission d'enquête
MADELEINE et NORD ont été attaqués au canon par un sous-marin allemand. Le dundee était armé d'un 47. Le capitaine a été tué et le chef de pièce blessé.
L'équipage a alors évacué, bien qu'il eut été plus brillant de lutter encore, car le 47 n'était pas hors d'usage. Toutefois, on ne peut en faire grief au personnel de ce petit navire, le chef de pièce ayant été mis hors de combat.
NORD, gravement touché et incendié, a du être abandonné. Mais le patron de ce chaland a pris l'initiative, ayant croisé une vedette armée, de se faire reconduire sur les lieux. Il a pris le commandement de MADELEINE qui flottait toujours et l'a fait remorquer dans un port anglais.
Ce patron, le capitaine au cabotage Ezanno, était suspendu de la faculté de commander pendant la durée des hostilités suite à l'affaire du MARNE. (nota : voir fiche de ce navire à MARNE 5)
Nous proposons pour lui une citation à l'ordre du régiment :
« Suite à la destruction de son chaland par un sous-marin, a fait preuve d'une courageuse initiative qui a grandement contribué au sauvetage d'un autre navire du convoi qu'il a pu faire remorquer dans un port anglais. »
Un témoignage de satisfaction du Ministre sera aussi décerné à tout l'équipage du NORD pour son courage pendant le déroulement de l'affaire.
Epilogue
En 1920, le canonnier Paul Bourquin, qui était déjà un rescapé du torpillage du cuirassé Danton avant de survivre au naufrage de MADELEINE et qui demeurait 53 rue Pascal à Paris 13e, écrira une lettre fort digne aux hautes Autorités de la Marine, dans laquelle il s'étonne que lui et ses camarades de MADELEINE n'aient jamais été cités :
« ...Je viens de retrouver ma famille après six années de mobilisation et elle s'étonne, à juste titre, que je n'aie rien à leur montrer comme récompense prouvant que j'ai fait mon devoir envers la Patrie... »
Sa lettre sera classée sans suite, barrée sur la première page d'une énorme mention :
« A classer. L'examen du dossier a conduit à n'accorder de récompenses qu'au NORD qui remorquait MADELEINE »
Le malheureux Bourquin, pourtant rescapé de deux naufrages et grièvement blessé à deux reprises, ainsi que ses camarades tués sur MADELEINE ou dans le canot n'auront droit à aucune citation; ils avaient abandonné trop vite leur dundee....
Le sous-marin attaquant
C'était l'UB 40 de l'OL Hans Joachim EMSMANN.
Aucun renseignement sur ce commandant qui trouvera la mort avec tout son équipage, à bord de l'UB 116, le 28 Octobre 1918 en essayant d'atteindre le mouillage de Scapa Flow.
L'UB 40, lui, avait été sabordé lors de l'évacuation de la Belgique en Octobre 1918. Emsmann avait alors pris l'UB 116.
Cdlt