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Re: MARNE (5) Armement MORY Boulogne

Publié : jeu. déc. 02, 2010 12:37 pm
par olivier 12
Bonjour à tous,

MARNE

Cargo construit en 1907 au chantier Scott de Kinghorn, sous le nom de MANUEL pour l’armement SOUPART et MOTTARD.
Racheté en 1917 par l’armement MORY et Cie, 29 rue du Pas d’Etain, Boulogne. (Capitaine d’armement Couture)

979 tx JB Longueur 70 m Largeur 12,20 m
1 hélice
24 hommes d’équipage
Armé d’un canon de 95 mm sur affût à crinoline
Muni de la TSF (Aucun signal envoyé)
Position de l’attaque 50° 07 N 01°15 W

Naufrage du 28 Octobre 1917

Image

Rapport du capitaine

Quitté Rouen le 27 Octobre à 18h00 pour Barry Road à ordres. Mouillé en rade du Havre à 21h00.
Appareillé en convoi à 10h00 le 28.
A 18h15, par le travers de Barfleur, en queue de convoi, le navire ne donnant que 4,5 nœuds. Route en zigzag, feux masqués, dans les eaux du convoi qui est perdu de vue à 21h00.
Beau clair de lune.
A 21h30, donné mes consignes ordinaires et rentré dans ma chambre située juste derrière la passerelle.
A 23h30, réveillé par une violente explosion. Je bondis hors de ma chambre quand un second coup de canon tue devant moi le second capitaine qui était de quart. Plusieurs obus éclatent coup sur coup. Le lieutenant prévient le TSF d’envoyer un signal de détresse tandis que je fais stopper la machine et donne l’ordre au canonnier de tirer. Puis je remonte sur la passerelle pour faire évoluer le navire.
Quatre coups sont tirés. Le sous-marin plonge alors, après avoir tiré un dernier coup qui détruit la timonerie et ma chambre.
Ne pouvant plus gouverner, j’ordonne l’évacuation. Le lieutenant, chef d’une embarcation, reste auprès de la mienne, à proximité du navire. Le sous-marin émerge alors et s’approche du canot du lieutenant qui est interrogé. Puis il vient sur mon canot et me pose aussi les questions d’arraisonnement. Après mes réponses, il y a une grande discussion entre les deux officiers sur le kiosque du sous-marin, probablement sur le sort qu’ils nous réservent.
Puis le sous-marin fait arrière et se dirige sur le MARNE qui a sans doute été visité. Un quart d’heure plus tard, il ouvre à nouveau le feu à bout portant sur MARNE. De grandes flammes s’élèvent du navire.

J’ordonne alors de mettre en fuite. Les deux embarcations sont restées en vue l’une de l’autre toute la nuit. Une heure trente après avoir mis en route, aperçu le feu de Barfleur et mis le cap sur Cherbourg. Hissé les voiles à 05h00, mais à 10h30, le vent refuse. Atterri à midi à Fermanville.

Je n’ai que des félicitations à décerner à tout mon équipage qui a obéi fidèlement à tous mes commandements.
Le livret bleu a été lacéré au couteau par le TSF.

Description du sous-marin

70 m de longueur environ
Etrave élancée et arrondie. Pont en dos d’âne sauf à hauteur de la pièce où il y avait une plateforme.
Kiosque en forme de tourelle sans gradins.
1 canon sur l’avant du kiosque
Une antenne TSF
Peint en gris foncé.
Vu deux officiers habillés en sombre.

Rapport AMBC

Le sous-marin a tout d’abord tiré une vingtaine de coup au rythme de dix coups minutes. Tous les coups portaient. Les canonniers ont tiré quatre coups à la vitesse d’un coup par minute, le dernier au jugé sur le sillage du sous-marin qui avait plongé. Le capitaine n’a pas fait preuve de sang froid et a fait évacuer son bâtiment, montrant une attitude insuffisamment ferme.

Le feu a été ouvert par les canonniers avec assez de retard. Il a fallu 10 minutes. Le canonnier de veille a tiré 2 coups à bout portant et a manqué le sous-marin malgré la clarté de la pleine lune. Le QM canonnier, accouru, a lui aussi tiré deux coups à bout portant sans résultat apparent. Toutefois, le sous-marin a cessé son tir.

L’abandon du navire alors que le sous-marin avait cessé son tir et abandonné l’attaque est des plus regrettables.



Conclusions de la commission d’enquête


Elles sont particulièrement dures pour le capitaine Ezanno.

« L’attaque du MARNE a été menée avec une grande brutalité. Le mitraillage à bout portant de la passerelle a tué l’officier de quart, détruit l’appareil du servo-moteur et le transmetteur d’ordres à la machine.
Mais la riposte de l’artillerie a fait abandonner l’attaque et le sous-marin a plongé. La machine était intacte et il n’y avait pas de voie d’eau.

Le capitaine a été au dessous de son rôle et a fait preuve d’impéritie en ayant un commandement défaillant. Il n’a pas tenu compte que le sous-marin avait disparu et, de son aveu même, n’a pensé qu’à soustraire son équipage à de nouveaux risques (nota : un torpillage)
Le transmetteur d’ordre étant détruit, il est allé lui-même donner l’ordre à la machine de stopper alors qu’il aurait pu envoyer un matelot de quart pour transmettre un ordre aussi simple. Il concède n’avoir pas donné l’ordre d’embarquer dans les canots et le fond de sa pensée semble bien que cela allait tellement de soi qu’un ordre était superflu. Il déclare n’avoir pu sauver les papiers car sa chambre avait été démolie par un obus et il n’a pu accéder au meuble où ils étaient.
En dehors de son impéritie, le capitaine a fait preuve de négligence générale en allant se coucher à 22h00 sans donner de consignes spéciales sur les zigzags ( :???: ), le dégagement des pièces de leurs panneaux de protection contre le mauvais temps…etc
Sans que son courage personnel soit en cause, l’inconscience qu’il a des devoirs impliqués par son grade militaire doit lui rendre impossible tout commandement pendant la durée des hostilités. »

Commentaire :

En déclarant péremptoirement que le sous-marin avait abandonné l’attaque, la commission semble faire preuve d’un optimisme que rien ne justifie. L’envoi d’une torpille était quand même envisageable si l’équipage n’avait pas évacué…
Mais, une fois de plus, on note que les papiers ont encore plus d’importance que les hommes !

Récompenses – Punitions

LEPRETRE Charles Second capitaine Dunkerque

Croix de guerre avec citation au Corps d’Armée

« Tué à son poste d’officier de quart sur la passerelle de MARNE, dans l’exercice de ses fonctions »

EZANNO Alexandre Capitaine Auray

Privation du droit de commander pendant la durée des hostilités

« N’a pas, par négligence, donné aux moyens de défense de son bâtiment toute leur efficacité. A abandonné hâtivement son navire dans un moment où l’attaque ennemie était suspendue, sinon abandonnée. »

Note de la Compagnie MORY à l’Administrateur des Affaires Maritimes de Boulogne (15 Mars 1918)

« Nous avons été avisé que le capitaine EZANNO, commandant notre vapeur MARNE qui a été canonné et coulé le 28 Octobre 1917 a été suspendu de commandement pendant la durée des hostilités.
Nous regrettons la sanction qui le frappe car nous estimons beaucoup cet officier qui nous a toujours rendu les plus grands services et qui possède à la fois le sang-froid et l’énergie nécessaires à la navigation actuelle.
Le 2 Mars 1918, il a reçu un témoignage de satisfaction du Ministre de la Marine pour le sauvetage de six marins hollandais.
J’ai personnellement connu le capitaine Ezanno avant la guerre, alors qu’il commandait des chalutiers de Lorient et je l’ai toujours considéré comme un capitaine sérieux, intègre, très dévoué à l’armement et d’une conduite irréprochable.
C’est pourquoi je sollicite votre bienveillance pour que cette demande remonte jusqu’au Ministre de la Marine et qu’il revienne sur sa décision concernant ce capitaine. Il commande actuellement une de nos unités et nous envisageons de lui confier une unité plus importante. En ces moments critiques, nous avons vraiment besoin d’hommes pratiques et dévoués pour assurer notre ravitaillement. »

Note de l’Amiral Salaun au Sous-secrétaire d’Etat de la Marine de Guerre

« L’enquête sur le torpillage (nota : terme employé improprement même par un amiral !!) de MARNE a fait ressortir de la part du capitaine Ezanno des négligences dans l’organisation de son bâtiment et un défaut regrettable de qualité de commandement. C’est ce qui a motivé la décision ministérielle du 15 Décembre.
Mais cette décision me paraît pouvoir être reportée au bout d’un certain temps si l’intéressé s’en montre digne en naviguant comme second ».

Suite de l’affaire

Le capitaine Ezanno devint alors patron d’une barge baptisée NORD.

Mais le 2 Juillet 1918, cette barge, en remorque du remorqueur anglais ADMIRAL, de conserve avec un dundee nommé MADELEINE, fut attaquée par le sous-marin UB 40 de l’OL Hans Joachim Emsmann au nord de Flamborough Head. ADMIRAL et NORD furent coulés et MADELEINE gravement endommagé et son capitaine tué.
Alexandre Ezanno prit alors le commandement de MADELEINE et parvint, avec beaucoup de difficultés, à le ramener au port.

Il recevra la Croix de Guerre avec citation à l’ordre du Régiment

EZANNO Alexandre Marie
Capitaine Auray 369

« A, grâce à son sang froid et son énergie,sauvé l’équipage de son bâtiment. Est revenu ensuite sur les lieux du combat alors qu’il aurait pu simplement regagner la terre et a ainsi sauvé un navire gravement endommagé et sa cargaison. »

L’Amiral Salaun enverra alors la note suivante :

« A la suite de l’examen du dossier du chaland NORD, dont le capitaine au cabotage Ezanno était le patron, ce capitaine a été cité à l’ordre du Régiment.
La décision de suspension de commandement qui avait été prise à son égard suite à la destruction de MARNE est rapportée. »

A l’évidence, la Commission d’enquête de 1917 avait mal jugé les qualités du capitaine Ezanno…

(nota : l’affaire de NORD et MADELEINE, particulièrement dramatique elle aussi, sera mise ultérieurement sur le forum)

Le sous-marin attaquant

C’était l’UC 63 de l’OL Karsten von Heydebreck.

C’est ce sous-marin qui avait déjà coulé les grands voiliers EUROPE et PERSEVERANCE, ainsi que le vapeur DINORAH.

On notera que le capitaine Ezanno et le lieutenant Grilhon seront les derniers hommes à voir von Heydebreck et son équipage vivants.
En effet, trois jours plus tard, l’UC 63 sera torpillé au large de Goodwind Sands par le sous-marin anglais E 52 et coulera emportant avec lui 26 hommes. Il n’y aurait eu qu’un seul survivant.

Néanmoins, après son naufrage, UC 63 fera encore trois victimes, le Norvégien LYRA et les Anglais ORIFLAMME et BRIGITTA qui sauteront sur des mines qu’il avait larguées, le dernier le 4 Décembre 1917.

Cdlt

Re: MARNE (5) Armement MORY Boulogne

Publié : mar. déc. 21, 2010 10:26 am
par Terraillon Marc
Bonjour Olivier

Pour la mise à jour de la base de données, quel indice retient on par rapport au message ci-joint ?

pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _413_1.htm

De façon provisoire, le navire a l'indice X

A bientot :hello:

Re: MARNE (5) Armement MORY Boulogne

Publié : mar. déc. 21, 2010 11:24 am
par olivier 12
Bonjour Marc, Bonjour à tous,

Je pense qu'on peut lui donner l'indice 5, puisqu'il y en déjà 4 devant lui...
Je modifie l'intitulé.

Cdlt

Re: MARNE (5) Armement MORY Boulogne

Publié : mar. déc. 21, 2010 11:26 am
par Terraillon Marc
Bonjour Olivier

C'est noté, je mets la base à jour

A bientot

MARNE — Cargo — Société en nom collectif Mory & Cie, Boulogne-sur-Mer.

Publié : jeu. nov. 03, 2016 10:33 pm
par Rutilius
Bonsoir à tous,

Société en nom collectif Mory et Cie

La Société en nom collectif Mory et Cie, société de transit dont le siège social était établi à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), au 29, rue du Pot-d’Étain, fut formée le 1er juillet 1898 à Paris pour une durée de 10 ans. Son capital social initial était de 350.000 fr. (Archives commerciales de la France, n° 60, Samedi 30 juillet 1898, p. 945).

Elle fut reformée le 31 janvier 1913 à Paris pour une durée de 5 ans et 5 mois, avec un objet social étendu aux transports et un capital réduit à 101.000 fr. (Archives commerciales de la France, n° 17, Mercredi 26 février 1913, p. 270). Fut constituée le même jour à Marseille, pour la même durée, une « succursale » établie au 72, boulevard des Dames, dont le capital social se montait à 102.000 fr. (Archives commerciales de la France, n° 25, Mercredi 24 mars 1913, p. 425).

Après avoir été vraisemblablement prorogée une première fois, sa durée le fut à nouveau le 24 avril 1925 pour 23 ans et 2 mois à compter du 1er mai 1925 ; la société avait alors pour objet social « transit, arme-ment, charbons » (Archives commerciales de la France, n° 50, Mercredi 24 janvier 1925, p. 1.254).

Enfin, la société fut transformée en société à responsabilité limitée le 7 janvier 1928 à Paris (Archives com-merciales de la France, n° 10, Vendredi 3 février 1928, p. 441).

MARNE — Cargo — Société en nom collectif Mory & Cie, Boulogne-sur-Mer.

Publié : jeu. nov. 03, 2016 11:42 pm
par Rutilius
Bonsoir à tous,

Ce cargo n’aurait-il pas eu un autre propriétaire antérieurement à la Société en nom collectif Soupart-Mottard ?

Cette dernière, qui avait pour objet social les « charbons, cokes, affrètements et armements », et dont le siège social était établi à Paris, au 1, rue de Clichy (IXe Arr.), ne fut en effet constituée que le 19 mars 1915 (Archives commerciales de la France, n° 67, Samedi 8 mai 1915, p. 2.028).

Et elle fut mise en liquidation judiciaire le 4 février 1925 (Archives commerciales de la France, n° 11, Samedi 7 février 1925, p. 280).

MARNE — Cargo — Société en nom collectif Mory & Cie, Boulogne-sur-Mer.

Publié : ven. nov. 04, 2016 1:45 am
par Rutilius
Bonjour à tous,

La victime

— LEPRÊTRE Charles Alfred, né le 28 août 1886 à Gravelines (Nord) et domicilié à Dunkerque (– d° –), décédé le 28 octobre 1917, à 23 h. 45, à 23 milles dans le Nord de Barfleur (Acte de décès transcrit à Dunkerque, le 2 mars 1918: Registre des actes de décès de la ville de Dunkerque, Année 1918, f° 54, acte n° 135). Second capitaine, inscrit à Dunkerque, n° 421.

• Fils de Charles Benoît LEPRÊTRE, né le 31 janvier 1868 à Gravelines, marin, et de Louise Geneviève Caroline HANICOTTE, née le 20 novembre 1869 au hameau du Petit-Fort-Philippe, commune de Gravelines, pêcheuse ; légitimé par le mariage de ses parents, célébré le 6 novembre 1886 à Gravelines (Registre des actes de naissance de la commune de Gravelines, Année 1886, f° 34, acte n° 132 – Registre des actes de mariage de la commune de Gravelines, Année 1886, f° 36, acte n° 44).

• Époux de Léopoldine Émélie CHEVRIER.

Distinctions honorifiques

□ Par arrêté Ministre de la Marine en date du 20 mars 1922 (art. 1er ; J.O. 2 avr. 1922, p. 3.653), inscrit à titre posthume au tableau spécial de la Légion d’honneur pour le grade de chevalier dans les termes sui-vants :

« Leprêtre (Charles-Alfred), 2e capitaine, Dunkerque 421: disparu en mer, le 29 octobre 1917, an cours d’une attaque de son bâtiment par l’ennemi. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

□ Déclaré « Mort pour la France » par une décision du Secrétaire général de la Marine marchande en date du 2 décembre 1958.