Forum PAGES 14-18

Bonjour à tous,

A.D.BORDES

Quatre-mâts carré en fer construit en 1884 aux chantiers W.B. Thomson de Glasgow. Lancé le 12 Mars 1884.
Pris au neuvage par le capitaine Constant LEBRAS.
3600 tpl 2384 tx JB 2025 tx JN (Nouvelle jauge en 1917)

Quatre bas-mâts en acier, ainsi que quinze vergues. Perroquets doubles.
Water ballast de 500 t divisé en trois compartiments.
Vitesse : environ 13 nœuds par vent arrière.




(Source : Cap-horniers français 2 - Claude et Jacqueline Briot)


(Source dernier cliché : Maritime Museum. Newport News)

Incidents de navigation

Abordage avec le trois-mâts MARECHAL SUCHET le 30 Mars 1905 au départ de Hambourg pour Shields. Peu d’avaries.

Le 16 Novembre 1915, allant de Nantes à La Pallice, A.D.BORDES sauve l’équipage du petit remorqueur FRIOUL n°1, en avarie de machine. Il le prend en remorque , mais le vapeur coule dans le mauvais temps, ayant rompu ses deux remorques. Le 19, les naufragés sont transférés sur le vapeur des Chargeurs Réunis AMIRAL SALLANDROUZE DE LAMORNAIX qui les débarque à Bordeaux.
Au retour de ce 38e voyage (sur le Chili) le capitaine Léon Lidouban disparaît en mer le 14 Mai 1917. Il est remplacé par son second, Jules Le Guern, qui ramène le voilier à Nantes le 21 Mai 1917.

39e voyage

Le quatre-mâts quitte la rade de Saint Nazaire pour son 39e voyage sous les ordres du capitaine Joseph BRIAND le 28 Septembre 1917.
Les matelots mis à la disposition de l’armement Bordes proviennent du 7e régiment d’infanterie et des 1er, 3e et 5e colonial. C’est un équipage de 31 hommes, hétéroclite, peu maniable. Douze hommes sont frappés de punitions.



On note dans cet équipage la présence du matelot léger Alfred Forgeard. Certainement un membre de cette grande famille de marins de Saint Briac dont on trouve l’histoire sur ce lien.

http://www.touteuneviesurlamer.com

Mais il est difficile à situer dans la famille. Ce n’est en tout cas pas l’Alfred Forgeard capitaine à la Havraise à partir de 1912, et qui semble n’avoir eu qu’un fils prénommé Lucien.

Le 2 Octobre 1917 à 16h30, par 45°18 N et 10°00 W, le quatre-mâts rencontre un sous-marin allemand (non identifié).

Rapport du capitaine Briand

Le 2 Octobre 1917 à 10h00 du matin, étant bâbord amures par petite brise de WSW, nous avons entendu le bruit d’une canonnade. A 16h30, la brise ayant fraîchi, aperçu un sous-marin armé de deux pièces qui émerge à 7000 m sur notre avant.
Mis les canonniers à leur poste, chargé les pièces et venu grand largue pour présenter l’arrière au sous-marin et augmenter la vitesse du navire.

Le sous-marin tire avec sa pièce de l’avant, mais son tir est trop court et beaucoup trop à droite. Nous lui répondons avec rapidité. Tirs réglés à 8500 et 9000 m aux premiers coups. Le 5e coup tombe 200 m trop court en bonne direction. Au 6e coup, gerbe d’eau et le sous-marin s’enfonce trop rapidement pour préciser si les hommes et les canonniers aperçus sur son kiosque ont eu le temps de rentrer ou s’il a reçu le coup de plein fouet.

Je dois signaler la conduite exemplaire du canonnier breveté Guillaume Cos, chef de pièce, du 2e capitaine Monsieur Gervin pour son sang froid et son habileté à la manœuvre, et surtout du 2e lieutenant Auguste Vandesande ; au premier coup de canon, pour donner plus de précision au tir, il est monté au capelage de perroquet de fougue pour me fournir toutes les indications nécessaires sur la distance et la manœuvre du sous-marin.

Il n’y a eu ni panique, ni aucun acte contraire à la plus stricte discipline.

Signé BRIAND.

Récompenses

Un témoignage officiel de satisfaction sera décerné le 25 Avril 1918 à Washington à :

BRIAND Joseph Capitaine
GERVIN Eugène 2e capitaine
CALBOURDIN Charles Lieutenant
VANDESANDE Auguste Lieutenant

« pour les bonnes dispositions prises et les capacités déployées lors de l’attaque de leur navire par un sous-marin ».

Le sous-marin attaquant

N’est pas identifié. Voici néanmoins sa silhouette (encore du travail pour nos spécialistes … )



Navigation ultérieure

A.D. BORDES sera réquisitionné du 27 Juillet 1918 au 25 Avril 1919. Il survivra à la guerre et effectuera encore des voyages sur Norfolk pour le Chili, mais via Panama. Désarmé en Avril 1921 et démoli en 1923 après 39 ans de service sur la route du Horn.

Sources : archives de Vincennes
Cap-horniers français de Brigitte et Yvonnick LE COAT
Histoire de l’armement Bordes de Claude et Jacqueline BRIOT

Cdlt

Bonjour Olivier, bonjour à tous
J'ai un prétendant sérieux pour cet engagement au canon.
Le 2 octobre, U 89, KL August Mildenberger a coulé le vapeur portugais Trafaria au point 45.35N 09.53W soit donc en une position assez proche du lieu d'engagement avec l'A.D.Bordes.
Dans Spindler (Der Handelskrieg mit U-Booten vol.IV), il n'est rien mentionné à ce sujet et il va falloir s'orienter vers le KTB pour confirmation.
Quoi qu'il en soit, l'aspect général du sous-marin selon le croquis ci-dessus correspond bien à celui d'un U-Boot du type Mittel-U sous-type U87 classe à laquelle appartenait l'U 89.

Cordialement
Yves

Le quatre-mâts carré A.-D. Bordes, porte le nom d'Antoine Dominique Bordes, fondateur de l'armement, décédé le 28 mai 1883. Il avait lui-même fait réaliser ce deuxième quatre-mâts neuf de sa flotte, sous le nom de Persévérance.
Chargé de 3424 tx de charbon à Newcastle, à 21,51 F le tonneau, il partit le 24 mai pour sa première traversée sous le commandement du capitaine Le Bras...Le 24 février 1885, il rentrait avec 3395 tx de nitrate. Malgré sa rapidité le voyage fut déficitaire d'un millier de francs.

Source : Marthe Barbance, Vie commerciale de la route du Cap Horn au XIX ème siècle, l'armement A.-D. Bordes et fils, S.E.V.P.E.N. 1969.

Le quatre-mâts A.-D. Bordes a fait un voyage d'Australie en 1907, assez peu fréquent pour les navires de cette compagnie qui ont surtout fait les nitrates du Chili (qui joueront un rôle important dans la guerre de 1914-1918, comme matière première d'explosifs). A.D. Bordes (capitaine Maisonneuve) est arrivé d'Iquique (Chili) sur ballast à Newcastle (Australie), le 14 août 1907. Il est reparti pour Iquique le 27 septembre avec 3340 t de charbon.

Source : Patrick Ahern, French sailing ships at Australian ports, arrivals and departures 1898-1925, Patrick Ahern, 2010.

Bonjour

Le site Frenchlines dispose d'archives sur le navire

http://www.frenchlines.com/archives/fic ... &ref=27699

A bientot

Bonjour à tous
Je devrais avoir communication du KTB U89 le w/e prochain pour savoir si c'est lui qui a rencontré A.D.Bordes
Cdlt
Yves

Bonjour à tous
A l'examen du KTB U89 que je viens de recevoir, c'est bien lui qui a rencontré A.D. Bordes et ouvert le feu ce 2 octobre après avoir coulé le Trafaria.
Il apparait en première lecture que le contact avec le voilier a été tenu à distance jusqu'au début de la nuit et que par suite de problèmes avec ses machines le sous-marin n'a pas pu concrétiser son intention de se mettre en position pour un tir de torpille en plongée.
Le temps de déchiffrer ce document qui n'est pas de bonne qualité je reviens éventuellement avec d'autres infos.

Cdlt
Yves

Bonjour à tous, bonjour Yves,

Voici la traduction partielle du KTB de l'U 89. Traduction effectuée par une personne bilingue, mais non spécialiste de la marine et des sous-marins. De plus, le sens très général de certains mots employés dans la langue allemande, rend parfois difficile la compréhension de ce qu'a voulu dire exactement le commandant. Néanmoins, je pense que le sens général est correct.

A.D. BORDES - U 89
Traduction du KTB

Entré dans la zone d’action (secteur d’activité) ANNARACHE (nota : peut-être l’Atlantique était-il divisé en secteurs portant des noms codés ? à vérifier car ce n’est qu’une interprétation) zone interdite à toute circulation. Je prévois d’aller jusqu’au sud de la zone, puis du sud au nord en tenant compte des points de rencontre établis avec U 99 et d’explorer toute la zone en détail.

10h00
A un quart tribord, vu soudain vers l’ouest (le couchant) la silhouette d’un vapeur. Plongé rapidement pour ne pas être aperçu. En raison de la position, une attaque sous l’eau n’est pas possible (traduction approximative).
Fait surface.
Repris position en immersion périscopique

13h30
Le vapeur fait route au 080. Route déterminée comme allant vers l’embouchure de la Garonne.
A cette distance, en estimant en fonction des deux mâts et de la cheminée, le tonnage du vapeur doit être de l’ordre de 9000t.

Plongé pour attaque.

Suit le récit de l’attaque et du canonnage du vapeur portugais. Le Cdt Mildenberger appelle le navire TRAFFARO, au lieu de TRAFARIA et signale qu’il allait de Porto à Bordeaux. C’était un petit vapeur ex-allemand de 1744 tx, construit en 1904 aux chantiers Bremer Vulcan sous le nom de MAZAGAN. Pris par le gouvernement portugais en 1916.
Cette canonnade, qui a donc bien eu lieu aux environs de 13h30 – 14h00 est très certainement celle entendue par le voilier QUILLOTA qui se trouvait lui aussi dans les parages, un peu plus au sud. Il avait quitté Saint Nazaire en même temps que l’A.D. BORDES.

17h30
Aperçu un voilier sur deux quarts bâbord, faisant route au nord.

18h10
Ouvert le feu avec un canon. Les obus tombent sur l’avant.
Le voilier ouvre le feu avec deux canons de calibre moyen. La bonne manœuvre effectuée nous laisse croire que nous étions déjà observés depuis longtemps. La bonne position des obus qui tombent nous indique qu’il a bien évalué la distance.
Les tirs d’obus sont bien cadrés, notamment sur la partie latérale du sous-marin. Ils approchent facilement jusqu’à 50 ou 100 m.
Plongé rapidement en immersion périscopique car les deux moteurs sont tombés en panne. Présence d’eau dans le réservoir.

18h15
Le voilier met cap à l’Est.
Aucune possibilité de l’attaquer en plongée.
En immersion périscopique, je tente de garder le contact avec l’ennemi pour pouvoir attaquer à la tombée de la nuit.

19h00
Le voilier met cap au sud. Resté dans son sillage.

19h45
Fait surface. Suit le voilier grâce au moteur E (nota : sans doute moteur électrique) car les moteurs à pétrole sont encore défaillants.
Pour un navire sur le retour, ce voilier est inhabituellement haut sur l’eau.
Perdu de vue

21h00
Les deux moteurs à pétrole sont à nouveau en état de marche. Mis cap au sud à grande vitesse.

22h00
Route au SE

22h30
Clair de lune. Le voilier est à nouveau visible, droit devant, légèrement sur tribord. Cap plus à l’Est et surface de voile plus réduite.
En plein jour, il naviguait toutes voiles dehors. Maintenant il a seulement les focs de beaupré, les voiles de misaine et la brigantine. Grand mât et phare d’artimon sont sans voiles.
Décidé une attaque en plongée, car une attaque en surface avec torpilles est écartée en raison du clair de lune qui nous rend trop visibles.
Entre temps, le voilier met à nouveau cap au nord.
Resté hors de vue du voilier.

24h00
Toujours clair de lune.
Plongé et retour à la position précédente. Le voilier fait route au N 20 0, à 100° par rapport à notre avant. Puis, après peu de temps, il se met en position d’attaque et se tourne contre le sous-marin avec ses voiles à contre-vent.
Ceci ne peut s’expliquer que par le fait qu’il est équipé d’un moteur de secours et qu’il possède un matériel EE, car il est impossible de voir le périscope. (nota : il est possible que ce matériel dit EE soit un viseur télémétrique à fort grossissement, dont le cdt Mildenberger pense qu’il a permis de repérer le faible sillage du périscope)

Malheureusement, la page suivante du KTB n’est pas en ma possession. Le Cdt Mildenberger doit y indiquer la raison pour laquelle il abandonne finalement la poursuite.
Mais au vu de ces pages, on se rend compte qu’il commet plusieurs erreurs d’appréciation :

- A.D. BORDES n’est pas sur le voyage du retour, mais sur un voyage aller. Il est d’ailleurs probable qu’il faisait route vers les USA et, cherchant à suivre une orthodromie, faisait un cap sensiblement nord. Ces routes imprécises ont induit en erreur le cdt du sous-marin qui, en outre, s’étonne de le voir si haut sur l’eau.
- Si A.D. BORDES met soudain à minuit, le cap sur le sous-marin, c’est un pur hasard (peut-être un manque à virer en raison du peu de toile) car il ignore totalement qu’il est suivi. Mais pour le Cdt Mildenberger, déjà perturbé par les problèmes techniques, le doute doit grandir. Ce navire qui a si bien manœuvré dans l’après midi, si bien ajusté son tir, qui l’avait sans doute repéré depuis longtemps, qui est si peu chargé, sans doute équipé d’un moteur… ne serait-il pas un Q-ship ?

Je me demande si ce n'est pas la raison de l’abandon de la poursuite. A moins qu’une nouvelle panne des moteurs ne soit survenue…
En tous cas, on se rend aussi compte que l'A.D. BORDES a échappé de peu à la destruction car il a longtemps été suivi, avec la ferme intention d'être coulé.

Bref, la suite du KTB serait sûrement intéressante .

Cdlt

Bonsoir Olivier

Tu as probablement raison dans ton analyse ci-dessus. Mildenberger pouvait vraisemblablement se poser un certain nombre de questions et le danger mortel des Q-Ships n'était pas une simple vue de l'esprit.
Ma copie s'arrête en effet à la fin de la journée du 2 et ne va pas au-delà mais sous huitaine je devrais pouvoir me procurer la journée du lendemain pour la suite de l'aventure.
Amts
Yves

Bonjour à tous,

No, not "ANNARACHE" but rather "Anmarsche", outbound journey.

Will scan in the next page over the weekend.

Best wishes,
Michael

Bonjour à tous, bonsoir Yves, bonsoir Michael,

Merci pour la correction sur le mot "Anmarsche". Le KTB est de plus assez difficile à lire ce qui n'en facilite pas la traduction.
Mais j'attends la suite avec impatience...

Cdlt
Olivier