Re: Mission navale française de Serbie.
Publié : mer. juin 16, 2010 8:59 pm
MISSION NAVALE FRANCAISE DE SERBIE
1 citation à l’Ordre de l’Armée
A la demande du gouvernement serbe, une batterie de trois pièces de Marine de 14 cm, personnel et matériel, fut envoyée en Serbie à l’effet de défense Belgrade contre les monitors autrichiens. Elle était placée sous les ordres du Lieutenant de vaisseau PICOT, chef de mission.
La mission quittait Toulon le 25 octobre 1914 sur le vapeur FLANDRE à destination de Salonique et arrivait le 5 novembre suivant à Racovitza près de Belgrade. Les travaux d’installation des pièces commençaient aussitôt.
Texte de la citation à l’Ordre de l’Armée
(Journal officiel du 29 janvier 1916)
« La mission navale française en Serbie (mission D) : a rendu des services très appréciés pendant la campagne de Serbie. A lutté héroïquement contre une force d’artillerie ennemie considérablement supérieure pendant la bataille de Belgrade, les 5, 6, 7 et 8 octobre 1915 ».
Extraits du rapport du 30 octobre 1915 du Capitaine de Frégate PICOT, commandant la mission D.
Les premières concentrations allemandes contre le front de Beograd ont commencé le 20 septembre 1915 ; dès le 21, on distingue nettement les files de voitures amenant le sable et les cailloux, les tonneaux d’eau, les nombreux travailleurs qui viennent préparer les emplacements d’artillerie lourde…
Le 24, le Colonel commandant le secteur de Beograd m’informe que la Bulgarie a mobilisé…
L’attaque se déclenche le 5 octobre à 14 heures par un feu d’artillerie dirigé contre nos projecteurs et la batterie russe de la citadelle ; en même temps, un tir de repérage contrôlé par avions est effectué contre les diverses positions ; le câble du projecteur de Banovo-Brdo est coupé en deux endroits. Le tir cesse à peu près complètement pendant la nuit du 5 au 6 ; il reprend le 6 au matin et dure toute la journée ; les objectifs les plus spécialement visés sont : nos projecteurs, la batterie russe, la batterie anglaise de Veliki-Vratchar.
L’artillerie serbe ne réagit que par un tir contre les avions. Elle comprend 8 vieux canons de 80 de Bange de portée insuffisante, 4 canons de 75, 2 obusiers de 150 non à tir rapide ; la défense contre les monitors comprend : sur la Save, nos deux pièces, au confluant Save et Danube les deux pièces russes, sur le Danube deux pièces anglaises de 120. L’artillerie adverse dispose d’au moins 50 pièces sur les crêtes à l’ouest de Semlin et 30 pièces dans la plaine hongroise ; les 50 pièces de Bejania comprennent au minimum deux 305, douze 240 ou 210, vingt 150 à tir rapide… L’attaque austro-allemande va être poussée par deux divisions.
Le tir diminue d’intensité à la nuit, la batterie russe a été démolie, le projecteur de Banovo-Brdo n’est plus en état de fonctionner ; il est renversé et à peu près enterré, la commande est détruite, le câble est coupé en plusieurs endroits, l’armement travaille à sa remise en état. Vers 22 heures le 6, le projecteur de Karabourma est atteint, porte-plane brisée, miroir percé au centre, câble de la commande coupé : le second-maître électricien PENVERNE, Joseph-Marie est blessé à la main, il se panse lui-même et reste à son poste ; il sera blessé mortellement au matin, par une balle de shrapnell.
Vers 2 heures, le 7, la canonnade reprend extrêmement intense, la nuit est brumeuse, la fusillade et le crépitement des mitrailleuses se font entendre du côté de la citadelle et à Tsiganlia. Les Allemands ont pris pied dans les faubourgs de Beograd qui longent le Danube et sur l’île Tsiganlia, ils ont été repoussés des faubourgs qui longent la Save.
Des munitions d’infanterie sont distribuées à nos armements ; après consultation de l’Officier en second, je brûle le chiffre et toutes les pièces pouvant avoir un caractère confidentiel, je conserve toutefois le cahier d’ordres et le cahier de correspondances. Le projecteur de Karabourma a pu être remis en marche, mais il éclaire mal…
Vers 7h30 le 7, deux monitors descendant le Danube entrent dans notre champ de tir, les communications téléphoniques avec le commandement sont coupées, le feu est ouvert successivement sur chacun de ces bâtiments qui se retirent à vive allure. L’artillerie lourde adverse tire violemment contre nos pièces…
Le bombardement de Topchidersko-Brdo se poursuit toute la journée avec une grande intensité : l’ancien dépôt est complètement détruit.
Le 8, à 4 heures, les pièces sont armées, le mouvement des munitions commence, il n’a été fourni qu’une voiture au lieu de six ; je prescris de noyer les culasses sauvées lors de la première évacuation et de préparer des caches où seront mises les culasses toutes les fois que les pièces seront désarmées.
Le 8, à 12 heures, deux monitors descendent le Danube, pris sous notre feu l’un d’eux se retire avec un violent incendie à bord, le second atteint à tribord devant, fait demi-tour et s’enfuit vers Semlin. Mais, atteint à bâbord à la flottaison par le travers de la cheminée, il met la barre à droite et s’échoue. Le tir est continué sur lui jusqu’à épuisement des munitions de la première pièce, il est encore atteint deux fois. A la deuxième pièce, les communications téléphoniques ayant été coupées, le quartier-maître artificier BOIVIN continue le tir en autonomie puis, le bit étant sorti de son champ de tir, il fait mettre le personnel dans les abris à munitions à l’exception de lui-même, d’un quartier-maître canonnier et de deux canonniers qui procèdent au nettoyage de la pièce ; c’est alors que 4 projectiles (240 et 150) tombent exactement sur la position, un obus brise un rail du toit et réduit en miettes les appareils de visée, un obus frappe au pied du masque sous la volée la plateforme en béton qui est désagrégée, des boulons de fixation sont brisés, le châssis s’incline légèrement sur l’arrière ; un troisième obus brise les poteaux de soutènement du toit pare-éclats qui s’affaisse sur le masque, le quatrième éclate sur le parapet en sacs à terre et chasse violemment la volée à droite. Les avaries causées par les deux premiers coups mettent la pièce hors de service. Le quartier-maître artificier BOIVIN est très grièvement blessé, le matelot canonnier DELUGAT est sérieusement blessé.
Plus d’un millier de coups ont été tirés sur nos deux pièces pendant ces 20 minutes de feu, le tir ennemi était repéré par avions.
Les pièces sont désarmées, les blessés évacués et pansés, l’Enseigne de Vaisseau MONTRELAY me rend compte du tir qui vient d’être effectué.
A 14h30, je vais informer le Colonel commandant le secteur et lui demander le ravitaillement de la première pièce ainsi que la désignation d’un cantonnement à Banitza, hors de la zone actuellement battue, pour les hommes du dépôt, l’armement de la deuxième pièce hors de service, l’armement du projecteur de Banovo-Brdo qu’il a fait rappeler le matin, car les coupures du câble ont bien pu être réparées et le projecteur redressé, mais le câble est criblé d’éclats qui occasionnent des courts-circuits sur presque tout son parcours (600 mètres). Le Général informé me fait dire que les missions anglaise et russe ont déjà évacué Beograd et que je dois partir et me rendre à Kragujevats… Je fais télégraphier à Terlac pour demander confirmation. Il m’est répondu que le Général me laisse libre de faire ce que je voudrai.
Je décide immédiatement de rester tant que les troupes serbes tiendront, mais je demande, en retour, d’être mis au courant de la situation militaire exacte, de me voir attribuer en permanence six voitures pour les ravitaillements et éventuellement l’évacuation, enfin d’être prévenu à temps lorsque la décision d’évacuer sera prise afin que je puisse faire sauter le matériel. Toutes ces demandes sont acceptées…
En sortant de chez le Colonel, je rencontre le docteur RYAN de l’American Red Cross qui, ayant vu le feu que nous avions subi, venait se mettre à ma disposition et se renseigner sur l’étendue de nos pertes. Il me propose de prendre dans son automobile nos deux blessés graves. Le Médecin de 1ère classe CAUVIN, Tousssaint, Joseph-Marie (34 107 S.B.), le matelot de 2ème classe canonnier breveté DELUGAT, Charles, Paul (10.101 Bor.). Ces deux hommes, non transportables, sont tombés entre les mains de l’ennemi après la prise de Beograd.
Je préviens les officiers de la décision que j’ai prise de rester et, à 17h15, un officier et deux canonniers partent préparer le ravitaillement, la corvée partira une demi-heure plus tard. A ce moment, le docteur CAUVIN me prévient que, le docteur RYAN ayant emporté avec les blessés nos deux brancards, nous n’avons plus de moyens de transporter un blessé. Je vais au téléphone pour demander au Colonel qu’il veuille bien me prêter deux brancards ; la sonnerie ne fonctionne pas, j’envoie un interprète chez le Colonel… Le Colonel lui donne l’ordre de me transmettre les instructions suivantes : « Dites au Colonel PICOT d’évacuer immédiatement tous les Français de leurs positions actuelles en laissant les canons et les munitions et de se diriger en marche forcée sur Torlak car, pour Resnik, il est trop tard… ».
Dès que cet ordre m’a été communiqué, j’ai fait mettre le personnel à l’appel et le détachement est parti un bon ordre sur Torlak où il est arrivé à 19 heures…
A Torlak, les dispositions d’évacuation sont prises par le quartier général à 19h30, je reçois l’ordre de me replier et d’aller où je voudrai. Je me suis rendu à Nish afin de recevoir les instructions du Gouvernement serbe et celles du Ministre de France.
Le détachement de Samar a subi le feu adverse du 5 au 9 octobre, le 9 à 11 heures, il reçoit l’ordre de tirer sur une batterie qui prend en flanc le 14ème régiment 2ème ban ; cette batterie est réduite au silence, mais la pièce est violemment bombardée par une batterie de gros calibre et une batterie d’artillerie lourde ; à midi 50 les munitions sont épuisées, le personnel rentre dans les tranchées. A 15 heures, le 9, un obus met hors de service le pointage en hauteur, vers 20 heures un obus tombe sur la pièce cisaillant les rivets et déformant la partie arrière du masque, faussant le tambour de hausse. Le 10 à 13 heures, l’ordre d’évacuation est donné pour le jour même à 18 heures ; l’Enseigne de Vaisseau SERRES, à la nuit tombante, fait sauter sa pièce qui est sans munitions depuis la veille, les ravitaillements n’ayant pu être faits par suite de la chute de Beograd.
Le détachement de Samar me rallie à Nish le 12 à 21 heures, il n’a pas subi de pertes.
Signé : E. PICOT
La mission D., remise à la disposition de l’état-major général français, partit de Nish le 17 octobre à 20 heures. Passant par Kralievo, Mitrovitza, Ferizovitch, Prizrend, l’Albanie, Dibra, elle est parvenue à Ochrida le 14 novembre à midi, et à Monastir le 16 et de là un train spécial la transporta à Salonique.
La marche de Ferizovitch à Monastir représente plus de 300 kilomètres en montagne. Elle a été extrêmement pénible.
En arrivant à Salonique, la mission comprenait 8 officiers et 97 hommes.
(source : livre d'or de la marine française - guerre 14/18)
Amicalement,
Gilbert
1 citation à l’Ordre de l’Armée
A la demande du gouvernement serbe, une batterie de trois pièces de Marine de 14 cm, personnel et matériel, fut envoyée en Serbie à l’effet de défense Belgrade contre les monitors autrichiens. Elle était placée sous les ordres du Lieutenant de vaisseau PICOT, chef de mission.
La mission quittait Toulon le 25 octobre 1914 sur le vapeur FLANDRE à destination de Salonique et arrivait le 5 novembre suivant à Racovitza près de Belgrade. Les travaux d’installation des pièces commençaient aussitôt.
Texte de la citation à l’Ordre de l’Armée
(Journal officiel du 29 janvier 1916)
« La mission navale française en Serbie (mission D) : a rendu des services très appréciés pendant la campagne de Serbie. A lutté héroïquement contre une force d’artillerie ennemie considérablement supérieure pendant la bataille de Belgrade, les 5, 6, 7 et 8 octobre 1915 ».
Extraits du rapport du 30 octobre 1915 du Capitaine de Frégate PICOT, commandant la mission D.
Les premières concentrations allemandes contre le front de Beograd ont commencé le 20 septembre 1915 ; dès le 21, on distingue nettement les files de voitures amenant le sable et les cailloux, les tonneaux d’eau, les nombreux travailleurs qui viennent préparer les emplacements d’artillerie lourde…
Le 24, le Colonel commandant le secteur de Beograd m’informe que la Bulgarie a mobilisé…
L’attaque se déclenche le 5 octobre à 14 heures par un feu d’artillerie dirigé contre nos projecteurs et la batterie russe de la citadelle ; en même temps, un tir de repérage contrôlé par avions est effectué contre les diverses positions ; le câble du projecteur de Banovo-Brdo est coupé en deux endroits. Le tir cesse à peu près complètement pendant la nuit du 5 au 6 ; il reprend le 6 au matin et dure toute la journée ; les objectifs les plus spécialement visés sont : nos projecteurs, la batterie russe, la batterie anglaise de Veliki-Vratchar.
L’artillerie serbe ne réagit que par un tir contre les avions. Elle comprend 8 vieux canons de 80 de Bange de portée insuffisante, 4 canons de 75, 2 obusiers de 150 non à tir rapide ; la défense contre les monitors comprend : sur la Save, nos deux pièces, au confluant Save et Danube les deux pièces russes, sur le Danube deux pièces anglaises de 120. L’artillerie adverse dispose d’au moins 50 pièces sur les crêtes à l’ouest de Semlin et 30 pièces dans la plaine hongroise ; les 50 pièces de Bejania comprennent au minimum deux 305, douze 240 ou 210, vingt 150 à tir rapide… L’attaque austro-allemande va être poussée par deux divisions.
Le tir diminue d’intensité à la nuit, la batterie russe a été démolie, le projecteur de Banovo-Brdo n’est plus en état de fonctionner ; il est renversé et à peu près enterré, la commande est détruite, le câble est coupé en plusieurs endroits, l’armement travaille à sa remise en état. Vers 22 heures le 6, le projecteur de Karabourma est atteint, porte-plane brisée, miroir percé au centre, câble de la commande coupé : le second-maître électricien PENVERNE, Joseph-Marie est blessé à la main, il se panse lui-même et reste à son poste ; il sera blessé mortellement au matin, par une balle de shrapnell.
Vers 2 heures, le 7, la canonnade reprend extrêmement intense, la nuit est brumeuse, la fusillade et le crépitement des mitrailleuses se font entendre du côté de la citadelle et à Tsiganlia. Les Allemands ont pris pied dans les faubourgs de Beograd qui longent le Danube et sur l’île Tsiganlia, ils ont été repoussés des faubourgs qui longent la Save.
Des munitions d’infanterie sont distribuées à nos armements ; après consultation de l’Officier en second, je brûle le chiffre et toutes les pièces pouvant avoir un caractère confidentiel, je conserve toutefois le cahier d’ordres et le cahier de correspondances. Le projecteur de Karabourma a pu être remis en marche, mais il éclaire mal…
Vers 7h30 le 7, deux monitors descendant le Danube entrent dans notre champ de tir, les communications téléphoniques avec le commandement sont coupées, le feu est ouvert successivement sur chacun de ces bâtiments qui se retirent à vive allure. L’artillerie lourde adverse tire violemment contre nos pièces…
Le bombardement de Topchidersko-Brdo se poursuit toute la journée avec une grande intensité : l’ancien dépôt est complètement détruit.
Le 8, à 4 heures, les pièces sont armées, le mouvement des munitions commence, il n’a été fourni qu’une voiture au lieu de six ; je prescris de noyer les culasses sauvées lors de la première évacuation et de préparer des caches où seront mises les culasses toutes les fois que les pièces seront désarmées.
Le 8, à 12 heures, deux monitors descendent le Danube, pris sous notre feu l’un d’eux se retire avec un violent incendie à bord, le second atteint à tribord devant, fait demi-tour et s’enfuit vers Semlin. Mais, atteint à bâbord à la flottaison par le travers de la cheminée, il met la barre à droite et s’échoue. Le tir est continué sur lui jusqu’à épuisement des munitions de la première pièce, il est encore atteint deux fois. A la deuxième pièce, les communications téléphoniques ayant été coupées, le quartier-maître artificier BOIVIN continue le tir en autonomie puis, le bit étant sorti de son champ de tir, il fait mettre le personnel dans les abris à munitions à l’exception de lui-même, d’un quartier-maître canonnier et de deux canonniers qui procèdent au nettoyage de la pièce ; c’est alors que 4 projectiles (240 et 150) tombent exactement sur la position, un obus brise un rail du toit et réduit en miettes les appareils de visée, un obus frappe au pied du masque sous la volée la plateforme en béton qui est désagrégée, des boulons de fixation sont brisés, le châssis s’incline légèrement sur l’arrière ; un troisième obus brise les poteaux de soutènement du toit pare-éclats qui s’affaisse sur le masque, le quatrième éclate sur le parapet en sacs à terre et chasse violemment la volée à droite. Les avaries causées par les deux premiers coups mettent la pièce hors de service. Le quartier-maître artificier BOIVIN est très grièvement blessé, le matelot canonnier DELUGAT est sérieusement blessé.
Plus d’un millier de coups ont été tirés sur nos deux pièces pendant ces 20 minutes de feu, le tir ennemi était repéré par avions.
Les pièces sont désarmées, les blessés évacués et pansés, l’Enseigne de Vaisseau MONTRELAY me rend compte du tir qui vient d’être effectué.
A 14h30, je vais informer le Colonel commandant le secteur et lui demander le ravitaillement de la première pièce ainsi que la désignation d’un cantonnement à Banitza, hors de la zone actuellement battue, pour les hommes du dépôt, l’armement de la deuxième pièce hors de service, l’armement du projecteur de Banovo-Brdo qu’il a fait rappeler le matin, car les coupures du câble ont bien pu être réparées et le projecteur redressé, mais le câble est criblé d’éclats qui occasionnent des courts-circuits sur presque tout son parcours (600 mètres). Le Général informé me fait dire que les missions anglaise et russe ont déjà évacué Beograd et que je dois partir et me rendre à Kragujevats… Je fais télégraphier à Terlac pour demander confirmation. Il m’est répondu que le Général me laisse libre de faire ce que je voudrai.
Je décide immédiatement de rester tant que les troupes serbes tiendront, mais je demande, en retour, d’être mis au courant de la situation militaire exacte, de me voir attribuer en permanence six voitures pour les ravitaillements et éventuellement l’évacuation, enfin d’être prévenu à temps lorsque la décision d’évacuer sera prise afin que je puisse faire sauter le matériel. Toutes ces demandes sont acceptées…
En sortant de chez le Colonel, je rencontre le docteur RYAN de l’American Red Cross qui, ayant vu le feu que nous avions subi, venait se mettre à ma disposition et se renseigner sur l’étendue de nos pertes. Il me propose de prendre dans son automobile nos deux blessés graves. Le Médecin de 1ère classe CAUVIN, Tousssaint, Joseph-Marie (34 107 S.B.), le matelot de 2ème classe canonnier breveté DELUGAT, Charles, Paul (10.101 Bor.). Ces deux hommes, non transportables, sont tombés entre les mains de l’ennemi après la prise de Beograd.
Je préviens les officiers de la décision que j’ai prise de rester et, à 17h15, un officier et deux canonniers partent préparer le ravitaillement, la corvée partira une demi-heure plus tard. A ce moment, le docteur CAUVIN me prévient que, le docteur RYAN ayant emporté avec les blessés nos deux brancards, nous n’avons plus de moyens de transporter un blessé. Je vais au téléphone pour demander au Colonel qu’il veuille bien me prêter deux brancards ; la sonnerie ne fonctionne pas, j’envoie un interprète chez le Colonel… Le Colonel lui donne l’ordre de me transmettre les instructions suivantes : « Dites au Colonel PICOT d’évacuer immédiatement tous les Français de leurs positions actuelles en laissant les canons et les munitions et de se diriger en marche forcée sur Torlak car, pour Resnik, il est trop tard… ».
Dès que cet ordre m’a été communiqué, j’ai fait mettre le personnel à l’appel et le détachement est parti un bon ordre sur Torlak où il est arrivé à 19 heures…
A Torlak, les dispositions d’évacuation sont prises par le quartier général à 19h30, je reçois l’ordre de me replier et d’aller où je voudrai. Je me suis rendu à Nish afin de recevoir les instructions du Gouvernement serbe et celles du Ministre de France.
Le détachement de Samar a subi le feu adverse du 5 au 9 octobre, le 9 à 11 heures, il reçoit l’ordre de tirer sur une batterie qui prend en flanc le 14ème régiment 2ème ban ; cette batterie est réduite au silence, mais la pièce est violemment bombardée par une batterie de gros calibre et une batterie d’artillerie lourde ; à midi 50 les munitions sont épuisées, le personnel rentre dans les tranchées. A 15 heures, le 9, un obus met hors de service le pointage en hauteur, vers 20 heures un obus tombe sur la pièce cisaillant les rivets et déformant la partie arrière du masque, faussant le tambour de hausse. Le 10 à 13 heures, l’ordre d’évacuation est donné pour le jour même à 18 heures ; l’Enseigne de Vaisseau SERRES, à la nuit tombante, fait sauter sa pièce qui est sans munitions depuis la veille, les ravitaillements n’ayant pu être faits par suite de la chute de Beograd.
Le détachement de Samar me rallie à Nish le 12 à 21 heures, il n’a pas subi de pertes.
Signé : E. PICOT
La mission D., remise à la disposition de l’état-major général français, partit de Nish le 17 octobre à 20 heures. Passant par Kralievo, Mitrovitza, Ferizovitch, Prizrend, l’Albanie, Dibra, elle est parvenue à Ochrida le 14 novembre à midi, et à Monastir le 16 et de là un train spécial la transporta à Salonique.
La marche de Ferizovitch à Monastir représente plus de 300 kilomètres en montagne. Elle a été extrêmement pénible.
En arrivant à Salonique, la mission comprenait 8 officiers et 97 hommes.
(source : livre d'or de la marine française - guerre 14/18)
Amicalement,
Gilbert