Bonjour à tous,
Les circonstances du torpillage du cargo grec Castro,
survenu le 15 octobre 1917
• Torpilleur d’escadre Escopette ― alors commandé par le lieutenant de vaisseau Jean Yves Marie GUÉGUEN ―, Journal de bord n° 9 / 1917 ― 18 septembre ~ 19 octobre 1917 ― : Service historique de la Défense, Cote SS Y 199, p. num. 352.
Journée du 15 octobre 1917
2 h. 45 ― Aperçu signaux de détresse d’une embarcation ; fait route dessus ; reconnu une baleinière et un radeau avec les naufragés du vapeur grec Castro. Manœuvré pour les prendre à bord. Route pour rechercher les deux vapeurs du convoi.
6 h. 00 ― Venu sur la gauche pour reconnaître un vapeur. Reconnu vapeur norvégien Dana ; fait le signal de nous suivre.
9 h. 00 ― Fait le chenal de Helle.
10 h. 10 ― Un avion passe par tribord.
12 h. 07 ― Poste de mouillage.
12 h. 15 ― Amarré dans l’avant-port de Brest.
• Torpilleur d’escadre Escopette ― alors commandé par le lieutenant de vaisseau Jean Yves Marie GUÉGUEN ―, Cahier de correspondance du commandant : Service historique de la Défense, Cote SS Y 200, p. num. 1.244 et 1.245.
№ 42.
A Monsieur le Capitaine de vaisseau,
commandant la Division des patrouilles de Bretagne
Je vous rends compte des conditions dans lesquelles s’est perdu le vapeur grec Castro, № 1 d’un convoi de trois bâtiments que j’étais chargé d’escorter de Cherbourg à Brest.
Le convoi naviguait en ligne de file à 7 nœuds, le Castro en tête, avec un pilote de la flotte et suivant la route prescrite.
L’Escopette avait pris poste par le travers tribord du bâtiment № 3 de la ligne et à environ 400 m. Mer grosse, fraîche brise de N.-O., violent roulis, nuit claire jusque vers minuit, très sombre ensuite avec grains de pluie.
A une heure, la formation du convoi était correcte, ainsi que je l’ai constaté moi-même. L’officier de quart perdit ensuite une première fois de vue les feux de poupe des deux premiers bâtiments ― le troi-sième et nous-mêmes n’avions aucun feu apparent. Dans un second grain, vers 2 h.20, les deux premiers bâtiments furent de nouveau perdus de vue.
A 2 h.35, l’officier de quart me fit prévenir qu’il venait d’apercevoir des feux, paraissant être des "Coston", brûlés par des embarcations. Je montai aussitôt sur la passerelle et j’entendis dans la nuit des appels paraissant provenir de ces embarcations.
Je manœuvrai pour les recueillir, ce qui fut assez difficile en raison de la mer et du fait que la machine bâbord se refusait à partir en arrière.
Rien ne pouvait alors me laisser supposer que ces naufragés provenaient du Castro. Aucun bruit d’explo-sion n’avait été entendu du bord, aucune gerbe ni flamme n’avait été vue. Ce n’est que par les naufragés montant à bord que je sus la perte de ce bâtiment.
Je ne peux, dans ces conditions, attribuer une cause précise à l’accident, mais, tenant compte de l’état du temps, je crois plus probable la rencontre d’une mine. Les naufragés ne m’ont rien appris de certain à ce sujet ; l’un d’eux dit toutefois avoir aperçu le sous-marin et même la torpille…
Nous avons recueilli 18 naufragés qui avaient pris place dans une baleinière et sur un radeau, naufragés parmi lesquels se trouvaient le commandant et les officiers. Ceux-ci m’ont déclaré qu’il n’y avait eu rien d’autre mis à l’eau. Il manque malheureusement à l’appel le maître pilote de la flotte, probablement blessé ou tué dans la chambre des cartes, qui a, paraît-il, volé en éclats, le maître d’équipage et un chauffeur. Les recherches faites sont restées infructueuses.
A 3 h.20, je me mis à la recherche du reste du convoi dont l’officier de quart croyait avoir vu le № 2 virer de bord sur la gauche à peu près en même temps qu’il apercevait les embarcations.
A 6 h.15, j’aperçus vers la terre le № 3 norvégien Dana et peu après le № 2 espagnol Arenda-Mendi. Je les ralliai et continuai la route prescrite.
Points de l’Escopette : à 23 h.10, 11 milles au N. 33 O. de Triagoz ; à 2 h.00, 11,5 milles au N. 12 O. de l’île de Batz, route au N.85 O. ; à 6 h.15, 6 milles au N. 35 E. de l’île Vierge.
P.S. ― J’apprends avant mon départ de Brest que le maître pilote et les deux hommes du vapeur signalé disparu ont réussi à atterrir. [Fausse nouvelle néanmoins]
Signé :
GUÉGUEN