Bonjour à tous,
LEON
Vapeur de 1547 tx immatriculé à La Rochelle
Armateur Delmas. La Rochelle
Affréteur Société des houilles et agglomérés de La Rochelle
Armé par 34 hommes d’équipage
2 canons de 90 mm modèle 1877 sur affut 1916
Chargement de 2250 tonnes de charbon à gaz et 600 tonnes de coke
Le 16 Décembre 1917, LEON avait perdu une ancre et talonné au mouillage des Dunes à cause du mauvais temps. Il était ensuite allé à Gravesend pour vérification des avaries et y était resté deux semaines en attente de matériel.
Naufrage du 7 Janvier 1918. Rapport du capitaine
Quitté Northfleet le 5 Janvier 1918 à 06h15 par beau temps et petite brise d’Ouest sous la conduite d’un pilote jusqu’à la rade des Dunes où nous avons mouillé à 14h00. Reçu instructions d’aller à l’île de Wight pour recevoir de nouveaux ordres pour la traversée de la Manche.
Au matin du 7 Janvier, gouverné à l’Ouest pour serrer Sainte Catherine. Feux de côté seulement en place et très atténués. Visibilité 1 mille, beau temps avec petite brise d’Ouest.
Vers 05h00, par 50°32 N et 01°01 W très forte explosion ressentie par tribord au travers de la cale 2 qui était pleine de coke. Une colonne d’eau envahit le pont, déplaçant les deux radeaux sur le panneau de la cale 2, les projetant à bâbord et inondant la passerelle. Le navire fut ébranlé et les antennes TSF avariées. Je montai sur la passerelle et mis l’équipage aux postes d’abandon. Pris les dispositions pour amener les embarcations qui étaient débordées et stoppé la machine.
Les chauffeurs Abdelkader, Amadou, David et Lachuer, qui étaient de quart, se précipitèrent dans la baleinière de tribord et, dans un moment de panique, en coupèrent les garants. Les officiers mécaniciens Bellanger et Le Brun ont été témoins des faits. L’embarcation tomba et dans sa chute cassa le bossoir de l’avant. Elle se remplit aussitôt d’eau. Ce fut tellement rapide que je ne me rendis pas compte de ce qui s’était passé et ce ne fut qu’en entendant appeler le chef du canot que je remis la machine en marche et la barre toute à droite pour aller au secours de ces malheureux. On leur jeta plusieurs bouées de sauvetage, dont la bouée lumineuse qui ne fonctionna d’ailleurs pas.
Ayant fait plusieurs tours et de nombreux appels à ces hommes, et n’entendant plus rien, je mis le cap au NW pour mettre le navire à la côte, ou tout au moins avoir du secours. Pendant ce temps, on mettait les embarcations de bâbord, baleinière et canot, à hauteur de lisse, afin d’être prêt à les mettre à l’eau.
Le navire prit de la bande sur bâbord et s’enfonça peu à peu. Il était difficile de se rendre compte de l’avarie. Je fis brûler des feux Coston pour attirer l’attention des patrouilleurs. Le télégraphiste fit des appels de secours, mais il y eut des avaries à plusieurs reprises, les antennes ayant été rompues par l’explosion. Vers 06h00 du matin, le navire prenant davantage de bande, piquant de l’avant et ne gouvernant plus je jugeai plus prudent de mettre toutes les embarcations à l’eau et d’évacuer le bord. Je stoppai la machine et donnai l’ordre au personnel machine de remonter sur le pont.
Les embarcations de bâbord étant amenées, je les fis passer à tribord pour être à l’abri de la mer et fis embarquer le personnel qui était muni de ses brassières de sauvetage. Je fis vider l’eau de la baleinière de tribord et y fis embarquer le second avec 7 hommes seulement. Il y avait 13 hommes dans la baleinière bâbord sous la conduite du lieutenant, 2 hommes dans le doris et 4 hommes dans le canot. A 06h10, je fis cesser les appels radio et donnai l’ordre au télégraphiste d’embarquer.
Je gardai le canot le long du bord à ma disposition car je voulais rester à bord jusqu’au dernier moment. Le matelot Marchandeau est resté avec moi.
Vers 06h25, l’eau atteignit le pont tribord et le navire avait 10° de gite. A 06h30, j’entendis un bruit sourd dans la cale 1 et constatai que l’eau atteignait la première tôle du pont bâbord. Je compris que la catastrophe était imminente et abandonnai le bord. A peine étais-je dans le canot que le navire sombra et nous eûmes de la peine à échapper au remous. Le navire coula par l’avant et se cassa en deux au niveau du grand mât. L’arrière flotta encore quelques instants après que l’avant eut disparu. Il était 06h32.
Nous aperçûmes alors le chalutier GOLO qui venait à notre secours. Nous embraquâmes à son bord à 06h45. Je fis comprendre au patron que nous avions 4 hommes manquants. Il fit route sur l’île de Wight où nous fûmes habillés par les soins du personnel du navire arraisonneur. Nous arrivâmes à 11h00 à Portsmouth. Sur GOLO, on nous avait donné un petit déjeuner.
Je tiens à rendre hommage aux hommes de l’équipage qui ont montré beaucoup de discipline, sauf les 4 malheureux qui se sont noyés. Egalement au télégraphiste Corrrellou qui fit tout son possible pour envoyer le signal de détresse et n’a quitté son poste que sur mon ordre ; aux chauffeurs Vancollen (nommé Voncollen sur la liste d’équipage), Le Brun et Sidi N’daye qui sont redescendus dans la chaufferie sur l’ordre du chef mécanicien et en particulier à ce chef, Monsieur Petitot, qui a remonté le moral de ses hommes et a facilité ma tâche en restant à son poste jusqu’au dernier moment, n’évacuant la machine que sur mon ordre ; à Monsieur Darrigrand (nommé Barrigrand sur la liste d’équipage) 2e capitaine de quart au moment de l’explosion qui a montré en la circonstance un très grand sang froid, montrant par son exemple qu’il n’y avait pas danger immédiat ; au matelot Marchandeau qui est resté le dernier avec moi .
Je ne puis affirmer si l’explosion a été causée par une mine ou une torpille, mais je crois plutôt à une mine. J’ai remis à l’Amirauté britannique les débris de l’engin trouvés sur le pont.
Il n’y a pas eu de négligence dans la veille. Sur la passerelle, en plus de l’officier et de l’homme de barre il y avait un veilleur à tribord et un veilleur à bâbord.
Tous les papiers ont été sauvés ainsi que les instructions secrètes et confidentielles.
Je n’ai pu sauver mes effets personnels ainsi que ceux des officiers et de l’équipage.
Rapport de la commission d’enquête
Cette commission souligne :
Le bâtiment naviguait feux atténués et sans zigzags ce qui était imprudent dans des parages reconnus depuis quelque temps comme particulièrement délicats.
La veille n’a rien aperçu avant comme après l’explosion. L’officier AMBC signale l’insuffisance de cette veille principalement sur l’avant et signale aussi la faute des canonniers qui omettaient de tenir leurs pièces constamment chargées comme le spécifie le règlement.
Le capitaine du LEON estime s’être trouvé en présence d’une mine, appuyant son argument sur le fait qu’aucune autre attaque ne s’est produite alors que son bâtiment a continué à naviguer pendant une heure, offrant une cible à l’ennemi. Un débris métallique de 10 cm de long sur 7 cm de large a été remis à l’Amirauté anglaise et envoyé à Londres. Il serait utile d’en connaître l’origine.
Malgré les efforts du télégraphiste pour réparer son antenne, aucun message n’a pu passer. Ce fait confirme une fois de plus la nécessité d’installer à bord de tous les bâtiments des antennes de secours, à défaut d’un poste auxiliaire complet. Vu la proximité de la côte, le sauvetage du bateau n’aurait pas été impossible grâce à la rapidité d’un secours obtenu par TSF.
Le capitaine a tenté de se rapprocher de la côte, mais la commission lui signale la perte du temps mis à la recherche, avec son bâtiment, des 4 hommes tombés à la mer. Une baleinière aurait suffi.
La vitesse de 6 nœuds donnée par la machine a augmenté la pression de l’eau s’engouffrant dans la cale 2 et il a négligé le service des pompes en vue de combattre l’envahissement. Pendant 45 minutes, la machine est restée en bon état en raison de la résistance de la cloison étanche arrière de cette cale 2. Mais l’enquête a révélé que la porte de cette cloison n’était pas fermée comme elle aurait du l’être. L’action de l’officier mécanicien et du chauffeur de veille a heureusement remédié par une fermeture rapide, dès l’explosion, de cette porte, à cette dangereuse omission. Le navire a coulé quand la cloison a cédé entre la cale 1 et la calle 2, entraînant le LEON par son avant.
Enfin, la commission a fait observer au capitaine l’irrégularité de l’affichage des points de route (une fois par quart normalement) dans la cabine de TSF.
L’attitude du capitaine et des officiers a préservé l’équipage d’une panique créée par 4 hommes qui ont essayé de fuir avec une embarcation et ont payé de leur vie ce moment de défaillance. Mais chacun a rempli son devoir et le capitaine a satisfait à toutes les obligations du sien.
Si le département désire faire une bienveillance, ce serait au profit de Monsieur Petitot, chef mécanicien, signalé par le capitaine lui-même. Aucun fait particulier n’a frappé la commission qui puisse motiver une citation ou une récompense spéciale.
Récompenses
Témoignage Officiel de Satisfaction
PETITOT Marius Chef mécanicien
Pour l'énergie et le sang froid dont il a fait preuve dans la direction de son personnel lors de la destruction de son navire par l’ennemi.
Le sous marin attaquant
En fait, il semble y avoir plusieurs imprécisions sur le site uboat.net. D'une part, il y a eu 4 victimes et non 0, et d'autre part le navire n'a pas coulé au large des Triagoz mais à l'entrée du Solent, juste dans l'Est de la Pointe Sainte Catherine (Ile de Wight). Sans doute y a-t-il une confusion avec le LEON de la Compagnie Chevillote Frères, de Brest, qui a bien été coulé par bombes au large des Triagoz
On peut supposer qu'il a sauté sur une mine larguée par UC 75 de l'Oblt Johannes LOHS. Mais cela reste à confirmer...
Le 7 Janvier 1918, Lohs commandait depuis 5 jours UB 57 qu'il avait repris à Otto Steinbrinck. Il devait disparaître avec tout son équipage en Août 1918, UB 57 ayant probablement sauté sur une mine au large de la Belgique. Son corps fut retrouvé sur une plage.
Cdlt