Bonjour à tous,
HERMINE
HERMINE, de la Compagnie Générale Transatlantique, 2704 tx JB, chargé de 13000 futs de rhum et de 1000 sacs de sucre (+ 3 sacs de poste), quitte Fort de France le 16 Janvier 1917 pour Le Havre.
Liste d’équipage
La perte d’HERMINE
Le 16 Février à 13h15, HERMINE se trouve par 49°54 N et 02°59 W Paris, faisant route à 8 nœuds au S 45 E. L’officier enquêteur précise que la position déduite de la récupération des naufragés doit être N73E de Barfleur à 27 milles ou N75W d’Antifer à 30 milles.
Beau temps, petite brise de SE. Bonne visibilité ;
Un sous-marin est aperçu en surface, dans le nord par bâbord arrière, faisant route à 12 nœuds au SSE.
Mis cap au sud en zigzaguant. Hissé le signal « GD » (Je suis poursuivi par un sous-marin). Jeté à la mer un sac lesté de deux barreaux de grille contenant tous les documents secrets de la Marine.
Le sous-marin tire dix coups espacés, tous trop longs, et qui passent au dessus de l’HERMINE. Riposté avec un premier coup du canon de 65.Mais la pièce ne se remet pas en batterie. Frappé un palan pour la remettre en position et tiré un 2e coup au bout de 10 minutes. Tir court et à droite. La pièce recule, mais de nouveau ne se remet pas en batterie. Il faut encore dix minutes d’efforts avant de tirer un 3e coup. Le sous-marin riposte en tirant 25 à 30 coups au total, dont un frappe le panneau de la cale 2. La pièce recule au 3e coup, mais reste bloquée et il est impossible de la remettre en batterie, le palan ayant cassé. Consulté les principaux de l’équipage et décidé à l’unanimité de stopper et d’évacuer. Réparti 17 hommes dans une embarcation sous les ordres du 1er lieutenant, et le reste dans la 2e embarcation sous les ordres du second capitaine. Mis à l’eau du côté tribord, opposé au sous-marin.
Celui-ci tire encore un coup qui atteint la base de la cheminée, mais cesse son tir quand il voit les canots à la mer. Il fait alors signe de venir l’accoster. Le canot du capitaine l’accoste et le commandant fait monter à son bord le capitaine, le chef mécanicien, le 1er lieutenant et 2 hommes. Puis il envoie sur HERMINE un officier, un sous-officier et un homme avec 6 bombes.
Le commandant demande les papiers. Son attitude et celle de son second sont polies. Le capitaine lui demande alors l’autorisation de mettre à l’eau la 3e embarcation, autorisation qui est accordée sans difficulté. Des hommes du sous-marin le signale à bras à ceux qui sont montés sur HERMINE et la manœuvre est effectuée. Les Allemands mettent eux-mêmes à l’eau le youyou et font des allers et retour entre le vapeur et le sous-marin.
Le capitaine et ses hommes sont ensuite remis dans leur canot et l’équipage se répartit alors dans les 3 embarcations, sous les ordres du capitaine, du 2e capitaine et du 1er lieutenant. Les Allemands continuent à piller le vapeur en utilisant le youyou. Puis les bombes explosent et il coule.
Les embarcations mettent à la voile cap au sud, à 2 ou 3 nœuds, en restant groupées. Vers minuit, des feux sont aperçus et le canot du lieutenant s’en approche et brûle un coston. Mais il entend soudain le bruit d’un moteur, remarque que les feux sont très bas sur l’eau, et reconnaît finalement un sous-marin. Il revient aussitôt cap au sud, mais ne retrouve pas les deux autres canots. Le sous-marin n’avait pas répondu au coston.
Vers 09h00 le 17, le canot du lieutenant est recueilli par le torpilleur 296.
Les deux autres canots avaient été recueillis vers 01h30 le 17 par le vapeur norvégien RECTO, par 49°45 N et 00°33 W Greenwich. Il va transférer les naufragés sur ANTOINETTE. RECTO remontera à Rouen le 18 Février.
Le capitaine et le commandant allemand ont toujours parlé en anglais. Toutefois, au moment où il quittait le sous-marin, le commandant lui a dit en bon français : « La prochaine fois, ne tirez pas, sinon, gare à vous ! » Mais son attitude et celle de son second furent courtoises. Le chef mécanicien ayant demandé l’autorisation de fumer, le second lui a même tendu sa boite d’allumettes. Un des marins allemands parlait bien français et a répondu de bonne grâce aux questions qu’on lui a posées, notamment sur le calibre de sa pièce qui était un 88.
Description du sous-marin
60 m de longueur. Moteur parfaitement silencieux.
Kiosque surmonté de deux périscopes l’un derrière l’autre.
Canon de 88 sur l’avant du kiosque à poste fixe
Etais allant de l’avant à l’arrière, par-dessus le kiosque, probablement antenne TSF avec éclateurs
Filière d’acier avec ridoirs sur la coque.
Pas de mât
Deux tubes carcasses sur l’avant, avec torpilles à poste
Peinture défraîchie, gris sombre dans les hauts et noire sous l’eau.
Commandant grand, rasé, environ 30 ans
Second petit, barbe en pointe, teint coloré roux.
7 ou 8 hommes sur le pont, tous très jeunes.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UC 17 de l’OL Ralph WENNINGER.
Voici sa silhouette dessinée par le capitaine Guérin.
Conclusions de l’officier enquêteur
Le capitaine d’HERMINE aurait du rallier Cherbourg de nuit, puis aller de nuit de Cherbourg au Havre. Sa responsabilité est donc engagée.
A sa décharge il faut dire qu’il avait suivi depuis Fort de France une orthodromie (nota : route par arc de grand cercle faisant passer plus au nord, mais plus courte qu’une loxodromie qui coupe tous les méridiens sous le même angle) et que la brume rencontrée avait empêché tout point.
La latitude qu’il donne est très estimée et probablement inexacte, car une fois dans les canots il a relevé le feu de Barfleur dans le NW, alors que selon son point estimé il aurait du être dans le SW.
De plus, il avait demandé fermement au CF commandant la Marine à Fort de France s’il lui fallait rallier tout d’abord Cherbourg, et celui-ci lui avait répondu qu’il n’en savait rien. C’est la raison qu’il donne pour avoir fait route sur Le Havre.
Il n’était pas venu au Havre depuis Juin 1916 et ne pensait pas que la guerre sous-marine avait pris de l’ampleur. Il avait croisé dans la matinée du 16 Février un torpilleur et deux chalutiers qui ne lui ont fait aucuns signaux et a pensé qu’il n’y avait pas de contre-indication à gagner Le Havre.
Son canon enrayé, il était à la merci du sous-marin plus rapide que lui. Il faudra d’ailleurs enquêter sur ce canon embarqué au Havre. Le 4 Février, en mer, le capitaine avait fait effectuer un tir d’exercice sur un ballon placé entre 2700 et 3000 m. C’était une initiative très louable et le tir avait été très bon. Il n’y avait eu aucun incident de tir. Il faut savoir si le défaut de fonctionnement du récupérateur n’est pas du à un mauvais entretien par le personnel militaire du bord.
En résumé, la responsabilité du capitaine doit être retenue, mais atténuée. J’estime que le capitaine Guérin n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour connaître sa position, qu’il a fait des zigzags ce qui est le plus sûr moyen de se laisser gagner, et qu’il n’a pas déployé les qualités exigées par les circonstances. Il a navigué comme en temps de paix…
Note de l’Amirauté
Cette note est aussi brève que sèche !
« Les instructions reçues à Fort de France étaient très anciennes et caduques. La brume est la seule cause du déroutement et de la position hors des routes recommandées.
On ne peut attribuer au capitaine la responsabilité de la perte de l’HERMINE et l’on doit lui éviter tout blâme et toute sanction. »
Signé : VA de BON et LACAZE