Bonjour à tous,
Attaque par un sous-marin le 22 Janvier 1917
Rapport du capitaine
Le 22 Janvier 1917 par temps couvert, mer belle, petite brise de NE, faisant route à 8 nœuds sur lest, aperçu de nombreuses épaves de toutes sortes, provenant d’un naufrage ou d’un torpillage récent. Doublé les vigies.
A 14h30, aperçu deux vapeurs sur bâbord, courant ESE. Le premier, avec sur sa coque un pavillon bleu traversé d’une croix blanche, était sans doute grec. A 15h00, à 5 milles de nous, constaté qu’ils ralentissaient et hissaient des pavillons que je n’ai pu interpréter.
A 15h30, le navire le plus proche met cap sur nous quelques minutes, puis reprend sa route initiale. A 15h35, aperçu un sous-marin avec kiosque sombre surmonté d’un périscope. Mis en avant toute et appelé aux postes de combat. Débordé les embarcations. Le sous-marin ouvre le feu et le premier obus tombe à 500 m sur tribord, le deuxième à 400 m sur bâbord et le 3e dans le sillage.
J’envoie l’officier de tir, Monsieur Lévèque, 1er lieutenant à la pièce arrière avec ordre de régler le feu à 5500 m, distance approximative du sous-marin. Nous avons le cap au N50E et la fumée qui se rabat sur le sous-marin gêne son pointage, mais aussi le nôtre.
Premier coup à 15h38, court, mais en bonne direction. 2e coup par le travers du kiosque, qui soulève une énorme gerbe d’eau. Le sous-marin vient en travers et disparaît aussitôt. Je ne sais s’il a été coulé, s’il a voulu échapper à notre tir, ou s’il s’est dirigé en plongée vers les autres vapeurs.
A 16h00 et 17h00, signalé la position par TSF. Fait route en zigzags pour échapper à une éventuelle poursuite.
Je n’ai qu’à me louer de l’empressement du personnel pont et machine pour se rendre à son poste de combat. Je signale le sang froid, le coup d’œil et l’énergie de Monsieur Lévèque, officier de tir, du matelot fusilier de 1ère classe Barreau, chef de pièce, et l’activité déployée par Monsieur Hervy second capitaine, qui a pris rapidement toutes les dispositions prévues au rôle de combat et qui par son attitude a contribué à maintenir le calme parmi l’équipage.
Lettre au Ministre du CF attaché naval à l’Ambassade de France à Washington
Je vous adresse le rapport du capitaine de GUYANE sur son attaque par un sous-marin, peu après le départ de Bordeaux.
La publicité faite autour de cet incident par les journaux américains a été considérable et le capitaine et la Cie Transatlantique se sont prêtés à ce bruit avec une bonne grâce un peu excessive. La photographie de GUYANE et de son canon sont en première page des journaux avec des en-têtes sensationnels. J’ai tout d’abord été défavorablement prévenu par toute cette mise en scène.
Mais cette impression a disparu après l’interrogatoire que j’ai fait subir au LV auxiliaire Rousselot, capitaine de GUYANE, et ancien capitaine de BORDEAUX lorsqu’il a été coulé par un sous-marin il y a quelques semaines.
Je lui ai demandé sur quoi il fondait son assertion que le sous-marin avait été coulé. Il n’a pu que dire que le coup était excellent en direction et distance et que la gerbe d’eau a recouvert le sous-marin. Mais il n’y a pas eu de fumée ou d’inclinaison suspecte du sous-marin. Il est venu sur tribord puis a plongé en s’enfonçant par l’avant. En un mot, si le sous-marin avait voulu se soustraire au tir de GUYANE, il ne s’y serait pas pris autrement. S’il avait été touché en surface, des hommes auraient pu se sauver et les vapeurs à proximité se seraient dirigés sur les lieux pour les recueillir.
Il n’y a donc pas de motif suffisant pour affirmer que le sous-marin a été coulé.
J’ai néanmoins félicité le commandant Rousselot pour son attitude et la précision de son tir qui a forcé le sous-marin à abandonner la poursuite.
Le sous-marin attaquant
Le capitaine de GUYANE ne donnant aucune position dans son rapport (ce qui est assez étonnant) il est difficile de savoir quel submersible était à proximité.
Toutefois, comme il venait de quitter Bordeaux pour New York, on pourrait penser à l’U 43 du KK Hellmut Jürst, qui patrouillait dans le golfe de Gascogne à cette époque.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
ROUSSELOT Louis LV auxiliaire Le Havre 407
Lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin, a fait preuve d’énergie et de sang froid dans la riposte
LEVEQUE Eugène CLC Lieutenant Saint Malo 776
A fait preuve d’énergie et de sang froid en dirigeant le tir de son bâtiment contre un sous-marin
BARREAU Fusilier breveté Marennes 1861
A fait preuve de qualités militaires lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin
Témoignage Officiel de Satisfaction
HERVY Arsène 2e capitaine
Pour son attitude énergique lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin.
Sur la bible transat de 1935 Arsène HERVY, né le 08/06/1884, est au cadre des capitaines de 3e classe (Croix de Guerre) et Eugène LEVEQUE, né le 06/04/1889, au cadre des 2e capitaines de 1ère classe (Croix de Guerre également).
Cdlt