Re: Marins prisonniers
Publié : mar. juin 16, 2009 8:40 pm
Bonjour à tous,
MARINS PRISONNIERS
Voici un document intéressant sur les conditions d’internement, puis l’évasion, de sous-mariniers français faits prisonniers pendant la Grande Guerre.
Il se trouve dans le dossier du FOUCAULT, mais concerne aussi des marins d’autres bâtiments.
« De Cattaro, on les envoie à Graetz où ils restent en quarantaine pendant trente jours dans une maison particulière. Ils sont ensuite envoyés au camp de Deutsch Gabel, en Bohème, à 15 km de la frontière allemande. Ils retrouvent là les camarades d’autres sous-marins.
La ration y est celle du soldat autrichien : 250 à 300 g de pain par jour, une soupe d’orge et des pommes de terre en salade, sans huile. Ils reçoivent des colis de La Pépinière (nota : services de Marine Paris) , mais comme ceux-ci sont souvent pillés en route, on a fini par les leur envoyer mensuellement, de Suisse, dans des caisses fermées.
Mille prisonniers environ dans ce camp, dont 500 Russes et 200 Anglais. Seuls les marins non gradés sont astreints à travailler. Ils font des nattes et des chaussons tressés. A plusieurs reprises ils ont refusé l’offre qu’on leur a faite d’aller travailler aux usines. Enfin, étant trop mal nourris et logés, ils ont demandé en Juillet 1917 à aller travailler aux champs.
Ils ont alors été envoyés en Pologne gallicienne, à 14 km de Tchavosk, près de la ligne Lemberg-Cracovie. Ils étaient en tout dix marins : 5 du FOUCAULT, 2 du CURIE, 1 du MONGE et 2 du FRESNEL ainsi que quelques soldats évadés d’Allemagne, mais repris en Autriche. On les a dispersés dans différents villages, surveillés chacun par un soldat. Des gendarmes viennent y faire des tournées d’inspection. La population est très francophile. Les paysans sont des gens simples et bons. Ils n’aiment ni les Russes, ni les Autrichiens. Les prisonniers gardent des vaches et des cochons, fendent du bois, aident les gens à cacher leur blé contre les réquisitions militaires, les conseillent même au besoin. Ils ont vite appris à se faire comprendre en polonais.
Leur idée fixe est cependant de s’évader. Par l’intermédiaire d’une institutrice polonaise d’origine française, ils ont achetés des cartes, boussoles, lampes de poche. Ils économisent sur leurs colis de France et sur leurs envois d’argent.
Rouault s’est évadé une première fois en Septembre 1916. Mais il a été repris à 70 km de là. Il a été envoyé à Chemnitz où le commandant du camp polonais s’est montré très bon pour lui et l’a renvoyé au travail chez les paysans sans punition. Au soldat qui le conduisait, Rouault a posé l’ultimatum de le conduire chez un autre patron car, chez le précédent, tout le monde mangeait dans le même plat…
Le soldat, inconsciemment dominé par la supériorité intellectuelle de son prisonnier, a obéi !
Le 5 Mai 1918, Rouault s’évade une seconde fois avec le canonnier du FOUCAULT, Kerriou. Ils sont repris au bout de 40 km et ramenés chez leur patron. Mais celui-ci approuve leur tentative au lieu de leur en garder rancune.
Enfin, le 23 Mai, Rouault repart en compagnie d’Ollivieri et Julien (nota : matelot cuisinier du FRESNEL). Ils voyagent de nuit, évitent les ponts, se cachent dans les bois. Ils font entre 40 et 50 km par nuit avec un sac de 25 kg sur le dos. Dans la nuit du 29 au 30, ils franchissent la frontière gallicienne. En Pologne russe, ils franchissent les tranchées et barbelés de l’ancien front de combat, sur 8 km de profondeur, et surveillé par une sentinelle tous les 200 mètres ainsi que par des projecteurs.
La pluie est presque continuelle. S’étant engagés, pour franchir une rivière trop profonde, sur un pont de chemin de fer de 1200m de longueur, ils tombent, à l’autre extrémité, sur une sentinelle qui les arrête. Mais grâce à leur connaissance du polonais, ils en sont quitte pour faire demi-tour et chercher un gué ailleurs.
Enfin, ils arrivent à Luek où ils peuvent de faufiler, grâce à la complicité des autorités russes bolchevistes, dans un convoi de prisonniers russes rapatriés. Ils sont munis de passeports russes et habillés comme leurs compagnons. Après six jours de chemin de fer, ils arrivent à Kiev, où on leur donne de nouveaux passeports.
A Orcha, frontière de l’Ukraine, les Allemands fouillent et interrogent beaucoup de rapatriés ; mais ils passent indemnes.
Dans le train de Moscou, ils font la connaissance d’une infirmière française qui accompagne des blessés et les prend sous sa protection.
Arrivés à Moscou, le consul de France les envoie à l’Attaché naval, le capitaine de frégate Gallaud. Celui-ci les inclue dans une mission française qui revient de Tiflis.
Ils regagneront finalement la France en passant par Mourmansk et Newcastle. »
Cdlt
MARINS PRISONNIERS
Voici un document intéressant sur les conditions d’internement, puis l’évasion, de sous-mariniers français faits prisonniers pendant la Grande Guerre.
Il se trouve dans le dossier du FOUCAULT, mais concerne aussi des marins d’autres bâtiments.
« De Cattaro, on les envoie à Graetz où ils restent en quarantaine pendant trente jours dans une maison particulière. Ils sont ensuite envoyés au camp de Deutsch Gabel, en Bohème, à 15 km de la frontière allemande. Ils retrouvent là les camarades d’autres sous-marins.
La ration y est celle du soldat autrichien : 250 à 300 g de pain par jour, une soupe d’orge et des pommes de terre en salade, sans huile. Ils reçoivent des colis de La Pépinière (nota : services de Marine Paris) , mais comme ceux-ci sont souvent pillés en route, on a fini par les leur envoyer mensuellement, de Suisse, dans des caisses fermées.
Mille prisonniers environ dans ce camp, dont 500 Russes et 200 Anglais. Seuls les marins non gradés sont astreints à travailler. Ils font des nattes et des chaussons tressés. A plusieurs reprises ils ont refusé l’offre qu’on leur a faite d’aller travailler aux usines. Enfin, étant trop mal nourris et logés, ils ont demandé en Juillet 1917 à aller travailler aux champs.
Ils ont alors été envoyés en Pologne gallicienne, à 14 km de Tchavosk, près de la ligne Lemberg-Cracovie. Ils étaient en tout dix marins : 5 du FOUCAULT, 2 du CURIE, 1 du MONGE et 2 du FRESNEL ainsi que quelques soldats évadés d’Allemagne, mais repris en Autriche. On les a dispersés dans différents villages, surveillés chacun par un soldat. Des gendarmes viennent y faire des tournées d’inspection. La population est très francophile. Les paysans sont des gens simples et bons. Ils n’aiment ni les Russes, ni les Autrichiens. Les prisonniers gardent des vaches et des cochons, fendent du bois, aident les gens à cacher leur blé contre les réquisitions militaires, les conseillent même au besoin. Ils ont vite appris à se faire comprendre en polonais.
Leur idée fixe est cependant de s’évader. Par l’intermédiaire d’une institutrice polonaise d’origine française, ils ont achetés des cartes, boussoles, lampes de poche. Ils économisent sur leurs colis de France et sur leurs envois d’argent.
Rouault s’est évadé une première fois en Septembre 1916. Mais il a été repris à 70 km de là. Il a été envoyé à Chemnitz où le commandant du camp polonais s’est montré très bon pour lui et l’a renvoyé au travail chez les paysans sans punition. Au soldat qui le conduisait, Rouault a posé l’ultimatum de le conduire chez un autre patron car, chez le précédent, tout le monde mangeait dans le même plat…
Le soldat, inconsciemment dominé par la supériorité intellectuelle de son prisonnier, a obéi !
Le 5 Mai 1918, Rouault s’évade une seconde fois avec le canonnier du FOUCAULT, Kerriou. Ils sont repris au bout de 40 km et ramenés chez leur patron. Mais celui-ci approuve leur tentative au lieu de leur en garder rancune.
Enfin, le 23 Mai, Rouault repart en compagnie d’Ollivieri et Julien (nota : matelot cuisinier du FRESNEL). Ils voyagent de nuit, évitent les ponts, se cachent dans les bois. Ils font entre 40 et 50 km par nuit avec un sac de 25 kg sur le dos. Dans la nuit du 29 au 30, ils franchissent la frontière gallicienne. En Pologne russe, ils franchissent les tranchées et barbelés de l’ancien front de combat, sur 8 km de profondeur, et surveillé par une sentinelle tous les 200 mètres ainsi que par des projecteurs.
La pluie est presque continuelle. S’étant engagés, pour franchir une rivière trop profonde, sur un pont de chemin de fer de 1200m de longueur, ils tombent, à l’autre extrémité, sur une sentinelle qui les arrête. Mais grâce à leur connaissance du polonais, ils en sont quitte pour faire demi-tour et chercher un gué ailleurs.
Enfin, ils arrivent à Luek où ils peuvent de faufiler, grâce à la complicité des autorités russes bolchevistes, dans un convoi de prisonniers russes rapatriés. Ils sont munis de passeports russes et habillés comme leurs compagnons. Après six jours de chemin de fer, ils arrivent à Kiev, où on leur donne de nouveaux passeports.
A Orcha, frontière de l’Ukraine, les Allemands fouillent et interrogent beaucoup de rapatriés ; mais ils passent indemnes.
Dans le train de Moscou, ils font la connaissance d’une infirmière française qui accompagne des blessés et les prend sous sa protection.
Arrivés à Moscou, le consul de France les envoie à l’Attaché naval, le capitaine de frégate Gallaud. Celui-ci les inclue dans une mission française qui revient de Tiflis.
Ils regagneront finalement la France en passant par Mourmansk et Newcastle. »
Cdlt