Re: REMORA Dundee
Publié : lun. juin 01, 2009 5:01 pm
Bonjour à tous,
REMORA
Le 1er Octobre 1916, Monsieur Geffroy, armateur et maire de Pleubian, écrit au Président de la Commission exécutive des assurances :
« J’ai le regret de vous informer que le navire REMORA m’appartenant pour moitié et pour l’autre moitié au capitaine au cabotage Yves-Marie Riou, assuré contre les risques de guerre, a été coulé par les Allemands au cours d’un voyage Pauillac-Newport, après son départ du Verdon le 6 Septembre.Une bouée de sauvetage a été trouvée aux environs de Penmarch.
D’autre part, l’équipage est prisonnier en Allemagne.
Voici une carte adressée à sa femme par le matelot Charles Guilloussou, de Pleubian.
Ma chère femme,
Je vous écrit ces quelques lignes pour vous dire que je suis entré au camp de Sennelager, en Allemagne. J’ai passé une visite et suis pour le moment à l’hôpital, mais ne suis pas malade.
Notre canot étant coulé, je suis monté à bord du sous-marin et je suis allé prisonnier de guerre en Allemagne.
Envoyez-moi un peu de savon et quelques colis de conserves, viande et sardines. Si vous pouvez m’envoyer du tabac, enlevez le papier tricolore.
Le capitaine Riou a aussi écrit à sa femme, mais il ne lui donne que son adresse :
Yves Riou
Senne Block 4
Sennelager C
Paderborn Deutschland
Il n’y a donc pas de doute possible. Le navire a bien été coulé par les Allemands.
Je vous prie de bien vouloir me faire savoir quelles sont les formalités à remplir, mon associé et moi, pour obtenir le paiement de ce qui nous est dû par l’Etat. »
Le procureur général près la cour des Comptes écrit alors au Ministre de la Marine :
« Le 9 Septembre, la commission exécutive des assurances a assuré le voilier REMORA pour un voyage Pauillac – Newport. Le navire n’est pas arrivé à destination. L’armateur, Mr. Geffroy, maire de Pleubian, a appris par des lettres émanant du capitaine et de membres de l’équipage que le REMORA aurait été coulé en Atlantique ce même 9 Septembre.
L’équipage, d’abord réfugié dans un canot, a été recueilli par le sous-marin ennemi et conduit en Allemagne comme prisonnier de guerre.
Les lettres du capitaine Riou paraissent constituer une preuve suffisante que le voilier a bien été coulé par fait de guerre. La commission pourrait passer outre à l’absence de rapport de mer, qui vu les circonstances n’a pu être dressé dans les formes légales, si vous voulez bien considérer la lettre du capitaine Rémora (nota : erreur, il s’agit bien sûr du capitaine Riou) comme susceptible de justifier à vos yeux la perte du navire par fait de guerre.
Je vous prie de bien vouloir me faire connaître quelle est à cet égard votre manière de voir. «
Pas de renseignements concernant la suite donnée à l’affaire.
Mais le 6 0ctobre 1918 les services spéciaux de la Marine à Evian publient le bulletin suivant (n° 989)
Interrogatoire de LE FLOCH Jean, de Penmarch (Finistère) fait prisonnier entre 22h00 et 23h00 le 9 Septembre 1916, par un sous-marin, dans la Manche.
Parti de Bordeaux le 6 Septembre 1916, le dundee REMORA, 92 tx, était chargé de poteaux de mines pour Newport.
Dans la nuit du 9/9, un sous-marin dont il ignore le numéro a lancé plusieurs fusées pour faire stopper le dundee et a ordonné à l’équipage de 5 hommes de s’embarquer dans l’unique canot. La mer était houleuse et pendant sa mise à l’eau, le canot fut brisé. Les 5 hommes furent alors recueillis par le sous-marin.
Pendant cette malencontreuse manœuvre, le sous-marin donna intentionnellement plusieurs coups d’éperon à la coque du REMORA, provoquant de sérieuses voies d’eau qui le firent couler. Avant qu’il ne coule, deux marins allemands armés se rendirent à bord et prirent les papiers et les deux montres. Le Floch pense qu’il n’eurent pas le temps de prendre autre chose, la mer étant trop mauvaise.
Le sous-marin avait environ 60 m de longueur et un canon d’environ 75 mm placé sur l’avant. La nuit était très obscure et on ne pouvait rien voir d’autre.
Les 5 hommes furent divisés en deux groupes : trois dans un espace d’environ 10m de long, sorte de dortoir cuisine placé à l’avant, et deux dans la salle des machines.
Dans le dortoir cuisine, il y avait deux torpilles, à Bd et Td contre la paroi. Elles étaient placées sur deux tréteaux et au dessus il y avait deux chaînes avec deux mâchoires, fixées à deux poulies montées sur rail. Le tout était mû par électricité . Ce chariot permettait de saisir la torpille, de la soulever, la pousser et la faire glisser dans le tube lance-torpille. Mais il n’a pas remarqué ce tube lance-torpille dans la cloison avant.
Pour aller dans la salle des machine, il fallait suivre une coursive de 15 m au milieu de laquelle se trouvait le kiosque où l’on pouvait monter par une seule échelle. Un officier s’y tenait toujours, mais une toile tendue sous lui empêchait de voir quoi que ce soit. Il y avait une seule porte dans cette coursive et il suppose que c’était celle de la chambre du commandant.
Avant la salle des machines, il y avait un râtelier avec une dizaine de fusils et de révolvers.
La salle des machines, longue de 20m se trouvait sur l’AR. Il y avait constamment dix hommes. Deux moteurs, l’un à Td et l’autre à Bd, encombraient tout l’espace. Deux hommes étaient toujours occupés à manœuvrer deux volants et à soulever deux plaques, sous lesquelles apparaissaient des étincelles électriques. Il suppose que ces hommes maintenaient le sous-marin en position horizontale.
Dans cette salle des machines, il était impossible de se reposer.
Bien qu’il fut défendu de causer aux prisonniers, un matelot alsacien lui a dit que l’équipage se composait de 60 hommes ( ?) – nota :ce chiffre paraît élevé-.
Il lui a dit que le sous-marin pouvait quitter sa base 14 jours sans être ravitaillé. Il lui a dit qu’ils avaient coulé la goélette MARIE-LOUISE partie de Bordeaux en même temps que le REMORA. Le Floch reconnut, dans la salle des machines, les deux boussoles et les deux lanternes en cuivre de cette goélette. L’équipage avait été abandonné en pleine mer dans son canot.
Le Floch et ses compagnons sont restés quatre jours dans le sous-marin. De nuit, le sous-marin naviguait en surface et de jour en plongée. Mais, même de nuit, le capot ne fut pas ouvert une seule fois. Par trois fois, le sous-marin s’est posé sur le fond à une profondeur d’environ 50 m. La première fois 6 heures, la deuxième 3 heures et la troisième 12 heures. Cette troisième fois, le matelot alsacien lui a dit que le sous-marin était sous une escadre anglaise, en mer du Nord.
On lui a dit qu’ils avaient fait le tour de l’Irlande et de l’Angleterre. Mais pendant ces quatre jours, aucun coup de canon ne fut tiré et aucune torpille lancée. Le sous-marin faisait 16 nds en surface et 12 nds en plongée.
La nourriture de l’équipage se composait uniquement de pommes de terre et de haricots, et le pain était moisi. (Ils ont eu la même nourriture que les marins allemands.) L’équipage n’était pas composé uniquement de volontaires. L’Alsacien, en particulier, semblait fort ennuyé d’être sur un sous-marin, préférant être à terre s’il devait être fait prisonnier…
Le 4e jour à 04h00, ils furent débarqués à Zeebruge dont ils n’ont rien vu, sinon que la jetée était démolie à un endroit. Ils furent envoyés à Bruges, puis au camp de Senn-Lager, et enfin au camp de Ramstadt d’où il a finalement été rapatrié par la Suisse.
Il déclare qu’ils n’ont pas subi de mauvais traitements sur le sous-marin.
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 23 du KL Ernst VOIGT.
Au cours de cette patrouille, l’UB 23 avait effectivement coulé le MARIE-LOUISE, mais aussi, entre le 7 et le 9 les voiliers EMMA, FARFADET, JEANNE D’ARC et LEONINE. Aucun autre navire après le REMORA ce qui confirme donc le récit de Le Floch.
Conclusion
Si la cohabitation sur le sous-marin ne fut pas aussi amicale que dans le cas de l’EMMA LAURANS, les hommes furent soumis au même traitement que leurs homologues allemands et le commandant Voigt montra une humanité certaine en les récupérant après le naufrage de leur canot.
Pour Yves : petites corrections à apporter à ta dbase et au site uboat.net sur lesquels l’équipage est porté comme disparu
.
Cdlt
REMORA
Le 1er Octobre 1916, Monsieur Geffroy, armateur et maire de Pleubian, écrit au Président de la Commission exécutive des assurances :
« J’ai le regret de vous informer que le navire REMORA m’appartenant pour moitié et pour l’autre moitié au capitaine au cabotage Yves-Marie Riou, assuré contre les risques de guerre, a été coulé par les Allemands au cours d’un voyage Pauillac-Newport, après son départ du Verdon le 6 Septembre.Une bouée de sauvetage a été trouvée aux environs de Penmarch.
D’autre part, l’équipage est prisonnier en Allemagne.
Voici une carte adressée à sa femme par le matelot Charles Guilloussou, de Pleubian.
Ma chère femme,
Je vous écrit ces quelques lignes pour vous dire que je suis entré au camp de Sennelager, en Allemagne. J’ai passé une visite et suis pour le moment à l’hôpital, mais ne suis pas malade.
Notre canot étant coulé, je suis monté à bord du sous-marin et je suis allé prisonnier de guerre en Allemagne.
Envoyez-moi un peu de savon et quelques colis de conserves, viande et sardines. Si vous pouvez m’envoyer du tabac, enlevez le papier tricolore.
Le capitaine Riou a aussi écrit à sa femme, mais il ne lui donne que son adresse :
Yves Riou
Senne Block 4
Sennelager C
Paderborn Deutschland
Il n’y a donc pas de doute possible. Le navire a bien été coulé par les Allemands.
Je vous prie de bien vouloir me faire savoir quelles sont les formalités à remplir, mon associé et moi, pour obtenir le paiement de ce qui nous est dû par l’Etat. »
Le procureur général près la cour des Comptes écrit alors au Ministre de la Marine :
« Le 9 Septembre, la commission exécutive des assurances a assuré le voilier REMORA pour un voyage Pauillac – Newport. Le navire n’est pas arrivé à destination. L’armateur, Mr. Geffroy, maire de Pleubian, a appris par des lettres émanant du capitaine et de membres de l’équipage que le REMORA aurait été coulé en Atlantique ce même 9 Septembre.
L’équipage, d’abord réfugié dans un canot, a été recueilli par le sous-marin ennemi et conduit en Allemagne comme prisonnier de guerre.
Les lettres du capitaine Riou paraissent constituer une preuve suffisante que le voilier a bien été coulé par fait de guerre. La commission pourrait passer outre à l’absence de rapport de mer, qui vu les circonstances n’a pu être dressé dans les formes légales, si vous voulez bien considérer la lettre du capitaine Rémora (nota : erreur, il s’agit bien sûr du capitaine Riou) comme susceptible de justifier à vos yeux la perte du navire par fait de guerre.
Je vous prie de bien vouloir me faire connaître quelle est à cet égard votre manière de voir. «
Pas de renseignements concernant la suite donnée à l’affaire.
Mais le 6 0ctobre 1918 les services spéciaux de la Marine à Evian publient le bulletin suivant (n° 989)
Interrogatoire de LE FLOCH Jean, de Penmarch (Finistère) fait prisonnier entre 22h00 et 23h00 le 9 Septembre 1916, par un sous-marin, dans la Manche.
Parti de Bordeaux le 6 Septembre 1916, le dundee REMORA, 92 tx, était chargé de poteaux de mines pour Newport.
Dans la nuit du 9/9, un sous-marin dont il ignore le numéro a lancé plusieurs fusées pour faire stopper le dundee et a ordonné à l’équipage de 5 hommes de s’embarquer dans l’unique canot. La mer était houleuse et pendant sa mise à l’eau, le canot fut brisé. Les 5 hommes furent alors recueillis par le sous-marin.
Pendant cette malencontreuse manœuvre, le sous-marin donna intentionnellement plusieurs coups d’éperon à la coque du REMORA, provoquant de sérieuses voies d’eau qui le firent couler. Avant qu’il ne coule, deux marins allemands armés se rendirent à bord et prirent les papiers et les deux montres. Le Floch pense qu’il n’eurent pas le temps de prendre autre chose, la mer étant trop mauvaise.
Le sous-marin avait environ 60 m de longueur et un canon d’environ 75 mm placé sur l’avant. La nuit était très obscure et on ne pouvait rien voir d’autre.
Les 5 hommes furent divisés en deux groupes : trois dans un espace d’environ 10m de long, sorte de dortoir cuisine placé à l’avant, et deux dans la salle des machines.
Dans le dortoir cuisine, il y avait deux torpilles, à Bd et Td contre la paroi. Elles étaient placées sur deux tréteaux et au dessus il y avait deux chaînes avec deux mâchoires, fixées à deux poulies montées sur rail. Le tout était mû par électricité . Ce chariot permettait de saisir la torpille, de la soulever, la pousser et la faire glisser dans le tube lance-torpille. Mais il n’a pas remarqué ce tube lance-torpille dans la cloison avant.
Pour aller dans la salle des machine, il fallait suivre une coursive de 15 m au milieu de laquelle se trouvait le kiosque où l’on pouvait monter par une seule échelle. Un officier s’y tenait toujours, mais une toile tendue sous lui empêchait de voir quoi que ce soit. Il y avait une seule porte dans cette coursive et il suppose que c’était celle de la chambre du commandant.
Avant la salle des machines, il y avait un râtelier avec une dizaine de fusils et de révolvers.
La salle des machines, longue de 20m se trouvait sur l’AR. Il y avait constamment dix hommes. Deux moteurs, l’un à Td et l’autre à Bd, encombraient tout l’espace. Deux hommes étaient toujours occupés à manœuvrer deux volants et à soulever deux plaques, sous lesquelles apparaissaient des étincelles électriques. Il suppose que ces hommes maintenaient le sous-marin en position horizontale.
Dans cette salle des machines, il était impossible de se reposer.
Bien qu’il fut défendu de causer aux prisonniers, un matelot alsacien lui a dit que l’équipage se composait de 60 hommes ( ?) – nota :ce chiffre paraît élevé-.
Il lui a dit que le sous-marin pouvait quitter sa base 14 jours sans être ravitaillé. Il lui a dit qu’ils avaient coulé la goélette MARIE-LOUISE partie de Bordeaux en même temps que le REMORA. Le Floch reconnut, dans la salle des machines, les deux boussoles et les deux lanternes en cuivre de cette goélette. L’équipage avait été abandonné en pleine mer dans son canot.
Le Floch et ses compagnons sont restés quatre jours dans le sous-marin. De nuit, le sous-marin naviguait en surface et de jour en plongée. Mais, même de nuit, le capot ne fut pas ouvert une seule fois. Par trois fois, le sous-marin s’est posé sur le fond à une profondeur d’environ 50 m. La première fois 6 heures, la deuxième 3 heures et la troisième 12 heures. Cette troisième fois, le matelot alsacien lui a dit que le sous-marin était sous une escadre anglaise, en mer du Nord.
On lui a dit qu’ils avaient fait le tour de l’Irlande et de l’Angleterre. Mais pendant ces quatre jours, aucun coup de canon ne fut tiré et aucune torpille lancée. Le sous-marin faisait 16 nds en surface et 12 nds en plongée.
La nourriture de l’équipage se composait uniquement de pommes de terre et de haricots, et le pain était moisi. (Ils ont eu la même nourriture que les marins allemands.) L’équipage n’était pas composé uniquement de volontaires. L’Alsacien, en particulier, semblait fort ennuyé d’être sur un sous-marin, préférant être à terre s’il devait être fait prisonnier…
Le 4e jour à 04h00, ils furent débarqués à Zeebruge dont ils n’ont rien vu, sinon que la jetée était démolie à un endroit. Ils furent envoyés à Bruges, puis au camp de Senn-Lager, et enfin au camp de Ramstadt d’où il a finalement été rapatrié par la Suisse.
Il déclare qu’ils n’ont pas subi de mauvais traitements sur le sous-marin.
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 23 du KL Ernst VOIGT.
Au cours de cette patrouille, l’UB 23 avait effectivement coulé le MARIE-LOUISE, mais aussi, entre le 7 et le 9 les voiliers EMMA, FARFADET, JEANNE D’ARC et LEONINE. Aucun autre navire après le REMORA ce qui confirme donc le récit de Le Floch.
Conclusion
Si la cohabitation sur le sous-marin ne fut pas aussi amicale que dans le cas de l’EMMA LAURANS, les hommes furent soumis au même traitement que leurs homologues allemands et le commandant Voigt montra une humanité certaine en les récupérant après le naufrage de leur canot.
Pour Yves : petites corrections à apporter à ta dbase et au site uboat.net sur lesquels l’équipage est porté comme disparu

Cdlt