Bonjour à tous,
AFRIQUE
Caractéristiques
Vapeur lancé le 11 Février 1886 aux chantiers Wigham Richardson de Newcastle sous le nom de CLARA.
Rebaptisé
1890 TABOR
1907 ORANIE
1912 AFRIQUE
1868 tpl 1120 tx JN
Immatriculé à Oran
Armé à Bordeaux rôle n° 340
Armateur : Société Maritime et Commerciale Hyaffil. PARIS
Capitaine : Antoine JADONE immatriculé à Bastia n° 289 domicilié 25 rue Plumier à Marseille
Equipage : 2 officiers et 23 hommes en plus du capitaine
Navire non armé
Rapport de l'officier enquêteur
Le Lundi 25 Septembre à 08h00, AFRIQUE se trouve par 49°27 N et 05°35 W à 38 milles au SE de Longships. Il effectue une traversée Bayonne – Barry Docks avec une cargaison de 1600 t de poteaux de mines. Au départ de Bayonne, le capitaine n'a reçu aucune instruction sur la conduite à tenir en présence d'un sous-marin.
Ciel couvert. Temps à grains. Horizon brumeux et pluvieux. Forte brise d'Est. Mer houleuse.
A 08h00, le second quitte le quart, remplacé par le lieutenant. Pas d'homme de veille au bossoir.
A 08h15, un coup de canon est entendu, venant de tribord et un obus tombe à 100 m sur bâbord.
Le capitaine, comme hypnotisé par la présence inopinée d'un sous-marin, vient aussitôt sur tribord et met le cap dans la direction d'où vient le coup de canon. Le second monte à la passerelle et lui fait remarquer qu'il met le cap sur l'ennemi. En même temps, tout l'équipage monte sur le spardeck et se met au poste d'abandon.
Venant de tribord avant, un second projectile tombe à 300 m d'AFRIQUE. Le capitaine, sans consulter personne, fait alors stopper la machine et donne l'ordre d'abandonner le navire, bien que rien ne soit encore en vue. Les canots sont affalés sans désordre et sans hâte.
A 08h30, un 3e obus tombe sur tribord à 15 m de l'embarcation du capitaine.
Le canot du second, à bâbord, déborde à 08h35 et se met à la cape à une centaine de mètres d'AFRIQUE.
A 09h00, le sous-marin est enfin aperçu des deux canots capeyant face à la mer.
A 09h05, on aperçoit aussi à proximité un grand paquebot escorté par un torpilleur. A la vue de ce convoi, le sous-marin plonge rapidement entre les deux canots et ne garde que son périscope hors de l'eau.
Le torpilleur ne peut voir le sous-marin et n'a pas du voir les canots et se rendre ainsi compte de la situation. Ce torpilleur semblait être du type BISSON, mais il semble peu probable qu'un torpilleur français de ce type se soit trouvé en Manche.
Le fait d'avoir mis, au premier coup de canon, le cap sur l'ennemi au lieu de prendre chasse constitue un outrage au plus élémentaire bon sens. Les sous-marins de ce type (nota UB) ont des vitesses très faibles et si AFRIQUE avait seulement gagné ½ mille, il se serait trouvé sous la protection du torpilleur.
A 09h15, le convoi s'éloigne et le sous-marin émerge à nouveau.
Le commandant du sous-marin demande au capitaine Jadone : « Pourquoi le Français n'est-il pas venu à votre secours? » Il prend le rôle d'équipage et, voyant une cassette dans le canot demande : « Vous avez de l'argent? Donnez... » C'était la monnaie pour la paye de l'équipage.
Le commandant fait ensuite monter quatre hommes sur le sous-marin et envoie deux marins dans le canot, qui se font conduire par le lieutenant sur AFRIQUE.
Pillage en règle : ils prennent les deux chronomètres, un briquet et la trousse de toilette du second. Puis ils placent deux bombes dans les cales avant et arrière et reviennent sur leur bâtiment. A l'explosion, AFRIQUE apique de l'avant, mais ne coule pas. Ils retournent alors placer deux autres bombes le long de la coque, à hauteur de la machine. Cette fois, AFRIQUE coule en deux minutes.
Le sous-marin plonge et les deux canots font route sur Longships. A 14h30, les 26 hommes sont recueillis par le chalutier à voile SPLENDOR, de Lowestoft, et débarqués le soir à Penzance. Ils sont rapatriés en France par le vapeur de Southampton, puis sur Paris par train.
Conclusion de l'officier enquêteur
J'estime que le capitaine a fait son devoir. Surtout, il a réussi à détruire les documents confidentiels sur la navigation en Manche. Pas de signal envoyé au torpilleur car il pensait avoir été aperçu. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir si le torpilleur a vu quelque chose. Mais la couleur gris clair du sous-marin le rendait peu visible, sinon ce torpilleur l'aurait sûrement attaqué.
Conclusion de la Commission d'enquête
Celle-ci ne partage pas du tout le même avis.
En plein jour, sans avoir aperçu le sous-marin, sans consulter l'équipage, obéissant simplement à l'injonction de 2 coups de canon qui d'ailleurs ne l'avaient pas atteint, le capitaine a stoppé et fait évacuer l'AFRIQUE sans faire la moindre tentative de fuite.
S'il avait montré un peu d'énergie et pris chasse quelques minutes, il se serait trouvé sous la protection d'un torpilleur escortant un paquebot.
La Commission propose au Ministre de retirer la faculté de commander au capitaine au cabotage Antoine Jadone, de Bastia, pendant toute la durée de la guerre au motif :
« N'avoir fait aucune tentative pour échapper à l'attaque de l'ennemi et avoir hâté, par son défaut d'énergie, la perte de son bâtiment. »
Description du sous-marin
30 à 40 m de longueur
Blockhaus au milieu
Un canon sur l'avant, calibre supérieur à 75 mm
Un périscope
Pas de mâts, porte-haubans ou antenne TSF
Pas d'embarcation ni de projecteur
Peinture gris clair
Voici la silhouette du sous-marin
Le commandant était très jeune. Le capitaine de l'AFRIQUE a demandé à un marin allemand qui parlait un peu français son âge. Celui-ci a répondu « 24 ans ».
Ce commandant parlait aussi français, mais pas très correctement. Il portait une veste militaire avec un seul galon. Un 2e officier se tenait auprès de lui, vêtu d'un chandail blanc et portant autour du cou une paire de jumelles.
(Nota : il semble bien que le capitaine Jadone ait confondu un jeune enseigne avec le commandant du sous-marin, Hans Valentiner, qui était âgé de 28 ans et aurait du porter deux galons. C'était probablement l'officier au chandail blanc.)
Le sous-marin attaquant
C'était donc l'UB 37 de l'OL Hans Valentiner. Hans Valentiner, cousin du commandant très controversé Max Valentiner, né le 17 Juin 1888, trouvera la mort au large du cap Gris Nez le 19 Décembre 1917 à bord de l'UB 56, avec tout son équipage de 37 hommes, ayant sauté sur une mine.
Quant à l'UB 37, repris par l'OL Paul Günther, il coulera le voilier MARGUERITE DOLLFUSS en Décembre 1916, puis disparaîtra avec tout son équipage le 14 Janvier 1917, coulé par le Q-ship PENSHURST du CF Grenfell.
Combat de l'UB 37 et du PENSHURST
Le PENSHURST aperçut un sous-marin le 14 janvier à 15h50, alors qu'il était entre l'île de Wight et Aurigny. A 2700 m le sous-marin tira un coup qui tomba court. Le bateau-piège fit la manœuvre dite de panique et mit à la mer ses canots avec les équipes d'abandon. Le sous-marin s'approcha jusqu'à 600 m, mais resta stoppé sur l'avant du PENSHURST et augmenta sa cadence de tir, touchant deux fois le vapeur, notamment à la passerelle inférieure. L'appareil de lancement des grenades sous-marines ainsi que le transmetteur d'ordres à la machine furent démolis. Le pointeur et le chargeur du canon de six livres furent tués et l'homme placé à la culasse ainsi que le timonier furent blessés.
A 16h24, PENSHURST ouvrit subitement le feu et le premier obus de 12 livres frappa de plein fouet la base du kiosque, causant une violente explosion, comme celle d'une caisse de munitions. Un gros nuage de fumée noire s'éleva et de gros morceaux du kiosque volèrent en éclats. Le 2e obus frappa sur l'arrière du kiosque, avariant la coque.
Puis le canon de trois livres de tribord toucha à quatre reprises le sous-marin qui coula par l'arrière. Le PENSHURST vint alors au dessus de l'emplacement et laissa tomber deux grenades sous-marines, puis ramassa ses canots et fit route sur Portland pour débarquer ses blessés.
L'UB 37avait coulé sans laisser un seul survivant.
(Nota : on peut lire un autre combat du PENSHURST, avec le sous-marin UB 19, sur ce lien
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Cdlt