Bonjour à tous,
Naufrage de SYLVIE 2 le 3 Avril 1918
Navire armé de 2 canons de 90 mm
Affrété par le Transit Maritime
Position de l’attaque 36°02 N 16°58 E
Rapport du capitaine
Je soussigné MORVAN Jean Marie, CLC, Paimpol 236, commandant le vapeur SYLVIE du port de Marseille, construit à Osaka, francisé provisoirement à la Société des Affréteurs Réunis, Paris, déclare avoir quitté la baie de St Paul (Malte) le 2 Avril 1918 à 14h00 en convoi avec le vapeur anglais WOOLSTON, escorté par les contre-torpilleurs HACHE et COUTELAS, avec un complet chargement de matériel et de ravitaillement.
Beau temps. Mer belle. Fait route selon les indications du chef d’escorte jusqu’au 3 Avril à 06h00 où je suis appelé dans la chambre de veille par l’homme de veille de la passerelle qui me criait « Un sous-marin près de nous ». Je me précipitai sur la passerelle, mais le sous-marin avait disparu. L’officier de quart avait déjà fait mettre la barre pour passer dans le sillage du périscope pour aborder si possible le sous-marin. Donné des coups de sifflet d’alarme pour prévenir les autres bâtiments du danger et manœuvré pour faire de grands zigzags. COUTELAS se dirige à toute vitesse vers l’endroit où le sous-marin a été aperçu et laisse tomber successivement trois bombes. Nous ne voyons plus rien et continuons notre route en redoublant de vigilance. Veille avec un homme en vigie au mât de misaine, 2 hommes en plus de l’officier de quart sur la passerelle, 2 canonniers sur la dunette, près de leur pièce.
A 16h10, j’écrivais dans la chambre de veille lorsqu’une explosion se produit, ébranlant tout le navire. Le navire, qui avait déjà de la bande sur bâbord, s’incline davantage. Il paraît avoir été atteint par le travers de la cloison étanche séparant le compartiment machine de la cale avant. On n’avait aperçu ni périscope, ni torpille. L’avant du navire s’enfonce graduellement tandis que l’équipage procède à la mise à l’eau de la baleinière de bâbord et dispose les radeaux. La baleinière de tribord a été ouverte par l’explosion et la gerbe d’eau projetée. Elle n’était plus retenue que par le palan de l’arrière. L’équipage évacue le bâtiment en emportant les papiers du bord que j’ai confiés au maître d’hôtel, tandis que je réunissais les documents secrets qui m’avaient été confiés dans une couverture plombée que je tenais enfermée sous clé dans un tiroir de ma chambre. Toute la partie avant du navire jusqu’à la passerelle disparaissait alors sous l’eau.
J’ai gagné à la nage un radeau qui flottait entre le mât de misaine et la passerelle et j’ai attendu tandis que HACHE ramassait l’équipage qui flottait, soit isolément, soit regroupé dans la baleinière où sur des radeaux. Peu après, le navire s’est incliné fortement sur bâbord et aussitôt a plongé verticalement par l’avant. Il a disparu dans un tourbillon au milieu duquel je flottais. Un canot de COUTELAS est alors venu me chercher et m’a remis à bord de ce navire où je reçus la plus cordiale hospitalité, jusqu’à notre arrivée à Milo le 6 Avril à 16h00.
Je signale en cette occasion le sang froid des officiers du pont et de la machine, ainsi que du 1er chauffeur, du maître d’équipage, du quartier maître canonnier, du maître d’hôtel Nicolas.
En revanche, un petit nombre d’hommes s’est jeté à l’eau aussitôt après l’explosion et le cuisinier Biram Octave, en particulier, a beaucoup gêné la mise à l’eau du canot tribord en y embarquant avant qu’il ne soit amené.
Déposition de 2e capitaine René ROUXEL
Je n’ai rien vu. Au moment du changement de route j’étais près du timonier pour lui indiquer la nouvelle route. Sur les 6 hommes de pont que nous avions, un seul savait gouverner. Il fallait tout dire aux autres hommes de barre. Ce défaut d’instruction est une grande gêne pour nous dans les convois.
Après avoir mis les embarcations dehors, j’ai aidé le capitaine à sauver les papiers qu’il a remis au maître d’hôtel Nicolas. Le matelot Le Bourhis s’est aussi offert pour venir sur la passerelle avec nous et nous a aidés. Le maître d’équipage Burlot nous a beaucoup aidés pour mettre à l’eau les embarcations et le radeau bâbord arrière.
Déposition du matelot canonnier Antoine MARTINEZ
Le matin, j’ai vu le sous-marin droit devant à 400 m environ. Il allait de bâbord à tribord et marchait tout doucement. Il coupait à angle droit la route de SYLVIE. J’ai prévenu l’officier de quart, puis le commandant. Le commandant m’a donné l’ordre de donner 5 coups de sirène et est venu sur la droite. J’ai vu le dessus des superstructures du sous-marin qui dépassaient de 20 cm environ, sur 5 à 6 m de longueur. J’étais sur l’aileron bâbord.
Voici ce que j’ai vu :
Rapport du LV MARIE, commandant le torpilleur d’escadre HACHE
Le convoi était formé en ligne de front, les deux bâtiments à une distance de 600 m, WOOLSTON guide de navigation à gauche. Les 2 escorteurs occupaient les deux ailes du convoi, en tenant poste à 400 m des deux bâtiments et à deux quarts sur l’arrière du travers. Mais à ce moment là, COUTELAS qui s’était rapproché de HACHE pour demander rectification d’un signal était en train de doubler le convoi pour reprendre sa place.
A 05h00, le convoi est venu de route Est au S21E. Les 2 bâtiments avaient fait une embardée de 20° à gauche.
A 05h02, SYLVIE fait entendre plusieurs coups de sifflet et COUTELAS signale un sous-marin sur tribord. Il mouille 3 grenades et le témoignage de plusieurs marins de SYLVIE nous apprend que ces grenades ont été mouillées exactement à la position qu’occupait le sous-marin ennemi.
HACHE, suivant COUTELAS par la contremarche, est passé entre les deux bâtiments mais le sous-marin n’a pu être aperçu. Nous avons croisé quelques minutes sur l’arrière du convoi puis avons repris notre route en escorte.
A 16h09, par 36°03 N et 17°00E, SYLVIE a été atteint sur bâbord par une torpille. La gerbe de l’explosion s’est produite par le travers de la passerelle. Nous n’avons vu ni périscope, ni origine et direction de la trajectoire de la torpille. Le sous-marin est passé entre les deux bâtiments du convoi et a lancé sa torpille à très faible distance. COUTELAS est venu mouiller à bâbord de SYLVIE et à 100 m une grenade qui a produit une gerbe d’eau considérable. HACHE est passé sur l’endroit de l’explosion de cette grenade sans apercevoir le sous-marin. Nous nous sommes trouvés au milieu de débris flottant et d’une dizaine de naufragés auxquels nous avons lancé au passage divers objets flottants. Nous leur avons laissé tomber un radeau pour leur permettre de s’y accrocher. Tous étaient munis de leur ceinture de sauvetage. Nous avons ensuite mis à l’eau notre youyou pour coopérer au sauvetage. Le youyou à peine déchargé a été renvoyé pour recueillir le capitaine qui était seul sur un radeau. C’est à ce moment là que SYLVIE a disparu.
COUTELAS croisait à grande vitesse, explorant les lieux et protégeant le sauvetage. Il a stoppé un instant pour prendre à son bord le capitaine, puis a repris sa marche.
Après le torpillage, SYLVIE a pris une bande très prononcée sur bâbord, a continué sa marche, puis ralenti et s’est enfoncé par l’avant, progressivement et en se redressant. L’enfoncement s’est arrêté pendant 5 minutes environ, SYLVIE restant enfoncé jusqu’à la passerelle, l’arrière émergeant à peine. Brusquement, à 16h23, l’arrière s’est soulevé et le bâtiment a disparu en glissant dans le sens de la longueur.
WOOLSTON a augmenté sa vitesse et continué sa route. A 16h40, constatant qu’il n’y avait plus personne à sauver, les deux torpilleurs ont fait route à 20 nœuds pour le rejoindre et ont repris l’escorte à 17h15. A la nuit, nous sommes venus de 30° sur la gauche, suite à la réception d’un « Allo » signalant un sous-marin sur notre route. Nous avons repris la route initiale à 00h00.
Rapport de la Commission d’enquête
La commission a entendu le capitaine Taylor, du WOOLSTON, le capitaine Morvan, du SYLVIE et tous les hommes susceptibles de donner des renseignements sur le torpillage.
Le capitaine du WOOLSTON, arrivé à Milo le 6 à 16h20 et repartant le soir même à 18h30 n’a pas fourni de rapport de mer, et n’a d’ailleurs rien vu.
Dans la journée, le convoi HACHE, COUTELAS, WOOLSTON, SYLVIE avait eu deux alertes.
A 05h00, SYLVIE avait aperçu un périscope, vu aussi par l’homme de barre du COUTELAS. Le commandant de COUTELAS n’a rien vu, mais a lancé 3 grenades, sans résultat.
A 16h10, SYLVIE est coulé sans que personne n’ait rien vu. La commission estime que le capitaine de ce navire a fait tout son devoir. Il n’a pas quitté son navire qui a coulé sous ses pieds. Il y a eu un peu de confusion à bord, surtout au début, quand le matelot cuisinier sénégalais a embarqué dans un canot non amené.
La commission signale la bonne tenue de l’armement AMBC de SYLVIE et particulièrement des pointeurs Gaudicher et Coaziou. Mais elle estime que l’équipage pont de SYLVIE était composé d’hommes à l’instruction maritime insuffisante. Un seul était vraiment marin (Le Bourhis) et savait gouverner. Cette insuffisance créait pour le capitaine et les officiers une préoccupation qui les distrayait de la veille extérieure.
Enfin, la commission signale la présence d’esprit du matelot maître d’hôtel Jean Marie LE TRIFOLL, Paimpol 50827, du COUTELAS, et insiste sur le fait qu’il a certainement empêché la perte de son bâtiment en jetant à la mer le flotteur de la grenade engagé sur l’arrière.
Les sous-marins attaquants
Celui du matin était donc l’UC 73 de l’Oblt z/s Walter WIEDEMANN (voir post de Gastolli de 2012)
Et celui du soir l’UC 54 du Kptlt Heinrich XXXVII Prinz REUSS zu KÖSTRITZ
Cet officier né en 1888 dans le Mecklenburg est décédé en 1964 à Garmish-Partenkirchen.
Bad Köstritz (appelée Köstritz jusqu'en 1926) est une ville de Thuringe. Bad Köstritz est célèbre pour sa bière noire, la Köstritzer, brassée depuis 1543. Elle est également la ville natale de Heinrich Schütz, un des maîtres de la musique baroque allemande et le centre allemand de la culture du dahlia.
Elle passe en 1364 sous le contrôle de la maison de Reuss et elle donne son nom à une de ses branches qui y réside : les princes de Reuss de Köstritz, souverains de la Principauté de Reuss. (Source Wikipedia)
Le vapeur WOOLSTON
Vapeur de 3013 t construit en 1900 au chantier Blumer de North Dock sous le nom de CLAVERLEY pour Claverhill SS Co
1906 WHITE WINGS Wing SS Co
1913 WOOLSTON Hans Steam Navigation Co
1916 WOOLSTON Woolston SS Co
Ce navire sera torpillé le 14 Mai suivant, à 1,5 mille du port de Syracuse par l’UC 52 de l’Oblt Hellmuth von DOEMMING, alors qu’il transportait un chargement de soufre. Il y aura 19 victimes.
Son épave a été retrouvée le 15 Novembre 2010.
Voici une photo de ce vapeur sous le nom de WHITE WINGS (source Uboat.net)
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