Bonjour à tous,
CHÂTEAU PALMER
(Photo retirée car il s'agissait du 2e du nom)
Rencontre avec un sous-marin le 3 Août 1918
Rapport du capitaine
Quitté Bordeaux le 31 Juillet à 11h00 avec un chargement de 1800 tx de vin à destination de Le Havre, Dunkerque et Boulogne. Mouillé au Verdon à 16h40. Appareillé à 17h50 pour faire des tirs d’exercice et revenu au mouillage à 19h30.
Appareillé en convoi le 1er Août à 10h30 et pris la mer à 11h00. Vent frais d’WNW avec grosse houle de NW. Arrivé en rade de La Pallice et mouillé à 17h00.
Appareillé en convoi de 11 navires le 2 Août avec vent frais et mer houleuse. CHATEAU PALMER n° 1 de la file de droite (6 bâtiments). Mouillé à Quiberon le 3 Août à 01h30. Appareillé à 03h00. Doublé Penmarch à 14h00.
A 14h55, croisé le convoi venant de Brest à 2 milles dans le N20W. Un bateau de ce convoi vient d’être torpillé et les convoyeurs hissent la flamme rouge indiquant qu’un sous-marin a été aperçu en avant du convoi. Deux patrouilleurs restent sur les lieux, près du navire en train de couler. Mis tout le monde au poste de combat et doublé la veille. Prévenu la machine d’être prête à monter à toute puissance. Suivi les ordres des convoyeurs et venu sur la droite pour ranger la terre le plus près possible.
A 15h20, un navire du convoi est torpillé à 800 m derrière nous, par une seule torpille venant de bâbord. C’est le BERWIND, n° 4 dans la ligne de droite. Un chalutier et un remorqueur se tenaient à 600 m au large de la colonne de gauche dont le premier bâtiment était le MADELEINE. Aucun avion ni dirigeable en vue. Mis la machine avant toute et aperçu par 80° bâbord un objet suspect paraissant être un périscope. Ouvert le feu avec la pièce arrière à 2000 m et tiré deux coups. Le champ de tir de cette pièce se masquant, cessé le tir et continué avec la pièce avant. Tiré également deux coups. A 15h50, n’apercevant plus rien, fait cesse le feu. Continué à toute vitesse en longeant la côte à 500 m jusqu’au ras de Sein. Double La Vieille à 16h45. Repris l’allure du convoi et réglé la vitesse à 7 nœuds. La pièce avant étant restée chargée, déchargée cette pièce avant d’entrer à Brest. Mouillé à Roscanvel à 20h15.
Appareillé en convoi de Roscanvel le 5 Août à 05h15. Coup de vent de suroit. Grains de boucaille très violents. Passé le Four à 10h00. Mouillé en rade de Cherbourg le 6 à 07h30. Appareillé en convoi à 11h00 avec tempête de suroit, grains très violents et mer très dure. Arraisonné à la bouée à sifflet et mouillé e rade du Havre à 22h30. Appareillé pour rentrer au port le 8 Août à 09h45. Amarré à quai à 11h15.
Je signale la conduite parfaite et la discipline de l’équipage lors de l’attaque du 3 Août.
Notes de l’officier enquêteur
Après l’attaque du convoi descendant, les patrouilleurs ont hissé la flamme rouge et indiqué d’aller ranger la terre le plus près possible. Les deux bâtiments de tête se sont rapprochés de terre et les autres ont suivi. Transmission des signaux à bras. Pas de signaux TSF.
Deux escorteurs se sont portés au secours des naufragés du BERWIND. Aucune action offensive contre le sous-marin.
MADELEINE, SAINTE ANNE et CHATEAU PALMER ont tiré. Aucun ordre des escorteurs. Conformément aux instructions de route, les bâtiments se sont dispersés à toute vitesse (13 nœuds pour CHATEAU PALMER). Après passage du raz de Sein, revenu à 7 nœuds et reformé le convoi.
Rapport de l’officier AMBC
CHATEAU PALMER faisait route en convoi au Nord vrai à 7 nœuds. Mer très belle, faible brise d’Ouest, temps très clair depuis midi.
Le convoi comportait 11 bâtiments en deux lignes de file distantes de 800 m. CHATEAU PALMER était bâtiment de tête de ligne de droite comprenant 6 bâtiments. Un des convoyeurs a été prévenu qu’un bâtiment venait d’être torpillé dans le convoi descendant à quelques milles sur l’avant de la route du convoi montant. Il a donc alerté le convoi et l’a dérouté en le faisant passer à terre de la route prévue. A 15h20, le vapeur américain BERWIND est torpillé par bâbord et coule en 15 secondes. Presque immédiatement, les bâtiments de tête de la file de gauche ouvrent le feu sur un objet suspect ressemblant à un périscope. CHATEAU PALMER relève cet objet à 80° bâbord en augmentant de vitesse et ouvre le feu avec sa pièce arrière qui tire deux coups. Le champ de tir de cette pièce étant engagé par les bâtiments de tête de ligne de la file de gauche, la pièce avant ouvre le feu et tire aussi deux coups.
Le tir n’a pu être apprécié du fait que 3 bâtiments ont ouvert le feu, mais toutes les gerbes ont bien encadré le but.
Bonne conduite de l’armement militaire.
Il semble que le déroutement effectué après l’annonce du premier torpillage ait été la cause du second. Le premier bâtiment a été torpillé par bâbord et le sous-marin était donc à terre du convoi descendant. C’est précisément là que fut dirigé le convoi montant. Les deux bâtiments torpillés l’ont été à moins d’un mille de distance.
Rapport de la Division des patrouilleurs de Bretagne
Le 3 Août 1918 vers 13h55, le vapeur américain LAKE PORTAGE se trouvant dans la colonne de gauche d’un convoi de 21 bâtiments à destination du Sud a été torpillé à 10 milles dans le SW de Penmarch.
Le convoi était escorté côté large par ETOILE DE L’EST en tête, GARDON au centre et GOUJON en queue. ETOILE DE L’EST portait un ballon Caquot qui en raison du temps (brise fraîche et temps bouché à grains), n’avait pas d’observateurs. La tension du câble avait dépassé 650 kg, prévus pour les bâtiments de faible tonnage.
Nota : voici un ballon d’observation Caquot de la Grande Guerre
GOUJON et GARDON restèrent sur les lieux pour rechercher le sous-marin qui ne fut entendu par aucun de ces chalutiers pourtant équipés d’appareils Walser. Le convoi, qui s’était éparpillé dès l’attaque de LAKE PORTAGE, s’est reformé et a continué sa route sous la direction d’ETOILE DE L’EST. LAKE PORTAGE a coulé à 15h10 et la recherche du sous-marin a continué avec GARDON et GOUJON.
Le convoi montant a été prévenu à 14h00, à hauteur de Men Hir, par signal à bras d’ETOILE DE L’EST du torpillage du vapeur américain survenu au milieu de la baie d’Audierne. GARDON, en voyant le convoi, a hissé le signal rouge informant de la présence d’un sous-marin. Le convoi montant a infléchi sa route vers la terre.
A 15h20, soit 10 minutes après la disparition de LAKE PORTAGE, BERWIND, avant dernier bâtiment de la colonne de terre, celle de droite du convoi montant, est atteint à l’extrémité arrière. Explosion très violente, épaisse colonne de fumée, gerbe d’eau de 20 m de haut. Le bâtiment pique immédiatement à 45° et s’enfonce par l’arrière. Cinq minutes après l’explosion, seul émerge le gaillard, à la verticale. Un quart d’heure après, il ne subsiste plus rien du BERWIND.
Dès l’explosion, GOUJON, GARDON et un patrouilleur du convoi montant font route à toute vitesse sur BERWIND. GARDON arrive en premier et sauve le personnel. GOUJON déroute le dernier bâtiment du convoi et lui fait serrer la terre. L’écoute est continuée par GARDON et GOUJON, mais sans résultats. Des avions arrivent vers 15h15 et lancent une bombe à 16h00. GARDON et GOUJON mettent alors le cap à toute vitesse sur le point de l’explosion. GOUJON aperçoit à 1500 m environ un sillage qui paraît se déplacer. En approchant, il s’aperçoit qu’il a pris pour un sillage une bouée fumigène dont la fumée est rabattue sur l’eau par le vent. GARDON ouvre le feu sur le point de chute des bombes aux abords de la bouée fumigène. GOUJON aperçoit alors un dégagement de bulles d’air. Il provient exactement du point où a coulé LAKE PORTAGE. L’écoute est reprise et les avions continuent de lancer des bombes.
Un hydravion demande à GOUJON de lancer des grenades sur le point d’où se dégagent les bulles d’air et qui correspond très exactement à la position de l’épave de LAKE PORTAGE. GOUJON lance 3 grenades à immersion de 35 m. Les deux premières explosent bien, mais la 3e rate.
A 16h15, GARDON reçoit l’ordre de rallier Brest avec les naufragés des deux bâtiments coulés.
GOUJON continue ses recherches jusqu’à 22h00, heure à laquelle il reçoit l’ordre de rallier son convoi.
Rapport de la commission d’enquête
Celle-ci reprend tout le déroulement des faits et précise :
- Deux patrouilleurs français servaient d’escorte à 500 m au large de la colonne de gauche, un à hauteur de la tête, l’autre en queue de convoi.
- Le premier hydravion s’est montré au dessus du raz de Sein, une heure après le torpillage du BERWIND.
- La manœuvre consistant à se rapprocher de la côte était funeste car, le torpillage de LAKE PORTAGE ayant eu lieu par bâbord, le sous-marin était alors à terre du convoi montant.
- Après le second torpillage, les bâtiments se sont dispersés et MADELEINE, premier bâtiment de la ligne de gauche, SAINTE ANNE, deuxième bâtiment de cette ligne, puis CHATEAU PALMER ont ouvert le feu.
- En dehors de l’objet suspect dont la nature n’a pu être déterminée, le capitaine de CHATEAU PALMER n’a vu ni sillage de torpille, ni périscope de sous-marin.
Elle conclut :
Aucune critique à formuler contre la conduite de CHATEAU PALMER. Veille et organisation militaire conformes aux instructions. Elle souligne la déclaration du capitaine qui indique que malgré le beau temps, aucun hydravion n’a surveillé les convois.
Note du 11 Août 1918 du CV JOLIVET, chef de Division des patrouilleurs
J’estime que SAJOU, prévenu par ALLO et par TSF qu’un bâtiment du convoi descendant avait été torpillé, aurait dû virer de bord avec son convoi et ne pas le conduire à l’endroit où se trouvait sûrement le sous-marin.
Evidemment, un déroutement large dans cette circonstance amenait à rebrousser chemin. Mon avis est que cela eut mieux valu, mais l’opinion des chefs d’escorte est peu fixée à ce sujet.
Je serais donc heureux d’avoir l’avis de Monsieur le Vice Amiral Commandant Supérieur des Divisions de Bretagne pour donner des instructions conformes.
En outre, le rapport montre que SAJOU et PINTADE, qui seuls escortaient le convoi montant, sont restés sur les lieux pour effectuer des recherches. Ils ont ensuite rejoint le convoi qui était donc abandonné à lui-même.
A mon avis, puisque GARDON et GOUJON se trouvaient sur les lieux, SAJOU aurait dû continuer avec le convoi et le protéger. En tous cas, il aurait dû laisser au moins un escorteur avec le convoi.
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 88 du Kptlt Rheinhard Von RABENAU.
L’UB 88 se rendra au Américains le 26 Novembre 1918 et sera montré dans des expositions sur les côtes Est et Ouest des USA. Il servira ensuite de cible pour exercices de tirs. Il sera finalement coulé à San Pedro, Californie, après avoir servi de cible pour l’artillerie du destroyer WILKES.
Les deux navires coulés par lui le 3 Août 1918 furent donc :
LAKE PORTAGE 1998 t. Construit aux chantiers de Duluth en Juin 1918. (Photo source uboat.net)
Il fut donc coulé à son premier voyage alors qu’il effectuait une traversée Montréal – Nantes.
Par 47°56 N et 04°44 W. Il y eut 3 victimes dans le naufrage.
BERWIND 2346 t. Construit aux chantiers de North Dock de Sunderland en 1893 ex BOSTON CITY
Coulé par 47°57 N et 04°43 W lors d’une traversée Saint-Nazaire – Barry. Il y eut 6 victimes dans le naufrage.
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