Re: C-28 — Chasseur de sous-marins.
Publié : jeu. oct. 09, 2008 12:24 pm
Bonjour à tous,
I. – L’Ouest-Éclair – éd. de Caen – n° 5.753, Jeudi 25 avril 1918, p. 4, en rubrique « Nouvelles maritimes. ».
« Traversée pénible et mouvementée. — Les chantiers américains ont construit pour la marine française des vedettes destinées à la chasse des sous-marins et ces petits bâtiments de 60 tonnes seulement ont dû accomplir la traversée de l’Atlantique qui ne s’est pas toujours effectuée sans les plus grands périls, témoin l’un d’eux qui fut assailli par une violente tempête le 9 janvier [1918] au milieu de l’Océan et fut séparé de son remorqueur et de son convoi.
Après quelques jours d’une marche difficile, les moteurs vinrent à manquer et l’on dut improviser une voilure avec des couvertures et des vêtements, voilure fragile qui fut souvent mise hors de service. L’on allait alors à la dérive. Le petit navire sans moteur était, par suite, privé de la T.S.F. et il se trouvait dans l’incapacité de demander du secours. A plusieurs reprises, des vapeurs passèrent en vue, mais les signaux de détresse restèrent vains. On était à bout de vivres et l’eau douce manquait. Ce n’est qu'au bout de six semaines, alors qu’on la croyait perdue, que la vedette put arriver aux Açores.
Dans son rapport sur les péripéties d'une traversée où il se montra marin habile et chef énergique, le second maître de timonerie Puluhen a fait le plus vif éloge de tous ceux qu’ils commandait, de leur attitude excellente, de leur calme, de leur esprit de sacrifice et d’abnégation. »
II. – Commandant Émile VEDEL : « Quatre année de guerre sous-marine », éd. Plon-Nourrit, Paris, 1919, p. 281 à 283.
« [...] Ce n'était pas seulement contre l’ennemi, que nos vaillantes petites unités déployaient leurs belles qualités de courage et d’endurance, sans parler d’une incomparable valeur professionnelle. La mer leur réservait souvent des épreuves non moins dures.
Ce fut, entre autre, le cas du chasseur de sous-marins C-28, de 60 tonnes, qui, construit aux États-Unis, était parti d’Amérique avec un équipage français de 18 hommes, commandés par le second maître de timonerie Puluhen. Remorqué, il faisait partie d’un convoi. Le 12 janvier [1918], furieuse tempête. La remorque casse, et impossible de la reprendre. Mangé par les lames, et ne pouvant pas se servir de ses moteurs à demi submergés, voilà le C-28 à la dérive, en plein Océan, par mer démontée. Pendant six semaines, il va errer au gré des vents et des flots, obligé de réduire tous les jours les rations de vivres et d'eau douce, s’ingéniant à faire route quand même. Puluhen fait confectionner des voiles de fortune avec des nappes de table, des draps et des couvertures. Suivant l’état de la mer et du vent, ces voiles sont établies ou rentrées, l’ancre flottante mouillée ou relevée. La cale est vidée tous les jours. Tous les moyens sont mis en oeuvre pour avancer dans la direction de l’Est, où doit se trouver l’archipel des Açores. Depuis le 26 janvier, le charbon de la cuisine est épuisé. Le fourneau est alimenté avec le bois étanchant le compartiment d’extrême arrière. Au cours de sa longue navigation, le chasseur voit quatre vapeurs, très éloignés, faisant une route parallèle à la sienne, mais qui n'aperçoivent pas ses signaux de détresse. Le 8 février, reconnaissant un vapeur qui doit couper sa route à petite distance, Puluhen fait hisser des pavillons, et armer le youyou qui va au-devant du navire.
Mais celui-ci, prenant sans doute le C-28 pour un sous-marin camouflé, change brusquement de route et s'éloigne à toute vitesse.
Enfin, le 18 février, la terre est en vue ! A 11 heures, on est assez près pour envoyer le youyou avec trois hommes vers le port. C’est La Horta. Le youyou ramène un remorqueur, et à 16 h. 35, le C-28 est accosté à un quatre-mâts français, l'équipage au complet et en bonne santé.
Aventure qui ne semblera peut-être pas extraordinaire à un terrien, mais pour un marin ayant lu le rapport de Puluhen, et suivi les péripéties et angoisses par où lui et son équipage ont passé pendant quarante-deux jours, abandonnés qu'ils étaient au beau milieu de l’Atlantique sur un bateau désemparé, ne valant pas mieux que le radeau de la Méduse, à cela près qu'on n’y mourait pas de faim. Pour quiconque peut se rendre compte de la résistance morale et des ressources de tout genre dont ils ont fait preuve, il n’y a pas de doute que leur odyssée mérite d'être comptée parmi les plus rudes accomplissements de nos marins. [...] »
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Bien amicalement à vous,
Daniel.