Re: TIJUCA Quatre-mâts barque Cie Bordes
Publié : jeu. août 14, 2008 1:19 pm
Bonjour à tous,
TIJUCA
Construit en 1902 par le chantier O’Donnel de Glasgow sous le nom de MARION JOSIAH. Racheté en 1910 par la compagnie Bordes et rebaptise TIJUCA (2e du nom)
Tijuca est un grand parc national brésilien situé près de Rio de Janeiro, dans l’ouest de Copacabana.
Il succédait au TIJUCA (1) trois-mâts clipper en fer de 1220 tonnes, construit en 1866 au chantier Ernest Gouin de Nantes et destiné au transport du café du Brésil. Gréé carré à l’origine, il avait été transformé en trois-mâts barque par Bordes lorsque celui-ci l’avait racheté en 1880 à l’Union des Chargeurs.
Bordes le revendit en 1907 à un armateur argentin qui le conserva jusqu’en 1946. Ce trois-mâts fut, avec le BELEM aujourd’hui, un des voiliers ayant eu la plus grande longévité : 80 années.
Le 20 Juillet 1946, au cours d’une traversée Capetown – Santa Fé, il se mit à la côte au nord de Rio Grande, entre Porto Alegre et Montevideo et devint perte totale.
Voici TIJUCA (1) en escale à Fort de France vers 1894
Puis à Capetown à pendant la 2e guerre mondiale.
Caractéristiques du TIJUCA (2)
Quatre-mâts barque en acier
3800 tpl 2543 tx JB
La perte du TIJUCA
Capitaine Joseph OLLIVIER CLC né le 28/05/1880 à Plounez inscrit à Paimpol
Second Edmond RAULT inscrit à Saint Malo
Lieutenant Alcide FRESLON
Equipage de 36 hommes
Le second Rault était déjà un rescapé de l’ALEXANDRE coulé le 1er Août 1917. Il avait aussitôt rembarqué sur TIJUCA.
Voici quatre capitaines de la compagnie Bordes photographiés au Chili vers 1912. Le capitaine Joseph Ollivier est debout au centre. Devant lui, assis, le capitaine Le Corfec qui atteint de typhoïde décèdera au Chili. Les deux autres sont Pierre Le Chevanton (à gauche) et Charles Fourchon.(Source : Souvenirs des marins de la Compagnie Bordes de Brigitte et Yvonnick Le Coat.)
Le quatre-mâts quitte La Pallice le 14 Novembre pour Taltal, à ordres.
Le 22 Novembre 1917, il est intercepté par un sous-marin à la position 36°01 N 19°24 W (position donnée par le voilier)
Le capitaine Ollivier ne peut que décrire la position d’infériorité dans laquelle il se trouve face aux navires de guerre allemands.
Récit du capitaine Ollivier
« Le canonnier Moreau et le matelot Joyeux sont blessés. Les projectiles nous exposent constamment ; le navire est encadré par les points de chute. J’ai jugé la lutte inutile et pour sauver mon personnel j’ai ordonné de cesser le combat et d’évacuer le navire.
J’ai donné l’ordre à mes embarcations de s‘écarter du champ de tir et peu de temps après le sous-marin cesse le feu. Nous l’apercevons se dirigeant vers nous. Je donne l’ordre de faire route dessus et, en l’accostant, il me prie de monter à son bord avec tout l’équipage, en laissant deux hommes dans chaque canot.
Le commandant du sous-marin m’a demandé :
-« Etes-vous Français ? Est-ce que tous vos hommes sont Français ? »
Je lui ai répondu oui.
-« Tant mieux ! » a-t-il répondu ; « si vous aviez été Anglais, je vous aurai tous envoyés par le fond ».
Il m’a dit avoir torpillé le BLANCHE le 18 Septembre car l’équipage était revenu près des canons après avoir fait croire qu’il abandonnait le navire. (voir fiche de ce navire)
Finalement, le sous-marin lance une torpille pour couler le TIJUCA. Le second Rault voit son navire couler à moins de 200 milles du point où il avait vu disparaitre l’ALEXANDRE. Il commençait à connaitre la zone…!
Mais les marins ne sont pas au bout de leur peine.
« Nous avons été conduits à bord d’un vapeur norvégien, le BRINK II. Il était sous les ordres des officiers du sous-marin qui en avaient pris le contrôle et est resté stoppé toute la nuit. Le 23 au matin, un équipage allemand, revolver au poing, m’a sommé de faire obéir mes hommes aux officiers du sous-marin. Il fallait jeter à la mer différentes marchandises de la cale afin de dégager des saumons de cuivre placés à fond de cale. Ces saumons ont ensuite été transportés à bord du sous-marin avec nos embarcations qui ont beaucoup fatigué et subi des avaries vu le mauvais état de la mer. J’ai protesté au sujet de la façon dangereuse dont on a fait travailler mes hommes, d’abord dans la cale 2 où ils étaient menacés d’être engloutis, puis sur le pont. Ils étaient menacés d’accident par le balancement des palanquées, le navire norvégien roulant violemment.
L’officier allemand m’a répondu en riant que, quoi qu’il arrive, je n’aurais pas de réclamations à rédiger !
Le 24 vers 14h00, la vigie allemande a signalé une épaisse fumée à l’horizon, qui s’est rapprochée et divisée, laissant voir qu’elle appartenait à plusieurs navires groupés. Les Allemands ont pensé qu’il s’agissait de destroyers anglais. Ils ont disposé des bombes, nous ont donné l’ordre de quitter le bord, puis l’ont évacué et fait sauter.
Le vapeur avait été évacué par les quatre équipages prisonniers.
En fait, la fumée venait d’un groupe de trois vapeurs qui ont aussitôt changé de route et disparu.
Nous avons fait route sur Madère. Pendant ce trajet nous avons eu du gros temps de NE – ENE. J’ai atterri sur Madère dans la nuit du 27 Novembre, avec mes deux embarcations. »
Sur TIJUCA était embarqué un jeune élève officier de 16 ans, Marcel Guillou, de Binic, dont voici la photo.
C’était son premier embarquement et il se retrouva dans la baleinière du second, Edmond Rault.
Voici la lettre qu’il écrivit à ses parents depuis Madère :
« Je vous écrit ces quelques lignes pour vous dire que je suis arrivé en bonne santé à Madère Mardi matin à 05h00. Nous avons été attaqués le Jeudi 22 à 12h30 par un sous-marin. Nous nous sommes battus dans la limite du possible et n’avons évacué que lorsque nous n’avons pu faire autrement. Nous avons été prisonniers pendant quarante huit heures, trois sur le sous-marin et le reste sur un navire capturé. Nous l’avons quitté Samedi vers 15h00 heures, grâce à une circonstance fortuite.
Dans les embarcations, nous avons eu de la misère et avons failli maintes fois y rester, principalement Dimanche soir où nous n’arrivions plus à étaler l’eau que faisait la baleinière. Mardi matin, nous avons essuyé un coup de torchon, avec des lames hautes comme des maisons. Nous sommes arrivés épuisés. Mais maintenant, nous sommes retapés. Je suis logé et nourri avec les officiers à l’hôtel Golden Gate, le plus grand hôtel d’ici.
J’ai tout perdu sauf mon ciré et mon pardessus qui m’ont été bien utiles et quelques autres vêtements.
J’ai été habillé hier, mais tout est très cher ici.
Il est probable que nous resterons à Madère au moins un mois ou deux.
Lundi il y a un service solennel en mémoire des morts de la canonnière française SURPRISE, torpillée en rade de Funchal le 3 Décembre 1916 . Nous y sommes invités et irons tous. Etant les seuls Français ici, nous tenons à montrer que nous n’oublions pas les compatriotes morts pour la patrie en terre étrangère….
L’ile est assez pittoresque et les gens affables. Nous avons l’intention de faire des excursions pendant notre séjour ici.C’est la seule distraction que nous aurons. Le climat est très doux actuellement. On se croirait au Havre fin Avril ou début Mai.
Sur le journal d’hier, il y avait un article sur nous ; deux grandes colonnes. Je vais l’acheter et le faire traduire pour l’avoir comme souvenir »
En quelques lignes fort bien écrites, cet adolescent raconte avec une grande modestie, une certaine fierté et tout l’étonnement de la jeunesse à la fois la terrible expérience qu’il vient de vivre et la découverte d’une ile enchanteresse.
Mais en fait, Marcel Guillou quittera l’ile quelques jours plus tard avec son capitaine et ses camarades, rapatrié par le paquebot portugais AFRICA. Après des escales à Lisbonne, Bayonne et Bordeaux, il retrouvera la maison familiale le soir de Noël 1917 et c’est en famille qu’il fêtera son dix septième anniversaire.
Marcel Guillou avait aussi un incontestable talent de peintre et il laissera plusieurs tableaux de grands voiliers. Voici celui du TIJUCA, son premier embarquement.
On ne distingue plus les faux sabords sur la coque du navire, caractéristique des voiliers Bordes. Ils avaient été effacés sur ordre du gouvernement. La peinture grise avait remplacé la blanche par mesure de sécurité.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 151 du KK Waldemar KHOPHAMEL
La position donnée par le KTB diffère un peu de la position de source française : 36°00 N 20°40 W
Cdlt
Olivier
TIJUCA
Construit en 1902 par le chantier O’Donnel de Glasgow sous le nom de MARION JOSIAH. Racheté en 1910 par la compagnie Bordes et rebaptise TIJUCA (2e du nom)
Tijuca est un grand parc national brésilien situé près de Rio de Janeiro, dans l’ouest de Copacabana.
Il succédait au TIJUCA (1) trois-mâts clipper en fer de 1220 tonnes, construit en 1866 au chantier Ernest Gouin de Nantes et destiné au transport du café du Brésil. Gréé carré à l’origine, il avait été transformé en trois-mâts barque par Bordes lorsque celui-ci l’avait racheté en 1880 à l’Union des Chargeurs.
Bordes le revendit en 1907 à un armateur argentin qui le conserva jusqu’en 1946. Ce trois-mâts fut, avec le BELEM aujourd’hui, un des voiliers ayant eu la plus grande longévité : 80 années.
Le 20 Juillet 1946, au cours d’une traversée Capetown – Santa Fé, il se mit à la côte au nord de Rio Grande, entre Porto Alegre et Montevideo et devint perte totale.
Voici TIJUCA (1) en escale à Fort de France vers 1894
Puis à Capetown à pendant la 2e guerre mondiale.
Caractéristiques du TIJUCA (2)
Quatre-mâts barque en acier
3800 tpl 2543 tx JB
La perte du TIJUCA
Capitaine Joseph OLLIVIER CLC né le 28/05/1880 à Plounez inscrit à Paimpol
Second Edmond RAULT inscrit à Saint Malo
Lieutenant Alcide FRESLON
Equipage de 36 hommes
Le second Rault était déjà un rescapé de l’ALEXANDRE coulé le 1er Août 1917. Il avait aussitôt rembarqué sur TIJUCA.
Voici quatre capitaines de la compagnie Bordes photographiés au Chili vers 1912. Le capitaine Joseph Ollivier est debout au centre. Devant lui, assis, le capitaine Le Corfec qui atteint de typhoïde décèdera au Chili. Les deux autres sont Pierre Le Chevanton (à gauche) et Charles Fourchon.(Source : Souvenirs des marins de la Compagnie Bordes de Brigitte et Yvonnick Le Coat.)
Le quatre-mâts quitte La Pallice le 14 Novembre pour Taltal, à ordres.
Le 22 Novembre 1917, il est intercepté par un sous-marin à la position 36°01 N 19°24 W (position donnée par le voilier)
Le capitaine Ollivier ne peut que décrire la position d’infériorité dans laquelle il se trouve face aux navires de guerre allemands.
Récit du capitaine Ollivier
« Le canonnier Moreau et le matelot Joyeux sont blessés. Les projectiles nous exposent constamment ; le navire est encadré par les points de chute. J’ai jugé la lutte inutile et pour sauver mon personnel j’ai ordonné de cesser le combat et d’évacuer le navire.
J’ai donné l’ordre à mes embarcations de s‘écarter du champ de tir et peu de temps après le sous-marin cesse le feu. Nous l’apercevons se dirigeant vers nous. Je donne l’ordre de faire route dessus et, en l’accostant, il me prie de monter à son bord avec tout l’équipage, en laissant deux hommes dans chaque canot.
Le commandant du sous-marin m’a demandé :
-« Etes-vous Français ? Est-ce que tous vos hommes sont Français ? »
Je lui ai répondu oui.
-« Tant mieux ! » a-t-il répondu ; « si vous aviez été Anglais, je vous aurai tous envoyés par le fond ».
Il m’a dit avoir torpillé le BLANCHE le 18 Septembre car l’équipage était revenu près des canons après avoir fait croire qu’il abandonnait le navire. (voir fiche de ce navire)
Finalement, le sous-marin lance une torpille pour couler le TIJUCA. Le second Rault voit son navire couler à moins de 200 milles du point où il avait vu disparaitre l’ALEXANDRE. Il commençait à connaitre la zone…!
Mais les marins ne sont pas au bout de leur peine.
« Nous avons été conduits à bord d’un vapeur norvégien, le BRINK II. Il était sous les ordres des officiers du sous-marin qui en avaient pris le contrôle et est resté stoppé toute la nuit. Le 23 au matin, un équipage allemand, revolver au poing, m’a sommé de faire obéir mes hommes aux officiers du sous-marin. Il fallait jeter à la mer différentes marchandises de la cale afin de dégager des saumons de cuivre placés à fond de cale. Ces saumons ont ensuite été transportés à bord du sous-marin avec nos embarcations qui ont beaucoup fatigué et subi des avaries vu le mauvais état de la mer. J’ai protesté au sujet de la façon dangereuse dont on a fait travailler mes hommes, d’abord dans la cale 2 où ils étaient menacés d’être engloutis, puis sur le pont. Ils étaient menacés d’accident par le balancement des palanquées, le navire norvégien roulant violemment.
L’officier allemand m’a répondu en riant que, quoi qu’il arrive, je n’aurais pas de réclamations à rédiger !
Le 24 vers 14h00, la vigie allemande a signalé une épaisse fumée à l’horizon, qui s’est rapprochée et divisée, laissant voir qu’elle appartenait à plusieurs navires groupés. Les Allemands ont pensé qu’il s’agissait de destroyers anglais. Ils ont disposé des bombes, nous ont donné l’ordre de quitter le bord, puis l’ont évacué et fait sauter.
Le vapeur avait été évacué par les quatre équipages prisonniers.
En fait, la fumée venait d’un groupe de trois vapeurs qui ont aussitôt changé de route et disparu.
Nous avons fait route sur Madère. Pendant ce trajet nous avons eu du gros temps de NE – ENE. J’ai atterri sur Madère dans la nuit du 27 Novembre, avec mes deux embarcations. »
Sur TIJUCA était embarqué un jeune élève officier de 16 ans, Marcel Guillou, de Binic, dont voici la photo.
C’était son premier embarquement et il se retrouva dans la baleinière du second, Edmond Rault.
Voici la lettre qu’il écrivit à ses parents depuis Madère :
« Je vous écrit ces quelques lignes pour vous dire que je suis arrivé en bonne santé à Madère Mardi matin à 05h00. Nous avons été attaqués le Jeudi 22 à 12h30 par un sous-marin. Nous nous sommes battus dans la limite du possible et n’avons évacué que lorsque nous n’avons pu faire autrement. Nous avons été prisonniers pendant quarante huit heures, trois sur le sous-marin et le reste sur un navire capturé. Nous l’avons quitté Samedi vers 15h00 heures, grâce à une circonstance fortuite.
Dans les embarcations, nous avons eu de la misère et avons failli maintes fois y rester, principalement Dimanche soir où nous n’arrivions plus à étaler l’eau que faisait la baleinière. Mardi matin, nous avons essuyé un coup de torchon, avec des lames hautes comme des maisons. Nous sommes arrivés épuisés. Mais maintenant, nous sommes retapés. Je suis logé et nourri avec les officiers à l’hôtel Golden Gate, le plus grand hôtel d’ici.
J’ai tout perdu sauf mon ciré et mon pardessus qui m’ont été bien utiles et quelques autres vêtements.
J’ai été habillé hier, mais tout est très cher ici.
Il est probable que nous resterons à Madère au moins un mois ou deux.
Lundi il y a un service solennel en mémoire des morts de la canonnière française SURPRISE, torpillée en rade de Funchal le 3 Décembre 1916 . Nous y sommes invités et irons tous. Etant les seuls Français ici, nous tenons à montrer que nous n’oublions pas les compatriotes morts pour la patrie en terre étrangère….
L’ile est assez pittoresque et les gens affables. Nous avons l’intention de faire des excursions pendant notre séjour ici.C’est la seule distraction que nous aurons. Le climat est très doux actuellement. On se croirait au Havre fin Avril ou début Mai.
Sur le journal d’hier, il y avait un article sur nous ; deux grandes colonnes. Je vais l’acheter et le faire traduire pour l’avoir comme souvenir »
En quelques lignes fort bien écrites, cet adolescent raconte avec une grande modestie, une certaine fierté et tout l’étonnement de la jeunesse à la fois la terrible expérience qu’il vient de vivre et la découverte d’une ile enchanteresse.
Mais en fait, Marcel Guillou quittera l’ile quelques jours plus tard avec son capitaine et ses camarades, rapatrié par le paquebot portugais AFRICA. Après des escales à Lisbonne, Bayonne et Bordeaux, il retrouvera la maison familiale le soir de Noël 1917 et c’est en famille qu’il fêtera son dix septième anniversaire.
Marcel Guillou avait aussi un incontestable talent de peintre et il laissera plusieurs tableaux de grands voiliers. Voici celui du TIJUCA, son premier embarquement.
On ne distingue plus les faux sabords sur la coque du navire, caractéristique des voiliers Bordes. Ils avaient été effacés sur ordre du gouvernement. La peinture grise avait remplacé la blanche par mesure de sécurité.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 151 du KK Waldemar KHOPHAMEL
La position donnée par le KTB diffère un peu de la position de source française : 36°00 N 20°40 W
Cdlt
Olivier