Bonjour à tous,
Un complément sur le BUFFALO
BUFFALO
Vapeur construit en 1903 au chantier Bertram Engineering Works & C° de Toronto. Canada
2359 t
Affrété par le Gouvernement français. Rattaché à la défense fixe de Bizerte.
Liste d’équipage
La perte de BUFFALO.
Rapport du capitaine
Quitté Cardiff le 18 Septembre 1918 à 04h45 avec charbon et divers pour Cherbourg et Brest. Débarqué le pilote en rade de Barry et suivi les routes en fonctions des indications de l’Amirauté anglaise. Doublé Hartland à 13h30, Trevose à 19h30. Vitesse 6 nœuds. Temps maniable.
A 21h15, étant le long de la côte, cap au S30W, aperçu une explosion suivie de plusieurs feux blancs sur l’arrière du travers.
Redoublé d’attention avec deux hommes en veille sur l’avant et un à la pièce arrière.
A 21h25, à 6 milles dans le N40E du feux de Godrevy, reçu une torpille à tribord de la cale 2 à hauteur des panneaux 5 et 6. Le navire prend aussitôt de la gite sur tribord et la lisse vient au ras de l’eau. Branle-bas général et envoyé les hommes aux radeaux et embarcations.
Envoyé signal de détresse, mais resté sans réponse.
Tout l’équipage ayant embarqué dans les canots, ai fait s’écarter les embarcations. Le TSF était resté dans sa cabine, occupé à envoyer le SOS. Je lui ai donné l’ordre de quitter le navire et nous nous sommes jetés à l’eau pour gagner à la nage le canot 2.
Fait rallier les canots 2, 3 et 4. Le n° 1 était resté submergé suite à la rupture de l’un de ses bossoirs lors de l’explosion de la torpille.
Le navire gitait de plus en plus et s’enfonçait par l’avant. 15 minutes après avoir reçu la torpille, il s’est couché sur tribord et a disparu.
Brûlé un coston pour attirer l’attention et le vapeur anglais VALUR, capitaine Boxhall, qui faisait route sur Swansea, nous a recueillis à son bord. Les embarcations, remorquées, ont coulé les unes après les autres à cause de la mer devenue mauvaise. Aucune trace du sous-marin, ni avant, ni après l’attaque. Mais avons aperçu une autre explosion sur l’avant, alors que nous étions dans les embarcations; c’était sans doute un autre vapeur torpillé.
Mes hommes ont fait tout leur devoir. Je signale la belle conduite du capitaine Boxhall qui n’a pas hésité à stopper son navire et a pris des risques pour nous sauver, vu le danger de torpillage existant.
Rapport de la Commission d’enquête
La commission enregistre que dix minutes après le torpillage il ne restait plus personne à bord et que le navire a disparu 15 minutes après l’explosion.
Mais elle fait les remarques suivantes :
- La veille était très réduite, bien que réglementaire. Le personnel ne comportant que 6 matelots, 7 canonniers et 1 timonier, on ne pouvait disposer d’un plus grand nombre de veilleurs.
- Le bâtiment suivait la côte en allant de cap en cap et sans jamais zigzaguer ni entrer dans les baies. Le capitaine prétend que la vitesse très faible de son navire, 6 nœuds seulement, ne lui permettait pas de tels trajets. Il aurait du demander des ordres spéciaux au lieu de modifier lui-même les instructions reçues. D’ailleurs, plus la vitesse est faible, plus les zigzags sont nécessaires ... (nota : on se demande un peu d’où l’officier enquêteur tire cette maxime qui mériterait plus ample explication !)
- Faute lourde du capitaine qui ne donnait jamais sa position au TSF. Celui-ci n’a pu envoyer qu’un SOS sans position. Plus tard, le capitaine lui a dit d’ajouter le mot Godrevy, ce qui était par trop imprécis.
- La commission signale la conduite du QM TSF Artur qui a quitté son poste le dernier sur ordre formel du capitaine. De plus, le commandant ne sachant pas nager, il a insisté pour qu’il saute le premier à la mer, puis l’a soutenu jusqu’à l’embarcation où il l’a aidé à monter. Ensuite, il est resté dans l’eau pour aller mettre en place le gouvernail de cette embarcation. Ce quartier maître a fait preuve d’un sang froid et d’un courage qu’aucun autre à bord n’a eu à un tel degré. La commission demande qu’il soit cité à l’Ordre du Régiment.
- Evacuation trop rapide. Si le capitaine a justement évalué la situation en estimant que le naufrage serait rapide, ce qui s’est vérifié, il avait quand même le temps de jeter à la mer les papiers. Les canonniers avaient aussi le temps de rendre leurs pièces inutilisables. Rien de cela n’a été fait. Chacun a agi avec une hâte fébrile. La machine a été stoppée sans ordre de la passerelle. Si le sous-marin s’était montré, les canonniers n’étaient plus à leurs pièces. Le capitaine a oublié les possibilités d’offensive.
- La commission rappelle que ce navire, conçu pour les Grands Lacs, n’était pas du tout marin. Son roulis très ample, 20 degrés de chaque bord, donnait de vives inquiétudes quant à sa stabilité. Le pont était à 1,5 m seulement de la flottaison à pleine charge et continuellement submergé. Le cloisonnement était très sommaire, quasi inexistant. Le commandant était donc fondé à craindre une disparition rapide.
Mais la commission estime que le BUFFALO ne donnait pas l’impression d’un bâtiment mené militairement. Les habitudes de relâchement propres aux bâtiments de commerce régnaient à bord. Et pourtant, ce bâtiment battait flamme de guerre ...!
Commentaire : cette commission militaire qui porte un jugement si péremptoire sur ceux de la Marine Marchande reconnaît quand même que le Gouvernement avait confié à ce malheureux équipage une véritable ch...... (les anciens de la voile auraient dit une sapine

) incapable de naviguer correctement dans les mers houleuses de Manche Ouest ou du golfe de Gascogne.
On note aussi l’importance extraordinaire des papiers pour ces hommes de bureau, même lorsqu’ils sont partis au fond comme un plomb de sonde avec l’épave du navire...
Récompenses
Citation à l’Ordre du Régiment
ARTUR Roger Quartier-maître TSF
“Après torpillage du navire sur lequel il était embarqué, n’a quitté son poste que sur l’ordre formel ,du commandant. A aidé son commandant à se maintenir sur l’eau jusqu’à l’embarcation qui l’a recueilli. A donné un bel exemple de courage et de sang froid.”
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 117 de l’OL Erwin WASSNER.
Erwin Wassner (1887 – 1937) aura coulé 86 navires alliés. Il avait obtenu la Croix Pour le Mérite le 5 Mars 1918.
La position donnée pour le torpillage du BUFFALO est 50°19N et 05°18 W w, à 2 milles dans l’Est de St Agnes Head, ce qui correspond effectivement à la position donnée par le capitaine Clément.
L’explosion aperçue quand l’équipage était dans les canots est certainement celle du vapeur anglais PRIMO, 1037 t, allant de Penarth à Rouen avec du charbon, et aussi coulé par l’UB 117.
Le matin de ce même jour il avait torpillé le vapeur anglais John O.SCOTT, 1235 t, qui allait de Barry à Douvres avec du charbon. Il y avait eu 18 victimes.
Le navire sauveteur
Le VALUR était un ancien navire allemand construit en 1888 au chantier Lange Johanns de Bremerhaven sous le nom de W. STIEFF.
Devenu
KORAL en 1890
GUSTAV FALK en 1893
VALUR en 1917
Sera perdu en 1923 au large des Orkney.
On notera que le VALUR (et non VADUR) n'a jamais engagé le combat contre l'UB 117 comme rapporté dans un post ci dessus.
Mais il serait très intéressant de trouver de plus amples renseignements sur son capitaine, nommé Boxhall.
S’agirait-il du lieutenant Joseph BOXHALL, second officier de quart sur le paquebot TITANIC en 1912 ?
Joseph Boxhall avait ensuite navigué pour la compagnie Cunard. Il aurait aussi commandé pendant un certain temps un torpilleur, à Gibraltar, au cours de la Grande Guerre. Il fut d’ailleurs le dernier officier survivant du TITANIC puisqu’il est décédé en 1967.
Avis aux spécialistes
Cdlt