Bonjour à tous,
Rencontre avec un sous-marin le 10 Septembre 1917
Rapport de la commission d’enquête
MARQUISE DE LUBERSAC
Société de transports maritimes et fluviaux.
Armé d’un canon de 90 mm sur affût 1916
Personnel entendu :
LAUMAIRE Alphonse Officier mécanicien de 2e classe. Chef mécanicien
LE FALHER Joachim Second capitaine
LE HOT Ernest Quartier maître fusilier
Le 10 Septembre à 02h00 le convoi de Portland à Cherbourg, dont faisait partie MARQUISE DE LUBERSAC en n° 2, dépassait ce navire et le laissait en arrière. A 03h00, c’est à peine s’il voyait le feu rouge du dernier navire du convoi. A 03h30, le capitaine entendit une explosion par tribord. Etant seul, il vint sur bâbord pour faire de l’Est et peu après il vit des signaux de détresse dans la direction de l’explosion. Il continua cette route Est en zigzaguant jusqu’à 04h00 et prit alors la route de Cherbourg à toute vitesse. Les signaux de détresse avaient provoqué le doublement de la veille.
A 05h05, le capitaine, qui était resté sur la passerelle avec le second aperçut à un quart sur tribord avant la silhouette d’un sous-marin. Il mit bâbord en arrière toute et barre toute à gauche pour placer le sous-marin dans le champ de tir de la pièce arrière et lança le branle-bas de combat. Le second se précipita à l’arrière pour transmettre cet ordre qui avait déjà été exécuté par le chef mécanicien et les canonniers. Le navire abattait encore lorsqu’une torpille passa à bâbord, élongeant le navire à une très courte distance de l’étrave. Le premier coup de canon fut tiré au même moment et le sous-marin disparut en plongeant.
Le jour n’était pas levé que le sous-marin fut aperçu à faible distance, assez visible pour que tout le personnel présent, mis en présence de la photographie de l’UC 52 ait reconnu sans hésitation un sous-marin de cette catégorie.
Le matelot opérateur TSF lança aussitôt un ALLO et reçut la réponse de Cherbourg. Ce télégramme fut aussi transmis à Rouen.
La commission constate que la manœuvre du capitaine de MARQUISE DE LUBERSAC, navire de faible vitesse muni de deux hélices était judicieusement choisie pour mettre en action le canon et tromper le sous-marin sur la vitesse. Si la manœuvre qui consiste à venir du bord opposé au sous-marin offrait le danger de présenter le travers, ce n’est vrai que dans le cas d’un navire ordinaire. Les navires plats à double hélice comme MARQUISE DE LUBERSAC évoluent grâce à leurs machines avec une rapidité remarquable. Cela a parfaitement réussi. Il est hors de doute que si le navire avait continué sa route, ou était venu sur tribord, il aurait reçu la torpille.
Tenue de l’équipage parfaite. Postes de combat pris très rapidement. Chacun a fait son devoir. MARQUISE DE LUBERSAC a déjà au mois de Mars soutenu un brillant combat contre un sous-marin.
Rapport du Capitaine de Corvette MASCART, adjoint au Commandant de Marine Rouen
Le vapeur MARQUISE DE LUBERSAC est armé d’un canon de 90 mm sur affût 1916 mis à bord à Rouen. La pièce a été chargée à 03h30 au moment où ont été aperçus les signaux de détresse consécutifs à l’explosion. Selon les ordres du capitaine, une veille renforcée avait été établie et les trois canonniers étaient à leur pièce au moment où l’on aperçut le sous-marin. Le premier coup fut tiré avec hausse à zéro peu de temps après que le sous-marin eut tiré sa torpille. Trop long. Le sous-marin plongea immédiatement. Alors que le kiosque était encore visible, un second coup fut tiré, mais l’étoupille sortit et le coup ne partit pas. Après il était trop tard, le sous-marin avait disparu.
Cet incident de tir est dû à la mauvaise disposition de la mise à feu par friction. Le canon de MARQUISE DE LUBERSAC va être changé avant son départ. Il sera muni d’un canon avec mise à feu à percussion.
Aucune observation n’est à faire sur la direction du tir qui a consisté en un simple coup de canon. Le capitaine DANIC est breveté du centre AMBC du Havre. Le bâtiment est bien armé et les canonniers sont logés près de la pièce. La conduite des marins de l’armement militaire a été parfaite et ne mérite que des éloges.
Récompenses
Citation à l’Ordre du Régiment
DANIC Joachim Capitaine au Cabotage Vannes 589
Pour l’esprit de décision et l’énergie avec lesquels il a évité la destruction de son navire torpillé à petite distance par un sous-marin. Déjà cité à l’Ordre de l’Armée le 3 Mars 1917
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
Vapeur MARQUISE DE LUBERSAC
Pour l’énergie dont chacun a fait preuve et le bon ordre qui a été maintenu à bord lors d’une attaque de ce vapeur à la torpille le 10 Septembre 1917.
Le sous-marin attaquant
Très certainement l’UC 71 de Rheinhold SALTZWEDEL. Le navire qu’il venait de torpiller devait être le norvégien VIKHOLMEN, 494 t, qui allait de Cardiff à Saint Malo avec un chargement de charbon. Il y eut 8 victimes.
Rencontre avec un sous-marin le 8 Mars 1918.
Armateur LEROUX et HEUZE de Rouen
Port de départ : Le Havre, sur lest.
Sans doute deux noms à modifier : LAUMAIRE et VATINEL ces noms semblant mieux écrits sur la liste de 1917
Rapport du capitaine
Le 8 Mars à 02h55, ayant passé Bill of Portland, je faisais route pour contourner Lyme Bay quand, par 50°31 N et 02°48 W, j’aperçus par tribord arrière le sillage d’une torpille se dirigeant sur moi.
Immédiatement je vins tribord toute et stoppai la machine tribord pour précipiter l’évolution. La distance étant trop restreinte, le navire n’eut pas le temps d’évoluer que la torpille passait obliquement sous les cales 3 et 4. Etant trop profonde, elle ne fit aucun dégât. M’attendant à une deuxième torpille, je fis forcer l’allure des machines et pris une route opposée au sillage aperçu quelques instants auparavant, tout en zigzaguant, tous feux masqués à l’exception du feu de poupe. Je fis ramasser ce dernier et donnai l’ordre au second de faire une inspection sérieuse pour qu’aucune lumière ne soit visible de l’extérieur. L’équipage étant au poste de combat muni de ceintures de sauvetage, je fis assurer une bonne veille et sondai l’horizon de tous côtés, principalement en direction du sillage afin de découvrir le sous-marin et d’ouvrir le feu. La nuit étant très noire et l’horizon brumeux, je n’aperçus aucune silhouette.
Je continuai ma route et redoublai de surveillance à la pointe du jour, pensant que le sous-marin me poursuivait. A 06h00, je me trouvai à toucher le cap de Berry Head sans avoir rien aperçu d’anormal. Continué ma route en longeant la côte anglaise sans autre incident.
Rapport de la commission d’enquête
Le 8 Mars à 02h55 dans Lyme Bay, à 12 milles de terre par beau temps et mer calme, vue moyenne et nuit noire, l’officier de quart aperçoit à 200 m par 45° tribord arrière le sillage d’une torpille se dirigeant sur le milieu du bâtiment. Le capitaine qui se trouvait sur le pont commande « Tribord toute et Stoppez ». Trois secondes plus tard, un ragage violent sous la cale 3 révèle le passage de la torpille qui passe sans éclater. Le capitaine commande alors « Bâbord toute et en route avant toute », craignant une deuxième torpille. Il présente l’arrière au sous-marin et appelle au poste de combat. Il envoie un signal TSF, éteint le feu de poupe et vérifie que toutes les lumières sont masquées, puis continue sa route en zigzaguant.
Le navire était en différence de tirants d’eau sur l’arrière. Le capitaine a l’impression que, ne pouvant éviter le passage de la torpille, il effaçait ainsi son arrière plus enfoncé et plus vulnérable. Cette présence d’esprit a sauvé le navire qui eut reçu le choc de la torpille à l’arrière.
La commission estime que le capitaine a parfaitement rempli ses obligations. L’équipage était à son poste et tous ont manœuvré avec sang froid. Seul le télégraphiste a commis une erreur en envoyant un SOS au lieu d’un « Allo ». Ceci a eu pour conséquence de faire signaler le navire comme coulé par plusieurs stations.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
BOUIN Félix Capitaine au cabotage
Pour l’énergie, l’esprit de décision et les qualités de commandement qui, lors d’une attaque à la torpille lui ont permis de sauver son bâtiment.
Témoignage Officiel de satisfaction du Ministre et prime de 200 francs
LE FAHLER Joachim 2e capitaine
Pour sa vigilance, grâce à laquelle a pu être évitée une torpille dirigée contre son bâtiment
TOS du Ministre
Vapeur MARQUISE DE LUBERSAC
Pour les qualités d’entraînement dont son personnel a fait preuve pour la troisième fois, et qui lui ont permis d’échapper encore à une attaque de sous-marin le 8 Mars 1918.
A noter que MARQUISE DE LUBERSAC avait déjà reçu deux témoignages de satisfaction du Ministre :
- Pour la belle tenue de son équipage pendant le véritable combat soutenu par ce bâtiment contre un sous-marin le 12 Mars 1917
- Et le 10 Septembre 1917.
(Voir ci-dessus)
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié. Mais ce pourrait bien être l’UB 80 du Kptlt Max VIEBEG, encore un redoutable sous-marinier.
Le vapeur français a tout de même eu beaucoup de chance.
Cdlt