Re: MARTHE Quatre-mâts barque
Publié : mer. juil. 23, 2008 1:48 pm
Bonjour à tous,
MARTHE Quatre-mâts barque
Lancé au chantier de Rouen le 25 Août 1900 pour la compagnie Bordes. Navire identique au VALENTINE capturé le 3 Novembre 1914 par le PRINZ EITEL FRIEDRICH (voir fiche de ce navire).
Il prit le nom de MARTHE (2e du nom) qui était le prénom de l’épouse de Mr Adolphe Bordes.
Il succédait au MARTHE (1) , quatre-mâts barque construit en 1892 à Dundee et acheté en 1894 par la maison Bordes. Ce navire s’était échoué le 11 Mai 1898 sur le banc de Ruytingen alors qu’il tentait d’entrer par un épais brouillard, et en remorque, dans le port de Dunkerque. Il revenait de Pisagua avec 3400 tonnes de nitrate et devint perte totale.
Caractéristiques du MARTHE (2)
Quatre-mâts barque en acier type 4ba
3910 tpl 3120 tx JB 2756 tx JN
Longueur 97,87 m Largeur 13,52 m Creux 8,28 m
Longueur du gaillard 27 m Longueur de la dunette 21 m
4306 m2 de voilure
Sa meilleure traversée fut Newcastle d’Australie – Valparaiso en 32 jours. Mais ce n’était pas un marcheur exceptionnel.
Voici deux vues du MARTHE
à quai à Dunkerque (coll. Michel Nguyen)

et sous voiles

La perte du MARTHE
En Juillet 1917, le capitaine du MARTHE est Yves LEFF. Né le 18 Juin 1877 à Kérity dans les côtes d’Armor, cet officier est fusilier breveté. Capitaine au long cours en 1910, il embarque comme second sur CHILI, puis pour deux campagnes sur MARTHE, sous les ordres du capitaine Yves BERNARD. Il va commander à partir de 1912, tout d’abord le trois-mâts QUILLOTA, puis le quatre-mâts EUROPE sur lequel il va s’illustrer en 1915. En effet, alors qu’il quitte Iquique avec un plein chargement de salpêtre, un matelot pseudo-anglais engagé à Iquique, mais en réalité espion allemand, met le feu à la cargaison.
L’espion est démasqué et maitrisé, mais il faudra des efforts surhumains de la part de l’équipage, dans une tempête effroyable, pour parvenir à rallier Caldera, puis Callao où le navire sera réparé. Quatre marins périront dans cette aventure. Yves Leff recevra les félicitations du Ministère de la Marine pour le sang-froid et l’énergie dont il a fait preuve en cette occasion.
Voici le capitaine Yves Leff . La plupart des clichés illustrant ce sujet ont été publiés dans l'ouvrage de Brigitte et Yvonnick Le Coat "Cap-Horniers français" et ont été pris par le capitaine Yves Bernard (Collection Michel Bernard)

Le second capitaine est Jules DESCHAMPS, de Saint Brieuc, que nous avons déjà rencontré second du CHANARAL lorsque celui-ci fut torpillé en Avril 1916 (voir fiche de ce navire)
Le MARTHE quitte donc Le Verdon le 6 Juillet 1917, en convoi avec ALEXANDRE, MADELEINE et quelques autres.
Rapport du capitaine Leff
« Le 2 Août à midi, par 33°38 N et 23°30 W, courant au S20W par faible brise d’Est, aperçu fumée d’un vapeur stoppé puis, vers 16h00, un grand vapeur gris avec cheminée jaune clair qui passa sur notre avant, route au NW, puis ralentit. Deux heures plus tard, un point noir se montra par le travers au vent et deux obus tombèrent près du navire. C’était un grand sous-marin approchant rapidement. Je manoeuvrai pour présenter l’arrière du bâtiment et fit commencer le feu. L’Allemand, tirant avec ses deux pièces encadrait le voilier et ses obus, tombant par paires, causaient de graves avaries au quatre-mâts qui n’était plus qu’à 600 m. La canonnade continua, furieuse, pendant quinze minutes à raison de six projectiles par minutes. Tout à coup, l’ennemi cessa le feu et nous vîmes une épaisse fumée noire envahissant sa partie avant. Il était touché. Mais cette lueur d’espoir fut éphémère. Nous étions criblés et les voiles pendaient, en lambeaux, le pont était percé en plusieurs endroits, le roof arraché, les embarcations de l’avant en miettes. Un homme avait été tué et plusieurs blessés, dont notre meilleur pointeur mis hors de combat au début de l’action.
La nuit tombait et le sous-marin reprit son tir, distinguant parfaitement la silhouette du quatre-mâts tandis que nous ne pouvions régler notre tir que sur les lueurs de départ de ses obus.
Toute manœuvre étant inutile et impossible, tout en continuant à tirer, je fis armer les embarcations de l’arrière sur le côté tribord afin d’être protégé. Les blessés y prirent place en premier, puis les hommes ne servant pas les pièces. L’adversaire, gagnant sur notre travers ne s’approcha guère. Mais l’avantage était trop grand pour lui. Je crois qu’il possédait quatre canons de fort calibre. A chaque instant, nous étions renversés sur la dunette par le déplacement d’air produit par les obus passant à nous toucher.
Je crus de mon devoir de ne pas exposer l’équipage à un massacre inutile. Je fis accoster la baleinière de tribord et dès que les canonniers y eurent pris place, j’y descendis moi-même, emportant les papiers du bord.
Le matelot Alexis URPHEANT a été tué par un obus qui lui a fracassé le crâne et emporté tout le côté gauche.
Le mousse Yves BLOUIN est affreusement blessé. Les os de ses jambes sont à nu et sa hanche droite, de la ceinture jusqu’au genou est percée de crevasses où des morceaux de liège provenant de sa ceinture de sauvetage se sont incrustés, se mêlant aux chairs déchiquetées. Il a sur tout le corps d’autres blessures plus ou moins graves. Nous l’avons ligoté tant bien que mal pour arrêter le sang qui coule de ses plaies. Il réclame sa mère…
Le matelot Prudent RAUX est grièvement blessé au bras droit.
Le quartier-maître fusilier Alexis NONANT est blessé gravement à la cuisse gauche.
Le canonnier Joseph LAPEBIE a une plaie à la main droite.
Le canonnier Anthime FONTAINE a une blessure assez grave à la jambe gauche faite par un éclat d’obus. »
Le voilier fut semble-t-il coulé par une charge explosive. Un cliché en fut pris depuis le sous-marin.
Voici cette photo montrée dans l’ouvrage « Mémoires de marins des voiliers de l’armement Bordes » . Mais j’ai quand même un doute, ne comprenant pas comment elle a pu être prise de nuit ? Peut-être le KTB du sous-marin donne-t-il plus de renseignements sur l’heure exacte du naufrage, qui pourraient l’authentifier avec plus de certitude.

Le sauvetage
Un long calvaire va commencer, tant pour les blessés que pour les autres marins en raison de la chaleur torride qui règne le jour et du manque d’eau.
Une embarcation est sous le commandement du capitaine Leff et l’autre sous le commandement du second capitaine Deschamps.
Le capitaine a gardé le mousse dans son canot.
Le calme plat oblige à ramer pendant quatre jours et quatre nuits, sur près de 150 milles. L’état des blessés empire. Le Samedi 5 Août au matin, les deux baleinières se perdirent de vue. Le Dimanche 6 Août au matin, le sous-marin anglais E 38 rencontrait celle du capitaine Leff et recueillait les naufragés. Il se mettait à la recherche du second canot qu’il retrouvait dans l’après midi. Ne pouvant conserver 36 hommes en plus de son équipage à son bord, le sous-marin les transféra le 7 Août sur sa conserve le vapeur anglais MARSFIELD qui les déposa le lendemain 8 Août à La Horta, dans l’île de Fayal.
Le mousse vivait toujours mais, atteint du tétanos, il ne put résister ; le malheureux s’éteignit le 14 Août.
Voici une partie du récit fait par un rescapé se trouvant dans le canot du second capitaine, le matelot PARCOU, qui fut plus tard pilote à Bordeaux.
« Aux dernières minutes de ce combat inégal, où le sous-marin, hors de portée de nos pièces nous couvrait de projectiles, j’entendis un cri déchirant. Le mousse Blouin, un enfant de Plouha, grièvement blessé par un éclat d’obus, se trainait dans son sang, appelant sa mère.
On distinguait le cargo ravitailleur du sous-marin, immobile à 4 ou 5 milles de distance. MARTHE, criblé d’obus, s’enfonçait doucement. Le mousse fut descendu avec précaution dans un drap, dans la baleinière la plus proche. Un homme manquait à l’appel. Le capitaine avait gardé le mousse avec lui et l’avait installé du mieux possible à l’arrière où il souffrait silencieusement.
Nous naviguâmes de conserve pour essayer de gagner les Açores à 150 milles dans le NW. Le jour, un soleil implacable épuisait les hommes affaiblis par les épreuves de la veille et la nuit d’insomnie et de nage. Il fallut rationner l’eau à moins d’un quart de litre par jour. La deuxième nuit, les hommes nageaient inconsciemment. Le Samedi matin, la baleinière du capitaine avait disparu. Le soleil dardait ses rayons brûlants sur les 19 hommes entassés dans la baleinière. Une fumée de vapeur fut aperçue, mais trop loin pour pouvoir attirer son attention. Le Dimanche matin, les hommes exténués ne tiraient plus sur les avirons que par intermittence. L’eau étant presque épuisée, ils appliquaient des compresses d’eau de mer sur leurs lèvres pour calmer leur soif.La houle était tombée et la baleinière restait immobile sur une mer d’huile dont pas un souffle de vent ne ridait la surface.
Vers 16h00, nous vîmes avec stupeur et désespoir la silhouette d’un sous-marin. Sans aucun doute, c’était lui qui avait envoyé le MARTHE par le fond. Il stoppa à 100 m et nous fit signe d’approcher le long du bord. Des hommes nous faisaient des signes. Soudain, un des occupants de la baleinière s’écria « Nom de Dieu, c’est notre capitaine Leff qui nous appelle ! » Nous retrouvâmes nos camarades blottis au fond du sous-marin, où le mousse vivait encore. Mais à La Horta, il ne put survivre. Il fut conduit à sa dernière demeure par un cortège ému jusqu’aux larmes par l’adieu touchant que le capitaine et un matelot prononcèrent sur sa tombe ».
Après un court séjour à La Horta, les survivants furent rapatriés via Lisbonne par le petit vapeur portugais PEDRO NUNES.
Les mousses du MARTHE.

Ce magnifique cliché a été pris sur le MARTHE vers 1911 par le capitaine Yves Bernard. Aucun des deux garçons n’est donc le mousse Blouin. Mais il donne une idée de l'extrême jeunesse de ces gamins, encore trop petits pour tenir la barre, embarqués dès 14 ans voire, parfois, 12 ou 13. Ils effectuaient surtout le service des officiers au carré et le service de la cuisine ainsi que des travaux divers de matelotage ou de lavage. Exempts de quart de nuit, on ne les envoyait dans la mâture que par beau temps pour serrer un cacatois ou affaler une cargue. L’apprentissage était parfois dur ; en cas de faute sérieuse, une punition pouvait être le « peloton » pendant leur temps de repos. Cela consistait à rester debout un certain temps avec une barre de cabestan entre les bras. Mais c’était rare ; en général, il faisaient rapidement partie intégrante de cette famille que constitue un équipage après quelques jours de mer et les capitaines veillaient à ce qu’ils ne soient pas brimés.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 155 du KL Karl MEUSEL.
En quatre jours, il avait envoyé par le fond trois grands voiliers français : MADELEINE, ALEXANDRE et MARTHE.
Voici pour terminer deux autres clichés du MARTHE
de retour du Chili (coll. Michel Nguyen "Cap-Horniers français" de Brigitte et Yvonnick Le Coat)

et une photo du roof (cliché Yves Bernard)

Cdlt
Olivier
MARTHE Quatre-mâts barque
Lancé au chantier de Rouen le 25 Août 1900 pour la compagnie Bordes. Navire identique au VALENTINE capturé le 3 Novembre 1914 par le PRINZ EITEL FRIEDRICH (voir fiche de ce navire).
Il prit le nom de MARTHE (2e du nom) qui était le prénom de l’épouse de Mr Adolphe Bordes.
Il succédait au MARTHE (1) , quatre-mâts barque construit en 1892 à Dundee et acheté en 1894 par la maison Bordes. Ce navire s’était échoué le 11 Mai 1898 sur le banc de Ruytingen alors qu’il tentait d’entrer par un épais brouillard, et en remorque, dans le port de Dunkerque. Il revenait de Pisagua avec 3400 tonnes de nitrate et devint perte totale.
Caractéristiques du MARTHE (2)
Quatre-mâts barque en acier type 4ba
3910 tpl 3120 tx JB 2756 tx JN
Longueur 97,87 m Largeur 13,52 m Creux 8,28 m
Longueur du gaillard 27 m Longueur de la dunette 21 m
4306 m2 de voilure
Sa meilleure traversée fut Newcastle d’Australie – Valparaiso en 32 jours. Mais ce n’était pas un marcheur exceptionnel.
Voici deux vues du MARTHE
à quai à Dunkerque (coll. Michel Nguyen)

et sous voiles

La perte du MARTHE
En Juillet 1917, le capitaine du MARTHE est Yves LEFF. Né le 18 Juin 1877 à Kérity dans les côtes d’Armor, cet officier est fusilier breveté. Capitaine au long cours en 1910, il embarque comme second sur CHILI, puis pour deux campagnes sur MARTHE, sous les ordres du capitaine Yves BERNARD. Il va commander à partir de 1912, tout d’abord le trois-mâts QUILLOTA, puis le quatre-mâts EUROPE sur lequel il va s’illustrer en 1915. En effet, alors qu’il quitte Iquique avec un plein chargement de salpêtre, un matelot pseudo-anglais engagé à Iquique, mais en réalité espion allemand, met le feu à la cargaison.
L’espion est démasqué et maitrisé, mais il faudra des efforts surhumains de la part de l’équipage, dans une tempête effroyable, pour parvenir à rallier Caldera, puis Callao où le navire sera réparé. Quatre marins périront dans cette aventure. Yves Leff recevra les félicitations du Ministère de la Marine pour le sang-froid et l’énergie dont il a fait preuve en cette occasion.
Voici le capitaine Yves Leff . La plupart des clichés illustrant ce sujet ont été publiés dans l'ouvrage de Brigitte et Yvonnick Le Coat "Cap-Horniers français" et ont été pris par le capitaine Yves Bernard (Collection Michel Bernard)

Le second capitaine est Jules DESCHAMPS, de Saint Brieuc, que nous avons déjà rencontré second du CHANARAL lorsque celui-ci fut torpillé en Avril 1916 (voir fiche de ce navire)
Le MARTHE quitte donc Le Verdon le 6 Juillet 1917, en convoi avec ALEXANDRE, MADELEINE et quelques autres.
Rapport du capitaine Leff
« Le 2 Août à midi, par 33°38 N et 23°30 W, courant au S20W par faible brise d’Est, aperçu fumée d’un vapeur stoppé puis, vers 16h00, un grand vapeur gris avec cheminée jaune clair qui passa sur notre avant, route au NW, puis ralentit. Deux heures plus tard, un point noir se montra par le travers au vent et deux obus tombèrent près du navire. C’était un grand sous-marin approchant rapidement. Je manoeuvrai pour présenter l’arrière du bâtiment et fit commencer le feu. L’Allemand, tirant avec ses deux pièces encadrait le voilier et ses obus, tombant par paires, causaient de graves avaries au quatre-mâts qui n’était plus qu’à 600 m. La canonnade continua, furieuse, pendant quinze minutes à raison de six projectiles par minutes. Tout à coup, l’ennemi cessa le feu et nous vîmes une épaisse fumée noire envahissant sa partie avant. Il était touché. Mais cette lueur d’espoir fut éphémère. Nous étions criblés et les voiles pendaient, en lambeaux, le pont était percé en plusieurs endroits, le roof arraché, les embarcations de l’avant en miettes. Un homme avait été tué et plusieurs blessés, dont notre meilleur pointeur mis hors de combat au début de l’action.
La nuit tombait et le sous-marin reprit son tir, distinguant parfaitement la silhouette du quatre-mâts tandis que nous ne pouvions régler notre tir que sur les lueurs de départ de ses obus.
Toute manœuvre étant inutile et impossible, tout en continuant à tirer, je fis armer les embarcations de l’arrière sur le côté tribord afin d’être protégé. Les blessés y prirent place en premier, puis les hommes ne servant pas les pièces. L’adversaire, gagnant sur notre travers ne s’approcha guère. Mais l’avantage était trop grand pour lui. Je crois qu’il possédait quatre canons de fort calibre. A chaque instant, nous étions renversés sur la dunette par le déplacement d’air produit par les obus passant à nous toucher.
Je crus de mon devoir de ne pas exposer l’équipage à un massacre inutile. Je fis accoster la baleinière de tribord et dès que les canonniers y eurent pris place, j’y descendis moi-même, emportant les papiers du bord.
Le matelot Alexis URPHEANT a été tué par un obus qui lui a fracassé le crâne et emporté tout le côté gauche.
Le mousse Yves BLOUIN est affreusement blessé. Les os de ses jambes sont à nu et sa hanche droite, de la ceinture jusqu’au genou est percée de crevasses où des morceaux de liège provenant de sa ceinture de sauvetage se sont incrustés, se mêlant aux chairs déchiquetées. Il a sur tout le corps d’autres blessures plus ou moins graves. Nous l’avons ligoté tant bien que mal pour arrêter le sang qui coule de ses plaies. Il réclame sa mère…
Le matelot Prudent RAUX est grièvement blessé au bras droit.
Le quartier-maître fusilier Alexis NONANT est blessé gravement à la cuisse gauche.
Le canonnier Joseph LAPEBIE a une plaie à la main droite.
Le canonnier Anthime FONTAINE a une blessure assez grave à la jambe gauche faite par un éclat d’obus. »
Le voilier fut semble-t-il coulé par une charge explosive. Un cliché en fut pris depuis le sous-marin.
Voici cette photo montrée dans l’ouvrage « Mémoires de marins des voiliers de l’armement Bordes » . Mais j’ai quand même un doute, ne comprenant pas comment elle a pu être prise de nuit ? Peut-être le KTB du sous-marin donne-t-il plus de renseignements sur l’heure exacte du naufrage, qui pourraient l’authentifier avec plus de certitude.

Le sauvetage
Un long calvaire va commencer, tant pour les blessés que pour les autres marins en raison de la chaleur torride qui règne le jour et du manque d’eau.
Une embarcation est sous le commandement du capitaine Leff et l’autre sous le commandement du second capitaine Deschamps.
Le capitaine a gardé le mousse dans son canot.
Le calme plat oblige à ramer pendant quatre jours et quatre nuits, sur près de 150 milles. L’état des blessés empire. Le Samedi 5 Août au matin, les deux baleinières se perdirent de vue. Le Dimanche 6 Août au matin, le sous-marin anglais E 38 rencontrait celle du capitaine Leff et recueillait les naufragés. Il se mettait à la recherche du second canot qu’il retrouvait dans l’après midi. Ne pouvant conserver 36 hommes en plus de son équipage à son bord, le sous-marin les transféra le 7 Août sur sa conserve le vapeur anglais MARSFIELD qui les déposa le lendemain 8 Août à La Horta, dans l’île de Fayal.
Le mousse vivait toujours mais, atteint du tétanos, il ne put résister ; le malheureux s’éteignit le 14 Août.
Voici une partie du récit fait par un rescapé se trouvant dans le canot du second capitaine, le matelot PARCOU, qui fut plus tard pilote à Bordeaux.
« Aux dernières minutes de ce combat inégal, où le sous-marin, hors de portée de nos pièces nous couvrait de projectiles, j’entendis un cri déchirant. Le mousse Blouin, un enfant de Plouha, grièvement blessé par un éclat d’obus, se trainait dans son sang, appelant sa mère.
On distinguait le cargo ravitailleur du sous-marin, immobile à 4 ou 5 milles de distance. MARTHE, criblé d’obus, s’enfonçait doucement. Le mousse fut descendu avec précaution dans un drap, dans la baleinière la plus proche. Un homme manquait à l’appel. Le capitaine avait gardé le mousse avec lui et l’avait installé du mieux possible à l’arrière où il souffrait silencieusement.
Nous naviguâmes de conserve pour essayer de gagner les Açores à 150 milles dans le NW. Le jour, un soleil implacable épuisait les hommes affaiblis par les épreuves de la veille et la nuit d’insomnie et de nage. Il fallut rationner l’eau à moins d’un quart de litre par jour. La deuxième nuit, les hommes nageaient inconsciemment. Le Samedi matin, la baleinière du capitaine avait disparu. Le soleil dardait ses rayons brûlants sur les 19 hommes entassés dans la baleinière. Une fumée de vapeur fut aperçue, mais trop loin pour pouvoir attirer son attention. Le Dimanche matin, les hommes exténués ne tiraient plus sur les avirons que par intermittence. L’eau étant presque épuisée, ils appliquaient des compresses d’eau de mer sur leurs lèvres pour calmer leur soif.La houle était tombée et la baleinière restait immobile sur une mer d’huile dont pas un souffle de vent ne ridait la surface.
Vers 16h00, nous vîmes avec stupeur et désespoir la silhouette d’un sous-marin. Sans aucun doute, c’était lui qui avait envoyé le MARTHE par le fond. Il stoppa à 100 m et nous fit signe d’approcher le long du bord. Des hommes nous faisaient des signes. Soudain, un des occupants de la baleinière s’écria « Nom de Dieu, c’est notre capitaine Leff qui nous appelle ! » Nous retrouvâmes nos camarades blottis au fond du sous-marin, où le mousse vivait encore. Mais à La Horta, il ne put survivre. Il fut conduit à sa dernière demeure par un cortège ému jusqu’aux larmes par l’adieu touchant que le capitaine et un matelot prononcèrent sur sa tombe ».
Après un court séjour à La Horta, les survivants furent rapatriés via Lisbonne par le petit vapeur portugais PEDRO NUNES.
Les mousses du MARTHE.

Ce magnifique cliché a été pris sur le MARTHE vers 1911 par le capitaine Yves Bernard. Aucun des deux garçons n’est donc le mousse Blouin. Mais il donne une idée de l'extrême jeunesse de ces gamins, encore trop petits pour tenir la barre, embarqués dès 14 ans voire, parfois, 12 ou 13. Ils effectuaient surtout le service des officiers au carré et le service de la cuisine ainsi que des travaux divers de matelotage ou de lavage. Exempts de quart de nuit, on ne les envoyait dans la mâture que par beau temps pour serrer un cacatois ou affaler une cargue. L’apprentissage était parfois dur ; en cas de faute sérieuse, une punition pouvait être le « peloton » pendant leur temps de repos. Cela consistait à rester debout un certain temps avec une barre de cabestan entre les bras. Mais c’était rare ; en général, il faisaient rapidement partie intégrante de cette famille que constitue un équipage après quelques jours de mer et les capitaines veillaient à ce qu’ils ne soient pas brimés.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 155 du KL Karl MEUSEL.
En quatre jours, il avait envoyé par le fond trois grands voiliers français : MADELEINE, ALEXANDRE et MARTHE.
Voici pour terminer deux autres clichés du MARTHE
de retour du Chili (coll. Michel Nguyen "Cap-Horniers français" de Brigitte et Yvonnick Le Coat)

et une photo du roof (cliché Yves Bernard)

Cdlt
Olivier