Bonjour à tous,
L’explosion d’un chaland de munition à proximité du torpilleur d'escadre Mangini,
survenue le 13 août 1918 dans le port de Livourne
I. — « Rapport au sujet de l’accident survenu à la suite de l’explosion d’un chaland de munitions dans le voisinage du Mangini », copie conforme effectuée en Décembre 1922.
[Torpilleur d’escadre Mangini, Pochette de correspondance : Service historique de la Défense, Cote SS Y 339, p. num. 940 à 942, pièce n° 5.].
« Le 13 août [1918], le Mangini était amarré dans le port de Livourne, l’ancre tribord mouillée, l’arrière vers le quai. Parallèlement à lui, environ à 40 mètres à tribord, se trouvait le croiseur italien Etruria, avec le long de son bord, à bâbord, un chaland contenant les munitions d’un torpilleur anglais. Entre le Mangini et l’Etruria, se logeait un torpilleur italien.
A 13 h. 19, l’équipage réuni à tribord arrière, on procédait à une distribution d’habillement. A ce moment, les douilles contenues dans un chaland prirent feu. Le Commandant du Mangini donna l’ordre de mettre le dynamoteur en marche, puis de virer la chaîne. A peine ces ordres avaient été donnés qu’une explosion se produisit dans le chaland, puis une deuxième d’une extrême violence.
Le Mangini fut entouré de fumée, puis submergé par une vague et violemment secoué, en même temps que des éclats d’obus tombaient à bord. La fumée dissipée, on s’aperçut que de nombreux hommes avaient été blessés. En parcourant le pont, on découvrit le corps du matelot Astier, le visage défiguré par un éclat d’obus ; le second maître Jouan, horriblement blessé à la cuisse, était couché près du 65 tribord arrière. Entre temps, l’Etruria avait coulé, et le remorqueur italien, penché sur son tribord, achevait de disparaître. Le Mangini s’était déplacé vers bâbord par suite de la rupture de son amarre tribord. Aucun incendie ne s’était déclaré à bord du Mangini. Le bâtiment, après s’être légèrement enfoncé de l’arrière par suite de l’embarquement d’eau, avait repris sa stabilité. On évacua les blessés à l’aide des embar-cations du bord, qui eurent l’occasion de repêcher des marins italiens de l’Etruria et du remorqueur.
Le dynamoteur n’ayant pu être mis en marche, le commandant donna l’ordre de mettre une chaudière en pression pour épuiser l’eau embarquée. Le commandant, puis quelque temps après l’officier en second, blessés, furent évacués sur l’hôpital français.
Après une inspection détaillée, on s’est rendu compte que le Mangini n’avait pas de voie d’eau. Les superstructures ont souffert, notamment la passerelle et le roof arrière et la passerelle avant.
Les appartements de l’arrière ont été endommagés à la fois par le souffle de l’explosion et par l’eau. Certains hublots ne ferment plus. Les aménagements de l’avant sont à peu près intacts.
Les grenades n’ont pas été touchées par les éclats d’obus. Les tubes lance-torpilles ont été avariés (transmissions de mise à feu détruites). On ne peut rien dire sur les machines, à part la constatation d’avaries de détail (rupture de tuyautages secondaires ou de caisses à huile).
Les canons n’ont pas d’avaries évidentes, mais on peut faire des restrictions quant à leur emploi. Les douilles n’ont pas été mouillées. Seuls trois projectiles de la soute de 10 arrière ont reçu de l’eau.
Après l’accident, le Consul de France s’est rendu à bord, ainsi que le commandant Perigot du gîte d’étapes français de Livourne, l’aumônier de l’hôpital français et le capitaine de frégate Tonta, envoyé par le contre-amiral commandant l’Académie navale.
Je joins au présent rapport la liste des blessés évacués sur un hôpital. (*)
Le contre-amiral commandant l’École navale a fait savoir récemment que l’Académie navale se refusait à recevoir des munitions en dépôt.
P.C.C.
20 décembre 1922
Le Capitaine de corvette Diaz de Soria,
Commandant le Mangini
Mention manuscrite précédant la signature : « Ni adresse, ni date, ni signature. D’après sa place se rapporte à 1917 [Apostille : « Non, à 1918 »]. Paraît avoir été rédigé par l’enseigne de vaisseau de 1re classe Marchat. Le commandant était le capitaine de corvette de Moysan. »
Signé : Diaz de Soria»
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(*) Liste non jointe à la transcription du rapport.
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II. — « Rapport à M. le Capitaine de frégate Touta, de l’École navale », copie conforme effectuée en Décembre 1922.
[Torpilleur d’escadre Mangini, Pochette de correspondance : Service historique de la Défense, Cote SS Y 339, p. num. 943 et 944, pièce n° 6].
« Le 13 août [1918], vers 13 h. 19, le feu a pris dans un chaland de munitions amarré à bâbord de l’Etruria. Le feu débuta à l’extrémité du chaland tournée vers le quai, par une combustion de la poudre. Le vent poussait le feu vers le quai.
Un homme de l’Etruria, un officier marinier, prit l’amarre venant de l’avant du chaland et commença à la larguer. A ce moment survint la première explosion, environ 2 minutes après le début de l’incendie, puis aussitôt après une explosion d’une extrême violence. Le torpilleur Mangini fut recouvert par une lame, puis fortement secoué. La fumée ayant disparu, on a constaté que l’Etruria coulait, le remorqueur italien placé entre le Mangini et l’Etruria penchait à tribord, puis coula à son tour.
Sur le Mangini, les superstructures ont beaucoup souffert. L’eau rentrée par les sabords avait envahi les appartements. Sur le pont, un matelot était étendu décapité, un second maître blessé à la jambe était couché près du canon de 65 arrière.
Un médecin militaire italien monta à bord et l’on procéda à l’embarquement des blessés et leur évacuation sur les hôpitaux de la ville. Le commandant du Mangini et l’officier en second, blessés. Un appel établit qu’un homme du Mangini avait été tué, un autre très gravement blessé et une quinzaine, soit atteints par des éclats, soit éprouvés par des chutes ou par le souffle de l’explosion.
Les secours nous sont arrivés rapidement en la personne d’un médecin militaire italien, dont le concours, ainsi que celui des hommes armant les embarcations, nous a été des plus précieux.
P.C.C.
20 décembre 1922
Le Capitaine de corvette Diaz de Soria,
Commandant le Mangini
Mention manuscrite précédant la signature : « Ni adresse, ni date, ni signature. D’après sa place se rapporte à 1917 [Apostille : « Non, à 1918 »]. Paraît avoir été rédigé par l’enseigne de vaisseau de 1re classe Marchat. Le commandant était le capitaine de corvette de Moysan. »
Signé : Diaz de Soria »
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III. — « Note pour le Contre-amiral commandant l’École navale », copie conforme effectuée en Dé-cembre 1922.
[Torpilleur d’escadre Mangini, Pochette de correspondance : Service historique de la Défense, Cote SS Y 339, p. num. 945, pièce n° 7.]
« A la suite de l’explosion d’un chaland de munitions amarré le long de l’Etruria, le torpilleur d’escadre Mangini a eut à bord de nombreux blessés, dont le commandant, l’officier en second, un maître d’équipage et douze hommes ont été évacués aussitôt sur les hôpitaux, et une quinzaine environ sont restés à bord, leurs blessures étant légères.
Un matelot a été tué.
Le bateau a souffert dans ses superstructures et dans ses appartements.
P.C.C.
20 décembre 1922
Le Capitaine de corvette Diaz de Soria,
Commandant le Mangini
Mention manuscrite précédant la signature : « Ni adresse, ni date, ni signature. D’après sa place se rapporte à 1917 [Apostille : « Non, à 1918 »]. Paraît avoir été rédigé par l’enseigne de vaisseau de 1re classe Marchat. Le commandant était le capitaine de corvette de Moysan. »
Signé : Diaz de Soria »
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IV. — Journal de bord du torpilleur d’escadre Mangini, alors commandé par le capitaine de corvette Eugène Charles Joseph MOYSAN.
[Torpilleur d’escadre Mangini, Journal de bord n° 22 — 13 août ~ 11 oct. 1918 — : Service historique de la Défense, Cote SS Y 338, p. num. 638.]
« Mardi 13 aout 1918 ― Port de Livourne.
5 h. 00 ― Branlebas. Déjeuner. Lavage corporel.
6 h. 15 ― Appel. Propreté du bâtiment.
11 h. 15 ― Dîner et repos de l’équipage.
12 h. 30 ― Délivrance des effets d’habillement.
13 h. 19 ― Inflammation de douilles dans un chaland de munitions amarré à bâbord du croiseur italien Etruria. Le Commandant donne l’ordre de mettre en marche le dynamoteur et de virer la chaîne.
13 h. 21 ― Première et deuxième explosion d’une extrême violence, causant des avaries aux super-structures et occasionnant la mort d’un matelot et plusieurs blessés.
13 h. 25 ― Dynamoteur en marche.
13 h. 30 ― Assèchement des compartiments de l’arrière par la maille du puisard arrière. Le Mangini ayant été couvert d’une lame, l’eau pénètre par les hublots et les claires-voies. Le transport des blessés s’est effectué aussitôt sur les hôpitaux de la ville.
14 h. 00 ― Mis de l’ordre sur le pont, dégagé le matériel brisé encombrant le pont. […]
»
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Mention marginale
«
+ Tué : le matelot sans spécialité Astier.
Grièvement blessé : le second maître Jouan, qui a été transporté à l’hôpital civil italien.
Blessés :
― Mr. Moysan, capitaine de corvette, commandant ;
― Griffet, quartier-maître fourrier ;
― Bayle, quartier-maître torpilleur ;
― Mithiaux, matelot sans spécialité ;
― Presle, matelot chauffeur ;
― Liotardo, matelot mécanicien ;
― Castéra, quartier-maître fusilier ;
― Chabot, quartier-maître mécanicien ;
― Renard, matelot mécanicien ;
― Kerrien, matelot timonier ;
― Louis, quartier-maître mécanicien ;
― Bringuier, quartier-maître canonnier ;
― Briand, quartier-maître canonnier ;
― Mr. Bruneaud, enseigne de vaisseau, officier en second, en traitement à l’Hôpital français de San- Marco. »
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