Bonjour à tous,
NORMANDIE
(Chalutier de 534 t)
Rencontre avec un sous-marin. Rapport du capitaine le CF BASIRE, au CV chef des patrouilles de Méditerranée à bord de l’EROS.
Le 23 Avril 1917 vers 09h00, NORMANDIE suivait la route des transports vers l’Est quand il a reçu l’appel suivant du BOUVET à Bizerte :
« Allo 3733N 0920E 0923 ». Nous étions à 4 milles de ce point et tout en faisant route sur lui nous nous sommes étonnés de ne voir ni le sous-marin, ni le navire émetteur du signal. En arrivant au dit point, aperçu dans le NE une fumée sur laquelle nous avons fait route à toute vitesse, puis un cargo, et à 3 milles de lui dans le Nord un objet suspect bientôt reconnu comme un kiosque de sous-marin.
Ce sous-marin en surface faisait route à l’Ouest et était à environ 10000 m de NORMANDIE. Pris chasse en relèvement constant et pendant un quart d’heure les deux bâtiments font des routes convergentes. Equipage aux postes de combat, pièces chargées. Attendu pour attaquer, craignant de tirer de trop loin et de voir le sous-marin, qui nous prenait manifestement pour un petit cargo, plonger. Ouvert le feu à 8000 m au canon de 100 chargé d’obus à mélinite.
Le premier coup tombe à 100 m à droite du sous-marin et soulève une gerbe de 15 m de hauteur. Le second ne soulève aucune gerbe et on ne voit pas sa chute dans l’eau. Un nuage de fumée s’élève au dessus du kiosque et les hommes s’écrient « Il est touché ». Le sous-marin vient en grand sur la gauche et s’enfonce une minute plus tard en s’inclinant sur bâbord. Fait route à 4 ou 5 nœuds sur l’endroit où il aurait du être s’il avait continué la même route et lancé deux grenades.
J’ai regretté que le port de Bizerte ne m’ait pas fourni les 6 grenades supplémentaires que j’avais demandées en vertu de la Dépêche Ministérielle du 20 Février 1917.
Quand il a vu l’engagement avec le sous-marin, le cargo a pris la fuite dans l’Est, puis dans le Sud. J’ai essayé de le rattraper pour savoir si le sous-marin avait été touché, mais il allait plus vite que moi (8 nœuds) et, n’ayant aucune chance de l’atteindre, je suis revenu dans l’Ouest. Rejoint alors par JUPITER II et par deux torpilleurs de Bizerte.
Ce sous-marin est probablement celui qui a attaqué à la torpille le FRIEDLAND par 37°28 N et 11°40 E, dans les parages de Pantellaria et qui a été vu le 23 au matin devant le cap Blanc par 37°28 N et 09°50 E. Il se trouvait encore le 23 à 10h00 en plongée par 37°34 N et 09°24 E où il a du rester une grande partie de l’après midi en raison de la présence de 4 patrouilleurs dans un rayon assez grand autour de son point de plongée. On ne peut pas dire que ce soit lui qui a provoqué un « allo » à 20h23 dans le golfe de Cagliari par 39°10 N et 09°15 E.
Note du Vice Amiral Commandant en Chef la 1ère Armée Navale
Le commandant Basire a bien manœuvré pour se rapprocher du sous-marin rencontré le 23 Avril. Le tir de son bâtiment a été extrêmement précis. Malheureusement, il n’y a pas de certitude que le sous-marin ait été coulé. Ce sous-marin est même probablement celui qui a ensuite été attaqué le 25 Avril par NOTRE DAME DES DUNES à 06h00 du matin par 37°08 N et 06°25 E, qui a mouillé des mines devant Alger dans la nuit du 25 au 26 Avril, et qui a torpillé le 26 à 00h00 le vapeur anglais CHERTZEY par 36°51 N et 03°04 E.
Le commandant de la 3e escadrille montre beaucoup d’activité et d’entrain dans l’exercice de son commandement dans une région où les attaques de sous-marins sont particulièrement fréquentes.
Le 12 Avril, je l’ai cité à l’Ordre du Commandement et je demande de bien vouloir adresser un témoignage de satisfaction au Capitaine de Frégate Basire, commandant la 3e escadrille de patrouille.
Carte montrant le déroulement de l’action du 23 Avril 1917
Silhouette du sous-marin dessinée par le CF Basire
Le sous-marin aperçu
Si l’on se réfère aux suggestions de l’Amiral, ce pourrait être l’UC 67 de l’Oblt Karl Neumann.
Nota : le cargo BOUVET (Capitaine Collin) était l’ex austro-hongrois SALONA, ex-anglais CLARENCE. Il faisait route de Sfax sur Marseille ayant quitté Sfax le 21 Avril, et avait cap à l’Ouest pour suivre les instructions secrètes et confidentielles. Auparavant, il avait quitté Bizerte pour Sfax le 14 Avril.
Il fera naufrage le 12 Septembre suivant suite à une collision avec l’ORENOQUE devant Bizerte.
(Voir la fiche BOUVET)
Cdlt