Bonjour à tous,
Complément sur la rencontre du 1er Octobre 1918 avec UB 49
Télégramme d’Alicante à la DGSM. 3 Octobre 1918
FRANCOLI avait quitté Alicante le 30 Septembre pour Sfax. Le 1er Octobre, à 100 milles d’Alicante et 45 de Palos un sous-marin a été aperçu tournant autour du FRANCOLI qui portait sur ses flancs les couleurs espagnoles. Il a coulé de 17 coups de canon le FRANCOLI dont l’équipage a alors aperçu un convoi qui a tiré quelques obus qui sont tombés près de la coque du sous-marin qui a plongé et disparu.
Vu l’état de la mer, les 26 hommes du FRANCOLI auraient péri si le SAINT SERVAN, se détachant du convoi, ne les avait recueillis.
A noter que SAINT SERVAN a attendu plus d’une heure sur rade d’Alicante que l’on vint prendre ces naufragés qui ne tarissent pas d’éloges sur la conduite du commandant et de l’équipage.
Rapport du capitaine LEVASSOR du SAINT SERVAN
Quitté Oran le 1er Octobre à 06h30 en convoi avec LA NIEVRE et NOTRE DAME DES VICTOIRES escorté par les chalutiers GODETIA, chef de convoi, et PAULOWNIA à la vitesse de 7 nœuds. Cap sur Palos.
A 09h00, formation de front. Vent ENE jolie brise, mer agitée. A midi, aperçu fumée et mâts d’un vapeur à 2 quarts sur bâbord avant.
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A midi trente, entendu des coups de canon et vu points de chute de projectiles ainsi qu’une fumée noire épaisse sortant des environs de sa cheminée. Etant sur une embardée bâbord, nous vîmes le tout sur un quart tribord. Hissé le pavillon. Le sous-marin était à 5 milles de nous. Position 36°38 N et 00°44 W.
GODETIA hisse la flamme du code « J » et ouvre le feu quelques minutes après. Jugeant que je ne pouvais prendre chasse devant l’ennemi en surface, vu ma faible vitesse, ouvert le feu à 12h45 à 9000 m.
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Ayant observé 3 coups courts, cessé le feu à 12h50. A 13h00, devant les coups de l’escorte et je crois de LA NIEVRE, le sous-marin s’immergea. Avons tiré 1 coup d’exercice et 2 coups de combat avec la pièce avant. Le tir a été bien conduit par Monsieur HEURTEL, second capitaine. J’avais observé 4 embarcations, dont 3 étaient occupées par l’équipage du vapeur espagnol canonné. Me trouvant assez éloigné du point d’immersion du submersible, je me mis en devoir d’effectuer le sauvetage.
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La chose fut faite en 5 minutes et nous repartîmes à grande vitesse en faisant des zigzags et en ayant doublé la veille. Vers 14h00 la brise fraîchit brutalement de NE, obligeant à cesser les zigzags.
A la nuit, perdu de vue LA NIEVRE, NOTRE DAME DES VICTOIRES et l’escorte. Marche pénible dans le coup de vent et l’orage violent. Les garde-corps en bois de la plateforme avant sont arrachés. Les caisses à munitions servant de parc sont disjointes.
Doublé Las Hormigas à 06h00 le 2. Mouillé à 14h00 à l’entrée d’Alicante. J’avais à bord les 26 rescapés Espagnols du FRANCOLI, de la Transmediterranea de Barcelone. Ils ont été débarqués à 16h10. Appareillé aussitôt.
Pendant l’action, ne m’occupant que du but, je n’ai pas remarqué que le sous-marin ait tiré sur nous. Mais Monsieur PELE, lieutenant officier de quart, ainsi que Monsieur BLANC, maître d’équipage et X…. (nom illisible) matelot, prétendent avoir vu des points de chute à 1 mille de nous sur l’avant.
Je tiens à préciser que tout l’équipage a fait preuve en l’occurrence de la plus grande discipline et que toutes les mesures préventives de sauvetage ainsi que l’embarquement des rescapés se sont effectués avec calme et célérité.
Monsieur HEURTEL, officier de tir a conduit le tir avec sang froid et méthode et l’armement de la pièce a bien exécuté ses ordres. Il était composé de
- LE SABAZEC René Chef de pièce breveté
- SADI Robert Servant de culasse
- MARTIN Emile Chargeur
- ZOLESSI Pierre Servant de la hausse
Le sous-marin était peint en gris verdâtre. Il semblait appartenir à la série U 5.
Canon à longue volée sur l’avant du kiosque.
S’est immergé en deux minutes.
Voici sa silhouette
Rapport du capitaine au Long Cours Joseph BRONDI, commandant LA NIEVRE
Ce rapport est dans sa première partie quasiment identique à celui du capitaine de SAINT SERVAN.
LA NIEVRE s’est aussitôt dirigé vers l’ennemi. Le capitaine a donné l’ordre à sn chef de pièce de régler la hausse à7500 m à la pièce avant. Il a ouvert le feu à 12h50. 1er coup court. Porté la hausse à 8000 m, puis progressé par bond de 300 à 400 m.
Après notre 3e coup, SAINT SERVAN et PAULOWNIA ouvrent le feu. Le sous-marin est tantôt sur l’avant, tantôt sur l’arrière de l’Espagnol. Il offre un but superbe.
Le sous-marin avait cessé son feu sur l’Espagnol, ais je ne saurais affirmer qu’il a riposté au notre. Mais certains hommes de mon équipage ont vu des points de chute d’obus à 600 m sur l’avant du PAULOWNIA, sans doute tirés par lui. Puis le sous-marin a plongé, ne montrant plus que son roof qui semblait très haut ce qui fait supposer qu’il avait une voile rectangulaire pour se donner l’apparence d’un voilier. Quelque temps après, il émergea complètement sur l’avant du vapeur, se montrant dans diverses positions.
Notre tir devenant de plus en plus précis motiva la disparition du sous-marin et on cessa le feu à 13h10. Nous avions tiré 18 coups en 20 minutes. La pièce arrière n’étant pas dans le champ de tir n’a pas été employée.
SAINT SERVAN étant le plus proche du vapeur a récupéré les naufragés. Nous sommes passés près de ce vapeur et avons distingué les lettres NEOLI BARCELONA. Il portait le signal du code international « Mes machines sont stoppées ». Sur la coque, à tribord, il y avait une dizaine de trous d’obus très apparents, de l’avant à l’arrière, au dessus de la flottaison.
Dans la soirée, le mauvais temps nous a obligés à prendre la cape toute la nuit. Reste du voyage sans incident.
J’ai le plaisir de constater que pendant le combat il n’y a eu aucune panique. Les officiers pont et machine et le personnel en entier ont exécuté les ordres donnés avec dévouement et sang froid.
Il est de mon devoir de vous faire remarquer le nommé CADRO Alphonse, canonnier breveté chargé de la pièce avant qui, aidé par ses servants, a été remarquable par le calme avec lequel il manœuvrait sa pièce et par la justesse de son tir.
Rapport du capitaine MORELLI Simon, du vapeur NOTRE DAME DES VICTOIRES
Quitté Oran le 1er Octobre 1918 avec un complet chargement de divers à destination de Marseille. Pris la tête du convoi comme guide de navigation dès la sortie du chenal.
A 12h30 j’étais dans ma cabine quand le 2e capitaine de quart m’avise que l’on voit sur l’avant bâbord un vapeur et des gerbes d’obus tombant près de ce vapeur. Je monte sur la passerelle et distingue bien un sous-marin à droite de ce vapeur espagnol qu’il canonnait. Ils étaient à environ 6 milles.
Mis aussitôt au poste de combat, ce qui s’effectue avec ordre, rapidement et à mon entière satisfaction. Mis le cap sur le sous-marin comme tous les autres navires du convoi. Sous-marin assez grand correspondant aux silhouettes des U 41 – U 50.
Ouvert le feu à 12h50 avec mon unique pièce de 90 mm située à l’arrière. Tiré 2 coups, le 1er long et le 2e à droite. Le sous-marin se trouvant derrière le navire espagnol, venu sur bâbord et mis a nouveau le cap dessus afin de ne pas trop m’éloigner du convoi. Tiré un 3e coup légèrement à droite et un 4e très bon en direction et très près de son avant. Cela l’a obligé à plonger rapidement et notre 5e coup est resté dans la pièce. J’ai fait tirer à dégorgement. Avant de commencer le feu, j’ai vu un obus tomber à 1000 m de l’arrière du SAINT SERVAN, dégageant à l’éclatement une fumée noire et blanche.
Continué ensuite à la route normale.
Presque aussitôt, assailli par un coup de vent de NE. Horizon sombre, mer grossissant, violent tangage. Vers 15h30 GODETIA ne peut plus tenir à cause du mauvais temps et vire de bord. PAULOWNIA le suit.
Atterri sur Portman vers 01h30 le 2. Avançant péniblement et ne pouvant doubler Palos, attendu le jour à l’abri de la terre. Dans la matinée, relâché dans l’anse Anchia du golfe de Mazarron.
Appareillé le 4 lors d’une embellie et arrivé à Marseille le 7, en suivant de près la côte.
Rapport du Maître de timonerie LE GUENNEC commandant GODETIA de la 10e escadrille de patrouille
Appareillé d’Oran le 1er Octobre à 06h00 escortant sur Palos les vapeurs français SAINT SERVAN, LA NIEVRE et NOTRE DAME DES VICTOIRES.
A 13h45 par 36°30 N et 00°30 W aperçu le vapeur espagnol FRANCOLI. A 14h00 ouvert le feu sur le sous-marin qui paraît conforme aux types U 24 – U 30. Cessé le feu à 14h17, le sous-marin ayant plongé.
SAINT SERVAN passe à toucher les embarcations et recueille les rescapés du FRANCOLI atteint par 17 coups de canon sur tribord, dont certains à la flottaison. Il est probable que ce vapeur ait coulé peu après l’attaque, vu l’état de la mer.
Avons tiré 12 coups de canon et PAULOWNIA 23.
A 14h45, repris la route vers Palos mais le vent fraîchit et la mer se creuse. A 17h30, la mer devenue très grosse nous oblige à abandonner le convoi à 35 milles de Palos après l’avoir averti. Fort grain de grêle et pluie. Eclairs continuels.
Arrivé à Oran le 2 Octobre à 06h00.
Complément du CF MORRIS, commandant la 10e escadrille de patrouille (Extraits)
Le sous-marin a été encadré par le feu des patrouilleurs et des bâtiments de commerce. Il ne paraît pas avoir été touché. Il a cherché à s’abriter derrière le FRANCOLI, puis a plongé quand le feu est devenu plus précis.
Je partage l’avis du commandant de PAULOWNIA qui estime que le FRANCOLI a dû couler suite au mauvais temps de NE qui s’est levé.
GODETIA et PAULOWNIA ont suivi le convoi qu’ils avaient mission d’escorter aussi longtemps que l’état de la mer l’a permis à ces deux bâtiments de 120 tonnes et 20 m de long. Ils ne l’ont quitté que conformément aux ordres que je leur ai donnés lorsqu’ils ont été dans l’impossibilité de faire route sans risquer des avaries sérieuses.
Les commandants de ces deux patrouilleurs ont assuré dans cette circonstance l’allant et l’entrain dont ils ont déjà maintes fois donné les preuves.
Rapport de la commission d’enquête
Elle reprend tous les éléments des divers rapports des capitaines en précisant que le convoi devait suivre la côte espagnole de Palos jusqu’à Port Vendres.
Elle ajoute que les tirs devenant de plus en plus précis le sous-marin ennemi a plongé et disparu. Il semble bien ne pas avoir été touché.
Les capitaines des 3 bâtiments français ont ignoré le sort du FRANCOLI. Les équipages de ces trois bâtiments de commerce ont fait preuve de décision et de sang froid et il y aurait lieu d’accorder à LA NIEVRE, SAINT SERVAN et NOTRE DAME DES VICTOIRES un témoignage officiel de satisfaction.
Signé : CV MANDINE Président des Commissions d’enquête à Marseille
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