Bonjour à tous,
Bonjour Jérôme,
Un début de réponse :
En août 1914, lorsque la Grande Guerre éclate, la Grande-Bretagne est assurément la plus grande puissance navale du monde. Sa marine de guerre, la Royal Navy, aligne en effet quelque 30 navires de ligne modernes, parmi lesquels 9 croiseurs de bataille, mais aussi 40 cuirassés pré-dreadnought, près de 100 croiseurs lourds, légers, cuirassés et protégés et 250 destroyers et torpilleurs.
De leur côté, les Allemands, lancés dans un processus d’armement naval considérable, prétendent damner le pion aux Britanniques, et disposent de 5 croiseurs de bataille, 10 cuirassés pre-dreadnought, 34 croiseurs de tous types et 90 torpilleurs.
Une révolution technique et doctrinale.
Les forces navales de ces deux pays, tout comme celles de la France, des Etats-Unis, de l’Italie, de la Russie, de l’Autriche-Hongrie et du Japon, ont été confrontées, quelques années seulement avant le conflit, à une révolution technique majeure.
A l’initiative du premier lord de la mer, l’amiral Fisher, la Royal Navy s’est lancée dans le développement au milieu des années 1900-1910, d’un nouveau type de bâtiment de ligne, le
Dreadnought, caractérisé par un puissant armement monocalibre, des turbines à engrenages qui remplacent les vieilles machines à vapeur, mais aussi fortement blindé et capable d’une vitesse supérieure à 20 nœuds.
Le Dreadnought, lorsqu’il fait son apparition en 1906, avec ses 10 pièces de 305 qui expédient d’imposants obus à quelque 8 000 mètres, suscite un sentiment de stupeur parmi les grandes marines du monde et s’apprête à bouleverser la guerre sur mer. Les grandes puissances navales, ayant compris la nécessité d’imiter la Grande-Bretagne, se lancent à leur tour dans le développement de bâtiments du même type. Les Etats-Unis et l’Allemagne accomplissent des progrès de première grandeur, avant les hostilités, dans le domaine des cuirassés.
En définitive, le Dreadnought, c’est quoi ? Si vous me permettez ce raccourci un peu osé, on prend un cuirassé, lourd, blindé, fortement armé et relativement lent, et un croiseur, plus léger, peu blindé, moyennement armé mais plus rapide, on mélange le tout, on y adjoint ce qui se fait de mieux dans le domaine de la propulsion (les turbines), de manière à gagner en vitesse et en souplesse, on le dote d’un blindage conséquent, on uniformise le calibre de pièces d’une grande puissance de feu, on obtient un navire redoutable, le Dreadnought.
Parallèlement, les Britanniques continuent d’innover, avec la construction d’une autre catégorie de navires entièrement inédite, le croiseur de bataille. Le premier d’entre eux, l’
Invincible, réalisé à l’initiative du même amiral Fisher, emporte un armement aussi puissant que celui des cuirassés, mais son blindage est moins important, ce qui constitue son talon d’Achille (mis en évidence lors de la bataille du Jutland), de façon à réduire son déplacement et à lui permettre de filer à des vitesses très élevées pour l’époque, de l’ordre de 28 nœuds.
Cette énorme puissance de feu, à quoi devait elle servir ? Si l’on suit la pensée de l’amiral américain Mahan, dont la doctrine influence profondément les marins de tous les pays, le rôle fondamental des forces navales est de conquérir la maîtrise de la mer par le biais d’un acte essentiel : la bataille décisive. Une fois acquise cette supériorité sur l’ennemi, les opérations telles que l’attaque des côtes, la lutte contre la navigation commerciale et des actions de débarquement pouvaient être lancées.
Or, on sait à présent qu’il n’en fût rien, la bataille navale décisive n’ayant jamais eu lieu. Certes, il y eût bien des rencontres (Coronel, les Falklands, au Dogger Bank, à Heligoland, le Jutland), mais ces affrontements n’ont rien eu de caractère décisif. En fait, tout au long du conflit, les grandes flottes de surface restent au mouillage dans leurs rades, Rosyth et Scapa Flow pour la Royal Navy, dans la baie allemande pour la Hochseeflotte, dans les ports de l’Adriatique pour la marine austro-hongroise.
Quant à la tentative de débarquement, après avoir tenté de forcer le détroit des Dardanelles, la longue campagne au sol s’achèvera par le désastre de Gallipoli et la perte de 3 cuirassés.
La mutation des systèmes maritimes, antérieure à la Grande Guerre, ne concerne pas que les navires de ligne. Elle touche à l’apparition, dans les années 1870, de petits bâtiments véloces et manoeuvrables, armés de torpilles, susceptibles, selon leurs initiateurs, de porter des coups mortels aux lents et lourds cuirassés.
Elle s’accompagne aussi de l’avènement du sous-marin, dont 400 exemplaires de 200 à 500 t sont déjà en service à la veille du conflit, mais dont le rôle n’est pas encore bien défini et est encore essentiellement orienté vers la défense des côtes. On sait ce qu’il en adviendra par la suite, avec les succès remportés par les sous-marins allemands et austro-hongrois, ils prélèveront ainsi un lourd tribut sur les gros bâtiments alliés, sans compter l’hécatombe des navires marchands.
Les cuirassés.
En 1914, sept ans après l’avènement du Dreadnought et la révolution technologique qui s’en est suivie, les effectifs des cuirassés des belligérants comptent des bâtiments dits « pré-dreadnought », c'est-à-dire construits avant le navire conçu par l’amiral Fisher, et des « dreadnought » qui répondent aux nouveaux critères. Les premiers sont caractérisés par un armement qui comprend un nombre de calibres important, un blindage efficace, faisant appel à des aciers spéciaux au nickel, au chrome et au chromo-nickel, une vitesse de l’ordre de 18 nœuds et des machines à vapeur dépassées.
Les seconds disposent de turbines, d’un armement monocalibre très efficace, d’un armement secondaire assez léger leur permettant de contrer les assauts des torpilleurs, et d’une vitesse plus élevée.
Les croiseurs de bataille.
Fruit d’une réflexion de l’amiral britannique Fisher, promoteur du Dreadnought et de la révolution maritime des années 1900-1910, le croiseur de bataille, dont le premier représentant est l’I
nvincible, constitue une sorte de compromis entre trois paramètres, la puissance de feu, le blindage et la vitesse.
Les bâtiments de ce type, adoptés aussi bien par la Royal Navy que par la marine allemande, disposent en effet d’un armement aussi puissant que celui d’un cuirassé de type Dreadnought, mais la résistance et l’épaisseur de leur blindage ont été sacrifiés à la vitesse. Ces navires filent entre 27 et 28 nœuds, impressionnant pour l’époque. Leur cuirasse n’en présente pas moins des failles, comme le révèlent la bataille du Jutland ou
l’Indefatigable, le
Queen Mary et l’
Invincible disparaissent dans l’explosion de leur soute à munitions, insuffisamment protégée.
Les croiseurs protégés.
Prédécesseurs des croiseurs cuirassés, les croiseurs protégés apparaissent dans les marines de guerre de toutes les grandes puissances et des puissances moyennes au cours des années 1880-1890. Il s’agit de bâtiment à la fois légers, rapides et assez peu armés dont les déplacements se situent dans une fourchette importante : de 2 300 t par exemple pour le Zenta austro-hongrois, à 11 000 t pour le Diadem Britannique. Leur armement principal est d’un calibre moyen, avec 152 mm chez les Britanniques, 150 chez les Allemands et entre 164 et 138 chez les Français, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Ces navires disposent également d’une artillerie légère de faible puissance et de tubes lance-torpilles.
Les croiseurs cuirassés.
D’un moindre déplacement que les cuirassés pré-dreadnought dont ils sont contemporains, les croiseurs cuirassés découlent de l’idée selon laquelle le croiseur léger, rapide mais peu protégé, est bien trop vulnérable aux feux de l’artillerie ou aux tirs des torpilles. Aussi, les marines d’Europe, d’Amérique et d’Asie se dotent-elles de nouveaux bâtiments dont le blindage et l’armement ont été notablement renforcés. Ces croiseurs cuirassés apparaissent lors des premières années du 20ème siècle et atteignent des déplacements assez importants allant jusqu’à 13 000 ou 15 000 t.
Les croiseurs lourds et légers.
A côté de leurs croiseurs protégés, dépassés en août 1914, et de leurs croiseurs cuirassés, qui arrivent au bout de leur efficacité militaire, les marines de guerre alignent au début des hostilités, des croiseurs lourds et légers, qui répondent à des conceptions bien plus avancées.
Les seconds se déclinent en de nombreuses sous-catégories, comme les croiseurs de station allemands. Déployés outre-mer, notamment dans le Pacifique, prêts à faire une guerre de course dans l’Océan Indien, ces navires disposent d’un armement pour le moins faible, de l’ordre de 105 mm pour l’artillerie principale, et d’un blindage peu épais.
Les torpilleurs et les destroyers.
Pendant la seconde moitié des années 1870 apparaisent les premiers torpilleurs, navires légers et maniables, dotés d’une arme de conception nouvelle en tout point redoutable, la torpille. Ces bâtiments sont censés constituer un danger mortel pour les lourds cuirassés de l’époque, lents et peu maniables. Mais la menace ne se vérifiera en fait jamais, et des moyens de lutte tels que les canons légers, les filets protecteurs et les prjecteurs, en cas d’attaque de nuit, permettront d’assurer la protection des gros bâtiments contre les attaques des torpilleurs.
Pour conter, les ingénieurs dessinent, avant même la Première Guerre mondiale, un nouveau type de bâtiment, le contre-torpilleur, ou Torpedo Destroyer, ou encore destroyer. Ces navires disposent d’un armement constitué de canons à tir rapide, parfaitement aptes à venir à bout des torpilleurs.
Les avisos :
Pour faire court, navires de tonnage variable (de l’ordre du contre-torpilleur), légèrement armés et adaptés principalement aux missions dans les pays chauds, les colonies, par exemple, mais servent également dans les eaux européennes au gré des nécessités.
Les escorteurs.
On ne peut réellement parler d’escorteurs à l’époque qui nous concerne, tel que nous le concevons aujourd’hui, mais plutôt de navires escorteurs, qui peuvent être des torpilleurs, des contre-torpilleurs ou des navires civils armés adaptés à la protection et à l’escorte de navires plus importants en taille (cuirassés), plus lents, voire peu ou pas armés, de convois de bateaux marchands. Ils tiennent également un rôle dissuasif contre les attaques sous-marines.
Les navires auxiliaires.
On peut les définir comme étant des navires initialement non conçus pour aller au combat et affecté à des tâches…auxiliaires (activités portuaires, hydrographique, etc…), ceci pour les bateaux de la Marine Nationale.
Dans la période qui nous intéresse, il s’agit pour la très grande majorité de navires marchands (civils) réquisitionnées pour les besoins des circonstances du moment et armés en conséquence de leur éventuel intérêt dans un domaine précis en fonction de leur particularité (croiseurs auxiliaires, transport de troupes, de matériel, patrouille, dragage, mouilleur de mines, etc…). S’agissant de navires de commerce civils entrés en flotte de la Marine Nationale par le biais de la réquisition, ils sont qualifiés d’auxiliaires.
Sources :
Atlas des navires de la Première Guerre mondiale, collectif, Editions Glénat
Deux neurones miraculeusement préservées
En espérant avoir apporté quelques réponses,
Cordialement,
Franck