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Les circonstances du torpillage du paquebot mixte Médie,
survenu le 23 septembre 1917
[Suite]
survenu le 23 septembre 1917
[Suite]
III. ― Dragueur d’escadre Verdon ― alors commandé par le capitaine de corvette Joseph Marie Henri Camille d’AUBARÈDE ―, Registre historique de la correspondance intéressant le personnel et le maté-riel du bâtiment : Service historique de la Défense, Cote SS Y 622, p. num. 356 à 359.
Division des Patrouilles de la Méditerranée occidentale
Éclaireur Verdon
Bône, le 28 septembre 1917.
Le Capitaine de corvette D’Aubarède, Commandant le Verdon,
à Monsieur le Capitaine de vaisseau,
Chef de la Division des patrouilles de la Méditerranée occidentale à bord de l’Éros.
Croisière du 22 au 27 septembre 1917.
à Monsieur le Capitaine de vaisseau,
Chef de la Division des patrouilles de la Méditerranée occidentale à bord de l’Éros.
Croisière du 22 au 27 septembre 1917.
22 sept. ― Appareillé à 15 h. 30 en escortant le vapeur Elsie, 9,5 à 10 nœuds. Devant nous, le Saint-Barnabé se dirigeant vers la côte Ouest d’Algérie et que nous avons surveillé jusqu’à la nuit.
A 15 milles environ en arrière, le convoi Médie ∽ Biskra ∽ Empire, escorté par Hallebarde et Bouffonne.
23 sept. ― L’Elsie a suivi exactement la route recommandée en se tenant la nuit à 5 milles sur la droite et ralliant la route au petit jour.
Le convoi Hallebarde ∽ Bouffonne donnant 12,5 noeuds aurait dû, d’après les prévisions de la Direction des routes à Bône, se trouver au jour en avant de nous, et le Corse qui était dans la région Nord de la croisière Sud devait se porter à son secours en cas d’attaque.
En fait, l’Elsie a marché toute la nuit à 10,5 nœuds ou 11 nœuds et, au jour, nous avons aperçu dans le Sud, à 10 milles environ, le convoi Hallebarde qui nous gagnait peu à peu. Temps clair, presque calme.
L’Elsie faisait de légers changements de route irréguliers. Le Verdon suivait en passant successivement d’un bord à l’autre de l’Elsie et s’en écartant jusqu’à 1.200 mètres de son travers.
A 8 h. 45, par 39° 10’, croisé un convoi de trois vapeurs escortés par Carabinier et Aspirant-Herbert, le Corse en tête de ce convoi.
A 9 heures, entendu une explosion sourde, suivie presque immédiatement d’une deuxième.
Le bâtiment de tête du convoi Hallebarde (nous avons su que c’était la Médie par le S.O.S. envoyé aussitôt par Hallebarde et répété par Corse et Spérone) est venu sur la gauche, l’arrière enveloppé d’une masse de fumée jaune, puis l’arrière s’est enfoncé peu à peu. Six minutes après, le bateau coulait en se mâtant debout.
Hissé dès l’explosion le signal : « Guidon B. – Boule. » et signalé à l’Elsie de continuer sa route ; sa position mettait ce bâtiment hors de cause.
Mis le cap sur le lieu du naufrage à 16 nœuds. Arrivé à 9 h. 25.
Entre temps, le convoi Carabinier ∽ Herbert avait mis le cap à l’Est avec ses deux torpilleurs.
Le convoi Hallebarde (Biskra ∽ Empire) et un bâtiment type Manouba venaient cap vers l’Ouest en tirant des coups de canon.
La Hallebarde et Bouffonne restaient sur les lieux, la Hallebarde tirant également.
A notre arrivée, à 9 h. 25, Hallebarde, Bouffonne et Corse avaient déjà recueilli le plus grand nombre des naufragés.
Une embarcation de la Médie, la seule flottant (les autres ayant chaviré ou disparu) montée par le Capitaine de la Médie, le second de la Médie et des marins de la Hallebarde, nous a amené quelques naufragés, dont cinq blessés.
Les embarcations du bord en recueillaient quelques autres (total 35) tandis que la Hallebarde et la Bouffonne louvoyaient autour de nous pour écarter toute attaque éventuelle.
A 10 h. 35, Hallebarde et Bouffonne partaient dans le Nord, emportant les naufragés qu’ils avaient à leur bord.
Tous les survivants avaient été recueillis. Nous avons transbordé les nôtres sur le Corse, afin de tenir la croisière les jours suivants. Au cours du sauvetage, constaté le décès de deux arabes (Matricules n°s 970 et 950, 7e Groupe d’artillerie) et d’un européen (Achard Félix, brigadier mobilisé, pâtissier à Bizerte), sur lequel nous avons tenté vainement des tractions rythmées et respiratoires artificielles. Remis plaques et pièces d’identité au Corse.
A 11 heures, le Corse se disposait à aller dans le Sud et le Verdon dans le Nord pour dérouter éventuellement tous bâtiments, quand un officier et un canonnier de la pièce avant tous deux ont cru apercevoir un périscope avec sillage par notre travers tribord, à 600 mètres environ. Mis le cap dessus en donnant toute notre vitesse et ouvrant le feu.
Fausse alerte, probablement causée par un morceau de bois, un manche d’aviron probable-ment, qui a disparu dans la gerbe d’un de nos projectiles. Signalé au Corse que nous croyions à une fausse alerte et remis cap au Nord. Point observé à midi 30 : 39° 22’ ∽ 5° 39’. Il résulte de nos points observés au crépuscule et à midi vrai que le lieu du torpillage doit être porté à huit milles environ plus Nord que le « Allo ».
A midi 15, deux vapeurs dans le N.-E., à 10 milles environ, faisant route vers le Sud. Mis le cap au S. 70 E. pour les rejoindre (Corte et Tafna), puis reconnu ensuite le Duc-de-Bragance. Dérouté le Tafna et Duc-de-Bragance dans le S. 50 E., tandis que le Corte-II nous gagne de vitesse dans le S.-E.
Resté avec Duc-de-Bragance et Tafna jusqu’à la nuit faite.
A 20 h. 45, quitté le Tafna et le Duc-de-Bragance pour rejoindre au jour la route n° 4 en vigueur depuis zéro heure, le 24.
24 sept. ― A 8 h. 00, aperçu une mâture dans le S.-W. (point à 8 h. 00 : 38° 29’ ∽ 6° 16’).
A 9 h. 00, rejoint et escorté le Nivernais qui, venant d’Alger, n’avait pas d’instructions nouvelles.
Donné les ordres nouveaux à ce bâtiment pour rallier la route 4. Escorté toute la journée jusqu’à 13 heures. A ce moment, apercevant une mâture dans l’Ouest, venu la reconnaître (vapeur anglais escorté par un chalutier) ; revenu vers le Nivernais.
A 15 h. 00, remis le Nivernais à l’Algol ; pris en escorte le Mascara et la Dives (vers le Sud) qui se sont trouvés sur la route à 17 heures. Suivi cette route jusqu’au parallèle 38.
25 sept. ― A 7 h. 30, pris en escorte vers le Nord le Ville-de-Tunis par 38° 17’ ∽ 6° 22’. Croisé la Somme qui patrouille la route.
A 13 h. 15, passé Ville-de-Tunis à la Bellatrix (par 39° 35’ ∽ 6° 55’). Pris en escorte le Saint-Rémy. A 18 h. 45, la Marsa nous rattrape. Perdu de vue le Saint-Rémy à 22 h. 00.
A 22 h. 00, revenu vers le Nord, le Corte devant se trouver au jour dans le Sud.
26 sept. ― A 9 h. 40, par 39° 56’ ∽ 7° 02’, l’Antarès nous passe la Flandre allant vers le Sud.
Escorté ce bâtiment jusqu’à Bône, où nous sommes entrés le 27 à sept heures avec lui.
27 sept. ― L’Altaïr avait appareillé d’Alger le 26, de manière à nous remplacer sur la croisière le 27 au jour.
A 15 milles environ en arrière, le convoi Médie ∽ Biskra ∽ Empire, escorté par Hallebarde et Bouffonne.
23 sept. ― L’Elsie a suivi exactement la route recommandée en se tenant la nuit à 5 milles sur la droite et ralliant la route au petit jour.
Le convoi Hallebarde ∽ Bouffonne donnant 12,5 noeuds aurait dû, d’après les prévisions de la Direction des routes à Bône, se trouver au jour en avant de nous, et le Corse qui était dans la région Nord de la croisière Sud devait se porter à son secours en cas d’attaque.
En fait, l’Elsie a marché toute la nuit à 10,5 nœuds ou 11 nœuds et, au jour, nous avons aperçu dans le Sud, à 10 milles environ, le convoi Hallebarde qui nous gagnait peu à peu. Temps clair, presque calme.
L’Elsie faisait de légers changements de route irréguliers. Le Verdon suivait en passant successivement d’un bord à l’autre de l’Elsie et s’en écartant jusqu’à 1.200 mètres de son travers.
A 8 h. 45, par 39° 10’, croisé un convoi de trois vapeurs escortés par Carabinier et Aspirant-Herbert, le Corse en tête de ce convoi.
A 9 heures, entendu une explosion sourde, suivie presque immédiatement d’une deuxième.
Le bâtiment de tête du convoi Hallebarde (nous avons su que c’était la Médie par le S.O.S. envoyé aussitôt par Hallebarde et répété par Corse et Spérone) est venu sur la gauche, l’arrière enveloppé d’une masse de fumée jaune, puis l’arrière s’est enfoncé peu à peu. Six minutes après, le bateau coulait en se mâtant debout.
Hissé dès l’explosion le signal : « Guidon B. – Boule. » et signalé à l’Elsie de continuer sa route ; sa position mettait ce bâtiment hors de cause.
Mis le cap sur le lieu du naufrage à 16 nœuds. Arrivé à 9 h. 25.
Entre temps, le convoi Carabinier ∽ Herbert avait mis le cap à l’Est avec ses deux torpilleurs.
Le convoi Hallebarde (Biskra ∽ Empire) et un bâtiment type Manouba venaient cap vers l’Ouest en tirant des coups de canon.
La Hallebarde et Bouffonne restaient sur les lieux, la Hallebarde tirant également.
A notre arrivée, à 9 h. 25, Hallebarde, Bouffonne et Corse avaient déjà recueilli le plus grand nombre des naufragés.
Une embarcation de la Médie, la seule flottant (les autres ayant chaviré ou disparu) montée par le Capitaine de la Médie, le second de la Médie et des marins de la Hallebarde, nous a amené quelques naufragés, dont cinq blessés.
Les embarcations du bord en recueillaient quelques autres (total 35) tandis que la Hallebarde et la Bouffonne louvoyaient autour de nous pour écarter toute attaque éventuelle.
A 10 h. 35, Hallebarde et Bouffonne partaient dans le Nord, emportant les naufragés qu’ils avaient à leur bord.
Tous les survivants avaient été recueillis. Nous avons transbordé les nôtres sur le Corse, afin de tenir la croisière les jours suivants. Au cours du sauvetage, constaté le décès de deux arabes (Matricules n°s 970 et 950, 7e Groupe d’artillerie) et d’un européen (Achard Félix, brigadier mobilisé, pâtissier à Bizerte), sur lequel nous avons tenté vainement des tractions rythmées et respiratoires artificielles. Remis plaques et pièces d’identité au Corse.
A 11 heures, le Corse se disposait à aller dans le Sud et le Verdon dans le Nord pour dérouter éventuellement tous bâtiments, quand un officier et un canonnier de la pièce avant tous deux ont cru apercevoir un périscope avec sillage par notre travers tribord, à 600 mètres environ. Mis le cap dessus en donnant toute notre vitesse et ouvrant le feu.
Fausse alerte, probablement causée par un morceau de bois, un manche d’aviron probable-ment, qui a disparu dans la gerbe d’un de nos projectiles. Signalé au Corse que nous croyions à une fausse alerte et remis cap au Nord. Point observé à midi 30 : 39° 22’ ∽ 5° 39’. Il résulte de nos points observés au crépuscule et à midi vrai que le lieu du torpillage doit être porté à huit milles environ plus Nord que le « Allo ».
A midi 15, deux vapeurs dans le N.-E., à 10 milles environ, faisant route vers le Sud. Mis le cap au S. 70 E. pour les rejoindre (Corte et Tafna), puis reconnu ensuite le Duc-de-Bragance. Dérouté le Tafna et Duc-de-Bragance dans le S. 50 E., tandis que le Corte-II nous gagne de vitesse dans le S.-E.
Resté avec Duc-de-Bragance et Tafna jusqu’à la nuit faite.
A 20 h. 45, quitté le Tafna et le Duc-de-Bragance pour rejoindre au jour la route n° 4 en vigueur depuis zéro heure, le 24.
24 sept. ― A 8 h. 00, aperçu une mâture dans le S.-W. (point à 8 h. 00 : 38° 29’ ∽ 6° 16’).
A 9 h. 00, rejoint et escorté le Nivernais qui, venant d’Alger, n’avait pas d’instructions nouvelles.
Donné les ordres nouveaux à ce bâtiment pour rallier la route 4. Escorté toute la journée jusqu’à 13 heures. A ce moment, apercevant une mâture dans l’Ouest, venu la reconnaître (vapeur anglais escorté par un chalutier) ; revenu vers le Nivernais.
A 15 h. 00, remis le Nivernais à l’Algol ; pris en escorte le Mascara et la Dives (vers le Sud) qui se sont trouvés sur la route à 17 heures. Suivi cette route jusqu’au parallèle 38.
25 sept. ― A 7 h. 30, pris en escorte vers le Nord le Ville-de-Tunis par 38° 17’ ∽ 6° 22’. Croisé la Somme qui patrouille la route.
A 13 h. 15, passé Ville-de-Tunis à la Bellatrix (par 39° 35’ ∽ 6° 55’). Pris en escorte le Saint-Rémy. A 18 h. 45, la Marsa nous rattrape. Perdu de vue le Saint-Rémy à 22 h. 00.
A 22 h. 00, revenu vers le Nord, le Corte devant se trouver au jour dans le Sud.
26 sept. ― A 9 h. 40, par 39° 56’ ∽ 7° 02’, l’Antarès nous passe la Flandre allant vers le Sud.
Escorté ce bâtiment jusqu’à Bône, où nous sommes entrés le 27 à sept heures avec lui.
27 sept. ― L’Altaïr avait appareillé d’Alger le 26, de manière à nous remplacer sur la croisière le 27 au jour.
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Les circonstances du torpillage de la Médie nous ont de prime abord porté à croire que l’ennemi, avisé du passage de convois de troupes venant de Bizerte, avisé le leur route ou l’ayant repérée, était à l’affût et avait considéré comme négligeable l’[bElsie[/b] et le Verdon, apercevant au large une victime plus importante.
En effet, la Médie a été torpillée par tribord. L’Elsie était à un mille ½ environ dans l’Est de la route et 8 ou 10 milles en avant de la M]édie. Elle aurait, ou bien le Verdon dans une de ses embardées, passé sur le sous-marin tenant la plongée et masquant son périscope. Ce dernier aurait exercé son choix entre le convoi Carabinier ∽ Herbert ∽ Corse et le convoi Hallebarde ∽ Bouffonne, et donné la préférence à ce dernier, d’après des renseignements d’espionnage.
Le sous-marin aurait, pour se dissimuler dans une mer presque calme, au milieu de trois groupes différents d’escorteurs, manœuvré son périscope avec une incontestable dextérité.
Une autre hypothèse se présente : le sous-marin aurait attendu les convois entre la route n° 1 et la route n° 2, apercevant dans l’Ouest les fumées des trois escortes, et aurait couru à elles en demi-plongée, en se tenant dans le soleil ; serait arrivé trop tard pour Elsie ∽ Verdon ; et se serait attaqué à la Médie, escomptant en plus le convoi Carabinier. Les déroutements auraient réduit à une seule le nombre de ses victimes.
Je tiens à signaler, comme j’avais eu déjà l’occasion de le faire le 27 juillet lors d’une attaque du Verdon par un sous-marin, le calme, le sang-froid et l’entrain de l’équipage et de l’état-major en cette circonstance pénible.
Dans la marche à toute vitesse, des rivets de l’avant, et notamment dans le compartiment des écouteurs, ont encore donné des suintements.
Comme je l’ai noté antérieurement, il y a lieu de soigner tout particulièrement à l’avenir la rigidité des compartiments où l’installation des écouteurs conduit à supprimer trois couples et parfois davantage sur des coques déjà légères comme celle du Verdon ou du Corse.
Signé : D’Aubarède.
En effet, la Médie a été torpillée par tribord. L’Elsie était à un mille ½ environ dans l’Est de la route et 8 ou 10 milles en avant de la M]édie. Elle aurait, ou bien le Verdon dans une de ses embardées, passé sur le sous-marin tenant la plongée et masquant son périscope. Ce dernier aurait exercé son choix entre le convoi Carabinier ∽ Herbert ∽ Corse et le convoi Hallebarde ∽ Bouffonne, et donné la préférence à ce dernier, d’après des renseignements d’espionnage.
Le sous-marin aurait, pour se dissimuler dans une mer presque calme, au milieu de trois groupes différents d’escorteurs, manœuvré son périscope avec une incontestable dextérité.
Une autre hypothèse se présente : le sous-marin aurait attendu les convois entre la route n° 1 et la route n° 2, apercevant dans l’Ouest les fumées des trois escortes, et aurait couru à elles en demi-plongée, en se tenant dans le soleil ; serait arrivé trop tard pour Elsie ∽ Verdon ; et se serait attaqué à la Médie, escomptant en plus le convoi Carabinier. Les déroutements auraient réduit à une seule le nombre de ses victimes.
Je tiens à signaler, comme j’avais eu déjà l’occasion de le faire le 27 juillet lors d’une attaque du Verdon par un sous-marin, le calme, le sang-froid et l’entrain de l’équipage et de l’état-major en cette circonstance pénible.
Dans la marche à toute vitesse, des rivets de l’avant, et notamment dans le compartiment des écouteurs, ont encore donné des suintements.
Comme je l’ai noté antérieurement, il y a lieu de soigner tout particulièrement à l’avenir la rigidité des compartiments où l’installation des écouteurs conduit à supprimer trois couples et parfois davantage sur des coques déjà légères comme celle du Verdon ou du Corse.
Signé : D’Aubarède.