Bonjour à tous,
LOIRE
Vapeur français de 1498 tx
Compagnie France Baltique
Affrété par les gouvernements français et russe
Capitaine HAMONET Jean Saint Brieuc n° 98
Second capitaine LAYEC Georges
Chef mécanicien EVANS William (Anglais)
Maître d’équipage BERTIC Joseph
Un canon de 65 mm armé par :
- HUET Jean QM fusilier Saint Malo 6027
- FILLY Olivier Canonnier breveté 24526-3
Liste d’équipage (12 Anglais et 17 Français)
Note du Contre Amiral Mercier de Lostende, Attaché naval à Londres, au Ministre 11 Octobre 1917
Le vapeur français LOIRE qui, le 10 Juin 1917 a soutenu un combat contre un sous-marin en se rendant à Arkhangelsk a fait naufrage dans les mers arctiques lors de son voyage de retour. L’équipage a été sauvé et rapatrié. Il se trouvait à Londres ces jours-ci, rentrant en France, et bien que la procédure ne fût pas très régulière j’ai cru avantageux de profiter de sa présence dans cette ville pour faire procéder à l’enquête réglementaire par le CF de Douville-Maillefeu avant la dispersion de cet équipage qui se produira certainement dès son arrivée dans un port français.
Je vous transmets le dossier de cette affaire accompagné par les propositions de récompenses formulées par le commandant de Douville-Maillefeu que j’approuve entièrement. Il est incontestable que la vaillante attitude du capitaine et de l’équipage de LOIRE en cette circonstance a sauvé le navire et il est probable que le sous-marin ennemi n’est pas sorti indemne de cette rencontre. Peut-être même a-t-il du abandonner sa croisière et regagner sa base.
Rapport du capitaine HAMONET établi le 10 Juin 1917
Traversée Liverpool – Arkhangelsk
Position de la rencontre avec un sous-marin : 50 milles au WSW de la pointe Sud des Shetlands.
Le 9 Juin 1917 au soir, j’avais recueilli en mer l’équipage du voilier norvégien DEVERON, torpillé, soit 12 hommes dont le capitaine gravement blessé et un matelot plus légèrement. J’ai décidé de faire route sur Lerwick pour y déposer ces hommes avant de continuer mon voyage vers la Russie.
Le 10 Juin à 03h40, l’officier de quart m’informait par le porte-voix de la chambre de veille qu’un éclair venait de jaillir à l’horizon dans le sillage du navire. D’un saut je fus sur la passerelle et l’éclatement à la mer d’un projectile se produisit à environ 500 m sur l’arrière du bâtiment.
Braqué mes jumelles et aperçu aussitôt un point noir dénotant la présence d’un sous-marin.
Commandé aussitôt le feu à 4000 m et deux coups rapides mais un peu courts éclatèrent en bonne direction vers l’agresseur. Allongé le tir de 1000 m et le troisième éclatement dépassa le but. Le sous-marin évolua sur tribord et me présenta son arrière. Quelques minutes après le sous-marin revint sur bâbord et présenta le flanc, puis m’envoya deux projectiles qui m’encadrèrent assez bien. Je commandai d’activer le feu. D’autres coups du sous-marin suivirent, trop courts ou trop longs. Je stimulai l’ardeur des canonniers qui gardaient un beau sang froid sous le feu très actif de l’ennemi. L’équipage norvégien aidait à passer les obus à l’équipage français et anglais et notre 65 mm tirait à volonté.
Tout à coup, un projectile ennemi toucha l’arrière du navire juste au dessus du gouvernail et déchira une tôle en deux endroits au dessus de la flottaison. Au même instant, un nuage jaunâtre enveloppa canonniers et servants. Chacun se reprit et au mépris des obus qui sifflaient et éclataient à la mer, tout le monde fait son devoir.
Le sous-marin gagne rapidement de vitesse tout en gardant la même distance. A 04h20, il se trouve par mon travers tribord. Il veut me tourner et m’obliger à faire route inverse. Mais je maintiens ma route à l’Est et accepte le danger de lui prêter le flanc. Il prend le même risque et le feu de part et d’autre s’active.
A 04h25 je ressens une forte commotion sur la passerelle et suis enveloppé avec l’officier de quart et le timonier d’un nuage de fumée épais et infect. Un projectile vient d’atteindre la passerelle à tribord, d’où j’observe le tir, brise vitres et montant en bois et va exploser sur le fronton du gaillard où il déchire la tôle et les tuyautages de lavage du pont et des guindeaux.
Lancé des appels pressants par TSF, mais rien ne paraît à l’horizon.
A 04h30, le sous-marin fait un tour complet sur lui-même. Mon impression est qu’il est touché car il cesse le feu. Ma provision d’obus s’épuisant, je cesse aussi le feu. Quelques minutes après le sous-marin reprend son cap, mais recule sur l’horizon. La large bande d’écume qu’il faisait a disparu. A 04h40, il est à 45° sur l’arrière et m’envoie deux projectiles bien trop courts qui amène la réflexion suivante de mon lieutenant : « L’haleine lui manque… Il est foutu ! »
Je lui réponds coup pour coup et l’un de mes obus tombe très près de lui. Il vient de 180° sur tribord et me présente son arrière. Je fais hisser les couleurs le plus haut possible avec le plus beau pavillon et appuie le geste de trois obus qui partent gaiement de notre 65 mm. Je suis maître de la situation.
Il est 05h00 et aucuns secours à l’horizon. C’est bien dommage car avec mes obus restants, j’aurais pu virer de bord et obtenir un réel succès. Je ne puis être affirmatif sur le point de savoir si le sous-marin a été touché, mais j’en ai la conviction. Je félicite chaudement officiers, canonniers et tout l’équipage pour leur sang froid et leur vaillance.
Mouillé sur rade de Lerwick à midi et prévenu l’Amirauté des évènements du matin.
Il me serait nécessaire de m’approvisionner en obus de 65 mm pour continuer mon voyage sur la Russie. J’ai tiré pendant le combat 116 obus et nous avons été touchés deux fois. Un des morceaux d’obus reçu à bord donne un calibre de 4,1 pouces (nota : 105 mm) Dès que les réparations seront terminées et que j’aurai reçu la provision d’artillerie, je continuerai mon voyage vers la Russie.
Description du sous-marin
Environ 100 m de long
Blockhaus central et étrave très allongée
2 périscopes
2 canons de 105 mm
A relevé ses mâts pour envoyer des signaux TSF
Naviguait sans feux
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
HAMONET Jean EV auxiliaire Capitaine Saint Brieuc 98
A fait preuve d’une énergie remarquable et de belles qualités de commandement en luttant contre un sous-marin dont il a réussi à se faire abandonner.
FILLY Olivier Canonnier breveté 24526-3
Pour son beau sang froid et les qualités de tireur dont il a fait preuve au cours d’un combat contre un sous-marin qu’il paraît avoir atteint.
Déjà cité à l’Ordre du Régiment le 25 Juin 1916
Citation à l’Ordre de la Brigade
LAYEC Georges 2e capitaine Capitaine au Cabotage Vannes 10030
BERTIC Joseph 2e lieutenant Maître d’équipage Auray 2577
Se sont distingués par leur énergie et leur courage au cours d’un combat de leur navire contre un sous-marin
Citation à l’Ordre du Régiment
LE VERN Jean Lieutenant Le Conquet 1213
EVANS William Chef mécanicien Liverpool 30245
HUET Jean QM fusilier Saint Malo 6027
Pour le sang froid et l’énergie dont ils ont fait preuve au cours d’un combat de leur navire contre un sous-marin
TOS du Ministre
Vapeur LOIRE
Pour la courageuse attitude de chacun lors de l’attaque de ce vapeur par un sous-marin le 10 Juin 1917
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié.
Toutefois, deux sous-marins se trouvaient dans les parages ce jour-là :
U 94 du Kptlt Alfred SAALWÄCHTER (qui venait de couler le Norvégien DEVERON)
U 61 du Kptlt Victor DIECKMANN
En étudiant les routes de ces deux sous-marins, je pencherais plutôt pour l’U 94 qui se dirigeait vers l’Ouest des îles britanniques après le torpillage du DEVERON. Ce torpillage avait eu lieu à 25 milles au NNE de North Rona. Il a sans doute suivi presque la même route que l’embarcation des naufragés norvégiens.
Le 10 Juin, U 61 se trouvait à 70 milles au Nord du cap Wrath, ce qui paraît un peu éloigné de la position du combat.
(C'était en fait U 61. Voir post Oliver ci-dessous)
Cdlt