Bonjour à tous,
Un petit complément sur le MOSSOUL
Télégrammes échangés entre Bizerte et Marine Paris à l’occasion du torpillage du MOSSOUL
23/11 11h10
Le 21 à 16h00 à 15 milles au N 57 E du cap Bon le MOSSOUL a été torpillé par tribord avant. Grosse mer. Sous-marin vu ensuite et canonné par MOSSOUL et MARGUERITE MARIE. Avant du MOSSOUL couvert par lames. Navire évacué.
Deux passagers civils et deux tirailleurs disparus.
63 hommes d’équipage et 105 passagers arrivés à Bizerte le 22.
Commandant resté sur torpilleur 333, obligé de rentrer à cause du gros temps. MOSSOUL dérive à 10 milles de Pantellaria. Chalutiers et remorqueurs envoyés.
23/11 17h55
Vapeur français abandonné en dérive avec voie d’eau s’est échoué le 22 sur plage WNW Pantellaria. Impossible monter à bord cause grosse mer.Cargaison pourrait être sauvée en envoyant moyens nécessaires.
24/11 05h50
MOSSOUL qui a envoyé SOS le 21par 37°08 N et 11°31 E n’a pas coulé. A dérivé et s’est échoué sur Pantellaria après évacuation passagers et équipage ramenés à Bizerte par chalutier d’escorte COURLIS.
Remorqueur SAINT JEAN et canonnière anglaise sont sur les lieux pour tenter le sauvetage.
24/11 13h20
Sous-marin canonné à 1000 m par MARGUERITE MARIE et MOSSOUL atteint plusieurs fois au kiosque. Grande explosion et grosse fumée persistante. Trois grenades lancées sur remous et bulles d’air.
24/11 19h50
MOSSOUL échoué sur fond rocheux à 2 milles SW pointe Dellacroa sur île de Pantellaria. Déchirure cale 1 et machine pleine d’eau.
NORMANDIE (Cdt de Penfentenyo) a laissé à bord un officier et six hommes pour garder épave et organiser sauvetage matériel avec moyens venus de Bizerte ou Trapani.
25/11 23h40
MOSSOUL a pris feu ce matin vers 03h00. Incendie depuis le mât avant jusqu’au mât arrière. Bâtiment repose par le milieu sur roche profonde de 5 m. Avant et arrière sont par fonds de 8 m. Coque sérieusement endommagée et renflouage très douteux.
26/11 01h20
MOSSOUL en feu. Sauvetage organisé impossible. Artillerie et TSF sauvées par NORMANDIE. Commandant et second MOSSOUL sont restés sur les lieux avec chalutier AFRIQUE II.
26/11 22h25
Déchargement MOSSOUL a du être interrompu suite mauvais temps et incendie qui a gagné la cale et la dunette. Déséchouage ne paraît pas possible.
27/11 12h20
Il résulte de l’enquête menée qu’il n’y a aucune raison sérieuse de croire que le sous-marin qui a torpillé MOSSOUL a été coulé par MOSSOUL ou chalutier convoyeur.
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7/11 16h45 (de Bizerte)
Commandant MARGUERITE MARIE (1er maître Pennec) affirme que le sous-marin a été atteint par un projectile de 75. Il a perçu l’explosion, suivie d’un épais nuage de fumée, d’un fort bouillonnement et d’une grosse tache d’huile. Toutefois, ces faits ne sont pas une preuve certaine de la destruction du sous-marin.
28/11 13h20 (de Marine Paris)
Confirme que sous-marin ayant torpillé MOSSOUL n’aurait pas été coulé.
11/12
Délégué italien m’a communiqué que pendant la dernière tempête l’épave du MOSSOUL a été entièrement détruite.
Extraits du rapport du capitaine
Quitté Malte le 20/11 à 14h00 escorté par MARGUERITE MARIE. Le 21 à 12h22, phare de Pantellaria en vue.
Forte brise de WNW. Mer grosse. Terre embrumée.
Hommes de veille :
Matelot QUILICI : barrique avant
Matelot VENTRE : barrique arrière
Chef de bordée CAMOIN : passerelle bâbord
Matelot DEVENNE : passerelle tribord (nota : sans doute Le Venez ?)
Canonnier CHAIX : pièce avant
Canonnier MONTACQ : pièce arrière
17h05
Le navire est torpillé par tribord avant à hauteur de la cale 1.
N’avons vu ni sous-marin, ni sillage de la torpille.
L’antenne TSF étant tombée, envoyé SOS avec antenne de secours.
Mis aux postes d’abandon.
17h10
Aperçu le sous-marin qui émerge. Donné l’ordre d’ouvrir le feu à l’officier de tir arrière, Mr. VENITIEN. Il est rejoint à la pièce par Mr. de la BERNARDIN.
Le sous-marin est peut-être touché par MARGUERITE MARIE.
17h15
Débordé la première embarcation.
17h45
Tout le monde est à bord du chalutier sans accident, les femmes ayant été embarquées en premier.
18h10
Le navire s’enfonçant par l’avant, je quitte le dernier en compagnie du 2e lieutenant, du chef mécanicien, des deux TSF, du chef de bordée et du capitaine d’armes après avoir fait une dernière ronde dans tous les locaux.
Appel fait, il manque trois passagers civils et deux militaires.
Je me fais transporter sur le torpilleur 333 avec le chef de bordée Camoin, le chauffeur Savas et le 1er TSF.
20h00
Je remonte sur le MOSSOUL qui flotte toujours et je trouve un passager arabe évanoui, qui s’était caché. Je le fais embarquer dans le doris du chalutier qui le prend à son bord.
Suit un long texte dans lequel le capitaine Plancheur s’étend longuement sur toutes les tentatives faites par lui seul pour remonter sur le MOSSOUL, passant d’un torpilleur à un autre au fur et à mesure que les navires, à cours de combustible ou à cause du mauvais temps, rentrent sur Bizerte.
On constate qu’il met même parfois en danger la vie de ses hommes, plusieurs youyous se brisant le long des coques.
Ce long plaidoyer à la première personne, tout en sa faveur, semble avoir une raison.
Il n’a jamais fait mettre en route les pompes d’assèchement après le torpillage. Il s’en explique en disant que tout le monde pensait que le navire allait être rapidement englouti par l ‘avant et que cela aurait mis en danger les mécaniciens chargés de faire fonctionner ces pompes.
La commission d’enquête va effectivement relever cet « oubli », mais elle n’en tiendra pas rigueur au capitaine. Elle estime qu’il s’est agi d’une mauvaise évaluation de la situation, mais vu la façon dont le capitaine s’est démené par la suite, il n’y a pas lieu d’incriminer sa conduite. Elle estime que les dispositions d’abandon ont été judicieuses, que le résultat a été inespéré dans cette mer démontée et elle propose comme récompense des félicitations pour le capitaine et tout l’équipage, pour l’ordre et le sang froid avec lesquels l’abandon et le sauvetage ont été conduits.
Elle ne proposera toutefois aucune citation pour quiconque et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’elle a été un peu indisposée par le trop long plaidoyer développé par le capitaine Plancheur.
L’amiral Guepratte, préfet maritime de Bizerte, écrira dans son rapport :
« Quelques passagers, rendus nerveux par les phases dramatiques de ce sinistre, ont émis de vives critiques à l’encontre du capitaine du MOSSOUL. Mais celui-ci ne les mérite pas. »
Rapport de l’AMBC
La veille était effective et exercée conformément aux ordres donnés aux commandants des bâtiments de commerce. Il y avait six hommes de veille au moment du torpillage, mais le mauvais temps et la grosse mer ont empêché de voir périscope ou sillage de la torpille.
L’utilisation de l’artillerie a été absolument nulle, l’officier de tir et le pointeur n’ayant jamais vu le sous-marin. Le tir a été conduit par le 2e lieutenant, Mr Vénitien, officier de tir breveté. Après l’explosion de la torpille, il a vu le chalutier ouvrir le feu sur un objectif invisible. Il a fait ouvrir le feu pendant dix minutes, avec une hausse de 1500 m, portée ensuite à 1800 m sur les points de chute des obus du chalutier. Il a tiré une trentaine de coups. Mais ce tir au hasard ne pouvait donner aucun résultat.
En ce qui concerne l’évacuation et le sauvetage, l’excellent résultat obtenu dans des conditions de temps très défavorables, forte brise et grosse mer, dispense de tout commentaires.
Rôle d’évacuation bien réglé, exercices journaliers effectués, ceinture de sauvetage bien gréées, embarcations amenées en ordre et sans précipitation.
Tout le monde a été sauvé, sauf deux passagers et deux tirailleurs. Cette perte est due au mauvais temps, leurs embarcation ayant été remplie par un paquet de mer lors de sa mise à l’eau. Sang froid et discipline de l’état major et de l’équipage.
Disparus
Passagers civils:
MAZIERES Jean et MAZIERES Pierre (Père et fils) embarqués à Alexandrie
(Requis Ministère de l’Intérieur)
Passagers militaires :
MOHAMED BEN ALI
MOUSSA CARI
Soldats convalescents embarqués à Alexandrie. Provenaient de la base de Port Saïd.
Note de l’Amiral Guepratte
L’amiral Guepratte va envoyer à Paris les rapport du commandant de Saint Seine (BOURRASQUE), du lieutenant de vaisseau Pelle des Forges (torpilleur 361) du maître pilote Blanchard (torpilleur 333) et du commandant de Penfentenyo (NORMANDIE).
Il note au passage que les causes de l’incendie du MOSSOUL sont les suivantes : la majeure partie de la population de l’île de Pantellaria est constituée de relégués, anciens condamnés de droit commun.MOSSOUL étant échoué tout près de la côte, des riverains s’y sont glissés en embarcations et l’ont pillé. Ils ont ensuite mis le feu, soit par imprudence, soit pour masquer leurs méfaits.
Cdlt