Re: Neuropsychiatrie de "guerre" et ses dérives
Publié : ven. oct. 29, 2010 4:42 pm
Bonjour,
Retravaillant sur des documents péchés dans La Presse Médicale des années 15-18 j'ai retrouvé le relevé de conclusions de la réunion faite à Paris en Avril 1916 ,. Devant les complications neurologiques des blessures de guerre dues aux traumatismes crâniens, ou aux atteintes de la moelle épinière, des nerfs périphériques, et après l’installation des Centres de Neurologie par région, les neurologues de tous poils ressentent le besoin de mettre en commun leurs observations et leurs pratiques pour tenter de répondre aux questions que se pose la nation au travers de son Sous Secrétaire au Service de Santé Justin Godard..
Les débats vont durer deux jours en avril 1916. Le fond du problème étant la récupération possible ou non d’effectifs, la problématique de la réforme n’est pas encore si prégnante. on y retrouve les sommités de l’époque Pierre Marie; Babinski, Clovis Vincent.
ci dessous la transcription.
La presse Médicale Jeudi 13 juillet 1916 p 309
Conclusions pratique des réunions de la société de Neurologie de paris et des Centres neurologiques militaires de France et de pays alliés
A la suite des réunions consacrées à la Neurologie de guerre tenues par la Société de Neurologie de Paris avec le concours des représentants des Centres Neurologique Militaires de France et des pays alliés, les jeudi 6 et vendredi 7 avril 1916, sous la présidence de M. Justin Godard, sous secrétaire d’état du Service de Santé de l’armé, la Société de Neurologie de Paris a transmis au Service de Santé les conclusions suivantes, adoptées dans la séance du 29 juin 1916, en exprimant le vœu qu’il en soit tenu compte, dans l’intérêt des blessés nerveux.
1 er question ; La conduite à tenir vis à vis des blessures du crâne Rapporteur M. Pierre Marie.
Les conclusions suivantes résument l’unanimité des opinions émises :
« D’une façon générale , les blessés du crâne ne doivent pas être renvoyés sur la ligne de feu. »
« Les mesures qui s’imposent à leur égard sont ou la réforme temporaire ou l’emploi dans les services auxiliaires de l’intérieur. »
2 e question : La valeur des signes cliniques permettant de reconnaître dans les blessures des nerfs périphériques ; A la section complète d’un nerf, B sa restauration fonctionnelle. Rapporteur M Pitres.
A- En ce qui concerne la section complète d’un nerf, il résulte de l’exposé du rapporteur et de la discussion qui a suivi que, dans l’état actuel de la question, les avis des neurologistes sont encore partagés
B- Pour apprécier le degré de restauration fonctionnelle, on peut recourir à un certain nombre de tests cliniques ; mais on ne saurait leur attribuer, quant à présent, une valeur absolue au point de vue des décision médico-militaires
3e question : Les caractéristiques des troubles moteurs (paralysies, contractures, etc) dits « fonctionnels » et la conduite à tenir à leur égard Rapporteur M. Babinski.
Les conclusions suivantes formulées par M. Babinski ont été adoptées à l’unanimité :
« En se plaçant exclusivement au point de vue des décisions médico-militiares au l’on peut être appelé à prendre, il y a lieu de distinguer, parmi les troubles de la motilité dits fonctionnels ( c’est à dire les troubles de la motilité qui ne présentent aucun signes objectifs par lesquels se manifestent les affections du cerveau, de la moelle et de nefs,ainsi que les lésions du cerveau) :
1° Les accidents hystériques pithiatiques proprement dits.
2 ° Les accidents nerveux nettement distinct des précédents, qui sont liés à des troubles physiologiques réels, dont le mécanisme est encore discutable, mais que l ‘on peut rapprocher des troubles d’ordre réflexe observés à la suite des lésions ostéo-articulaires. Les accidents nerveux répondant à cette deuxième catégorie se présentent sous l’aspect de paralysie ou de contracture plus ou moins complète de type variés. Ils s’accompagnent des signes objectifs suivant qui permettent de les distinguer des accidents nerveux de la première catégorie ; troubles vasomoteurs et thermique accentués et tenaces — exaltation de l’excitabilité mécanique des muscles et parfois même des nerfs — modifications quantitatives de l’excitabilité électrique des muscles sans D.R. — atrophie musculaire — troubles trophiques
articulaires et parfois cutanées. Les contractures appartenant à ce groupe se caractérisent encore par leur résistance prolongée à l’action de la bande d’Emmarch et des anesthésique généraux. Sans qu’il y ait lieu de contester la curabilité des accidents nerveux de cette catégorie, il faut reconnaître que , même traitées dans les meilleures conditions, ils sont parfois très tenaces. Il y a lieu avant toute décision médico- militaire, de soumettre les blessés atteints de cette variété de troubles de motilité à un examen prolongé dans un centre neurologique et de mettre en œuvre simultanément tous les traitements psychothérapiques et physiothérapiques appropriés. Mais, après l’ échec avéré de toutes les tentatives thérapeutiques, il n’y a pas lieu, semble t il, dans tous les cas où la réalité des troubles physiologiques susmentionnés a été bien établie et paraît indiscutable, de prolonger indéfiniment l’hospitalisation. Des congés de convalescence pourront être accordés, mais à condition que les malades , à l’expiration des congés, soient renvoyés aux fins d’examens ou de nouveau traitements dans le même Centre neurologique. Dans les cas tenaces, on pourra proposer une réforme, mais celle ci devra toujours être temporaire.
Il va sans dire que pour les accidents hystériques proprement dits, il y a lieu de continuer à suivre les règles précédemment indiquées.
4e question ; Sur les accidents nerveux déterminés par la déflagration des fortes charges d’explosifs — Rapporteur M. Clovis Vincent
Il a été apporté à cette question un grand nombre de faits documentaires. Leurs interprétations varient suivant les observateurs . La plupart attribuent à l’émotion, le rôle principal. D’autres admettent que la commotion peut déterminer des désordres nerveux et mentaux plus ou moins durable. Il ne paraît pas possible actuellement de proposer une mesure uniforme à l’égard de ces cas de ce genre. Cependant, d’une façon générale, ces cas ne doivent pas être considérés comme incurables.
Si les deux premiers questions ne prête pas a trop de commentaire, par contre les deux dernières vont engendrer des dérives. La plus connue sera le "Torpillage" qui consiste à démasquer , dans la tête de ces messieurs, les simulateurs.
Pour vous faire une idée des procédés et leurs conséquence je vous recommande de poursuivre la lecture de l'article ci dessous paru dans la revue Histoire, économie et société. 2001, 20e année, n°1. pp. 49-64 par Pierre Darmon.
Cela fait froid dans le dos
Retravaillant sur des documents péchés dans La Presse Médicale des années 15-18 j'ai retrouvé le relevé de conclusions de la réunion faite à Paris en Avril 1916 ,. Devant les complications neurologiques des blessures de guerre dues aux traumatismes crâniens, ou aux atteintes de la moelle épinière, des nerfs périphériques, et après l’installation des Centres de Neurologie par région, les neurologues de tous poils ressentent le besoin de mettre en commun leurs observations et leurs pratiques pour tenter de répondre aux questions que se pose la nation au travers de son Sous Secrétaire au Service de Santé Justin Godard..
Les débats vont durer deux jours en avril 1916. Le fond du problème étant la récupération possible ou non d’effectifs, la problématique de la réforme n’est pas encore si prégnante. on y retrouve les sommités de l’époque Pierre Marie; Babinski, Clovis Vincent.
ci dessous la transcription.
La presse Médicale Jeudi 13 juillet 1916 p 309
Conclusions pratique des réunions de la société de Neurologie de paris et des Centres neurologiques militaires de France et de pays alliés
A la suite des réunions consacrées à la Neurologie de guerre tenues par la Société de Neurologie de Paris avec le concours des représentants des Centres Neurologique Militaires de France et des pays alliés, les jeudi 6 et vendredi 7 avril 1916, sous la présidence de M. Justin Godard, sous secrétaire d’état du Service de Santé de l’armé, la Société de Neurologie de Paris a transmis au Service de Santé les conclusions suivantes, adoptées dans la séance du 29 juin 1916, en exprimant le vœu qu’il en soit tenu compte, dans l’intérêt des blessés nerveux.
1 er question ; La conduite à tenir vis à vis des blessures du crâne Rapporteur M. Pierre Marie.
Les conclusions suivantes résument l’unanimité des opinions émises :
« D’une façon générale , les blessés du crâne ne doivent pas être renvoyés sur la ligne de feu. »
« Les mesures qui s’imposent à leur égard sont ou la réforme temporaire ou l’emploi dans les services auxiliaires de l’intérieur. »
2 e question : La valeur des signes cliniques permettant de reconnaître dans les blessures des nerfs périphériques ; A la section complète d’un nerf, B sa restauration fonctionnelle. Rapporteur M Pitres.
A- En ce qui concerne la section complète d’un nerf, il résulte de l’exposé du rapporteur et de la discussion qui a suivi que, dans l’état actuel de la question, les avis des neurologistes sont encore partagés
B- Pour apprécier le degré de restauration fonctionnelle, on peut recourir à un certain nombre de tests cliniques ; mais on ne saurait leur attribuer, quant à présent, une valeur absolue au point de vue des décision médico-militaires
3e question : Les caractéristiques des troubles moteurs (paralysies, contractures, etc) dits « fonctionnels » et la conduite à tenir à leur égard Rapporteur M. Babinski.
Les conclusions suivantes formulées par M. Babinski ont été adoptées à l’unanimité :
« En se plaçant exclusivement au point de vue des décisions médico-militiares au l’on peut être appelé à prendre, il y a lieu de distinguer, parmi les troubles de la motilité dits fonctionnels ( c’est à dire les troubles de la motilité qui ne présentent aucun signes objectifs par lesquels se manifestent les affections du cerveau, de la moelle et de nefs,ainsi que les lésions du cerveau) :
1° Les accidents hystériques pithiatiques proprement dits.
2 ° Les accidents nerveux nettement distinct des précédents, qui sont liés à des troubles physiologiques réels, dont le mécanisme est encore discutable, mais que l ‘on peut rapprocher des troubles d’ordre réflexe observés à la suite des lésions ostéo-articulaires. Les accidents nerveux répondant à cette deuxième catégorie se présentent sous l’aspect de paralysie ou de contracture plus ou moins complète de type variés. Ils s’accompagnent des signes objectifs suivant qui permettent de les distinguer des accidents nerveux de la première catégorie ; troubles vasomoteurs et thermique accentués et tenaces — exaltation de l’excitabilité mécanique des muscles et parfois même des nerfs — modifications quantitatives de l’excitabilité électrique des muscles sans D.R. — atrophie musculaire — troubles trophiques
articulaires et parfois cutanées. Les contractures appartenant à ce groupe se caractérisent encore par leur résistance prolongée à l’action de la bande d’Emmarch et des anesthésique généraux. Sans qu’il y ait lieu de contester la curabilité des accidents nerveux de cette catégorie, il faut reconnaître que , même traitées dans les meilleures conditions, ils sont parfois très tenaces. Il y a lieu avant toute décision médico- militaire, de soumettre les blessés atteints de cette variété de troubles de motilité à un examen prolongé dans un centre neurologique et de mettre en œuvre simultanément tous les traitements psychothérapiques et physiothérapiques appropriés. Mais, après l’ échec avéré de toutes les tentatives thérapeutiques, il n’y a pas lieu, semble t il, dans tous les cas où la réalité des troubles physiologiques susmentionnés a été bien établie et paraît indiscutable, de prolonger indéfiniment l’hospitalisation. Des congés de convalescence pourront être accordés, mais à condition que les malades , à l’expiration des congés, soient renvoyés aux fins d’examens ou de nouveau traitements dans le même Centre neurologique. Dans les cas tenaces, on pourra proposer une réforme, mais celle ci devra toujours être temporaire.
Il va sans dire que pour les accidents hystériques proprement dits, il y a lieu de continuer à suivre les règles précédemment indiquées.
4e question ; Sur les accidents nerveux déterminés par la déflagration des fortes charges d’explosifs — Rapporteur M. Clovis Vincent
Il a été apporté à cette question un grand nombre de faits documentaires. Leurs interprétations varient suivant les observateurs . La plupart attribuent à l’émotion, le rôle principal. D’autres admettent que la commotion peut déterminer des désordres nerveux et mentaux plus ou moins durable. Il ne paraît pas possible actuellement de proposer une mesure uniforme à l’égard de ces cas de ce genre. Cependant, d’une façon générale, ces cas ne doivent pas être considérés comme incurables.
Si les deux premiers questions ne prête pas a trop de commentaire, par contre les deux dernières vont engendrer des dérives. La plus connue sera le "Torpillage" qui consiste à démasquer , dans la tête de ces messieurs, les simulateurs.
Pour vous faire une idée des procédés et leurs conséquence je vous recommande de poursuivre la lecture de l'article ci dessous paru dans la revue Histoire, économie et société. 2001, 20e année, n°1. pp. 49-64 par Pierre Darmon.
Cela fait froid dans le dos