Bonsoir,
J'ai relevé dans "Les mutineries de 1917" de Guy Pédroncini, PUF, 4e édition corrigée, juin 1999, l'ensemble des régiments cités. Le 129e RI est cité aux pages 5, 42, 85, 93, 94, 120, 121, 122, 123, 124, 126, 129, 132, 133, 134, 149, 167, 170, 186, 199, 220, 224, 225, 226, 228 et 284.
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Ci-dessous quelques extraits.
Page 85
"… à Domèvre-en-Haye, le 39e RI (130e DI) crie "Vive le 129e RI ! Vive la Révolution ! "…"
Page 93
"Le jugement que le général Guillaumat porte à la suite de son enquête sur la mutinerie particulièrement grave des 36e et 129e RI nous paraît correspondre davantage à la réalité :
Les officiers ont trouvé commode de rejeter tout le mal sur des organisations de l'arrière qui ne sont certes pas étrangères au mouvement. Mais si ce RI (le 129e) était resté au calme, il n'aurait pas manifesté de sentiments pacifistes. Ceux-ci ne se sont révélés qu'au moment où il s'agissait d'aller se faire casser la figure."
(GQG, 2e Bureau, Carton 2641)
Page 94
"Mais le document la plus révélateur de ce cloisonnement des mutineries, c'est le rapport du général Guillaumat. Enumérant les sanctions à prendre éventuellement contre le 129e RI, il propose son licenciement ou son envoi en Orient, et il ajoute :
Si les événements dont nous ne connaissons qu'un écho très vague (il est même extrêmement fâcheux que le Commandement soit moins renseigné que les hommes sur ce qui se passe dans les armées voisines) sont exacts, il est possible qu'on hésite à prendre une mesure aussi radicale."
(GQG, 2e Bureau, Carton 2641)
Pages 120, 121, 123
"Les graves révoltes de la fin mai
Le 28 mai commençaient en effet, dans plusieurs divisions, des troubles graves qui affectaient d'abord le 5e DI, la "division Mangin", qui était passée aux ordres du général Roig.
Le 28 mai, vers 19 h 30, se forme, à L'Echelle, un rassemblement séditieux de soldats du 129e RI (bataillon Auberge), dans un but de protestation contre la guerre, c'est-à-dire qu'ils refusaient de remonter aux tranchées.
Le commandant Auberge réagit en envoyant quelques officiers pour ramener le calme. Les hommes ont accepté de rentrer en ordre dans leurs cantonnements "en colonne par quatre" et "ayant obéi immédiatement".
Le commandant s'inquiète et s'enquiert des raisons qui ont poussé ses soldats à une telle rébellion. Les réponses qu'il obtient sont précises : leur mouvement n'a pas été dirigé contre les chefs (ils partagent les dangers courus par leurs hommes, qui les estiment), mais contre la guerre, dont on n'entrevoyait pas la fin, et contre les pouvoirs publics qui se désintéressaient d'eux et de leurs familles… Ils ne voulaient plus participer à des offensives qui occasionnent des pertes très lourdes sans aucun résultat… (tandis qu'à Paris) des tirailleurs indochinois avaient tiré avec des mitrailleuses sur leurs femmes.
Les hommes expliquent donc leur soulèvement par toute une série de raisons, à la fois militaires et politiques : ils protestent contre la durée de la guerre et contre les offensives sans espoir, ce qui n'est pas surprenant. Pour la première fois, nous voyons apparaître des critiques ouvertes contre le gouvernement, tandis que les hommes se font l'écho des événements intérieurs.
C'est sans doute cet aspect nouveau qui a frappé le général de Roig qui terminait son rapport en affirmant que le mouvement d'indiscipline du 129e RI est un mouvement uniquement politique… Ce mouvement est organisé. On ne peut songer à le réduire par la rigueur, ce qui certainement amènerait l'irréparable. Il faut donc que la persuasion s'allie à la fermeté.
Mais l'affaire n'en reste pas là : le lendemain, les trois bataillons du 129e RI quittent L'Echelle pour gagner Oulchy-le-Château. A peine installés, un grand nombre d'hommes du 129e RI se portèrent sur les cantonnements du 36e RI dans le but probable de faire du prosélytisme, et le soir, vers 20 heures, le 36e RI se joignait au mouvement. Cela n'a rien d'étonnant : le 129e RI passait pour un régiment bien commandé, bien encadré, le meilleur de la 5e DI. Or, au 36e RI, encadrement et discipline sont infiniment moins satisfaisants : ce régiment s'est donc laissé aisément entraîner, d'autant plus que son état d'esprit était loin d'être parfait. Le 28 mai, en effet, quelques hommes du 36e RI étaient venus à Soissons pour tenter de circonvenir le 17e RI.
Le 30 mai, l'embarquement des 129e et 36e RI pour la région calme de Roye est ordonné. Il ne se réalise pas sans difficultés : au 129e RI, le 1er bataillon refuse d'obéir, au 36e RI c'est la 9e compagnie qui crée des incidents. En cours de route, l'agitation ne diminue pas : les cris séditieux de "A bas la guerre" sont poussés, des tracts pacifistes jetés.
A son tour, le 74e RI entre en effervescence : à Acy, les 30 et 31 mai, des hommes se groupent, chantent l'Internationale, se mettent en état d'insubordination : 4 d'entre aux seront traduits en Conseil de Guerre, 2, condamnés à mort, puis graciés, et 2, avec circonstances atténuantes, à 10 ans de travaux publics.
Quant aux 129e et 36e RI, ils sont mis en observation et les meneurs arrêtés. Le calme revient relativement vite : dès le 3 juin la détente et le retour au calme sont assurés, encore que s'obstinent quelques "mauvais soldats". Un rapport du commisaire Chapuis du 3 juin signalait que les hommes du 36e RI travaillent avec les habitants des trois villages où ils sont cantonnés et qu'ils regrettent leur acte. Ils sont disposés à retourner aux tranchées, pourvu qu'ils n'aient pas à attaquer.
Voilà les faits graves qui se sont déroulés dans deux régiments de la 5e DI : la Justice Militaire a été saisie, pour le 26e RI, de 36 mises en accusation, et a prononcé 13 condamnations à mort (qui furent toutes commuées) ; quant au 129e RI, 22 hommes ont été poursuivis devant le Conseil de Guerre, qui a infligé 3 condamnations à mort, suivies d'exécution.
L'importance attachée à cette mutinerie provient surtout des allures politiques qu'elle a prises ou qu'on lui a données : elle représente pour le commandement la révolte qui lui permet d'appuyer ses thèses sur les origines de la crise."
Rapport du général Guillaumat (à la suite d'une enquête personnelle qu'il fit sur le 129e RI) (2e Armée, Carton 63 ; GQG, 2e Bureau, Carton 2641).
Rapport du général Roig, n° 363. P. O. (Dossier Malvy, CY 35).
Rapport du général Roig du 2 juin (GQG, 2e Bureau, Carton 2641).
Autres notes…
Bien cordialement
Jean-Luc DRON
Tableau d'Honneur 14-18 de L'Illustration sur
http://perso.wanadoo.fr/jean-luc.dron/