Re: Médecin dans les tranchées
Publié : ven. oct. 10, 2008 6:46 pm
14-18 : médecin dans les tranchées
Louis Maufrais : son témoignage est bouleversant. C'est du vécu, du quotidien de toubib dans l'enfer des tranchées. Louis Maufrais avait enregistré sur 16 cassettes sa Grande Guerre sous les bombes, dans le sang et la boue.
Aujourd'hui, grâce à sa petite-fille Martine Veillet, ce témoignage unique sorti d'une boîte à chaussures donne le frisson. Il est une traduction sans fioriture du quotidien d'un praticien qui en a bavé mais a fait son boulot avec une grande lucidité.
Nous sommes à l'automne 1915, à Aubérive, un petit village marnais à la veille de la grande attaque des 24 et 25 septembre. Tout est encore calme à l'infirmerie et les poilus massés dans les tranchées, aidés par la gnole font des projets et pensent dormir la prochaine nuit à Saint-Souplet.
Il y a beaucoup de on-dit sur les Allemands qui y disposeraient de vastes sapes aménagées.
L'artillerie déverse son feu d'acier, les fantassins montent à l'assaut. On voit bientôt arriver les grands blessés sur des brancards ou des toiles de tente nouées. Tout bascule. Les diagnostics sont effrayants.
« Plaies pénétrantes de poitrine, du ventre, plaies pénétrantes du crâne. Un des blessés a la figure comme une boule de sang, la mâchoire inférieure fracassée. Il ne peut plus émettre que des sons inarticulés », résume le docteur Maufrais.
Il se bat contre la mort de ces hommes entamés par les obus et les schrapnells, asphyxiés par les gaz.
En 1915, la trousse de soins ne permet pas des miracles. On nettoie les blessures à la teinture d'iode, on ne peut pas faire de transfusions parce que le matériel n'est pas aseptisé. D'ailleurs, on ignore les groupes sanguins et les rhésus.
Au poste de secours du bois Vauban, Maufrais détaille les horreurs de la guerre avant de préparer l'évacuation des blessés les plus sérieux avec le renfort des brancardiers divisionnaires. Toute la guerre de ce médecin de l'Argonne au Chemin des Dames en passant par Verdun et la Somme est émouvante à chaque page.
Son témoignage est d'une telle précision que l'on comprend comment cet homme a été marqué à vie par ce qu'il a vécu et enduré. Les détails sont terribles.
Après l'explosion d'un obus sur un abri il indique : « On trouve surtout des lambeaux de chair déchiquetée encore chauds et saignants, non identifiables ».
Chaque scène épouvantable est comme un direct entre l'auteur et son lecteur. C'est plus qu'émouvant, bouleversant, vraiment. On retiendra cette remarque lorsque l'Armistice est signé et que le docteur soigne encore un officier allemand parlant le français. Après avoir pris connaissance des clauses de Rethondes, il déclare : « J'ai le regret de vous dire que nous avons gagné la guerre. Non pour le présent, bien sûr, mais pour les années à venir ».
La Deuxième guerre mondiale est déjà en marche.
Hervé Chabaud
Louis Maufrais, « J'étais médecin dans les tranchées », Robert Laffont, 330 pages, 21€.
Louis Maufrais : son témoignage est bouleversant. C'est du vécu, du quotidien de toubib dans l'enfer des tranchées. Louis Maufrais avait enregistré sur 16 cassettes sa Grande Guerre sous les bombes, dans le sang et la boue.
Aujourd'hui, grâce à sa petite-fille Martine Veillet, ce témoignage unique sorti d'une boîte à chaussures donne le frisson. Il est une traduction sans fioriture du quotidien d'un praticien qui en a bavé mais a fait son boulot avec une grande lucidité.
Nous sommes à l'automne 1915, à Aubérive, un petit village marnais à la veille de la grande attaque des 24 et 25 septembre. Tout est encore calme à l'infirmerie et les poilus massés dans les tranchées, aidés par la gnole font des projets et pensent dormir la prochaine nuit à Saint-Souplet.
Il y a beaucoup de on-dit sur les Allemands qui y disposeraient de vastes sapes aménagées.
L'artillerie déverse son feu d'acier, les fantassins montent à l'assaut. On voit bientôt arriver les grands blessés sur des brancards ou des toiles de tente nouées. Tout bascule. Les diagnostics sont effrayants.
« Plaies pénétrantes de poitrine, du ventre, plaies pénétrantes du crâne. Un des blessés a la figure comme une boule de sang, la mâchoire inférieure fracassée. Il ne peut plus émettre que des sons inarticulés », résume le docteur Maufrais.
Il se bat contre la mort de ces hommes entamés par les obus et les schrapnells, asphyxiés par les gaz.
En 1915, la trousse de soins ne permet pas des miracles. On nettoie les blessures à la teinture d'iode, on ne peut pas faire de transfusions parce que le matériel n'est pas aseptisé. D'ailleurs, on ignore les groupes sanguins et les rhésus.
Au poste de secours du bois Vauban, Maufrais détaille les horreurs de la guerre avant de préparer l'évacuation des blessés les plus sérieux avec le renfort des brancardiers divisionnaires. Toute la guerre de ce médecin de l'Argonne au Chemin des Dames en passant par Verdun et la Somme est émouvante à chaque page.
Son témoignage est d'une telle précision que l'on comprend comment cet homme a été marqué à vie par ce qu'il a vécu et enduré. Les détails sont terribles.
Après l'explosion d'un obus sur un abri il indique : « On trouve surtout des lambeaux de chair déchiquetée encore chauds et saignants, non identifiables ».
Chaque scène épouvantable est comme un direct entre l'auteur et son lecteur. C'est plus qu'émouvant, bouleversant, vraiment. On retiendra cette remarque lorsque l'Armistice est signé et que le docteur soigne encore un officier allemand parlant le français. Après avoir pris connaissance des clauses de Rethondes, il déclare : « J'ai le regret de vous dire que nous avons gagné la guerre. Non pour le présent, bien sûr, mais pour les années à venir ».
La Deuxième guerre mondiale est déjà en marche.
Hervé Chabaud
Louis Maufrais, « J'étais médecin dans les tranchées », Robert Laffont, 330 pages, 21€.